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PREMIER LIVRE
DE LA SAVOYE.
A TRESILLUSTRE PRIN-
CESSE MARGUERITE DE
France, Duchesse de Savoye
& de Berry.
VOUS, de la Grece hostesses an-
ciennes,
Qui à present estes Savoisiennes,
Inspirez moy des dons de vostre
Dieu,
Lesquelz je vien rechercher sur le lieu:
Pour mieux chanter l’admirable facture
Des bastimens ouvrez de la Nature,
Et les avis que vous m’avez donnez
Par les hautz Mons que j’ay environnez.
Et toy, sans qui point de los ne merite
Cete entreprise, ô franche MARGUERITE,
Illustre sang du Juppiter François,
Ici convient que Pallas tu me sois,
Et s’il y a Deesse plus prospere,
Representant & les Seurs & le Pere,
A 2

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PREMIER LIVRE
Vu que l’espoir d’icelles tu soutiens,
Et que l’esprit paternel tu retiens.
En ces partours que dire je propose,
Si grand suget, & si divers s’expose,
Que la Nature en confuse beauté
Le jugement de choisir a osté.
Car quand ce vient que l’ouvrage on contemple
Plein de façon, sans patron ni exemple,
On a de quoy les causes en tirer,
En quoy se plaire, & de quoy admirer:
Des hauz sommetz la raison s’imagine,
Pour quoy ilz sont des Fleuves l’origine:
Une eau sans air, tousjours va haut tendant:
Ayant pris l’air, tousjours va descendant:
Et court sans fin, tant qu’elle soit reçue
Au grant giron dont elle estoit issue:
Ainsi la Mer se vide & se remplit,
Et sa rondeur eternelle accomplit.
Pourquoy en haut l’aspre gelee esprise,
Le clair Soleil & ses rayons mesprise,
Et aus lieus bas, où le Soleil n’appert
Si longuement, en moins de tems se perd:
Les raiz luisans, qui libres s’eslargissent,
Sur la campagne, abondamment agissent,
Et à loisir: car leur projection
Sa force accroit par la reflexion:
Mais la hauteur, où le Soleil applique
Ses raiz disjoinz, & de trait plus oblique,
Ne peut garder cete vive chaleur
Si longuement en sa pleine valeur.
Pourquoy d’Eco, dont l’oreille est deçue,
L’eau

DE LA SAYOYE.
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L’eau resonnante est tellement reçue,
Que le passant veut voir à l’approcher,
Si ce ruisseau est dedans le Rocher:
Comme au Miroir la polie verriere
Fait voir l’obget, estant close derriere:
Et comme l’eau ne pouvant transparoir
Outre le fons, fait le mesme apparoir,
Ainsi d’Eco est la voix reboutee,
Quand l’air s’entonne en la Roche voutee:
Et quand les crotz & circuiz caverneus
Rendent le son qu’ilz ont cueilli en eus.
En traversant par les Roches hauteines,
On voit saillir les premieres Fonteines,
Qui donnent nom aux plus petiz Ruisseauz,
Dont s’enflent ceus qui portent les vaisseauz:
On voit comment une eau aquiert sa force
En se mouvant, sans qu’autre eau la renforce,
Par le moyen de son canal, reduit
De plus estroit, en plus large conduit.
Tout ainsi fait la matiere allumee,
Qui au foyer rend bien peu de fumee,
Par le tuyau peu à peu s’epandant.
Cet Air fecond rend les choses diffuses,
Par les vertuz de ses espriz infuses:
Un Vent petit augmente son pouvoir
Au long aler, & la rouë au mouvoir.
Entre les Eaus de la Nature insignes,
Les Lacs parfons sont de merveille dignes:
Les uns sont bas, entre les Mons compris,
Aucuns d’iceus les plus hauz lieux ont pris:
A 3

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PREMIER LIVRE
Des uns les eaus plus que d’autres utiles:
Les uns fecons, les autres infertiles:
Tous peu à peu hors leurs rives sortans,
Et sur leurs bors par ondes reflotans.
Quand en leurs fons tousjours plein se limitent,
De l’Ocean la nature ilz imitent:
Ilz ont des rocz, & des goufres parfons,
Comme la Mer, où n’y a point de fons:
Par où les vens, qui sourdent, & s’augmentent,
Des floz ondeus comme en Mer les tormentent:
Et qui leurs tems & certains signes ont,
Si trop nouveaux les bateliers ne sont.
Et se croit bien que les Fleuves traversent
Par souz les Mons, & que les eaus se versent
De Lac en Lac: qui tousjours abondans,
Sont l’un à l’autre en leurs fons repondans.
Bien devoit estre une telle contree,
Celle où jadis Cireine ouuvrit l’entree
De ses palais moites & caverneus
Au triste filz Aristee, & peneux,
Ayant perdu d’une mort langoureuse
Les beauz esseins de dousseur liquoreuse:
Ell’ luy montra & l’adresse & l’endroit,
Où le devin Protee il surprendroit:
Et eut le soin de le conduire adonques
Par les chemins des humides spelonques,
Dont les detours conduisent par leans
Jusques aux bors des divers Oceans:
Desquels les eaus souz l’areine epurgees,
Et par certains soupiraux degorgees,
Changent leur sel en liquide fraischeur,
Seda

DE LA SAYOYE.
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Sedant la soif, & le chaud dessecheur.
Il vit couler tous les Fleuvves grand erre,
Cler resonnans par dessouz la grand’ Terre:
Or choir en bas, or se hausser amont
Pour trouver l’air à la pointe d’un Mont,
Dont roidement leurs eaus ils precipitent,
Pour arroser ceus qui la terre habitent.
Et leur nourrir les diverses façons
D’arbres, d’oiseaus, d’herbes & de poissons.
Il vit la Seine à la source petite,
D’un mesme nom avec son Fleuve dite:
Qui par Bourgongne, à Chatillon descend,
A Bar, à Trois, où seul ancor’ se sent:
Mais tost apres d’Aube s’estant fait large,
De ses bateauz à Nogent il se charge.
Et vers Provins, Yonne & Loin beuvant,
Et puis Melun & Corbeil abbreuvant,
A Charanton prend Marne dans sa rive:
Et ainsi grand, au grand Paris arrive,
Passant le pont en arches comparti,
Euvre de main d’Architecte basti:
Et puis celuy où tant de moulins tournent:
Et cil ancor’ où les tresors sejournent,
D’or, pierrerie, & labeur martelé:
Mesmes celuy Petit pont appellé.
Puis transcourant la structure seconde
Du pont Seinclou, que luy dresse a Juconde,
Vient à Conflans, où l’Oise perd son nom:
Puis descendant par Mante, & à Vernon,
Au Pont de l’arche, à Rouan, qui commande
Par ses arretz à la terre Normande,
A 4

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PREMIER LIVRE
Aiant receu l’eau salee & les Naufz,
Meurt en la mer des Septentrionnaus:
Loire, qui sort d’Auvergne montueuse
Pour abbrever de son eau fluctueuse
Le long païs des Viles & terrois,
Par ci devant plus frequentez des Rois:
Orleans, Mun, (l’un l’Etude renomme,
De l’autre ancor’ son Poete se nomme)
Blois & Amboise & les beauz jardins vers
De Tours, experte en l’ouvrage des vers:
Schinon, Saumur: puis de course plus basse
Dessouz les Pons de bois conjoins il passe,
Aupres d’Angers, là où le Droit s’aprand.
Au mesme lieu les trois Fleuves il prand,
Meine, & le Loir, & nostre Sarte ensemble
Et les trois noms des Poetes assemble.
En fin ce Pere, à Nantes va souz Mer,
Lui & tous ceus qu’il boit, se consommer:
Garonnes, issant des Mons confins d’Espagne,
Qui de ses floz pierreus Toulouse bagne:
Et abbreuvant les Gascons d’Agenois,
Chet à Bordeaus, teste du Guyennois:
Où la Dordonne avec elle meslee,
De l’eau des deus Gironde est apellee,
Dessus Lermont: où la Mer reflotant,
A Blaye vient, son court nom luy ostant:
Le Róne ayant des froiz Grisons sa source,
Qui par le lac Leman passe de course,
La calme Sóne à Lyon enlevant,
Et puis les murs de Vienne lavant,
Se va

DE LA SAYOYE.
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Se va enfler d’Isere, ja plus noble
D’avoir passé au travers de Grenoble:
Puis descendant entre Tein & Tournon,
Court à Valence, Etudes de renom:
Et par l’Oriol abbreuvant la campagne
Du Vivareis, Montelimar il bagne.
De là, ayant transcouru son tiers pont,
Va arrouser la Cité qui repond
Au Rommein siege: où passant souz les arches
D’euvre massif, il entre sur les marches
De la Prouvence: Et la Sorgue avalant,
Claire du Poete à sa Laure parlant,
Boit la Durance, & le Gard, qui bruit meine
Du triple pont de structure Rommeine:
Puis entredeus Beauquere departant
De tarascon, & tantost s’ecartant,
L’un de ses bras par Arles il transporte
Dedans la Mer: l’autre pres d’Aiguemorte:
Et à l’entrer, l’eau dousse, murmurant,
Contre le sel va longuement durant:
Mais l’Archipel, quoy qu’un tems il la soufre,
Et sa dousseur & tout son bruit engoufre.
Là le vaisseau du Pilote inexpert
Et hazardeus, souventes fois se perd.
Or laissons là le cher filz de Cireine,
Et la contree humide souzterreine,
Et son Protee: apresent nous aimons
La liberté des eaus, & l’air des Mons.
Dedans le Lac, que le Bourget denomme,
Le Lavavert friand, seul se renomme,
A 5

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PREMIER LIVRE
Haran d’eau dousse, & vivant tout à part,
Mort aussi tost que de l’eau il depart.
Là le Heron vole haut, & crie aigre:
Là est l’Arlette au corps plumeus & maigre,
Qui d’œil agu va sa proye chassant,
Et à fleur d’eau la ravit en passant:
Le Cormoran, qui jusqu’au fons transperse,
Pesche la Truite au milieu de l’eau perse:
Ayant son corps aussi pront mouvement,
Comme son œil regarde vivement.
Dessus ce bord est la fameuse tombe
Des Ducs defuns, deserte Hautecombe,
Fondee en biens, & en murs erigez:
Ceus là bien pris, & ceusci negligez.
Là par merveille une eau du roc devale
Endroit midy, gardant un intervalle
D’arrest & cours, par tems alternatiz:
Qui souz la pierre ainsi sont departiz
Que l’eau, qui sort par floz & à la foule,
Chet en la cuve, & à loisir s’ecoule:
Et ce pendant la source s’intermet,
Puis tost apres autant y en remet.
Ainsi se fait l’Euripe par reprises,
Souz le resort du roc si bien comprises,
Que les humains artifices n’ont pas
Leurs manimens de plus juste compas.
Et de cete eau la terre proche imbue,
Fait un marais, où est l’Islette herbue,
Qu’on voit nager lors qu’il y a grand’eau,
Par là dessus, ainsi comme un bateau.
Une autre Islette au petit Lac mouvante
De Ce

DE LA SAYOYE.
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De chevelu, montre quel cartier vente:
Car là-dessus s’est un arbre produit,
Qui sert de voile au vent qui la conduit.
Tant qu’on voudra, l’Egiptienne féve
A fleur du Nil s’enracine & se léve:
C’est une mote, où la semence on met,
Et qu’à cete eau limonneuse on commet:
Mais ici l’eau fournit sa couverture
Sans aide aucun, de terre & de verdure,
Qu’elle sait bien meintenir & nourrir,
Tant il s’en faut qu’el’ la doive pourrir.
Ainsi les faitz de Nature procedent,
Et l’un à l’autre evivemment succedent.
Bien l’Air de l’Eau se doit faire aisément,
Puis qu’il s’en fait le plus gros Element:
Ainsi tousjours les quatre qui varient
Leur mistion, & tant se contrarient,
Font un accort sans fin, en s’embrassant,
Et par entr’eus les sustances brassant.
Bien se connoit celle ouvriere altissime
Avoir transmis ces sources à la cime,
Tant pour les Mons nourrir & humecter,
Qu’aussi pour l’homme en profit delecter,
Quand au milieu des plus hautes Montagnes
Ell’y a mis prayries & campagnes,
Donnant à l’homme exercice à propos
D’utilité, de peine & de repos.
Et quand ce vient que le Soleil remonte,
Portant l’Esté, qui les froidures domte,
Vous y avez blez & herbages vers,
Qui ont esté souz la blancheur couvers,
Incon

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PREMIER LIVRE
Incontinent que les Neiges pendues
Par le Soleil des Jumeauz sont fondues:
Dont les ragaz & brouillons ravineus
Portent les Rocz par le val ruineus.
Tant ne se montre outrageus un grand Fleuve
En plein hyver, quoy que long tems il pleuve,
Qu’en plein Eté, le murmureus Torrent
Au dépourvu implacable se rend.
Par là se font les petites Rivieres
En peu de tems intraitables & fieres.
Que si ancor’ l’air de pluye est troublé,
Le grand debord horrible est redoublé.
Le cours errant des Usses, qui derive,
Sable & caillous roulant par fons & rive,
Les passans naye en son gué decevant,
Que l’on passoit à l’aise un peu devant.
Et le Torrent, à qui l’horreur bruitive
Avoit fait nom: mais la tourbe creintive,
Pour l’appaiser, par un accord de tous,
De Nant bruitif, l’a changé en Nant dous.
Mais qui dira les bruyantes ondees,
Et les frayeurs de ces eaus debordees?
Lors que se romt le grand monceau glacé,
Qui sert de bonde à l’estang amassé?
Dont la ravine horrible & furieuse,
Tout à un coup faite victorieuse,
Gete à l’enuers ce boulvar remparé:
Et par l’ouvert qu’elle s’est preparé,
Sort en façon d’une Montagne ondeuse:
Et diroit on, à l’issue hideuse,
Qu’alors alors se doivent deplacer
Les Mons

DE LA SAYOYE.
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Les Mons massifz, pour la laisser passer:
Quand les Rochers elle heurte & arrache,
Et les roulant, en telz coins les attache,
Que par apres on pense qu’en ces lieus
Ilz ont esté depuis les siecles vieus.
Par ce deluge afreux, epouvantable,
En peu de tems, pour long tems lamentable,
S’en vont aval les beuz & les cloisons,
Les habitans avecques les maisons.
Par ces Vallons, les rivieres neigeuses
Sont aus humeins presqu’en tout dommageuses:
Troubles par tout, & froides sont les eaus,
Nuisans au corps, sans poissons, sans oiseaus.
Mais au moyen des conduites lointeines,
Par les tuyaus arrivent les Fonteines
Aus lieus Bourg’ois. Savoye, sans cela,
Auroit le moins de ce que plus ell’a.
Et ceus qui n’ont des Fonteines l’aisance,
Estant contreins de boire, par usance,
L’eau des Torrens, bien peu y a d’entr’eus,
Que l’lon ne voye en devenir goitreus.
Courantes Eaus, dont l’eternelle fuite
Meintient son cours d’invariable suite,
Bien est le lieu fecond, dont vous saillez,
Vu qu’en courant jamais ne defaillez:
Bien grand l’ouvrier qui vous a assurees
Dans voz canauz, & de Rocz emmurees,
Pour affermir & de veines & d’os
A cete Terre & le ventre & le dos.
On voit à l’œil, par votre force exquise
La vraye essence aus choses estre aquise:
Vous te

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PREMIER LIVRE
Vous temperez des corps les grans exces
S’ilz sont trop chauz, ou bien s’ilz sont trop secz:
Vous avancez les herbages qui croissent,
Et tous les fruiz qui sur terre paroissent,
Les minerauz souz la terre logez
Sont tous par vous premierement forgez.
Mesme en passant par les mines veineuses,
Vous apportez aus rives areineuses
De l’or exquis les greins perlez & blons,
Entreluisans par l’obscur des sablons.
Que si l’Espagne un Tage jaune extolle,
Frigie un Herme, & Lidie un Pactole:
Bien peut Savoye avoir mesme renom
Pour ses Ruisseauz, qui s’or ont pris le nom.
Mesme le Róne a son areine blonde
Par ses confins. Ainsi Savoye abonde
Des dons divers, qui sont particuliers
Aus regions pour grans & singuliers.
Par l’Ocean & par vous, la grand masse
A se mouvoir sa pleine force amasse:
Puis les deus clairs Elemens d’alantour,
Plus vivement accomplissent le tour:
Et vous rentrant en la Mer qui vous pousse,
Ne la croissez, & ne la rendez dousse,
Elle gardant tout’ une sa rondeur,
Son mouvement, sa saveur & grandeur.
Que dirons nous de la Neige qui tombe
En un monceau, tout le long de la combe?
Quand par les Vens arrachee elle part,
Ou quand le chaud par dessouz la depart:
Voire & convient que les passans avisent
De ma

DE LA SAYOYE.
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De marcher coy, & qu’entr’eus ne devisent,
Et a l’lon vu (merveille) au seul parler
La Neige rompre, & en bas devaler:
Soit que la voix, qui à l’air donne branle,
La pesanteur ja ruineuse ebranle:
Et que l’effort du marcher pesamment,
Jusques au lieu monte continemment.
Ainsi s’en vient la masse à la renverse,
Qui son lourd fais tout aval bouleverse:
Non qu’au partir ell’ait si grand’ durté,
Mais en roulant, de son pois aheurté,
Amasse en rond tousjours Neige recente,
Si tost, si fort, de si longue descente,
Que du fracaz qu’ell’va par l’air donnant,
De loin cuidez ouir le Ciel tonnant,
Ou ce qui semble à la celeste foudre,
L’horrible son de la machine à poudre:
Cete Lavanche au choir se vient ouvrir
Au heurt des rocz, & tout le val couvrir:
Ou (qui la foy de l’ouye surmonte)
Ce fais massif venu aval, remonte
Contre le Mont opposite estendu,
Presqu’aussi haut qu’il estoit descendu.
N’a l’lon pas vu cete boule massive
Se rebondir d’une force excessive
Vers l’autre Mont? & avoir acrasez
Les vilag’ois es hauz lieus accasez?
Et si le son est hideus & horrible,
Le souflement est bien aussi terrible,
Quand les tronsons des gros Sapins branchuz
Deracinez, du seul vent en sont chuz
Or a

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PREMIER LIVRE
Or avient il que ces Alpes chenues
A l’œil lointein ont semblance de Nues:
Car un corps clair, de pres a autre egard,
Que quand il est distant & à l’ecart:
Et les couleurs, qui semblent bien natives
En l’Arc du ciel, ne sont que putatives:
Les Nues mesme ont leur convexité
Par apparence, & non par verité.
Car l’air moyen, par la vigueur solaire
Gros ou futil, & l’espace oculaire,
Rendent ce sens, qui voit, ou pense voir,
Sur tous les sens facile à decevoir.
Quant au Soleil, qui semble pale ou rouge,
Grand ou petit, jamais pourtant ne bouge
D’un ferme estat: & la Lune souvent,
Qui nous promet chaud, froid, ou pluye, ou vent,
Se montre blesme, ou rouge, ou orangee:
Bien que jamais elle ne soit changee,
Fors quand la Terre en ses defauz hideus,
Fait du Soleil & d’elle l’entredeus.
Ancor, des Mons la face nous expose
L’estat de l’Air auquel il se dispose:
Souvent en haut on voit s’amonceler
L’air vaporeus, & là se congeler
Tout alantour, & s’en faire une Nue,
Qui au milieu du Mont est retenue:
Et qui voudra par fois prendre le soin
De la juger de pres comme de loin,
Il trouvera, quand par là il traverse,
Cete vapeur estre bien peu diverse
D’une rosee: Et lors que l’epaisseur
Est ac

DE LA SAYOYE.
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Est accomplie en sa juste grosseur,
S’elle de soy est aquatique toute,
Force sera qu’en pluye elle degoute:
Mais s’elle n’a que du seul vaporeus,
Se resoudra au Soleil chaleureus.
Si quelque fois laissant la Nue basse,
Jusqu’au plus haut de la Montagne on passe:
L’air tout serein au dessus on peut voir,
Et au dessouz en mesme tems pleuvoir.
Or qu’alantour de ces Montagnes creuses,
Par soupiraus les humeurs vaporeuses,
Qui la dessouz ont long tems reposé,
Saillans en l’air, le facent disposé
Au chaud, au sec, ou a chaque contraire,
Bien, il s’en peut ferme raison extraire:
Mais que d’une eau, d’heure en heure expirant
L’humeur en l’air, qui la va attirant,
Puisse saillir une vapeur si preste,
Qui tout autour emeuve la tempeste,
Quoi que du lac de Beaufort il soit dit,
Vers les disans j’en laisse le credit.
Entre ces Mons on voit trois droites pointes
D’une hauteur, jusques aus Nues jointes,
Qu’Ulles on dit: & de ces trois Rochers,
Semble de loin que ce soint trois clochers:
Qu’on ne sut onq atteindre jusqu’au feste,
Tant est ardue & pointue leur teste:
Sinon qu’a pair sont les Mons, ce dit l’lon,
Du Galibier, & de Rochemolon.
Tous les surpasse ancores le Montuise,
Planté au lieu, qui Dauphiné divise
B

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PREMIER LIVRE
Du Marquisat: & le Pau qui en sourd,
Se perd souz terre un tems, puis se resourd.
Mais qui croiroit devoir estre egalees
Par trait de tems, les Roches & vallees?
Les comparant ensemble, l’lon diroit
Qu’auparavant le monde finiroit.
On voit les Rocz neantmoins qui se rompent,
Et par le tems se fichent & corrompent:
" Ce qu’en un lieu la Nature defait,
" De mesme suite ailleurs elle refait.
Ne voit on pas une Colline ostee,
Et d’une assiete en autre transportee,
Pres Maurienne, où l’eau tant la mina,
Que toute entiere aval l’achemina?
Comme jadis le Róne qui tout ronge,
Dedans Vouache, es confins de Coulonge,
Fit deplacer un tertre tout entier,
Arbres & tout, en un autre cartier.
Pres Anecy une Montagne mise
Au bord du Lac, s’est peu à peu souzmise:
Et les chasteaus, que voir on ne pouvoit
De bord en bord, or aisément on voit.
Puis regardant par ces Montagnes grosses
Les Rocz pendans, les voútes & les fosses,
Où vous creignez quand vous passez aupres,
Les grans cartiers qui à tomber sont pretz,
On peut juger que tant de places vides,
De se remplir selon nature avides,
Rendront en fin ces monceaus atterrez:
Ou les fors Vens là dedans enserrez,
Faisans trembler la masse terrienne
Eprouvé

DE LA SAYOYE.
19
(Eprouvé l’as nagueres, Maurienne,
Et toi, Moutier, tant de fois l’as senti)
Applaniront le fais appesanti.
Et de Mians les abiz en font preuve,
Par le debriz, qui ça & là se treuve:
Quand du Rocher la grand’cime partit,
Et tant de Bours en abime abbatit.
Les fortes eaus, qui leurs couses alongent,
De jour en jour les Mons cavent & rongent:
Qui contreindront, à force de miner,
Le grand amas en fin de ruiner.
Que dirai plus? les Montagnes n’echapent
L’effort cruel des hommes qui les sapent,
Pour arracher l’or au ventre caché,
Avec le fer, qui en fust arraché.
Et les Metaus, qui es mines demeurent,
Sont bons témoins des Rochers qui se meurent:
Dont le terrestre au long tems se mang’ant,
En autre corps plus fin se va chang’ant.
Qui plus de l’air & du feu participe,
Qui de la terre, & plus tost se dissipe:
Qui aisément est fondu & plié,
Et qui d’humeur aquee est plus lié:
Pois, fermeté, & couleur, sont les formes,
Qui par entr’eus les font estre diformes,
Selon qu’est l’air & le Soleil actif,
Et l’eau passant par le terroi natif.
Ilz sont long tems cachez dans la matrice,
Autre long tems traitez souz la nourrice,
D’humeur, de sec, plus ou moins durcissans
D’air & de feu plus ou moins claircissans.
B 2

20
PREMIER LIVRE
Mais qui dira la grand’temperature,
Et le savoir, dont maitresse Nature
Les cuit, les trampe & forge de sa mein,
Laissant la reste à l’exercice humein?
Ancor’ voirrez les pierres transparentes
Dedans les Rocz, de formes differentes:
Safirs, Cristaus, Diamans reputez,
Contentans l’œil, s’ilz avoint leurs durtez.
Et bien souvent l’ouvriere qui les trie,
Les a taillez d’une telle industrie,
Que la planure & lignemens sutilz
Feroint bien honte à l’Art & ses outilz.
Ainsi les Rocz en corps se convertissent
Plus fins & clairs, & tousjours s’appetissent:
Ainsi les Mons par tems deviendront pleins:
La terre, mer: & les lieus vides, pleins.
De ces Rochers la rudesse diforme
Par art humein a reçu autre forme,
Rememorant & l’ouvrage & les meins
Des anciens, & mesme des Rommeins:
Qui retrouvans les choses memorables
Es lieus remuz, les rendoint honorables.
Vivier en a piliers & chapiteaus,
Tombeauz gravez avec leurs ecriteaus:
Mais la durté du long tems, qui varie,
Et qui les ars reduit en barbarie,
Les beauz labeurs des monumens poliz
A deplacez, brisez & demoliz:
Et les ecritz de compassees lignes,
Mis a l’envers aus coins des chams & vignes:
Rien ne restant de l’artificiel,
Sinon

DE LA SAVOYE.
21
Sinon un peu de superficiel.
Ainsi l’Envie oublieuse, gourmande
Les faitz humeins, & a mepris les mande.
Puis delaissant l’homme a s’evertuer
Ne peut ses faitz, ne soi perpetuer.
Mais la Nature enseignee sans maistre,
A delaissé l’eau des Beins en son estre
D’Ais la pierreuse, où les peres avoint
Mis leur final, du tems qu’ilz s’y lavoint:
Des chaudes Eaus s’y retreuvent les cuves,
Pour survenir des salubres estuves
Aus languissans, par deus effetz, dont l’un
Retient du soufre, & l’autre de l’alun.
Tele devient l’eau qui a eté dousse,
Passant les lieus, où la froideur repousse
Le chaud au fons, qui tempere & qui cuit
Le naturel du terroi qui l’ly duit.
Là les Serpens, des creus sans nombre sortent,
Que sans danger au sein les enfants portent:
Car du terroi mineral la tiedeur,
Leur amortit du venin la froideur.
Or qui diroit tant de sentiers qui virent
Parmi ces Mons abrupz, que jadis firent
Les durs Bergers, ça & là traversans,
Pour chercher l’herbe à leurs montons paissans?
En ces contours, les Vens, qui l’air noircissent,
De gel tranchant, les visages gercissent:
Là le passant mal se peut tenir droit,
Lors qu’en entrant par le passage etroit
Des deus Rochers, soudein lui vienent contre
Les tourbillons, à la foule & rencontre,
B 3

22
PREMIER LIVRE
L’envelopans: dont l’effort orageus
Plus a d’obstacle, & plus est outrageus.
Quand vous montez, vous semble que la cime
Soit cellela que votre vuë estime:
Mais à voz yeus souvente fois deçuz,
Tousjours se montre un plus haut lieu dessus:
Puis en passant par ce chemin sublime,
Vous entendez, ainsi que d’un abíme,
De ces Torrens les bouillons depiteus
Contre les Rocz qu’ilz trouvent devant eus.
En ce haut Ciel, un air qui regne & vente,
Voz sens nouveaus etonne & epouvente,
Qui travaillez, regardant contre bas
A rassurer votre oeil & votre pas.
" Ardens desirs, qui les hommes affolent
" D’aler plus haut que les oiseauz ne volent.
Quele horreur c’est, quand le Rocher pendant
Est de tous tems sa ruine attendant,
Et que les Vens, qui là haut se depitent,
Rompant le fais, en bas le precipitent,
D’un tel randon & fraieur, qu’en cheant,
Vous fait sembler la Montagne au Geant,
Qui blaphemant[sic] les Dieus & la machine,
Secoút le fais qu’il a dessus l’echine:
Dont les cartiers ebranlez de leur pois,
Font retenir la valee & les bois.
O quantes fois, si à autre heure ilz chussent,
Le laboureur aus chams acablé ussent!
Ces Montagners, du Ciel sont regardez,
Et de ces hauz precipices gardez:
Alez y voir, & vous voirrez où meine
La cou

DE LA SAVOYE.
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La couvoitise & la pratique humeine,
D’avoir osé mettre le pie es lieus,
Qui de ça bas donnent horreur aus yeus:
D’avoir rendu la hauteur accessible,
Ce qu’à la voir, ne sembloit point possible:
Mesme avoir fait par frequentation,
Des lieus perduz, lieus d’habitation.
Soint tant qu’on veut, les Montagnes ardues,
Les voyes soint par la Neige perdues:
Si avez vous au haut & au milieu
Vilages meintz, bastiz de lieu en lieu.
Cete hauteur, en partour suspendue
Fait le païs de plus grand’ estendue:
Aussi est il plus peuplé & garni,
Que s’il etoit en campagne applani.
Merveille grand’, ces lieus tous pleins d’aspresse
Et de travail, ont toutesfois la presse
De ceus qui sont l’an tout entier contens,
Pourveu qu’il viene un seul quart de bon tems.
Et toi, Bessan penetré de la Bize,
Et Bonneval, où l’Arc sa source à prise,
Voz habitans sont aus froides saisons,
De Vens & Neige assiegez es maisons:
Et leur famille ainsi emprisonnee,
Vit demi an du pein d’une fournee.
Contre le Vent ilz usent pour chassis,
De clairs glaçons es fenestres assis.
Et toutefois cete terre native
Leur est si dousse, & si recreative,
Que ne pensans autres endroiz meilleurs,
Onques n’ont eu desir de vivre ailleurs.
B 4

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PREMIER LIVRE
Puis quand ce vient que les Jumeaus rapportent
Le beau Soleil, de leur fumiere ilz sortent,
Pour voir le Ciel, qu’quilz n’avoint veu depuis
Quatre ou cinq mois, sinon du fons d’un puis.
Vous les voirriez la face bazanee,
Mener beufz gras & moutons d’une annee
Vendre au marché chevreaus, fourmages, euz,
Et rapporter de beaus testons tous neuz.
Une autre assiete etreinte de gelee,
Ceus du païs Glacier l’ont appellee,
Detroit horrible, en long & parfondeur
Tout endurci d’eternelle froideur.
Des que les Mons vindrent à apparoitre,
En mesme tems ce gel y vint à croitre:
Et peu à peu ces Rochers de glaciz
Maugré l’Esté se sont faitz plus massiz.
Je ne crois pas que les Hiperborees
Soint transpercez de plus aspres Borees:
Car le Soleil, qui en un temps s’y tient
Tousjours levé, quelque Esté y meintient:
Mais en ce lieu, dont l’horreur glaciale
Va depitant l’ardeur solstitiale,
N’y a rondeur, ny forme d’orizon:
Le jour y est comme en une prison:
Et si n’y a en l’etroite contree,
De tous les Vens, que pour la Bise entree,
Au long des Rocz, desquelz le haut sommet
Luire entredeus au Soleil ne permet.
Ce lieu pourtant ne s’est pas pu defendre,
Qu’en meintz endroitz ne soit contreint de fendre:
Car l’eau coulant’ dessouz l’a dilaté,
Et des

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Et des le fons ouvert & eclaté,
Par la tiedeur que la froideur regete
Encontrebas, & la y tient sugette:
Mesme les creus qu’ell’ a au large ouvers,
Sont de verdeur, tous tems de l’an, couvers:
Le Bouquetein souz cete large voute,
Gros & cornu, l’herbe páture & broute:
Le sang duquel, est celuy entamant
La pierre aus reins, & le dur diamant.
Et toutefois l’abineuse fendace,
Le vent, l’hyver, cede a l’humeine audace,
Avec crampons acerez franchissant
Ce dur chemin perilleus & glissant.
" Que voulez vous? la trop active envie
" De trafiquer, ne respecte sa vie:
" Quand ell’ estime un long chemin plus grief,
" Quoi qu’il soit seur, qu’un dangereus & brief.
Ces Mons arduz etoint les justes termes,
Que la, Nature avec fondemens fermes
Avoit donnez, pour separations
De Ciel, de meurs, de langue, aus nations:
Qui toutefois leur laissa des traverses
Assez à point, pour traiter leurs commerces,
Pour s’entrevoir: brief, teles qu’il sufit
Aus couvoiteus de plaisir & profit.
Mais quele ardeur, ou plus tost quele rage,
De l’Afriquein anima le courage,
Quand pour passer son equipage gros,
Avec vinaigre & feu brisa les Rocz?
Pour envahir la terre separee,
Dont la retraite est si mal preparee,
B 5

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PREMIER LIVRE
Que bien peu vaut, ou rien, au bon soudart,
En ces detroitz vertu de main ou d’art.
Quelz appetiz de victoire implacables
Ont attelé tant de chars & de cables,
Pour y guinder ces canons renforcez
Par haut, par bas, par torrens & fossez ?
Au grand Rommein, né à la monarchie,
Dont fut souvent cete bourne franchie,
Coúta bien cher par tems & par hazars,
A donner nom à tant d’autres Cesars.
Oh si n’étoit le grand deul qui m’empesche,
Je conteroi’ plus d’une perte fraische
Des deus passans, montrant que l’entredeus
Etoit posé expres pour chacun d’eus.
" Mais qui rendra les cueurs hauteins dociles
" A leur repos? les choses difficiles
" Sont seul objet du regne pretendu,
" Qui ne leur est jamais trop cher vendu.
Les Savoyens, que l’avarice honneste
Journellement aux travaus amonnestes,
Estans en paix, voyent les estrangers
Alans, venans, aveuglez aus dangers.
Ilz sont chez soi, & pour durer endurent,
Regardans ceus qui pour endurer durent.
" Bon est le lieu, auquel tel comme on naist,
" On vit content d’estre cela qu’on est.
Mais quoi? mes vers en ce lieu se lamentent,
Que les malheurs du Siecle les dementent,
Quand le venin des proches regions,
A penetré par ses contagions
Les Mons espais, rompant par sa malice
Bournes

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Bournes, rampars, Nature & sa police:
Rendant les bons malicieus & fins,
Plus que ceuslà qui sont hors leurs confins.
Et toutefois de peur que je n’accuse
Moimesme à moi, mon oeil propre j’abuse,
En defendant au cueur, d’ajouter foi
A tout cela que je sen & je voi:
Et bien souvent en cet erreur souhaite
A haute vois, devenir de Poete,
Le Laboureur qui cultive le val
Du froid Bessan, ou bien de Bonneval:
Pour n’avoir point les ennuiz qui me cuisent,
Ni les avis qui mon espoir detruisent:
Pour avoir paix, & demeurer agré,
Chang’ant de nom, de vie, & de degré.
O fol propos! que pense je? & que di je?
Oh en quel lieu mon esprit se redige!
Quand je me veú vanger de mon emoi,
Pour meilleurer l’etat d’un autre moi!
Ce mien souhait, & l’obtinse je ancores,
Ne seroit pas pour cil que je suis ores:
Car moi etant un autre devenu,
J’auroi’ pour lui mon desir obtenu.
" Bien veins desirs: & bien fol qui desire,
" Quand en cent pars son cueur romt & dessire[sic]:
" Rien n’est plus vein, qu’en cuidant eviter
" Ce qui deplaist, soimesme se quiter.
Cesse tes pleintz, & à toi te compare,
Et de ton fort toimesme te rempare:
Pourquoi fuiz tu? Si tes rong’ans travaus
Tu as en croupe & par mons & par vaus?
Seroit

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PREMIER LIVRE
Seroit ce pas bien fole fantaisie,
D’avoir ta paix & liberté choisie
Dedans les lieus distraitz, & neantmoins
De tes chagrins les prendre pour témoins?
Lieus detournez, hauteurs precipiteuses,
Froid païsage, & voies raboteuses,
Là où quant plus l’oeil se trouve arresté,
Plus a d’espace, & plus de liberté:
Vangeurs esluz de ma solicitude,
Qui mesme avez trop peu de solitude,
Si ce n’etoit que des lieus separez
Je vá cherchant tous les plus egarez:
Si parmi vous ancores n’est la macule
Du sang Civil, duquel je me recule,
Ayant refuge aus asiles sacrez,
Fuiant les lieus poluz & massacrez:
Et toi, Eco, à qui mes vers raisonnent,
De qui les fins distinctement resonnent,
Fidele issue à mes plus justes criz:
Et toi, dieu Pan, témoin de mes Ecriz:
Vous, Demidieus, & vous, Nimphes compagnes,
Et vous, ô Seurs, habitans ces Montagnes,
Ferez vous point par vos uniz accors,
Quelque Genie amoureus d’un seul cors,
Lequel rempli de votre faveur, entre
Dedans ce rond, duquel je tien le centre,
Et dont les traitz loin de moi estenduz,
De toutes pars dedans moi soint renduz?
Nature grande, universe & commune,
Toute par tout, innumerable & une,
S’il est ainsi, que de toi j’aye ouvert
Ce qu’en

DE LA SAVOYE.
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Ce qu’en ces Mons etoit clos & couvert,
Si autrefois, quand je t’ay imploree,
Tu as soufert de moi estre honoree:
Si tu connois que j’aille meilleurant,
Pour le devoir de ce mien demeurant:
Brief, si je suis de toi quelque parcelle,
Et de ton feu quelque vive estincelle,
Estant epoint des aguillons de toi,
Quand je te sen, je t’avise & je t’oi,
Qui as planté en moi selon ma sorte,
Ce qui de moi est possible qui sorte,
Entretien moi de ton mieus, & ton plus,
Si t’en rendrai le conte & le surplus:
Elargi moi, & donne pour reprendre:
Car à la fin que te pourrai je rendre,
Sinon cela dont tu voudras m’orner,
Pour deverstoy plus entier retourner?
Assure moi au moins de quelque grace,
Pour tout cela qu’a ton honneur je trace:
Tant que par toi mon dessein prosperé,
Trouve le but tel que j’ai esperé.
SECO