Champ fleury, Paris, 1529

Bibliothèques Virtuelles Humanistes - Bibliothèque municipale de Blois


CHAMP
FLEURY.


Au quel est contenu l’Art & Science
de la deue & vraye Proportion des Let
tres Attiques, qu’on dit autrement Let-
tres Antiques, & vulgairement Let-
tres Romaines proportionnees selon
le Corps & Visage humain.


Ce Livre est Privilegie pour Dix Ans
Par Le Roy nostre Sire. & est a ven-
dre a Paris sus Petit Pont a l’Enseigne
du Pot Casse par Maistre GeoffroyGeofroy
Tory de Bourges / Libraire, & Au-
theur du dict Livre. Et par Giles Gour-
mont aussi Libraire demourant en la
Rue sainct Jaques a l’Enseigne des
Trois Coronnes.



PRIVILEGIE POUR DIX ANS.


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Première publication : 20/07/2010
Dernière mise à jour : 19/03/2014


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[A1v]


Ce toutal Oeuvre / est divise en Trois Livres.


Au Premier Livre / est contenue l’Exhortation a mettre & ordonner la Langue
Francoise par certaine Reigle de parler elegamment en bon & plussain Langa-
ge Francois.


Au Segond est traicte de l’Invention des Lettres Attiques, & de la conferen-
ce proportionnalle d’icelles au Corps & Visage naturel de l’Homme parfaict.
Avec plusieurs belles inventions & moralitez sus lesdittes Lettres Attiques.


Au Tiers & dernier Livre /sont deseignees & proportionnees toutes lesdictes
Lettres Attiques selon leur Ordre Abecedaire en leur haulteur & largeur / cha-
scune a part soy. en y enseignant leur deue facon & requise pronunciation La-
tine & Francoise, tant a l’Antique maniere / que a la Moderne.


En deux Caietz a la fin sont adjouxtees Treze diverses facons de Lettres. C’est
a scauoir. Lettres Hebraiques. Greques. Latines. Lettres Francoises. & icelles
en Quatre facons, qui sont. Cadeaulx. Forme. Bastarde, & Torneure. Puis en-
suyvant sont les Lettres Persiennes. Arabiques. Africaines. Turques. & Tar-
tariennes. qui sont toutes cinq en une mesme Figure d’Alphabet. En apres sont
les Caldaiques. Les Goffes, qu’on dit autrement Imperiales & Bullatiques. Les
Lettres Phantastiques. Les Utopiques, qu’on peut dire Voluntaires. Et fina-
blement Les Lettres Floryes. Avec l’Instruction & Maniere de faire Chifres
de Lettres pour Bagues d’or. pour Tapisseries. Vistres, Paintures / & autres
chouses que bel & bon semblera.


Cy pres s’ensuyt le double du Privilege donne par le Roy nostresire a Maistre
GeoffroyGeofroy Tory de Bourges Libraire & Autheur de ce present Livre demorant
a Paris. Pour ses Histoires, Vignettes, Frises, Bordeures. Coronnemens. Entre-
las, & autres Figures servans a faire imprimer ce Livre, & Heures en plusieurs
usages & grandeurs. Et est le dict Privilege pour le temps & espace de Dix ans
commenceans au jour de la datte de l’impression desdits Livre & Heures.


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[A2]


PRIVILEGE DU ROY NOSTRE SIRE.


FRancois, par la grace de Dieu, Roy de France, aux Prevost de Paris,
Baillif de Rouen, & Senechal de LyonLion: & a tous noz autres Justiciers
& Officiers, ou a leurs Lieuxtenans, & a chascun d’eulx sicomme a luy
apartiendra, salut.

Nostre cher & bien ame maistre GeoffroyGeofroy Tory de Bourges, libraire demou-
rant a Paris, nous a faict dire & remonstrer comme pour tousjours divulguer,
acroistre, & decorer la langue Latine & Francoise, il a puis certain temps en ca
faict & compose ung Livre en prose & langaige francois, intitule. L’art & Science de
la deue & vraye proportion des Lettres Attiques: autrement dictes Antiques, &
vulgairement Lettres Romaines, proportionnees selon le corps & visaige humain
Lequel Livre il nous a faict veoir & presenter, nous suppliant & requerant a ceste
fin luy donner & ottroyer Privilege, permission & licence d’icelluy Livre imprimer
ou faire imprimer: ensemble certaines Vignettes a l’Antique & a la Moderne.
Pareillement Frises, Bordeures, Coronemens et Entrelas, pour faire imprimer
Heures en telz usages et grandeurs que bon luy semblera, durant le temps et terme
de Dix ans: commencans au jour de la date de l’impression desditz Livre & Heures.
Avec Prorogation de semblable temps pour aucunes Histoires & Vignettes a l’An-
tique par luy cy devant faict imprimer. Sans ce que pendant ledit temps il soit loisi-
ble, ne permis a aucuns autres Libraires et Imprimeurs de noz Royaume, Pays
et Seigneuries autre que icelluy Tory, ou ceulx que pour ce il commettra de iceulx
Livre et autres choses suscriptes, povoir imprimer ou faire imprimer en aucune
maniere. Savoir vous faisons que nous ce que dit est considere, inclinans liberalle-
ment a la supplication et requeste dudict maistre GeoffroyGeofroy Tory: et ayant regard
et consideration aux peines, labeurs, fraiz, & despens qu’il luy a convenu porter et
soustenir, tant a la composition dudit Livre, que pour la taille desdites Histoires,Vi-
gnettes, Frises, Bordeures, Coronemens et Entrelas, pour faire imprimer Heu-
res, comme dit est, en plusieurs usages et grandeurs. A icelluy, pour ces causes et
autres raisons a ce nous mouvans, Avons donne et ottroye, donnons et ottro-
yons de grace especial par ces presentes Conge, Licence, Permission et Privi-
lege de povoir imprimer ou faire imprimer par ses gens, facteurs et commis, les-
ditz Livre et Heures: en telles grandeurs et usages que bon luy semblera, durant le-
dit temps et terme de Dix ans commencans audit jour et date de l’impression d’i-
ceulx, Avec laditte Prorogation de semblable temps de Dix ans, pour lesdites Hi
stoires et Vignettes, par luy cy devant faict imprimer. En vous mandant et ordon-
nant respectivement, par cesdittes presentes, que de noz presens don et ottroy,
licence / permission & Privilege / vous souffrez / & laissez ledit maistre GeoffroyGeofroy To
ry jouyr & user plainement & paisiblement: sans pour ce luy donner ou faire don-
ner aucun empeschement au contraire. Et en oultre ne souffrir & permettre, en
quelque maniere que ce soit, que aucuns autres Libraires ou Imprimeurs de nosditz
Royaume, pays & seigneuries puissent imprimer ou faire imprimer / pendant
ledit temps, lesditz Livre & Heures, comme dit est: Sus peine de Cent Marcs
d’argent, a nous appliquer: & confiscation des Livres & Heures, esquelz ilz
auront oultre nostre vouloir mespris. Car tel est nostre plaisir. Donne a Chenon-
ceau, le Cinquiesme jour de Septembre, l’An de grace Mil Cinq Cens Ving
Six Et de nostre Regne, le Douxiesme.


Ainsi signe. Par le Roy. Breton. Et seelle de cire jaune en sim-
ple queue. Et en l’interinement signe l’Ormier / seelle
de cire verte, en double queue.

A.ij.

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[A2v]


GeoffroyGeofroy Tory de Bourges, dict et donne humble Salut a tous
vrayz & devotz Amateurs de bonnes Lettres.


LEs Poetes: les Orateurs: & les autres Scavans en Lettres & Scien-
ces: quant ilz ont faict & compile quelque Oeuvre de leur studieuse
diligence & main, ont de costume en faire present a quelque grant
Seigneur de Court ou d’Esglise en le exaulceant par Lettres & louan-
ges envers la cognoissance des autres hommes. & ce pour luy agreer, & afin
qu’ilz en puissent tousjours estre si bien venuz au tour de luy, qu’il semble estre
oublige & tenu a leur donner quelque gros don, quelque Benefice, ou quelque
Office en recompense des Labeurs & vigiles qu’ilz ont mis a faire & composer,
leurs dits Oeuvres & Presens. Je porrois facilement ainsi faire de ce petit Livre,
mais considerant que si je le presentoys plustost a quelcun que a ung autre, Il y
porroit avoir quelque enuyeulx scrupule: J’ay avise que ce seroit honnestement
faict a moy de vous en faire a tous ung present O Devotz Amateurs de bonnes
Lettres[unclear] sans preferer grant a petit, si non d’autant qu’il ayme plus les Lettres,
& qu’il est plus intime en vertus. Par ainsi les Prelats & grans Seigneurs qui sont
tous excellens en belles & bonnes vertus y auront part en sorte que vous n’en per-
drez la vostre. Je suis desplaisant que d’aucuns m’ont voulu demouvoir de mani-
fester ce que je vous escripz en ce Nostre toutal Oeuvre. & qu’ilz ont essaye
faire de moy ung homme ingrat de ne vouloir enseigner chouse tresbelle
& bonne. Ilz me font souvenir de plusieurs qui quant ilz ont ung Caiet ou
quelque Livre incogneu qu’ilz ne le communiqueroient pas a leur Frere ne a leur
Pere. Je croy que telz hommes sont si meschants & Avaricieux que si toute la fla-
me & le Feu du Monde estoient estainctz fors une seulle Chandele qu’ilz au-
roient alumee / & qu’on ne peust avoir feu que de leur ditte seulle Chandele, qu’ilz
ne vouldroient pas que leur doulce Mere y en alumast une pour faire du feu a
chaufer & nourir leur Petit Frere. Pline Ilz sont de la Nature d’une beste que Pline & Soline
Soline disent estre si meschante: que cognoissant que son urine se fige & con-
gele en une pierre precieuse qui est ditte en Grec. λυνκου-
ριον
Ambre.
λυνκουριον & qui est sembla-
ble a la piere[sic] d’Ambre qui attise a soy les Fetuz, ne veut & desdeigne qu’elle vien
ne es mains & usage des hommes, tellement qu’elle la couvre & musse en terre
le plus segrettement qu’elle peut. Le No-
ble
Ouvrier
Ingrat.
Ainsi feit le Noble Ouvrier des vistres de la Jehan
Duc de
Berry.

Saincte Chapelle de Bourges que le Duc de Berry nomme Jehan feit faire. Icel-
luy Ouvrier fut si ingrat & glout de son scavoir qu’il ne le voulut oncques ensei-
gner a homme, ne a son filz, se dict on. Vistres
de la
Saincte
Chapel-
le de
Bourges
Les vistres qu’il feit sont de tel art, que le
Soleil tant luysant peut il estre, ne les peut de ses rayons aucunement penetrer
qui est une chose tresbelle & sans autre semblable. S’il eust vouluntiers ensei-
gne cela: Mille autres hommes eussent depuis luy faict maintes belles et bonnes
Operations qui ne sont pas faictes: et ne seront jamais. Pleust a Dieu que l’Au-
theur de la pouldre a Canon eust ainsi faict, et qu’il fust mort sans mains et la bou-
che clouse. Cent Milliers d’hommes eussent peu vivre plus longuement / qui ont
este tuez tresmeschantement. Ce sont les abomynables Sciences qu’il ne fault pas
enseigner, mais les bonnes et honnestes il les fault publier afin que ung Chascun se y
employe et evertue a bien faire. Albert
Durer.
Albert Durer Noble Paintre Alemant est grandement
a louer qui a si bien mis en lumiere son Art de Painture en deseignant Les Corps
de Geometrie. Les Rampards de Guerre, & les Proportions du Corps humain. Il
est digne de qui on face immortelle memoire. Ne soyons donques ingrats d’en-
seigner & dire honnestement ce qui peut proufiter, & faison de bon cueur plai-
sir a tous vivans ainsi que vouldrions qu’ilz nous feissent. Une Perle mussee en
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[A3]
ung Fient est perdue / & inutile, mais quant elle est assise en or seulle / ou avec au
tres Pierres precieuses, elle est beaucopbeaucoup plus excellemment & au gre des hom-
mes qui l’ont devant les yeulx. Ainsi ne voulant que noz Lettres Attiques fus-
sent en leur Proportion du tout incogneues, Je vous les ay toutes deseignees
par Nombre & Mesure afin qu’en puissiez user a vostre bon plaisir, & en faire
de tant Grandes & tant Petites que bel & bon vous semblera. & ce, en tenant
tousjours le Nombre des Pointz & Tours de Compas a unechascune d’elles re-
quis. Je vous veulx icy prier & advertir que quant vous vouldrez user de Let-
tres Attiques, ou Grecques, ou autres en Devises, en Sentences, ou autre-
ment, Taulet-
tes.
que vous les logiez & escriviez en Taulettes ou en lieux patens, afin
que une chascune Lettre soit veue & leue en droitte Ligne, en plaine face, & en
bon ordre. Je voy d’aucuns qui les logent en Raouleaux esquelz bien souvent Raoule-
aux.

une Syllabe se treuve divisee plus d’une Aulne de long, qui est contre l’Art de
Grammaire. Item Les aucunes Lettres y sont quasi couchees de travers, & les
autres ont les piedz contre sus / qui est contre Raison de Nature. La Nature Nature
des
Lettres.

des Lettres, Lesquelles sont faictes au Modele du Corps humain, est d’estre en
sa requise & droitte veue / sus bout / & en son entier. Mais qui me repliqueroit
qu’en une piece d’Or, d’Argent, de Cuybvre ou d’autre matiere / y a des Lettres des-
quelles les unes au regard des autres se treuvent le pied de travers / ou contre
sus. Je respondrois honnestement / que c’est bien faict. & que on peut torner en-
tre ses doits la ditte piece d’Or: ou autre piece: pour y veoir chascune Lettre en
sa droitte face: & en plant. Mais en Tableaux, en Vistres, en Tapisseries, en
Murs, & en beaucopbeaucoup d’autres lieux on ne y peut torner les Lettres qui ne tor-neroittor-
neroient
tout le lieu ou elles sont assises. parquoy convient qu’elles y soyent tous-
jours plantees & escriptes droittes les unes apres les autres. Ilz le veullent ex-
cuser & dire que Raouleaux servent de remplissage. Saulve leur honneur Ilz
n’y servent que d’empesche, & ce qui a este cause de cest abus, ce ont este liens de
Chapeaulx & Coronnes de feuilles, Rameaulx, & Fleurs, que les Anciens met-
toient a leurs EestinsFestins pour voleter par cy & par la, & donner grace aux dits Fe-
stins. Qui vouldroit escrire en Raouleaux, Il ne y fauldroit pas escrire en long,
mais en travers Car qui vouldroit seullement escrire en long Trois ou Quatre
Versetz, Il fauldroit que le Raouleau fust plus long qu’il n’y a d’espace d’icy
aux Isles des Molucques, et principallement qui vouldroit escripre en grosse
Lettre. L’Linvension
descripre
en Raou
leaux.
La Maniere d’escripre en Raouleaux est icy tresabusive en beaucopbeaucoup de
facons, & principallement en ce, que d’aucuns escrivent ung mesme Mot ou
Syllabe a moitie au dedans du Raouleau & a moitie au dos d’icelluy. C’est une
grande simplesse de vouloir faire quelque chouse sans discerner la Raison. L’in-
vension d’escripre en Raouleaux vient de longue & quasi incogneue Ancien-
nete, mais toutesfois je la vous diray. Elle est venue des Anciens Lacedemoniens
qui en temps de Guerre avoient deux bastons faictx precisement d’une mesme longueur Deux Ba
stons sem
blables.

& grosseur, & en bailloient l’un au Prince qui alloit en Guerre puis gardoient
l’autre jusques a ce qu’ilz luy vouloient mander quelque segret. Et quant ilz luy
en mandoient ilz prenoient ung Parchemain ou Cuyr, ou autre chose sembla-
ble / Long et estroit comme une saincture & l’envyronnoient bourt a bourt au tour
& le Long de leur baston qu’ilz avoient retenu, puis escripvoient sus leur Par-
chemain le long & tout au tour de leur dict baston en sorte que la plusgrande par-
tie des Lettres se trouvoit ou a demy, ou a tiers, ou a bien peu sus les bours & assem
bleures de leur dict Parchemain. puis le desployent & l’envoyent tout desploye
a leur dict Prince qui incontinent qui l’avoit receu le mettoit au tour de son ba-
ston. & tantost pour la grace de la mesme Mesure des deux bastons semblables, A.iij.
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[A3v]
toutes les Lettres se rencontroient justement en leur entier /[unclear] comme quant on les escrip-
voit. Ilz faisoient ainsi entre eulx afin que si d’avanture les Ennemyz eussent surpris
leurs Postes ou Messaigiers qu’ilz n’eussent peu accorder les Lettres ainsi escrip-
tes au travers du Parchemain. Et en memoire de cela les Anciens Paintres feirent
des Raouleaux es mains des Princes, puis es mains des Prophetes, semblable-
ment des Sibyles, & consequentement en plusieurs autres manieres & facons
tant que a la fin on en abuse en Mille endroits / & sans aucune Raison. Qu’il soit
vray que les susalleguez Anciens Lacedemoniens ayent jadis ainsi escript /
comme est dict cy dessus, Lisez au Dixseptiesme Livre / & Neuviesme Chapi-
stre des Nuytz Attiques Aule
Gelle
Erasme.
de Aule Gelle. Tout pareillement lisez au Premier Pro
verbe de la Segonde Centurie, C’est a dire, Centene, la quelle Centene est aus-
si en la Segonde Chiliade, C’est a dire Millier des Proverbes de Erasme / ou est
en escript Tristis Scytale. Et vous y trouveres bien en long tout ce que je vous en ay
dict. Laissez donques la ces Raouleaulx / & escrivez en belles & patentes Tau-
letes & autres choses semblables: afin que vostre lettre soit veue toute d’ung front L’espace
requise
entre les
Lignes &
Lettres
Attiques

Et Notez que l’Espace d’entre les Lignes veult tousjours estre aussi large que la
Lettre I, est haulte. L’espace d’entre les Lettres veult estre de la largeur ou d’ung
I. ou d’ung F. ou d’ung S. ou d’ung M. ou encores plus selon le lieu & Sentence
qu’on veult remplir & escripre. Bref. Lettre Attique est si noble qu’elle veult
estre en grande liberte. comme porrez veoir en ce present Oeuvre que j’ay nom
me Champ Fleury pour la grace & facilite du Nom. & que j’ay intitule. Champ
Fleury.
L’ART
& Science de la deue & vraye Proportion des Lettres Attiques, qu’on dict au-
trement, Lettres Antiques, & vulgairement Lettres Romaines. Prenez don-
ques en gre si vous plaist O / Devotz & bons Amateurs de Bonnes Lettres? &
pencez que ce que j’en faiz / est de bon zele & entiere volunte. Priant nostre Sei-
gneur IESUS vous donner a tous accroissement de bonnes Lettres & belles
vertus avec toute pure sante de Corps & de Ames.


En Paris ce .XXVIII. Jour d’Apvril,
sus Petit Ponta l’Ensei-
gne du Pot
Casse
.


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[A4]


LA TABLE.

Noms des Autheurs & honnestes per- sonnages alleguez & mansionnez en tout cest Oeuvre. Desquelz les aucuns sont en Latin, & les autres en Francois selon que la doulceur de la pronunciation d’iceulx est amyable aux oreilles de plusieurs.

A.
Agrestius.
Alain Chartier.
Albert Durer.
Alde.
Aleman.
Alexandre de ville Dieu.
Albinus.
Andreas Cratandrus.
Antonius Orobius.
Appius Claudius.
Arnol Grabans.
Architrenius.
Arius.
Asconius Pedianus.
Astyages.
Aulus Gellius.
Aulus Albinus.
Aulus Antonius Orobius.
Avance.
Ausone.
Auguste Cesar.
Augustin Justinian.
B.
Baptiste Mantuan.
Baptiste le piteyable.
Leon Battista AlbertiBaptiste Albert.
Beda le venerable.
BeroaldoBeroal.
Boccace.
Bramant.
Bude.
C.
Cadmus.
Carmentis.
Caper Grammaticus.
M. Cato.
Martianus Capella.
Caelius Rhodiginus.
Catulle. Jules Cesar.
S.Sainct CyprienCipryan.
Chastelain.
Chrestien de Troyes.
Charlemaigne.
Charles de BovellesCharles Bouille.
Chrysoloras.
CicéronCicero.
Francisco Ximenez de CisnerosCimenez de Cineros.
Cornelius TacitusCornele Tacite.
Codrus Vrceus.
Constantin Lascaris.
Cretin.
Quinte CurceQ. Curse.
D.
DanteDantes.
Ma Dame d’Entragues.
Dioscorides.
Diomedes Gram.Grammaticus
Didymus.
Donatus.
DonatelloDonatel.
E.
Ennius.
Erasme.
Etienne de la RocheEstiene de la Roche, autrement dict
de ville Franche.
Euclides.
F.
Festus.
Frere Rene Masse Chroniqueur du Roy
Frere Lucas Paciol.
Frere Francisco Ximenez de CisnerosFrancois Cimenez de.
Cineros
.
François PétrarqueFrancesco Petrarcha.
Fulgentius Placiades.
G.
Gaguin.
Galeotus Martius Narniensis.
George Chastellain.
Gellius.
Grecismus.
J.Jehan Groslier.
H.
AbrahamHabraham.
Hayeneufve.
Hercules.
Hesiode.
Hieronyme Avance.
S.Sainct JérômeHierosme.
Hieremias.
HyginHigine.
Homere.
Horace.
Hugon de Mery.
A.iiij.
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[A4v] LA TABLE
J.
Jaques Faber.
Jehan Groslier.
Jehan Linevelois.
Jehan Lemaire.
Jehan PontanoPontan.
BoccacioJehan Boccace.
Jehan Perreal
autrement dict
Jehan de Paris.
Jehan Baptiste le piteyable.
Io, Grammaticus.
Iosephus.
JuvénalIuuenal.
Jules Cesar.
L.
Lactance.
Lorenzo VallaLaurent Valle.
Lascaris.
L’apocalipse.
Leon Battista AlbertiLeon Baptiste Albert.
Jean Lemaire de BelgesLe Maire.
Leonardo da VinciLeonard Vince.
Le Livre du jeu des Eschecqts.
Linevelois.
LucienLucian.
F. Lucas Paciol.
Lunettes des Princes.
LucrèceLucretius.
M.
Masse.
Ma Dame d’Entragues.
VirgileMarcellus Virgilius.
MacrobeMecrobe.
CatonMarcus Cato.
Maurus.
Maistre Simon du Mans.
Martianus Capella.
Martial.
Martius Narniensis.
Maistre Pierre PathelinPatelin.
S.Sainct Mathieu.
Mela.
Mesieres.
Michel l’Empereur.
Michel l’Ange.
Morus l’Anglois.
Moyse.
N
Narniensis.
Nesson.
NicostrateNicostrata.
O.
HoraceOrace.
Orobius.
Orus Appollo.
Oscus & VoscusVolscus.
Ovide.
P.
Paisant de Mesieres.
Paciol.
PathelinPatelin.
PétrarquePetrarcha.
Persius.
Phocas.
Filippo BeroaldoPhilippes Beroal.
Pierre de Sainct Cloct.
Pittacus.
Plaute.
Platon.
Placiades.
Pline.
PlutarquePlutarche.
Pompone Mela.
PontanoPontan.
Polyphile.
Probus Gram.Grammaticus
Prodicus.
Pythagoras.
Q.
QuintilienQuintiliam.
Quinte CurceQuinte Curse.
R.
Raoul.
Raffaello d’UrbinoRaphael d’Urbin
F. Rene Masse Chroniqueur du Roy.
Reuclin.
Rhodiginus.
S.
Sainct CyprienCipryan.
Sainct Mathieu.
Sainct JérômeHerosme.
Servius Maurus.
Simon Grabans.
Simon Hayeneufve.
Sigismunde Fante.
Soline.
T.
Terentian.
Terence.

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[A5]
LA TABLE
Theocrite.
TheodoreTheodose Gaza.
V.
Varro.
Vitruve.
Volscus & Oscus.
Vrban.
X.
Xenophon.
Z.
Zacharias Prophete.





Table des Dictions Latines, &
Francoises mansionnees en ce tou
tal Oeuvre, selon le nombre des
Feuillets, & ordre Abecedaire.

                                                               
A. 
Aage en escripture des Egyptiens.  Feuil .lxxiij. 
A. est lettre triangulaire.   x. 
A. Vocale, Syllabe, & Diction.  xxxj. 
A. Interjection.  xxxij. 
A. est mis pour commancement.  xxxj. 
A. a l’envers.  xxxiiij. 
A d’ung Compas.  xxxiiij. 
A. M. O.  xxxij. 
Ab aure reiuncti.  ij. 
Abreviatures Francoises.  L. 
Acrisius.  xxix 
EnéeAeneas xxvij. 
Aeuum.  lxxiij. 
Africaines Lettres.  lxxij.lxxvj. 
Aha.  xxxij.xlv. 
Ah. & Vah.  xlv. 
AjaxAiax ix. 
Alpha.  xxxj. 
Alemans.  xlj. xlij. xlv lx. 
Amoureux.  xlij. 
Angelus.  vj. 
Anglois  xxxix. 
Apostrophus.  lvj. 
Apices.  lxvij. 
Argus.  vij.viij. 
Arius excessif en l’aspiration.  xlv. 
Arabicques Lettres  lxxij.lxxvj. 
Atachez par l’Oreille.  ij. 
Aurenges.  xx. 
Augeratus.  xxxix. 
B. 
                                                                                           
Bacchus.  xxix. 
Basiliscus serpens lxxiij. 
Basilic Serpent immortel.  lxxiij. 
Belle Fable.  vij.xxv. 
Beau segret en Virgile.  xv. 
Beatrice.  xlviij. 
Beotes.  lvij. 
Bourges.  xlij.lv.lxiiij. 
Bourguygnons.  xlix. 
Breve Sentence.  liiij. 
Bretons.  lv.lviij. 
Bruges.  xlvij. 
C. 
C. est Lettre Latine.  xxxvj. 
C. pour G.  xlij. 
Caqueteurs ont la langue percee.  iij. 
Canetieres en RomeRomme vij. 
Carolus.  xlvij. 
Capadociens.  xlviij. 
Cappa.  xlviij. 
Cadeaulx.  lxxij.lxxiiij. 
Ceres.  xxix. 
Ce. Syllabique adjection.  xxxvij. 
C T.  lix. 
Charon.   ij. 
CharlemagneCharlemaigne v. 
Chartres.  v. 
Cheopine & Pinte sont Dictions ti-
rees du Grec. 

vj. 
Chaine d’or Homerique.  xxv.xxvj. 
Chancon ancienne.  xxxvj. 
CHRISTVS.  xliiij. 
Chi.  xlviij. 
Chut.  lvij. 
Ciliciens.  xlviij. 
Cygnus.  vj. 
Corps.  xj. 
Corps de Lettre.  xj. 
Comparaison de l’Homme & de le I.  xviij. 
Compas & Reigle.  xxxiiij. 
Collisee en RomeRomme li. 
Confirmation de la presente Traditi-
ve des Lettres Attiques. 

lxiiij. 
Conference des Lettres Grecques aux
Latines. 

lxx. 
Conclusion de ce present Livre, avec
belle Raison. 

lxvj. 
Cretences.  xlviij. 
Croix.  xxxj. 
D. 
A.v.
Fac-similé BVH

[A5v] LA TABLE
                                                                                             
D. est Lettre purement Latine.  xxxviij 
Dame Memoire.  xv. 
Danae.  xxix. 
Dames de LyonLion xxxiij.xxxix. 
Dames de Paris.  xxxiij.lvij. 
Dactilus.  xlv. 
Dagues.  lxviij. 
Degrez & Montees des Anciens.  xix. 
Decorum.  xxij. 
Decem Nestores.  xxvj. 
Delta  xxxviij. 
Deltoton.  xxxviij. 
Decies Centum xlvij. 
Diverses opinions de l’Invension des
Lettres. 

v. 
Difference en la signification de Mi-
nerve & Pallas. 

xvij. 
Division du visage humain.  xx. 
Dix hommes semblables a Nestor.  xxvj. 
Dix Corps de chascune LetrreLettre xxvj. 
Diphtongue AE.  xxxij. 
Dittes Io. en signe de Joye.  xxxvj. 
Digamma aeolicum xl.lix. 
Diffinition du Point.  lxv. 
Division du Quarre equilateral.  xxxij 
Divers Noms des Lettres d’impression.  lxxij. 
Doubles Lettres.  xxv. 
Dreux.  v. 
Droicte Ligne.  xj.bis. 
Druydes.  v. 
Δρυιδαι v. 
E. 
Ecossois.  xxxix. 
Egyptiens.  xlij. 
Elle est tornee a tort.  xlix. 
Empsitem iiij. 
Enigme singulier & notable.  xvij. 
EnéeEneas xxvij. 
Ephesiens.  xxxj. 
Epitaphe en Langage Picard.  xxxvij. 
Epitaphe Ancien trouve a LyonLion xlj. 
Escripture Antique.  xxxvij. 
Escriptures faictes par Images furent
inventees des Egyptiens. 

xlij. 
Ex. en Composition.  lx. 
F. 
F. pour Consonne.  xl.liij. 
F. digamma aeolicum liij.lix. 
Fable.  vij.xxv. 
Flamens xlvj. 
                                                                                             
Flageol de Virgile.  xv.xvj. 
Fontaine en Athenes a Neuf Tuy-
aulx. 

xiiij. 
Forestiens.  xlix. 
Fruges xlvij. 
G. 
G. pour C.  xlij. 
G / grant A petit.  xlij. 
Gascons.  xxxv.lviij. 
Gamma assis sus ung Gamma est une F.  xl. 
Gerion.  ij. 
Gladiolus.  ix. 
Goute d’or.  xxix. 
Goffe Lettre.  lxxiij.lxxvij. 
Grammairiens de village.  xlv. 
Grecqz.  lj.lvj. 
H. 
Hercules Gallicus ij.vj. 
Hercules en adolescence.  lxij. 
Hemitonium L. 
Homonem iiij. 
Huit en Chifre.  lvj. 
Hyacinthus.  ix.bis. 
Hyacinthiol.  ix.xxix. 
I. 
I. & O. sont le Modele de toutes les au
tres Lettres Attiques. 

viij.xlvj. 
I. est Neufviesme lrelettre Abecedaire.  xvj 
I. & l’Homme comparez ensemble.  xviij. 
Iapetus ij. 
Jeunes Amoureux.  xlij. 
IESVS CHRISTVS xliiij. 
Ignorance.  xxvij.xxviij. 
Illatabilis Linea xj. 
Imper Nombre.  x.xv.xvij.xxxj.lj. 
Interjections.  xl. 
Ionia.  vij. 
Iota.  xlvj. 
ΙΩ vij.viij. 
Io pean.  viij.ix. 
Io triumphe.  viij.ix. 
Io en usage de Proverbe.  ix. 
Italiens.  liiij.lviij. 
JunonIuno viij. 
JupiterIupiter xxix. 
Η.ΙΡΙΣ ix. 
K. 
Karolus xlvij. 

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LA TABLE
                                                                       
L. tornee de sus en soubz est ung Gam-
ma. 

xl. 
Langue percee.  ij. 
La langue a acointance aux oreilles.  iij. 
Langage Francois est tresgratieux.  iij. 
L’avarice des Romains.  vij. 
L’air de Paris est nect, doulx, & amya
ble. 

viij. 
L’aspiration.  ix.xlv. 
La Ligne.  xj. 
Largeur d’une chascune Lettre Atti-
que. 

xij. 
Largeur de le I.  xviij.xxj. 
La Teste de l’Homme a Sept conduyts
d’esperit vital. 

xxj. 
Langage vulgaire en Italien.  xxxv.lxxij. 
La lettre L. a trois sons en pronun-
ciation. 

xlviii.xlix. 
Laconiens.  lj.liiij. 
Laconismus  liiij. 
L’apocalypse.  lj. 
Largesse.  xlij.lvij. 
La sapience en RomeRomme lviij. 
La goute d’or.  xxix. 
Lambda.  lix. 
La sainte Escripture est en trois Lan
gues reiglees. 

lxvij. 
Les premiers Hommes.  v. 
Lettres Hebraiques.  v.lxvij. 
Lettres Attiques & raison d’icelles.  vij. 
Lettres Attiques sont toutes faites de
trois Figures de Geometrie. 

x. 
Lettres Attiques sont Vingt & trois
en nombre. 

xij.xxvj. 
Lettres Attiques sont proportionnees
selon le corps humain. 

xvj.xviij. 
Lettres Attiques veullent sentir l’Ar
chitecture. 

xix. 
Lettres pour Plattes formes.  xx. 
Lettres Maniables.  xxiiij. 
Lettres Doubles.  xxv. 
Lettres Hebraiques servent de Nom
bres en Compte. 

lxix. 
Lettres Abecedaires en Grec, servent
pour Nombres. 

xxxj.xlvj. 
Lettre d’Impression.  xxxiiij. 
Lettres servans en Abreviations.  l. 
Lettres Grecques en General s’escri-
vent toutes entre deux lignes equidi-
stantes. 


liij. 
                                                                           
Lettre Canine.  lv. 
Lettre Pythagorique.  lxij. 
Lettres Latines.  lxxj. 
Lettres Francoises.  lxxj. 
Lettre de Forme.  lxxij.lxxiiij. 
Lettre Bastarde.  lxxij.lxxv. 
Lettre de Torneure.  lxxij.lxxv. 
Lettres Persiennes, Arabiques, Afri-
caines, Turques, & Tartariennes. 

lxxij.lxxvj. 
Lettres Caldaiques.  lxxij.lxxvj. 
Lettres Goffes, Imperialles, & Bulla
tiques.  

lxxiij.lxxvij. 
Lettres Phantastiques.  lxxiij.lxxvij. 
Lettres Utopiques, & Voluntaires.  lxxiij lxxviij. 
Lettres Fleuries.  lxxiij.lxxviij. 
Lettres sont si nobles & Divines qu’el-
les ne veullent estre aucunement Mu
tilees. 


lxxix. 
L’evangile du jour de la feste saint Denis
est chantee en Grec en l’esglise saint
Denis en France. 


vij. 
Le Point.  xj. 
Les Trois Graces chamberieres de
Venus. 

xxij. 
Les mal pronunceant S.  xxv. 
Les non scavans la Mesure des Lettres
Attiques. 

xxvj. 
Le Monde est signe en Croix.  xxxj. 
Le Signe de la Croix.  xxxij. 
Le Picard pronunce tresbien le C.  xxxvij. 
Le Soleil au signe de Libra.  xlix. 
Linguae cum auribus cognatio ij. 
L’insatiable Avarice des Romains.  vij. 
Lisflambe.  ix.xxix.xxx. 
Linea illatab lisillatabilis xj. 
Ligne Droicte.  xj. bis. 
Ligne Ronde, Parfaicte / & Impar-
faicte. 

xj. 
Ligne Triangulaire.  xj. 
Liquides.  xj. 
Lieux pour asseoir le Compas a faire  xxiiij. 
Lettres Attiques.  xxxv. 
Lionnois.  lviij. 
Lieu pour asseoir les Points.  lxv. 
Litera longua xlix. 
Lympha xlvij. 
L’homme de VulcainVulcan I. 

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LA TABLE
                                                                         
L’homme divise en Dix parties.  xvj. 
L’homme a Six grandeurs de son pied  xvij. 
L’homme en Contemplation a le Chef
au Ciel, & les pieds a terre. 

xviij. 
L’homme Lettre.  xxij. 
L’homme Parfaict.  xxiij. 
L’homme est ung petit Monde.  xxxj. 
Louanges de Paris.  vj. 
Lorains.  lv. 
M. 
M. a trois sons .L. M. avec N.  lix. 
Marquetis.  xxiij. 
Manseaulx.  lv. 
Mapich.  lxviij. 
Maniere de faire Syllabes en Hebreu
de Lettres & Points. 

lxix. 
Maniere de faire Chifres en Bagues
d’or / ou aultrement. 

lxxiij.lxix. 
Mercure.  j.vij.viij. 
Memoire est tousjours mobile.  xv. 
Memoire & Atrempance sont Cou-
sines. 

xv. 
Mension des Dames de LyonLion xxxiij.
xxxix. 
Mension des Dames de Paris.  xxxiij.
lvij. 
Mension de la Lettre d’Impression.  xxxiiij. 
Mension des Gascons.  xxxv. 
Mension des Alemans.  xxxv.xli.xlij.
xlv.lx. 
Mension des Picards.  xxxvij.xxxix.
xlij.xlv.lviij. 
Mension des Anciens Latins.  xxxviij.
xxxix.xl.xlj.lx. 
Mensions des Anglois.  xxxix. 
Mension des Normans.  xxxix.l. 
Mension des Lorains.  xxxix.lv. 
Mension des Ecossois.  xxxix. 
Mension de Bourges.  xlij.xlv.lxiiij. 
Mension des Plaisanteurs.  xlij. 
Mension des Resbuz.  xlij. 
Mension des jeunes Amoureux.  xlij. 
Mension de la Devise & Marque de
ce present Livre. 

xliij. 
Mension des Flamens.  xlvj. 
Mension des Capadociens, des Cre-
tenses, & des Ciliciens. 

xlviij. 
Mension des Bourguignons, et des 
                                                                                 

Forestiens. 

xlix. 
Mension des Grecqs.  lj lvj. 
Mension de la langue Francoise.  lij.
lvj.lxxj. 
Mension des Laconiens.  liiij. 
Mension de Paris  lv. 
Mension des Manseaulx.  lv. 
Mension des Bretons.  lv.lviij. 
Mension des Beotes.  lvij. 
Mension des Tholosiens & Gascons  lviij. 
Mension des Italiens.  xxxiij.xxxiiij.
xxxvij.xxxviij.liiij.lviij.lx lxj. 
Mension des Lionnois.  lviij. 
Minerve.  j.xvij. 
Mille.  xlvij. 
Momus.  j. 
Moyse.  v.lxxiij. 
Moralite de la Fable de .Io.  viij. 
Moralite de la Fable de Hyacinthus.  ix. 
Moralite des Lignes Perpendiculai-
re & Traverceante. 

xiiij. 
Moralle representation du Flageol de
Virgile, a le I. & a le O. 

xv. 
Moralite du Pot Casse.  xliij. 
Montees & Degres des Anciens.  xix. 
Mosaique.  xxiij. 
Moly.  xxix. 
Μοναδικον lvj. 
N. 
Ne.  lvj. 
Nature.  j.lxxiij. 
Nestor.  ij.xxvj. 
Neptune.  j. 
Neuf Muses.  xiij. 
Neuf marches en la Lettre Zeta.  lxv. 
NilNile fleuve en Egypte.  xxxviij. 
Nympha.  xlvij. 
Notable de l’Aspiration.  ix. 
Notable de la Lettre Q.  xij. 
Notable contre les Commentateurs
sus Virgile. 

xv. 
Notable de la Lettre Grecque appellee
Phi. 

xxij. 
Notable pour bien pronuncer.  xxv. 
Notable du Compas & de la Reigle.  xxxiiij. 
Notable pour Nombre de Centres.  xxxvj. 
Notable segret.  xlvij. 

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LA TABLE
                                                               
Notable en la Bible.  lij. 
MomsNoms des Chevaulx tirans le trium-
phant Char d’ApollonApollo

xxix. 
NON PLUS.  xliij. 
Nombre Imper porte bonheur.  lj. 
Nombre des Personnes requises a ung
Convy. 

lvij. 
Noms des Points servans de Vocale
en la Langue Hebraique. 

lxviij. 
Noms des Lettres Hebraiques.  lxvij. 
Noms des Lettres Grecques.  lxix. 
Noms des Lettres Caldaiques.  lxxiij. 
O. 
O. en sens moral.  lj. 
O. Adverbe Vocatif.  lij. 
Ogmion.  ij. 
Oraison.  ij. 
Oratio iij. 
Orthographe.  xlj. 
Ordonnance des Neuf Muses & Apol
lon
Apol
lo

xiiij. 
Ordonnance des Sept Ars Liberaulx
et ApollonApollo

xiiij. 
Ordonnance des Neuf Muses ApollonApollo
les Sept Ars Liberaulx, le I. & le O.
au Flageol de Virgile. 

xvj. 
Ordonnance du Corps humain aux
Sept Ars Liberaulx. 

xviij. 
Ordonnance de le O. a l’Homme pieds
et mains equidistamment estandu. 

xviij. 
Ordonnance du traverceant traict au
Corps humain. 

xix. 
Ordonnance pour la Briseure des Let
tres Attiques selon le Corps humain. 

xix. 
Ordonnance de la Longueur et Lar
geur de le I. & de le O. au visage hu
main. 


xxj. 
Ordonnance & Accord des Visages &
Lettres en Perspective. 

xxiiij. 
Ordonnance de la Chaine d’or Home
rique a le I. 

xxvj. 
Ordonnance pour le triumphe d’A
pollon
A
pollo

xxix. 
Ordonnance de le A. faict de trois I
sus la Fleur du Lisflambe. 

xxix.xxx. 
P. 
P. est tire du B.  lij. 
Parolle empanee.  iij. 
Parrhasia.  vj. 
                                                                                 
Parrhasiens.  vj. 
Paris & ses Louanges.  vj. 
Paris sans pareil.  viij. 
Parrhisiens.  vj. 
Paradisus vj. 
Pallas.  xvij. 
Parler rondement.  li. 
Per & Imper.  x.xv.xvii.xxxi. 
Phi.  xxii. 
Pinte & Cheopine sont Vocables ti
rez du Grec. 

vi. 
Picards.  lviii. 
Pythagoras.  lxiii. 
Plaine.  xi. 
Platte forme du Collisee de Rome.  xx. 
Plaisanteurs.  xlii. 
Point.  xi.lxvi. 
Pot Casse, & sa signification.  xliii. 
Points Quarre, Crochu, & Triangu
laire. 

lxvi. 
Points differens.  lxvi. 
Points en Hebreu sont Vocales.  lxvii. 
Protinam iiii. 
Premiers Hommes.  v. 
Pronunciation des Lettres.  xlviii. 
Pronunciation des Lettres Hebrai
ques. 

lxvii. 
πρεπον  xii. 
Puncta lxvii. 
Q. 
Q.  xii. 
Q. & V.  liii. 
Q. torne en C.  liiii. 
Q. n’est pas Lettre finalle.  liiii. 
QVV. pour CV. & au contraire.  liiii. 
Quarre.  xi.li. 
Quatre Vertus Cardinalles.  xx 
Quatre Lettres Hebraiques quasi sem-
blables a aultres Quatre. 

lxvii. 
R. 
R. Lettre Canine.  lv. 
Raison de la Figure Ronde, & de la
Quarree. 

xviij. 
Raison du Traict traverceant en le A.
accorde au Membre genital de l’Hom-
me. 


xviij. 
Raison de la Croix.  xxx. 
Raison pourquoy on escript trois A.
au commancement des Lettres Abe-
cedaires Latines & Francoises. 


xxxj. 

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LA TABLE
                                                                                     
Rameau d’or de Virgile.  xxviij. 
Radius.  xxxiij. 
Raphe.  lxviij. 
Reigle pour faire Lettres Attiques.  xxxj. 
Reigle de Orthographe.  xlj. 
Resbuz.  xlij. 
Res.  lxviij. 
Rondement parler.  lj. 
S. 
S.  xxv. 
S. pour R.  lv. 
S. ou .ST.  lvij. 
ST.  lvij. 
S. & D.  lxiiij. 
Σ lvj. 
Sandail de Venus.  j. 
Sapience / eschole en RomeRomme lviij. 
Sanguem.  iiij. 
Sens moral du Flageol de Virgile.  xv. 
Sens moral de ces Lettres L. M. N.
et O. 

lj. 
Sens moral de la Lettre Pythagori
que. 

lxiij. 
Science.  xxvij.xxviij. 
Signification des Quatre Vertus Car
dinalles avec Lettres Attiques. 

xxj. 
Signes d’aspiration & de Lettres non
aspirees. 

xliiij. 
Sicile.  xxxviij. 
Sigma.  lvj. 
Silence.  lvij. 
Spondeus xlv. 
Superfice.  xj. 
T. 
TC.  lix. 
TL.  lix. 
TN.  lix. 
TR.  lix. 
Tau.  lviij. 
Teth.  lviij. 
Ternas scio xxxij. 
Tel signe + est pour asseoir le pied cen
trique du Compas. 

xxxiij. 
Thrasicles.  xiiij. 
Thita.  lviij. 
Tholosiens.  lviij. 
Triangle.  xj. 
Triangle est une des plus nobles Fi-
gures de Geometrie. 

xxxviij. 
                                                           
Trois verges au Rameau d’or.  xxviij. 
Triquetra.  xxxviij. 
Tyrus.  v. 
Tyssu de Venus.  I. 
Θ, Φ, Χ, Ρ xlviij. 
Θ, Τ, Λ lviij. 
V. 
V. pour E.  xxxix. 
V. est pronunce apres G. aucunesfois
et aucunesfois non. 

xlj. 
Vaha.  xxxiij.xlv. 
Vau.  lix.lx. 
Venus.  I. 
Vent Meridian est pestilentieux, et
Vent de Bize est sain. 

xx. 
Vertus.  lxij. 
Visages en Perspective.  xxiiij. 
Virgile a Imagine ung Rameau d’or
en sens moral. 

xxvj. 
Voix florisante.  iij. 
Volupe.  iiij. 
Volupte.  lxij. 
Vocales Latines.  xxviij. 
Voye de Vertus.  lxij. 
Vreus lxxiij. 
X. 
X. vault C. & S. ou G. & .S.  lx. 
Ypsilon.  lxj. 
Y. & .Z.  lxj. 
Z. 
Zeta pour deux S. & pour S. & D.  lxiiij. 
Zetetae.  lxiiij. 

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[A8]


Aux Lecteurs de ce Present Livre
humble Salut.


ON dict communement, & dit on vray, qu’il y a grande vertus naturelle en
Herbes, en Pierres, & en Parolles? D’en bailler Exemple / seroit superflui-
te / tant la Verite en est certaine. Mais je vouldrois qu’il pleust a Dieu me don-
ner la grace que je peusse tant faire par mes parolles & requestes, que je peusse Escu-
meurs de
Latin.

persuader a d’aulcuns, que s’ilz ne vouloient faire honneur a nostre Langue Fran-
coise, au moings qu’ilz ne la corrumpissetcorrumpissent point? Je treuve qu’il y a Trois manie
res d’hommes qui s’esbatent & efforcent a la corrumpre & difformer. Ce sont Plaisan-
teurs.

Escumeurs de Latins, Plaisanteurs, & Jargonneurs. Quant Escumeurs de Latin
disent D’espumon la verbocination latiale, & transfreton la Sequane au Jargon-
neurs.
dilucu
le & crepuscule, puis deambulon par les Quadrivies & Platees de Lutece, & com-
me verisimiles amorabundes captivon la benivolence de l’omnigene & omni-
forme sexe feminin. me semble qu’ilz ne se moucquent seullement de leurs sem
blables, mais de leur mesme Personne. Quant les Plaisanteurs, que je puis hon-
nestement appeller, Dechiqueteurs de Langaige, disent Monsieur du Page? si Langage
Escume.

vous ne me baillez une lesche du jour, je me rue a Dieu, & vous dis du cas, vous
aures nasarde sanguine. me semblent faire aussi grant dommage a nostre Langage
Dechi-
quete.
Lan-
gue, qu’ilz font a leurs Habitz, en dechiquetant & consumant a oultrage ce qui
vault myeulx entier que decise & mutile meschantement. Tout pareillement quant
Jargonneurs tiennent leurs Propos de leur malicieux Jargon / & meschant lan-
gage, me semblent qu’ilz ne se monstrent seullement estre dediez au Gibet,
mais qu’il seroit bon qu’ilz ne feussent oncques nez. Maistre
FracoisFrancois
Villon.
Jacoit que Maistre Francois
Villon en son temps y aye este grandement Ingenieux, si toutesfois eust il my-
eulx faict d’avoir entendu a faire aultre plusbonne chouse. Mais au fort. Fol qui
ne follie / pert sa saisonraison. J’alleguerois quelque peu du dict Jargon, mais pour en
eviter la meschante cognoissance, je passeray oultre, & dis que je vouldrois
que telz Corrompeurs d’honneste Langage fussent si avysez & sages, qu’ilz
pensassent que ung homme qui veult estre veritablement intime en pure
Vertus, doibt tousjours & en tous lieux faire & dire chouse qui soit belle /
bonne / & honneste. On cognoist les hommes en faictz & en ditz. Faison don-
ques tant que noz ditz & parolles soient saines & recevables en toute Raison
et tout Honneur. Acoustumon nous a bien parler & bien dire, En ce faisant trou-
veron que bien nous en prendra, & que noz parolles auront si grande vertus
qu’elles persuaderont en mille beaulx propos. O Devotz Amateurs de bonnes
Lettres? Pleust a Dieu que quelque Noble cueur s’employast a mettre & ordon-
ner par Reigle nostre Langage Francois? Ce seroit moyen que maints Milliers
d’hommes se everturoient a souvent user de belles & bonnes parolles? S’il n’y
est mys & ordonne / on trouvera que de Cinquante Ans en Cinquante Ans la
La

La
langue Francoise, pour la plus grande part, sera changee & pervertie. Le
Langage d’aujourd’huy est change en mille facons du Langage qui estoit il ya L’au-
theur du
Livre
des
Escheqtz

Cinquante Ans ou environ. L’autheur du Livre des Eschecqtz disoit en son
temps Neantplus & nous disons, Nonplus. Il disoit, Bien est voir. & nous disons
Bien est vray. Tout pareillement il disoit, Tenroit, Ne volt pas, & Le voyeu.
et nous disons, Tiendroit. Ne veult pas. & La vocale. Il en disoit Mille aultres
que je laisse pour brevete. On porroit trouver Dix Milliers de telz motz & vo-
cables laissez & Changez / Desquelz Cent aultres[unclear] Autheurs usoient au temps Langage
Ancien.

passe. On usoit au dict temps passe de dire Herper, pour Jouer de la Herpe.
On disoit, Assembler a son Ennemy. pour / Commancer a combattre. Lance roid-
Fac-similé BVH


[A8v]
de sus le faultre, estoit, Lance mise sus l’arrest. Et / Sonner des Gresles a l’assault
estoit, Sonner des Trompetes. Estre affesse, estoit a dire, Estre apoysanty. Ne
vous deveille, estoit. Ne vous deplaise. Remettre son espee en son feurre, estoit
Remettre au fourreau. Forconseiller, estoit. Malconseiller. Tourbillonner, estoit.
Faire grant vent. Et Mille aultres semblables qu’on porroit bien dire, & desquelz
on porroit faire ung grant & juste Volume. J’aurois couleur de deplorer la sterili
te de noz mains, mais j’espere que au plaisir de Dieu quelque Noble Priscian / quel
que Donat, ou quelque Qintilien Francois / naistra de Bref, s’il n’est desja tout
edifie. Je treuve en oultre qu’il ya une aultre maniere d’hommes qui corrompt Forgeurs
de mots
nou-
veaulx.

encores pirement nostre langue. Ce sont Innovateurs & Forgeurs de motz nou
veaulx. Si telz Forgeurs ne sont Ruffiens / je ne les estime gueres meilleurs. Pen-
cez qu’ilz ont une grande grace / quant ilz disent apres boyre, quizqu’ilz ont le Cer-
veau tout encornimatibule / & emburelicoque d’ung tas de mirilifiques & trique-
dondaines, d’ung tas de gringuenauldes, & guylleroches qui les fatrouillent in-
cessamment? Je n’eusse allege telles sottes parolles, se n’eust este, que le desdaing JuvénalIuuenal.
de y pencer le m’a faict faire. Si natura negat / facit indignatio versum. L’indi-
gnation m’a contrainct de monstrer la sottete. Je croy qu’il n’ya ordre de pure-
ment agencer tel langage, car les Personnages qui le forgent sont incapables
de saine Raison. Toutesfois si nostre Langue estoit deuement Reiglee & Po-
lye / telles immundices en porroient estre dejectees. Parquoy je vous prie donon
nous tous courage les ungz aux aultres, & nous esveillon a la purifier? Toutes
choses ont eu commancement. Quant l’ung traictera des Lettres, & l’aultre des
Vocales, ung Tiers viendra / qui declarera les Dictions. & puis encores ung
aultre surviendra qui ordonnera la belle Oraison. Par ainsi on trouvera que peu
a peu on passera le chemin, si bien qu’on viendra aux grans Champs Poetiques
et Rhetoriques plains de belles / bonnes / & odoriferentes fleurs de parler & dire
honnestement & facillement tout ce qu’on vouldra.



En Paris

Du tout vostre GeoffroyGeofroy Tory de Bourges.


Tous les Caiectz de ce present Livre sont Quatorze en Nombre, & ung chas-
cun d’iceulx est de Trois Feuilles. Excepte le Premier / et le Dernier qui sont
chascun de Quatre.


Fac-similé BVH


LE PREMIER LIVRE. FEUIL. I.


L’ART ET SCIENCE DE LA
DEUE ET VRAYE PROPORTION DES LETTRES ATTI-
QUES, QU’ON DICT AUTREMENT LETTRES ANTIQUES
ET VULGAIREMENT LETTRES ROMAINES.


LE matin du jour de la feste aux Roys, apres
avoir prins mon sommeil & repos, & que mon esto
mac de sa legiere & joyeuse viande avoit faict
sa facile concoction. que l’on comptoit M. D.
XXIII. me pris a fantasier en mon lict, & mou
voir la roue de ma memoire / pensant a mille pe
tites fantasies, tant serieuses que joyeuses. en-
tre lesquelles me souvint de quelque lettre An
tique que j’avoys nagueres faicte pour la mai-
son de mon seigneur le tresorier des guerres mai
stre Jehan
Groslier
amateur
de bonnes
lettres &
ayme d’i-
celles.
Jehan groslier Conseiller & Secretaire du
Roy nostre sire, amateur de bonnes lettres, &
de tous personnages savans, desquelz aussi est
tresame & extime tant de la que deca les mons. Et en pensant a icelle lettre At-
tique me vint soudain en memoire ung sentencieux passage du premier livre &
" huittiesme Chapitre des Offices de CicéronCicero, ou est escript. Non nobis solum nati su
" mus, ortusque nostri, partem patria vendicat, partem amici
. Qui est a dire en sub CicéronCicero.
stance, que nous ne sommes pas nez en ce monde seullement pour nous, mais
pour faire service & plaisir a noz amys & a nostre pais. A ceste cause me volant
employer aucunement a l’utilite du bien public, ay pense demonstrer & enseigner
en ce present petit Oeuvre la maniere de faire symmetriquement, C’est a dire,
par deue proportion lettre Attique, de laquelle je voy deca les mons mains hom-
mes qui en veulent user, estre foiblement expertz, en tant qu’ilz ne scavent de quel
le mesure & proportion elle doibt estre, je traicterois aussi de la lettre de Forme
& de la Bastarde, mais pour ceste fois, aidant nostre seigneur je designeray la dit
te lettre Attique seullement Aucuns m’ont volu demouvoir de ce faire disant que
je ne la debvoye tant manifester, mais garder en secret pour moy. Saulve leur hon
neur me semble que non, & que je ne doibs estre glout de science honneste & bon-
ne. J’en eusse traicte & escript en latin, comme je porrois bien faire, se croy je, &
comme on peut cognoistre aux petitz oeuvres latins que j’ay faict iprimerimprimer & mis
devant les yeulx des bons estudians tant en metre qu’en prose. Mais volant quel-
que peu decorer nostre langue Francoise, & afin que avec gens de bonnes lettres
le peuple commun en puisse user, j’en veulx escrire en Francois. Je suis seur que tan
tost surviendra quelque detracteur & enuyeulx qui dira que je veulx faire du nou-
vel Autheur, & se forcera mordre mes institutions & enseignemens. Momus.
Sandail &
Tyssu de
Venus.
Mais je scay
selon les anciens Poetes & Philosophes que Momus estoit ung paillard qui ne
sceut jamais rien faire sinon mocquer, comme quant il mocquoit le Sandail &
Tyssu de Venus disant qu’il y avoit trop de papillotes estyncellantes & clyque-
tantes, & qu’il faisoit trop de bruyct. Nature. Semblablement mocquoit dame Nature,
pource qu’elle avoit plustost mis les cornes aux front des beufz & vaches qu’en l’es-
paule, pour en ferir plus impetueusement. Neptune
Minerve
& leurs
chef d’eu-
vre.
Il mocquoit aussi le taureau de Neptune
la maison de Minerve, & l’homme de VulcainVulcan. Mais principalement mocquoit
icelluy homme, pource que ledict VulcainVulcan ne luy avoit point faict de fenestre ne L’homme
de VulcainVulcan

de guychet en l’estomac, afin que par iceulx on peult cognoistre ce qu’il penseroit
& revolueroit en son dict estomac qui est plain de lieux concaves & ambagineux B.i.
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[1v] LE PREMIER LIVRE.
De ce dit Momus on peut veoir & lire au .CCCLXXIIII. proverbe de la pre
miere Chiliade des Proverbes de Erasme, Erasme,
Leon Bat
tista
Alberti
Leon ba
ptiste.
Albert
.
& en Ung livre que Leon Battista Al-
berti
Leon Baptiste Al-
bert
a faict & intitule, Momus.


JE ne diray chose en cest Oeuvre que je ne preuve par Autheurs dignes de foy,
& par demonstration tant naturelle que evidente en Geometrie, comme on
porra veoir es Figures cy apres faictes au Compas & a la Reigle, qui sont choses
trescertaines en vraye mesure.


JE ne seray mocque seullement du susdict Momus, mais de trois manieres d’hom
mes, Entendes
icy toutes
manieres
de mo-
queurs.
C’est a scavoir, De non scavans, De moyenement scavans, Et de bien
scavans. Les non scavans me morderont comme pouvres ignorans, considere
que Science n’a ennemy que l’ignorant. Les moyenement scavans aussi me no-
teront, n’entendant pas ce que J’allegueray. Les bien scavans ne m’espargne-
ront pas, en voulant & cuydant acquerir gloire de taxer & corriger mes erreurs,
si aucuns en ya, & si d’aventure Il n’y en a, si trouveront ilz cincq pieds de mou-
ton pour quatre, disans que une queue d’ung pied de long vault bien ung pied, Erasme.
mais comme dit Erasme en son .CLXXXII. Proverbe, Carpet haec citius aliquis "
quam Imitabitur
. On me reprendra plustost qu’on ne me ressemblera. Contre les Belle
Devise.

Mal disans useray d’une belle devise ancienne, & diray. Λεγουσιν α θελουσιν, "
Λεγετωσαν ου μελει μοι
. Dicunt quae volunt, dicant non est curae mihi. C’est a dire "
Ilz disent ce qu’ilz veulent, & bien, Je ne m’en soucye. Susque deque fero. Pour cho "
se qu’ilz puissent dire, Je ne lairray a escrire en Francois comme homme fran-
cois, VitruneVitruve
fut jadis
reprins.
les avertissant que Vitruve fut jadis reprins & mocque, pource que luy n’e
stant Grec de nativite, escrivoit en vocables grecs, comme l’on peut encores veoir
en la plusgrande partie des dictions & vocables des utilz & autres choses d’archi
tecture desquelz en son livre a faict mention.


EN enseignant icy fayre lessudictesles susdictes lettres Attiques Je m’esbatray aidant no
stre seigneur, a dire par ordre selon leur acostumee situation de l’une apres
l’autre la vertu d’une chacune selon l’art de Grammaire. Je voy la derriere quelcun
qui grumeleroit vouluntiers, & se forceroit comme enuyexenuyeux me nuyre s’il pouvoit,
ou s’il osoit, mais luy craignant que s’il se monstroit, Je le ferois taire soudain, luy
perceant la langue de mon asseure Compas, & le batant de ma certaine Reigle,
se deportera se me semble.


DOnques J’escripray en Francois selon mon petit stile & langage maternel,
& ne lairay, combiem que je soye de petitz / & humbles Parens, & aussi que
je soye pouvre de biens caduques, a faire plaisir aux devots amateurs des bon-
nes lettres. Erasme. Je scay comme est dict au Proverbe ancien, du quel Erasme faict men
tion en sa premiere Chiliade au Proverbe, D.XVIII. Quod, saepe est etiam olitor "
valde oportuna locutus
. Pline. Et comme disoit Pline,Nullum esse librum tam malum, vt non "
aliqua parte prodesse queat
. Il n’est si mechant Livre, qui ne puisse prouffiter en "
quelque chose, A ce propos Je veulx dire que a l’aide de Dieu, & de ce present Li-
vre cy, on pourra faire & designer Lettre Attique en sa deue proportion tant petite
& tant grande qu’on vouldra, en tant que le Compas & la Reigle se pourront estandre.


JE sembleray cy par avanture estre nouvel homme, pource qu’on n’a point enco
res veu enseigner par escript en langage Francois la facon & qualite des Lettres,
mais desirant enluminer aucunement nostre langue, je suis content estre le pre-
mier petit indice a exciter quelque noble esperit qui se evertura davantage, com-
me firent les Grecs jadis & les Romains, mettre & ordonner la langue Fran-
coise a certaine reigle de pronuncer & bien parler. Pleust a Dieu que quelque no
ble Seigneur volust proposer gages & beaux dons a ceulx qui ce porroient bien faire.


IL est certain que le stile de Parlement, & le langage de Court sont tresbons,
mais encores pourroit on enrichir nostredict langage par certaines belles Fi
Fac-similé BVH


LE PREMIER LIVRE. FEUIL. II.
gures & Fleurs de Retorique, tant en prose que autrement. Nous sommes de no
stre nature entre toutes les autres Nations, Pompone
Mela,
comme dict Pompone Mela, faconds,
car il dit au Troisiesme livre de sa cosmographie, ou il parle des meurs des Fran-
" cois, Habent tamen & facundiam suam. Les Francois, dit il, sont faconds & be-
aux parleurs de leur nature. JuvénalIuuenal. Semblablement le poete Satyric dit en sa .XV. Sa-
" tyre, Gallia causidicos docuit facunda Britannos. France, dict il, a enseigne aux
Anglois a playder & deument parler.


J’Allegue icy Poetes & Orateurs latins pour monstrer qu’avons ung don de
grace en nostre beau langage FraucoisFrancois, J’en veulx semblablement alleguer
des Grecs, entre lesquelz seullement prendray une petite prefation que LucienLucian LucienLucian.
Orateur & Philosophe Grec a faicte De Hercule Gallico, Et icelle prefation
translatee de Grec en Latin par Erasme, & je la translateray puis apres de latin en
Francois. Icelle est en latin comme il s’ensuyt.


Hercules
Gallicus.
Ogmium.
" HErculem Galli lingua gentis vernacula Ogmium vocant. Porro Deum
" ipsum noua quadam atque inusitata figura depingunt. Decrepitus est apud
" illos, recaluaster, reliquis capillis, si qui reliqui sunt, plane canis, cute rugosa, et
" in aterrimum exusta colorem, cuiusmodi sunt Nautae isti. Charon.
Iapetus,
Charontem potius aut Iape
" tum quempiam ex his qui apud inferos versantur, diceres. In summa, quiduis potius
" quam Herculem conijceres ex imagine. Atque tali specie quum sit, tamen Her-
" culis ornatum gerit, vt qui cum leonis exuuium indutus sit, tum clauam dextra teneat,
" tum pharetram humeris aptatam portet, tum arcum tensum laeva praetendat. Deni
" que modis omnibus hercules est. Haec equidem arbitrabar in graecanicorum deo
" rum contumeliam perperam facere Gallos, quum eiusmodi fingeret effigie, quo ni-
" mirum illum talibus picturis vlciscerentur, quod olim in regione ipsorum incursasset,
" predas agens id temporis quum Gerionis armenta vestigans occidentalium gentium
" plerasque regiones peruastaret, At nondum etiam dixi id quod erat in imagine ma
" xime nouum atque mirandum. Siquidem Hercules ille senex ingentem admodum ho- Ab aure
reuincti
.

" minum multitudinem trahit, omnibus ab aure reuinctis. Porro vincula cathenu
" lae tenues, auro/ electroue confectae, pulcherrimis istis monilibus assimiles. At-
" qui cum vinculis vsque adeo fragilibus ducantur, tamen neque de fugiendo cogitant
" quum alio qui commode possint, neque prorsus obnituntur, aut pedibus adversus tra
" hentem obtendunt, sese resupinantes, verum alacres ac laeti sequuntur, ducentem
" admirantes, Vltro festinantes oesomnes, & laxatis funiculis, etiam anteuertere studen-
" tes, perinde quasi grauiter laturi si soluerentur vinculis. Ne illud quidem pige-
" bit referre, quod mihi videbatur omnium absurdissimum. Etenim quum non inueniret
" pictor vnde cathenularum summas ansas necteret, videlicet dextera iam clauam, lae-
" ua arcum tenente, summam Dei linguam perterebrauit, atque ex hac religatis cathenu
" lis eos trahi fecit. Ipse nimirum ad eos qui ducebantur, vultum & oculos conuertebat
" arridens. Haec ego quum diutius assistens essem contemplatus, admirans, haesitans, indi-
" gnans, Gallus qui propius astabat, nostratium literarum non indoctus, Id quod de-
" clarauit, quum graecanicam linguam absolute sonaret, philophusphilosophus opinor ex eo gene
" re philosophorum quod apud eos esse fertur, Ego tibi hospes, inquit, picturae istius Oratio.
mercurius
Hercules

" aenigma explicabo, nam videre vehementer ad eam attonitus ac stupefactus. Oratio
" nem nos Galli nequaquam arbitramur esse Mercurium, quemadmodum vos Graeci, ve
" rum Herculi illam tribuimus, propterea que hic Mercurio longe robustrior extiterit,
" Nam quod senex fingitur, nihil est quod mirere, Siquidem vna facundia consueuit in
" senecta demum absolutum vigorem ostendere, Si modo verum vestri dicunt poetae, Ob-
" duci iuuenum densa caligine pectus. Contra, Senecta posse quiddam dicere rudi iu Nestor,
" uenta melius ac preclarius. Hinc videlicet apud vos & Nestoris lingua melle pro-
" fluit, & troianorum concionatores lirio essam edunt, videlicet floridam quandam
B.ij.
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[2v] LE PREMIER LIVRE.
vocem. Nam liria, si satis commemini, flores appellantur: proinde quod ab au- "
ribus vinctos ad linguam trahit senex hic Hercules, qui non aliud quam ipse est " Linguae
cum auribus
cognatio

sermo, ne id quidem debes admirari, qui quidem non ignores linguae cum auribus "
esse cognationem. Neque vero ad contumeliam illius illud pertinet, quod ea per- "
tusa est, Nam memini, inquit, & iambicos quosdem, versiculos e comoedijs apud "
vos dicere, Siquidem viris locacibus extrema linga perforata est omnibus. "
Quin de eodem hanc in summa habemus opinionem, vt quicquid egit, id oratio- "
ne, facundiaque confecisse putemus, Vt pote virum sapientem, ac persuadendo ple- " Hercules
vir sapiens

raque sibi subegisse. Iam tela illius nimirum rationes sunt acutae, missiles, citae, at "
que animum sauciantes, vnde pennigera dicta. Hectenus gallus.


L’Exposition en Francois, & translation de cestedite praefation, est comme il
s’ensuit.


LEs Francois en leur langue maternelle appellent Hercules
le françois
Ogmium.
Hercules Ogmium. & le fi-
gurent en painture d’une facon nouvelle & inusitee. Ilz le figurent en vieillard
chauve, n’ayant que ung bien peu de cheveux derriere, & Iceulx tous chanus &
blancs. Sa peau est ridee, & toute noire brulee du chault au soleil, comme on voit
que sont coulorez ces vieulx mariniers, vous diriez qu’il seroit ung droit Charon,
ou ung Iapetus, lesquelz frequentent aux enfers. En somme, vonsvous penseries plu
stost a le voir qu’il fust autre chose que ung Hercules. Toutesfois en ceste figure
& espece il porte l’aornement dudit Hercules, entendu qu’il est vestu d’une pe-
au de Lion, & qu’en sa main dextre tient une massue, & porte a son col en echar
pe une trousse, & en sa main senestre ung arc bende. Finablement. Il est ung droit
Hercules. Je pensoys seurement que toutes ces choses fussent faictes par les Fran-
cois en derision des Dieux grecaniques, veu & entendu qu’ilz le faignoient en
ceste fasson & figure, pour eulx venger de ce que jadis au temps qu’il alloit cher-
chant jusques en Occident les Beufz & autres aumailles du Roy Gerion. Gerion, feit
des courses & rapines par leur pais de France en degastant beaucopbeaucoup de contrees
du pais dabas. Mais je n’ay pas encores dit ce qui estoit tressingulierement nou
veau & admirable en cedit image, Certes cedit vieux Hercules tire apres luy
une merveilleusement grande multitude d’hommes & femmes tous ataches l’ung Atachez
par l’oreil
le.

a part de l’autre par l’oreille. Les liens estoient petites chaines d’or & d’ambre
bien faictes, & semblables a carquans. Et jacoit que de ces tant fragiles chaines
ils soient tous tirez & menez, toutesfois il n’y en a pas ung qui s’en veille reculer,
combien qu’ilz le pouroient bien faire facilement / si le vouloient. Ils ne reculent
point, ne ne retirent le pied en arriere en eulx repanchant, mais tous ale-
gres & joyeulx le suyvent en eulx emerveillant de luy. Tous de leur plain gre se
hastent de le suyvre, & en laschant leurs liens s’estudient marcher plustost que luy
quasi comme s’ilz estoient marris qu’ilz fussent deliez Et certes il ne me deplaira de di
re encores ce qui me sembloit entre tout estre le plus mal a propos. Seurement
quant le paintre ne trouvoit lieu pour atacher les bouts de toutes cesdites chai
nes, entendu qu’en la main dextre estoit la massue, & en la senestre l’arc, il percea Langue
percee

la langue du Dieu Hercules, a la quelle toutes ces chaines estans atachees, il feit
tous ces ja susdits hommes & femmes estre tirez apres icelluy Hercules. Hercu
les tournoit son visage, & sa veue vers ceulz qu’il menoit, en leur faisant gracieulx
semblant & amyable coutenence. Moy estant long temps droit sus mes pieds, se
dict LucienLucian, en contemplant toutes ces choses, en m’en esmerveillant, en doubtant,
& en m’en indignant, ung certain Francois estant au pres de moy, qui n’e
stoit pas ignare des lettres Grecques, d’autant qu’il les pronuncoit tresbien & ab
solument, Ung philosophe a mon advis de la sorte des philosophes qui ont de
costume estre en France, me dist. Mon amy je te veulx declarer la difficulte de
Fac-similé BVH


LE PREMIER LIVRE. FEUIL. III.
ceste painture, car tu me y sembles estre grandement esbay & estonne. Entre nous Oraison,
Mercure
Hercules

Francois nous n’atribuons point l’oraison a Mercure comme vous faictes en Grece,
Mais nous l’applicquons a Hercules, pource qu’il est beaucopbeaucoup plus robuste que
n’est Mercure. De tant qu’il est vieulx tu ne t’en doibs esbayr, Car la facondite &
le beau parler a costume de monstrer sa parfaicte vigueur en vieillesse, au moings
si voz poetes disent vray, quant ilz sont d’opinion que le sens de jeunesse est en-
vyronne de caligineuse obscurite. & au contraire, que vieillesse dit au net ce qu’el-
le veult dire beaucop myeulybeaucoup myeulx & plus clerement que la rude jeunesse. Et pource Nestor,
entre vous Grecs la langue de Nestor est comparee a myel fluent. Semblable-
ment les Ambassadeurs des Troiens ont leur voix toute florissante, Voix flo
rissante.
& leur Orai
son est dicte Lirioessa. Liria, en CrecGrec, s’il m’en souvient bien, sont fleurs. Et ce que
tu voys que ce vieulx Hercules tire de sa langue tous ces hommes liez par l’oreil-
le, ce n’est autre chose en signification que langage aorne, & de ce ne te doibs es-
bahir, La langue
a acointan
ce aux
oreilles.
quant tu ne ignores que la langue a certaine acointance aux oreilles. Et
ce ne doibt estre a reproche que sa langue est percee. Car j’ay souvenance qu’en
voz comedies y a des metres iambicques qui disent, que les hommes qui sont grans
caqueteurs ont tous la langue percee. Caque-
teurs ont
la langue
percee.
Et pource nous Francois avons ceste opi-
nion en somme, que quelconque chose que Hercules face, il le faict par sa facon-
dite & beau langage, Comme ung homme sage qui scaict persuader en soubz-
metant a luy ce qu’il veult. Les fleches de la trousse, signifient ses raisons, qui sont
agues penetrantes, & legieres, en transperceant noz courages & voluntes. Et
pource entre vous Grecs dictes que la parolle est pennigera, Parolle
empanee
C’est a dire, empa-
nee comme est une fleche.


AMsiAInsi acheva de dire le Francois Philosophe le quel pouvons entendre cle-
rement estre ung des Druydes desquellz[sic] maints bons Autheurs font belle
mension.


NOus voyons doncques par les motz de LucienLucian soubz l’escorce de ceste fi-
ction, Langage
Francois
est tres
gracieulx
Notes ce
cy & y en
tendes bien
que nostre langage est si gracieulx, que s’il est pronunce d’ung hom-
me discret, sage, & aage, Il a si grande efficace, qu’il persuade plustost / & myeulx
que le latin, ne que le Grec. Les latins & les Grecs le confessent quant ilz disent
que cestuy Hercules, estoit, Gallicus, non pas Hercules Latinus, ne Hercules
Graecus
.


J’Ay veu ceste dicte fiction en riche painture dedans RomeRomme au pres de la
tour Sanguine, non pas loing de l’eglise Sainct Loys, qui estoit fort bien di-
sposee en ordonance dudit Hercules, & de ceulx qu’il tire de sa langue par les
oreilles, ung peu myeulx ordonnee que n’est celle qui est au premier feuillet de
Pompone Mela commente, & a este imprime par ung nomme Andreas
Cratan-
drus.
Andreas Cratan
drus Basiliensis. Cedict Andreas luy faict tenir de la main senestre ung arc de-
lachant une fleche tandis qu’il tient de sa dextre sa massue, ou il ne fault seulle-
ment que l’arc tendu sans fleche, les fleches veullent estre en leur trousse, & si Bude,
Hercules en veult tirer, il doibt mettre la teste de la massue a terre, & le man-
che droit & debout contre son estomac. Et pour myeulx bailler la chose a l’oeuil,
J’en ay faict cy dessoubz ung deseing, qui est selon LucienLucian, & selon ledict pourtraict
que j’ay veu en RomeRomme, & aussi selon la Traduction de Grec en latin que mon
seigneur Bude a mis en ses Annotations sus les Pandectes, aut[sic] passage ou est
escript en texte . Ex.L.pri, De ser, cor, §. Quod ait praetor.


S’ENSUYT LE DESEING DE
L’HERCULES FRANCOIS.


B.iij.
Fac-similé BVH

[3v] LE PREMIER LIVRE.

HRECULESHERCULES GALLICUS
LE HERCULES FRANCOIS


SI avec nostre facundite, estoit Reigle certaine, Il me semble soubz corre-
ction, que le langage seroit plus riche, & plus parfaict. Et a ce propos pour-
ce qu’il m’en souvient, & que je puisse bailler quelque bonne raison que Reigle se
y pourroit tenir, pource que je voy communement mains personnages tant scavans
que non scavans y faillir & commettre Barbarisme, & langage inepte, je
dis que pour les preterits parfaicts on peut assigner telle Reigle & dire.


TOutes & quantes fois que l’infinitif se terminera en Re, le preterit en Notes cy
la Reigle
de GranGram
maire en
Francois

tierce persone singuliere doibt estre profere en .it. comme Batre, batit. Faire,
feit. vaincre, vainquit. Plaire & ses composez qui sont Complaire & Deplaire en sont
exceptez, car ililz font leur preterit en eut, pleut, compleut, & despleut. Boyre aus-
si, & Croire, foutfont beut & creut. Semblablement Estre faict son dict preterit fut. Croistre
Creut, & Paistre repeut. Et quantesfois celluy infinitif est termine en. Er, le pre-
terit veult estre en .A. comme, Fraper, frapa. Denser, densa. Saulter, saulta, &
non frapit, Densit, ne Saultit comme disent plusieurs. Cognoistre, & ses sem-
blables en terminaison, en sont exceptez. car Ilz font leur preterit en Eut, com
me font les infinitifz en Oir, Cogneut, Concevoit, conceut, Aparcevoit, apar
ceut, infinitifz en .ir. ont leur preterit en .it. Faillir faillit. Cueillir, cueillit, & non
cueilla, ne failla comme disent mainctz indiscrets.


J’Ay faict icy ceste petite demonstrative digression, affin que quelque studieux Lunetes
des prin-
ces.

esperit preigne l’anse de la matiere que je luy mets devant les yeulx.


QUi se vouldroit en ce bien fonder, a mon advis porroit user des oeuvres de Pierre de
sainct
Cloct.
Jehan
Lineve-
lois.
Pi
erre de sainct Cloct. & des oeuvres de Jehan Linevelois qui ont descript la
vie d’Alexandre le grant, en longue ligne, que l’Autheur qui a compose en pro-
se le jeu des Eschecz, dit estre de douze syllabes, & appellee Rithme Alexandri
ne, pource que comme dict est, la vie d’Alexandre en est descripte. Iceulx deux
susdicts Autheurs ont en leur stile une grande majeste de langage ancien & croy
que s’ilz eussent eu le temps en fleur de bonnes lectres, comme il est aujourd’huy
qu’ilz eussent excede tous Autheurs Grecs & Latins. Ilz ont dis je, en leurs compo
sitions don acomply de toute grace en fleurs de Rhetorique & Poesie ancienne
Jacoit que Jehan le
Maire.
jehan le Maire ne face aucune mension d’iceulx, toutesfois si a il prins
& emprunte de eulx la plusgrande part de son bon langage. comme on porroit
bien veoir en la lecture qu’on feroit attentivement es oeuvres des ungz & des
autres. On porroit aussi user dez oeuvres de Chrestien
de Tro-
yes.
Chrestien de Troyes & ce en son
Chevalier a l’espee, & en son Perseval qu’il dedia au Conte Philippe de Flan
dres
Phelippe de Flan
dres
. Hugon de
Mery.
On porroit user pareillement de Hugon de Mery. en son Tornoy de
l’AntechristEntecrist. Raoul
Paysant
de.
[#unknown] MLesieres
Tout pareillement aussi de Raoul en son Romant des Elles. Pay-
sant de Mesieres n’est pas a depriser, qui faict maintz beaux & bons petitz cou
pletz, & entre les aultres, en sa Mule sans frein. J’ay nagueres veu & tenu tous
Fac-similé BVH


LE PREMIER LIVRE. FEUIL. IIII.
ces susdictz reverendz & anciens Autheurs escriptz en parchemain, que mon Frere Re
ne Masse
Chroni-
queur du
Roy.

seigneur & bon amy Frere Rene Masse de Vendosme, Chroniqueur du Roy m’a
liberallement & de bon cueur monstre. Il en use si bien a parfaire les Chroni-
ques de France, que je puis honnestement dire de luy.
Caedite Romani scriptores, caedite Graij.
" Nescio quid maius nascitur Iliade
.
" Arriere arriere Autheurs Grecz & Latins, de Rene masse n’aist chose plusbel-
le & grande que le Iliade. Arnoul
Graban.
On pourroit en oultre user des oeuvres de Arnoul
Graban, Simon
Graban.
& de Simon Graban son frere. DanteDantes. Dante AlighieriDantes Aligerius Florentin, comme
dict mon susdict bon amy frere Rene Masse, faict honorable mention dudict
Arnoul Graban. Et d’icelluy Arnoul ay veu en l’esglise des Bernardins de Pa-
ris ung Tableau au quel y a une Oraison a la vierge Marie, qui se commance
En protestant. & les premieres lettres des versetz du dernier Couplect contien-
nent son nom & surnom qui sont. Arnoldus Grabans me. Qui porroit finer des Nesson.
" Oeuvres de Nesson, ce seroit ung grant plaisir pour user du doulx langage qui
y est contenu. Je n’en ay veu que une Oraison a la vierge Marie qui se treuve
imprimee dedens le Calendrier des Bergiers de premiere Impression. La der-
niere Impression ne la contient pas, & ne scay pour quoy. Alain
Chartier
George
chastelain
Alain Chartier, &
George Chastellain Chevalier sont Autheurs dignes desquelz on face frequen-
te lecture, car ilz sont tresplains de langage moult seignorial & heroique. Lunettes
des prin-
ces.
Les
Lunettes des princes pareillement sont bonnes pour le doulx langage qui y est
contenu. On porroit semblablement bien user des belles Chroniques de Fran
ce que mon seigneur Cretin
est icy ex
aulse en
louange.
Cretin nagueres ChroniquerChroniqueur du Roy a si bien faictes, que Homere. Virgile. DanteDantes.
Homere, ne Virgile, ne DanteDantes, n’eurent onques plus d’excellence en leur stile,
qu’il a au sien. Et pour monstrer que nostre dict langage Francois a grace quant
il est bien ordonne, j’en allegueray icy en passant ung Rondeau que une fem-
me d’excellence en vertus, Ma Da-
me d’En-
tragues.
ma Dame d’Entragues a faict & compose se dict on. Pa
reillement deux bons petits enseignemens, desquelz je ne cognois les Autheurs, &
renvoyray les bons esperits aux aultres bons oeuvres Francois, pour y faire ce Virgile.
que Virgile faisoit jadis en lisant es Oeuvres de Ennius, Extrahere aurum de
" stercore
, Tirer l’or de dedans ung fient. & de Homere, Extorquere clauam de
" manu Herculis
. Oster & aracher la massue de la main d’Hercules. Rondeau
tresbel &
notable.
Le susdict
Rondeau est tel qu’il s’ensuyt.


POur le meilleur, & plus seur chemin prandre.
Je te conseille a Dieu aymer aprandre.
Estre loyal de bouche, cueur, & mains.
Ne te vanter, peu moucquer, parler moings.
Plusque ne doibs scauoir ou entreprandre.


FOrs tes subjectz ne te chaille reprandre.
Trop haultains faictz ne te amuse a comprendre.
Et cherche paix entre tous les humains.

Pour le meilleur.


UNg don promis ne faiz jamais attendre.
Et a scauoir sans cesser doibz pretendre.
Peu de gens fays de ton vouloir certains.
A ton amy ne dissimule ou tains.
Bien me plaira si a ce veulx entendre. B.iiij.
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[4v] LE PREMIER LIVRE.
Pour le meilleur.


Le premier susdict enseignement est tel qu’il s’ensuyt.


SI tu as maistre, sers le bien. Deux be
aulx ensei-
gnemens

Dis bien de luy, garde le sien.
Son secret scele, quoy qu’il face.
Et soyes humble devant sa face.


L’aultre enseignement.


NE seuffre a ta femme pour rien.
Mettre son pied dessus le tien.
Le lendemain la bonne beste.
Le vouldra mettre sus ta teste.


S’Il est vray que toutes choses ont eu commancement, il est certain que la lan-
gue Grecque, Entendez
icy bien at
tentivement.
semblablement la Latine ont este quelque temps incultes &
sans Reigle de Grammaire, comme est de present la nostre, mais les bons An-
ciens vertueux & studieux ont prins peine, & mis diligence a les reduyre & met-
tre a certaine Reigle, pour en user honnestement a escripre & rediger les bon-
nes Sciences en memoire, au prouffit & honneur du bien public.


AU temps du pere des Poetes latins Ennius. Ennius qui disoit en son gros langage
avant que sa langue Latine fust purifiee,
Vulturis in syluis miserum mandebat homonem. "
Et au temps du Poete Philosophe naturel LucrèceLucretius LucrèceLucretius, qui disoit en son premier livre
Visceribus viscus gigni, sanguemque creari. "
Semblablement au temps du Poete Comicque Plaute. Plaute repute & appelle le de-
lice des Muses, qui disoit en sa Comedie nommee Cassina. Non ergo istud ver "
bum empsitem titiuilitio
. Et ung peu apres. Facite vostro animo volupe. Pareille "
ment, Hac dabo protinam, & fugiam. On ne parloit ne escripvoit encores regu- "
lierement, ne grammaticallement, en tant que depuis on a si bien poly la dicte "
langue Latine, que se seroit aujourd’huy honte & asnerie de dire Homonem
SanguenSanguem
Empsitem.
Volupte.
Protinam
.
Homonem, San"
guen
San"
guem
, Empsitem, Volupe, & Protinam
. Semblablement mille aultres facons
de dire que Hierony
me avance
Oscus, &
Volscus.
Hieronyme Avance natif de Verone allegue au comancement desde
ses annotations qu’il a tresdiligentement faictes sus les oeuvres du Poete ancian[sic]
nomme LucrèceLucretius, que je laisse aux curieulx & amateurs d’antiquite, & de laquelle "
chose on peult amplement veoir & lire en ung Dialogue intitule, Osci & volsci "
Dialogus ludis Romanis actus
.


QUant Donatus, Servius, Priscianus, Diomedes, Phocas, Agrestius, Noms d’au
theurs an
ciens en
la langue
Latine.
Ca-
per, Probus, & les aultres bons Autheurs semblables furent venus, ilz la
polyrent & mirent en si bonne ordre, que depuis a tousjours de bien en
myeulx augmente en sa perfection, si bien que les Romains qui ont eu domina
tion sus la plusgrande partie du monde, ont plus prospere, & plus obtenu de vi-
ctoires par leur langue que par leur lance. Pleust a Dieu que peussions ainsi fai
re, non pas pour estre Tyrans & Roys sus tous, mais en ayant nostre langue bi
en reiglee, peussions rediger & mettre bonnes Sciences & Arts en memoire &
par escript. Je voy que si nous voulons scavoir quelque Science, il la nous fault
mandier & prendre quasi furtivement des Grecz & des Latins, & eulx n’ont que
faire de nous, ne de ce que pouvons scavoir. Nostre langue est aussi facile a rei-
gler et mettre en bon ordre, que fut jadis la langue Grecque, en la quelle
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LE PREMIER LIVRE. FEUIL. V.
ya cinq diversites de langage, qui sont la langue Attique, la Dorique, En Grec
y a cinq di
verses lan
gues par
reigle.
la Aeoli
que, la Ionique, & la Commune, qui ont certaines differences entre elles en
Declinaisons de noms, en Conjugations de verbes, en Orthographe, en Ac-
centz & en Pronunciation. Iohannes
Gramma
ticus.
Comme ung Autheur Grec nomme Ioannes Gram-
maticus, & plusieurs autres traictent & enseignent tresamplement. Tout ainsi
pourrions nous bien faire, de la langue de Court & Parrhisiene, de la langue Pi
carde, de la Lionnoise, de la Lymosine, & de la Prouvensalle. J’en dirois au-
cunes differences & accordances / se n’estoit que je ne veulx icy estre trop long,
et que je laisse a plus expertz que moy eulx y employer.


JE ne fais doubte que aulcunes fois ne se treuve des motz nouveaulx en no-
stre langage, & comme dict Horace. Horace en son Art poetic.
Multa renascentur, quae iam cecidere, cadentque
" Quae nunc sunt in honore vocabula, si volet vsus.

" Beaucoup de Vocables renaissent, qui sont pieca delaissez, & ceulz qui sont au
jourd’huy en cours, seront derechief aboliz si l’usage le veult. L’usage & le temps
aportent & emportent beaucopbeaucoup de vocables vieulx & nouveaulx: & pource dit
PontanoPontan en son premier livre De aspiratione. Aetas enim ex Messana, Messalam
" fecit. Ex valesio valerium. ex fusio furium. Ex sclitibus lites, ex scloco locum.
" Ex remulibus lemures, ex fordeo ordeum. Ex cassantra cassandram, Ex eo quod
" erat odysseus vlyssem, ex lebero liberum. Ex here heri, ex sibe sibi. Ex coerauit
" curauit. Itemque ex voloce velocem. Ex accusatiuo mee me, ex duello bellum. Ex
" aijo in quo duplicabatur I .aio. Ex comperce compesce, ex creduis credas. Ex duis
" des, ex hesprug hespruginem, & mille talia.


JE laisse toutes ces choses, & reviens a nostre propos des lettres, Diverses
opinions
de l’inven
tion des
lettres.
mais il me sem
ble n’estre inutile, si premierement j’escriptz icy de leur origine & invention
selon que je puis lire en divers Autheurs, tant Anciens que Modernes.


L’Invention des lettres a este diverse, selon diverses opinions. Priscian. Priscian dict,
que les Chaldees en ont este premiers inventeurs. Lactance. Lactance dict en ses Di-
vines institutions, que les Egyptiens les ont premierement excogitees, & desi-
gnees, comme toutes aultres bonnes choses, tant mecanicques que spirituelles
qu’ilz ont inventees, & ce pour la grace de la temperance de leur Ciel & Terre
ou ilz habitent. Les pre
miers hom
mes.
Aussi se disent ilz avoir este les premiers hommes. L’opinion de Platon.
Platon est, que les lettres ont este eternelles, comme il cuydoit que le Monde
fust eternel. Pline. Pline aussi au .LVI. chapistre du septiesme livre de son histoire na-
turelle, est d’opinion qu’elles ont tousjours este Assyriennes, neaumoingz il en
allegue diverses opinions. Iosephus
Pomponius
Mela.
Iosephus, PompouiusPomponius Mela & le Poete historien
Lucain, sont d’opinion que les Pheniciens qui sont en Syrie, ont invente les
dictes lettres. Lucain. Lucain dict.
" Phoenices primi, famae si creditur, ausi
" Mansuram rudibus vocem signare figuris.

C’est a dire, Les Pheniciens, s’il est vray ce qu’on dict, ont este les premiers
qui ont voulu faire arester la voix des hommes en figures d’escripture & en
lettres. Le susdict Iosephus a laisse par escript que les enfans de Adam inven-
terent les figures & caractheres des lettres, & qu’ilz les escripvirent en deux co-
lomnes, en delaissant a cognoistre a leurs posterieurs les innumerables maulx,
grandes adversites & tribulations qui debvoient advenir. AbrahamHabraam. AbrahamHabraam l’ancien
Philosophe, & le prince des souverains Patriarches, selon l’opinion d’aulcuns
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[5v] LE PREMIER LIVRE.
a este le premier inventeur des lettres. Moses. Moses, selon les aultres opinions, bailla
premier aux Juifz la cognoissance d’icelles. Desquelz Juifs les Pheniciens en
prindrent la notice, & puis les Grecz desdictz Pheniciens. Cadmus. Cadmus, selon Cornele
Tacite.

Cornele Tacite, & selon Pline. Pline au susdit Chapistre & livre, les a bailles aux ditz
Grecz. Q.Quinte CurceCurse
Tyrus.
Quinte CurceCurse en son .IIII. livre dit que les habitans de la Cite de Tyrus les
ont premiers sceues ou enseignees que nulz aultres, quant il dit.
Tyrus, si famae libet credere, literas prima aut docuit, aut didicit. C’est a dire. "
La Cite de Tyrus, si on veult croyre ce qu’on dit, a la premiere enseigne, ou a-
prins les lettres. Hercules
CicéronCicero.
Hercules, comme dit CicéronCicero en son livre de la nature des Dieux,
les a baillees aux Phrygiens. Nicostra
ta.
NicostrateNicostrata, qui fut autrement nommee Carmentis Carmentis,
comme dit Cornele Tacite, les aporta de Grece aux Latins. S. Cypriencipryan
Saturne.
Sainct CyprienCipryan mar
tyr dit que Saturne les aporta premier en Italie, & enseigna les estamper en mon
noye. S. Hiero.
Esdras.
Sainct JérômeHierosme recite que Esdras apres la Captivite des Hebreux, pour-
ce qu’elles estoient perdues, les inventa, & les feit en aultres figures & characte-
res que lesditz Hebreuz ont encores aujourd’huy en usage.


JE dirois voluntiers qui c’est qui les inventa ne aporta en France, mais nous som-
mes si pouvres historiens & executeurs de bonnes lettres, que je ne puis cognoi-
stre assez bon autheur qui en aye suffisamment laisse memoire. Gaguin. Gaguin toutesfois
a dit au .IIII. livre de ses Chroniques de France, que au temps du Roy & Empereur Charle-
maigne.

Charlemaigne, quatre disciples du venerable Beda le
venera-
ble, & ses
disciples.
Beda, qui estoient nommes Clau
dius, Joannes, Rabanus, & Alcuinus, vindrent cy en Paris, & comancerent a en
seigner lettres en s’en faisant paier, & que pour lors l’universite y print comancement
Mais il ne repugne point qu’il n’y eust par avant exercice de lettres & d’escripture
Long temps avant que Jules Cae
sar.
Jules Caesar vint en France, les Philosophes nommes les
Druydes, estoient au territoire de Les Dru
ydes esto
ient au ter
ritoire de
Chartres
Chartres, en ung lieu qu’on apelle encores au-
jourd’huy Dreux. Dreux, & y enseignoient tous venans, en leur faisant aprendre par me-
moire innumerables milliers de mettres. Je ne puis bonnement icy dire ne asseurer
en quelle sorte de lettres ilz enseignoient: si en lettres Hebraiques, en Grecques,
Latines, ou Francoises: mais toutesfois il y a apparence que c’estoit en lreslettres Grecques,
en tant que Caesar le tesmoigne au sixiesme livre de ses commentaires, & que leur nom
aussi qui est Δρυιδαι Δρυιδαι, est grec, le nous monstre. Je puis aussi faire conjecture que les
lettres Hebraicques y ayent eu cours par avant. Car j’ay veu une grande pierre
en l’hostel de Fescamp situe en l’universite de Paris, ou sont gravees maintes bon
nes lreslettres Hebraicques. Pareillement j’en ay veu deux aultres pierres aussi grave-
es en Hebreu, qui sont en la muraille de la court de la maison ou pend l’enseigne
de trois boittes, assize en la rue de la Harpe, droit devant le bout de la rue du
foing. J’en ay veu aussi une aultre pres les Cordeliers, qui fut trouvee en la pla-
ce ou est de present edifiee une maison neufve qui est entre la porte de l’Univer
site pour sortir a sainct Germain des pres, & lesditz Cordeliers, & de present y est
encores a demy escripte, pour autant qu’on l’a retaillee. Et la faict on servir soubz
ung esgout. Je ne doubte qu’il n’y en aye beaucoup d’aultres semblables que je ne
puis avoir veues, qui sont en maisons par cy & par la encores mussees en terre.

LEs bonnes lettres Hebraiques & Grecques furent abolyes par Jules Cesar LresLettres He
braiques
abolyes
par Jules
Caesar.

Car luy & les Rommains estoient si gormans & grans ambrasseurs de gloi-
re, qu’ilz ne vouloient seullement vaincre les Royaulmes & Nations, mais en
destruyssant Loix, Costumes, Usages, & toutes aultres bonnes choses, & en de-
molissant Epitaphes, & Sepulchres. Ilz vouloient que leurs victoires & arro-
gances fussent mises en memoire par leurs lettres Latines, cuydant exceder
la langue Grecque, la quelle chose ilz n’ont peu faire en tant que la dicte langue
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LE PREMIER LIVRE. FEUIL. VI.
Grecque est de lettres myeulx ordonnees, en sorte qu’elle est sans comparaison
plus fertile, abundante, & florissant que la leur Latine.


LEs Grecz ont este Autheurs aux Latins en toute maniere de doctrine, tes-
moing Priscian. Priscian qui dict au premier livre de son art de Grammaire, au tiltre
" De accidentibus literae, quant il dit. Porro Graeci quibus in omni doctrina au-
" thoribus vtimur
Les Grecz, dit il, sont noz auteurs en toute sorte de discipline


AVant que le dit Cesar vint icy, & y traynast sa dicte langue Latine, les let
tres Grecques y pouvoient estre, & de faict elles y estoient en cours, conside-
re que long espace de temps, & grant nombre dans par avant, Baptiste
Mantuan.
comme dit Ba-
ptiste Mantuan en ung de ses livres qu’il a faict en descrivant la vie de sainct De
nis, Hercules quant Hercules alla oultre Espaigne aux jardins des Hesperides, passa par
ceste contree, & quant il fut en l’isle de ceste cite de Paris, il print si grand plaisir
a veoir le pais & SeineSeyne. la riviere de SeineSeyne, qu’il y commenca a edifier, puis s’en volant
aller oultre a ses entreprinses, y laissa une bande & compaignie de ses gens d’ar-
mes qui estoient Parrha-
sians.
appellez Parrhasians selon le nom de leur pais en Grece du co-
ste d’Asie, Parrha-
sia.
qui est nommee Parrhasia. Iceulx Parrhasians laisserent leur nom icy
et en mutation de A. en I. les habitans de ceste dicte Cite ont este, & sont enco-
res Parrhi-
siens.
dictz & appellez Parrhisiens.


DOncques iceulx Parrhasians demourans icy, edifierent en la dicte isle, &
commancerent soubz bon & prospere horoscope ceste noble cite de Paris, &
ses louan
ges.
Pa-
ris qui est aujourd’huy myeulx que Athenes n’estoient au temps passe, la fontaine
de toutes sciences. La monjoye de toute vertu. Le theatre de nobles personages
L’excellence de bons esperitz. Le sanctuaire de devotes ames. & le tresor de tous
biens. A l’honneur de la quelle je veulz icy tresvoluntiers alleguer aucuns beaulx
metres du poete Architre
nius.
Architrenius Baptista
pius.
ainsi que Baptista pius le tesmoigne en ses An-
notations au Chapitre .LXIII. quant il dict.
Altera regia phoebi
" Parrhisius. Cyrrhea viris, Chrysea metallis.
" Graeca libris. Inda studijs. Romana poetis.
" Attica terra sophis. Mundi rosa. Balsamus orbis.
" Sidonis ornatu. Sua mensis, & sua potu.
" Diues agris. Foecunda mero. Mansueta colonis.
" Messe ferax. Inoperta rubis. Nemorosa racemis.
" Plena feris. Piscosa lacu. Volucrosa fluentis.
" Munda domo, Fortis domino. Pia regibus. Aura
" Dulcis. Amoena situ. Bona quaelibet. Omne venustum.
" Omne bonum. Si sola bonis Fortuna faueret.


C’Est a dire. Louanges
de paris.
Paris est une admirable maison Royalle, en la quelle ordinaire-
ment le beau soleil inspire son gratieulx & divin aspect, en y rendant innume
rables bons esperitz dedies aux Muses, comme estoient jadis en la cite de Phocis
en Grece, nommee Cyrrha. Paris abunde en toutes especes de nobles metaulx,
& est une droicte Grece en multitude de livres. ung vray pais d’Inde en bonnes
sciences & estude. une segonde RomeRomme en poetes. unes Athenes en savans hommes
Paris est la rose du monde, & le baulme de l’universel firmament. Paris est une se
gonde cite de Sidon en tout aornement, abundant en toute maniere de victuail-
les & bons brevages. Riche en champs laborables. Fecunde en pur vin. Et doulce
en ses habitans. Tresfertile en toute qualite de bons bledz. sans runces, & sans
inutiles buyssons. Tresabundante en vignes, treilles, & resins. Plaine forest de
bestes a venoison, & vraye source de tout bon poisson. Entrelacee de sa belle ri
viere Seyne. Necte en son manoir. Forte en son seigneur. Reverente & amyable a
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[6v] LE PREMIER LIVRE.
ses Roys. Gratieuse en son bel & doulx air. Delectable en son assiette. Bref,
en Paris est toute venerable honestete, & tresor de tout bien, si fortune y visoit
tousjours bien.


LE susdit Baptiste
Mantuan
Baptiste Mantuan introduyt sainct PaulPaol parlant a sainct Denis,
et disant au susdit lieu allegue.
Venies duce flumiueflumine tandem "
Parrhisios gentem vestris quae traxit aboris "
Et genus & nomen. sed primae barbara nonam "
Lingua notam vitio fandi succedere fecit.
"


C’Est a dire. Tu iras dit sainct PaulPaol a sainct Denis, le long du beau fleuve nom-
me la SeineSeyne jusque aux Parrhisiens, qui ont prins origine & nom d’une de
voz nations de Grece. Icelle nation estoit ditte Parrhasiane, mais l’usage de par
ler a mue la premiere lettre Abecedaire qui est A. en la neufviesme qui est I. &
dit on Parrhisiane.


JE puis de rechief dire par bonne raison que lesdittes lettres Grecques ont icy Conside-
rez bien ce
qui est
icy dict.

este avant que les Latines, quant encores aujoud’huyaujourd’huy en avons des vocables
et dictions en l’usage de nostre langage Francois qui sont plus Grecques que La
tines. Comme sont Paradisus, Angelus, Cygnus, & mille autres auaux quelles peu
de gens prenent garde pour faulte que nostre langue n’est pas mise par reigle.


Nous appellons ung beau jardin Paradis terreste, donques c’est Paradisus
Angelus
Paradisus. "
Ung ange n’est autre chose que ung messager qui est dit en latin Nuncius "
Parquoy doncques Angelus ou totallement dict en Grec Αγγελοσ, & Ange, "
sont plus prouchains & semblables que ne sont Nuncius & Ange. Pareillement " Cygnus.
Cygnus, ou Κυγνοσ est plus prouchain de ceste diction Francoise Cygne, que "
de la Latine qui est Olor. Toutes fois qui ne me vouldra croyre de ce que j’en viens "
de dire, si s’en aille esbatre a lire au Cinquiesme livre De Asse, au comancement
du fueillet .CXCV. de l’impression de VeniseVenize qu’on dit Aldine, & il verra comment
monseigneur Bude. Bude tesmoigne elegamment que les noms des mesures de ceste no
ble cite de Paris pour la plusgrant part ont encores leurs noms aupres du Grec Cheopi-
ne & Pin
te sont ti-
rez du
Grec.

comme sont, Cheopina, & Pinta. Cheopine, & Pinte. Melodia, est pluspres du "
langage Francois, Melodie, que n’est Concentus. J’en porois alleguer ung millier "
de semblables & plus evidens, mais aidant nrenostre seigneur ce sera pour une aultre fois.


GAguin a escript au .IIII. livre de ses Chroniques, que les livres que sainct De-
nis feit de la Hierarchie celeste, & qui feurent envoyes de l’empereur de Con-
stantinoble nomme Michael.
l’Empe-
reur.
Loys le
piteable.
Michael au Roy Loys le piteable filz et successeur de Char
lemaigne, estoient escriptz en Grec. Parquoy donques lettres Grecques ont icy
eu cours avant que les Latines, entendu qu’elles estoient plus estimees, & que les
dictes Latines estoient en ce temps la encore en leur gros & rude stile comme on
peult juger clerement par les scripteurs & autheurs de ce dict temps. Noms d’au
theurs ru
des & ari
des en lan
gue latine.
Comme estoient
Grecismus, Tardiuus, Alanus de parabolis, Floretus, Compotus, Alexander
de villa dei, & mille aultres qui ne valent pas le rememorer pour la rudete & du-
re langue qu’ilz avoient en leur composition plus latineuse que latine, c’est a di-
re, sans elegance, & sans fleur de Rhetorique.


OUltre plus, quant sainct Denis, sainct Rustic, & sainct Eleuthere vindrent
d’Athenes en Paris enseigner la foy Cretienne, comme Grecz qu’ilz estoient L’evangile
du jour
de la feste

l’enseignoient plustost en Grec qu’en latin, en memoire de quoy nous voyons
encores aujourd’huy que le jour de la feste sainct Denis, les Religieux de l’esgli-
se & couvent de l’Abbaye sainct Denis en France chantent l’evangile de leur gran-
Fac-similé BVH


LE PREMIER LIVRE. FEUIL. VII.
de messe en Grec. sainct De
nis est chan
tee & di
cte en
Grec, a
l’eglise
sainct De-
nis en
France.
Parquoy replique qui repliquer qui vouldra, me semble que les
langues Hebraique & Grecque ont icy eu cours avant que la Latine, & que
ce qui a tant augmente la dicte Latine, n’a este que l’arrogance & insatiable ava
rice L’insatia
ble avari-
ce des
Romains.
des Romains qui ont voulu totallement estaindre les susdictes bonnes / an
ciennes / & divines langues, & mettre la leur au dessus, qui est beaucoup moin-
dre en toute sorte de perfection, comme peuvent bien juger ceulx qui cognois-
sent que c’est de toutes les trois, ou seullement de la Grecque & Latine. Mon
seigneur Bude. Bude Diamant & Perle entre les scavans & bien letrez Parrhisiens, a
treselegamment escript de la conference des lettres Grecquez & Latines, au
premier livre de son bel Oeuvre intitule De asse. & y peult abundamment con
tenter les desirans scavoir plus amplement de cesdictes lettres Grecques.


SI j’eusse peu trouver mention par escript de noz susdictes lettres de Forme
et Bastarde, ou comme j’ay cy devant dict, si j’en eusse peu trouver homme
qui m’en eust volu & peu enseigner, je les eusse mises en ordre selon leur deue pro-
portion, mais aidant nostre seigneur se sera pour une aultre fois. A ceste heure
icy je traicteray seullement des lettres Attiques, qu’on appelle vulgairement LresLettres At-
tiques, &
raison d’i-
celles.

lettres Antiques, & abusivement lettres Romaines. Mais avant ce je prie aux
bons estudians & vrays amoureux de bonnes lettres, qu’ilz me pardonnent si
j’ay este cy dessus ung peu long en faisant digression pour deplorer la sterilite de
noz mains qui sont trop mal soigneuses a bien escripre.


LEs Entendez
bien icy
& retenes
dictes lettres Attiques sont deuement nommees Attiques, & non An-
tiques, ne Romaines: pource que les Atheniens en ont use avant que les
Romains, ne homme de leur Italie, combien que lesdictz Romains & Italiens
en ont faict leurs monstres en leurs sumptueux Palaix, & Arcs triumphans, com
me on peut encores veoir dedans RomeRomme aux ruynes qu’on voit par cy et par la Canetie-
res en
RomeRomme.

envyronnees de Canetieres en la plusgrande partie de la dicte RomeRomme.


JE veulx icy dire une chose incogneue a beaucoup de gens d’estude, combien
que je scay qu’il y en ya dix milliers plus scavans que je ne suis. C’est que ce-
ste presente & dicte letttelettre Attique a este inventee en ung pais de Grece nom-
me Ionia.
Pompone
Mela.
Ionie. qui est comme dict Pompone Mela en l’extremite d’Asie la mineur,
entre Carie, & Eolie. Ioniens l’ont premierement inventee, figuree, & propor-
tionnee. Mais les Atheniens qui ont este seigneurs & dominateurs de toute Gre-
ce, l’ont mise en usage & honneur, si bien qu’elle en a & retient encores le nom.
Qui soit vray que les Ioniens ayent invente cesdictes lettres Attiques, & que
les Atheniens n’en ont seullement use, mais toutes aultres Nations. Pline. Pline dict a
la fin du .VII. livre de son Histoire de la nature des choses, au .LVII. Chapi-
"stre. Gentium consensus tacitus primus omnium conspirauit, vt Ionum literis vte
rentur
. C’est a dire. L’uniforme consentement de toutes nations, est condescen-
du que toutes gens useroient des lettres des Ioniens. L’invention d’icelle a este
convertie en fable, comme les Grecz avoient de coustume faire en toutes cho-
ses, comment on peut veoir assez amplamment en Boccace, au Livre de la Ge
nealogie des Dieux.


ILz ont fainct que Pline.
Belle fa-
ble a bien
considerer
JupiterIupiter fut une fois amoureux de la fille du Roy Ina-
chus, en telle sorte que pour en avoir son singulier plaisir l’envyronna toute
de tenebres, mais JunonIuno seur & femme du dict JupiterIupiter voyant ces tenebres, C.j.
Fac-similé BVH

[7v] LE PREMIER LIVRE.
comme jalouse qu’elle estoit, se doubta bien du cas, & descend de l’air en bas pour
veoir que signifioient ces tenebres pour lors estans en plain jour. Parquoy Iu-
piter la voyant venir, pour celer son faict, mua son amoureuse en forme d’une
belle jeune vache. Toutesfois JunonIuno ne laissa son propos, & vient convertement
a louer la beaulte de ceste vache, tant qu’en fin la demande a son mary pour don.
JupiterIupiter se voyant bien empesche de s’excuser, ne luy peut refuser, & luy donne.
Quant elle la tient pour sienne, elle l’en remercye. Et incontinent pour se ven-
ger de son injure elle la baille en garde a son Bergier nomme Argus, qui avoit
au visage, & par toute la teste cent yeulx qui ne dormoient jamais tous ensem-
ble, mais deux a deux tandisque les aultres veilloient. Argus. Iceluy Argus la tractoit
durement en la battant souvent de sa grosse massue, luy ruant a la teste, a la queue,
et aux jambes pierres & cailloux, la pourmenant ca & la durant la grande chal
leur du Soleil, pour la faire poindre & mordre aux frelons & grosses mouches.
Puis la ramenant battant en son tect, ne luy donnoit a menger que des escorces
ameires, & dures branches d’arbres. La pouvrette eust voluntiers dict ses infor-
tunes audict Argus, mais en lieu de vouloir parler elle mugissoit, & le regar-
doit plourant a grosses lermes. JupiterIupiter voyant l’adversite de sa mye, & la perver-
site de Argus, ung jour convertit son messager Mercure en forme de Bergier
gardant chievres & brebis, & l’envoya vers iceluy Argus qui estoit aux champs &
vallees ou il gardoit rigoureusement sa dicte vache. Mercure
en forme
de Ber-
gier.
Mercure s’en vient tout bel
lement amenant son troupeau, & jouant de ses chalemeaulx tresarmonyeusement,
si bien que Argus l’appelle pour s’en venir repouser sus l’herbe au pres de
luy en l’umbre d’une roche ou il estoit assis & estandu. Mercure vient & le salue,
puis apres avoir ung peu parlemente, & demande l’ung a l’autre de la bonne
fortune, il se prent a jouer de ses susdictz Chalemeaulx encores myeulx que par
avant, tellement que Argus y prent grant plaisir. Toutesfois Mercure pour my-
eulx venir a son entente, cesse, & se prent a parler & deviser de la louange de Mu
sique, si bien qu’il luy mect en volunte de scavoir iceluy Art, & jouer des Cha-
lemeaulx. Alors Argus esmeu des parolles de Mercure, le prie affectueusement
qu’il joue de rechef de sesdicttzsesdictz Chalemeaulx, laquelle chose il faict incontinent,
et joue de si grant Art & si melodieusement, qui le faict descendre en si grant som-
meil, que tous ses yeulx, qui estoient, comme est ja dict, cent en nombre, se vont
tous endormir tresparfondement, & tantost Mercure prent son Bracquemard
et luy trenche la teste


LA belle vache voyant qu’elle estoit delivree de celuy qui tant la tourmen-
toit, fut bien aise, & prent sa cource, s’en allant au long & au large par cy
par la, tant qu’elle vient en ung endroit ou son pere Inachus estoit mue en Dieu
de fleuve, qu’on dict aultrement, en Dieu Marin. Iceluy Inachus ne cognois-
sant l’infortune cas de sa fille, mais pensant que ce fuste unfust une vraye vache, luy tendoit
plaines mains de doulces & odoriferentes herbes, & la sadeyoit amyable-
ment en luy touchant & la pariant de ses divines mains par le front, par le dos,
et par les costez, jusques a ce que en allant & venant entour elle, il veit le nom
de sa fille escript au pas & en la place ou avoit presse le pied de celle belle vache
qui est de deux lettres seullement ΙΩ.
Ionia.
Ι. & Ω. au nom de la quelle le pais a este nomme
Ionia, & les habitans Ioniens.


QUant Inachus veit ainsi le nom de sa fille, & cogneut qu’elle estoit muee en
Vache, il se print a escrier. Ma fille / & chere amye, je t’ay, ja long temps a
tant cherchee par mons & par vallees, & jamais je ne t’ay peu trouver
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LE PREMIER LIVRE. FEUIL. VIII.
mais ne pensant a ceste fortune / je t’ay rencontree, & sans y pencer aperceue. Ovide.
Ovide Nason ung peu devant la fin de son premier livre de ses transfigurations
et fables poeticques, intitulees Metamorphosis, descript treselegamment toute
ceste fable comme il a de belle coustume. Je l’aleguerois icy voluntiers toute, pour
l’ingeniosite dont elle est plaine, mais je serois trop long, toutesfois j’en escripray
cy une partie, & diray ainsi.
Decerptas senior natae porrexerat herbas,
" Illa manus lambit, patrijsque dat oscula palmis.
" Nec retinet lachrymas, & si modo verba supersint.
" Oret opem, nomemque suum, casusque loquatur.
" Littera pro verbis quam pes in puluere duxit.
" Corporis indicium mutati triste pergit.
" Me miserum exclamat pater Inachus, inque gementis
" Cornibus & niueae pendens ceruice iuuencae.
" Me miserum ingeminat, tu ne es quaesita per omnes
" Nata mihi terras: tu non inventa reperta es.

C’est a dire, Inachus ja vieulx & ancien tendoit des herbes cuyllees / a la belle
jeune vache sa fille, la quelle luy lechoit & baisoit les mains en ne se pouvant con-
tenir de lermoyer & plourer. Si elle eust peu parler, voluntiers eust demande aide.
et eust dict son nom, en recitant ses infortunes, mais l’escripture que son pied feit
en marchant sus la pouldre, fut manifeste indice de la triste mutation de son
beau corps de vierge en vache. Incontinent que son pere Inachus aperceut la
dicte escripture, il se prent a escrier en se pendant & apuyant sus les cornes de sa
fille gemissant & estant en forme de jeune vache blanche. O miserable misera-
ble que je suis, dict Inachus, helas ma fille je t’ay cherchee par inumerables lieux
et places, & jamais ne t’ay peu trouver, que a ceste heure que je t’ay rencontree.


Jehan
Boccace.
JEhan Boccace homme nagueres tresscavant & studieux, a laisse par escript bien
au long toute ceste fable en sa Genealogie des dieux au .VII. livre, & Cha-
pitre .XXII. en l’exposant bien honnestement au sens moral, comme pourront veoir
ceulx qui vouldront visiter le lieu allegue. Mais en cest endroit, & a mon propos je
la moraliseray comme je l’entens, & croy qu’on y trouvera de la raison.


DOncques, Moralite
de la fa-
ble de Io
nous entendrons par JupiterIupiter qui fut amoureux de la belle fille
de Inachus, que c’est l’air & gracieux habitacle qui est au pais de Ionie, au
quel bons esperits ont eu vigueur a inventer Ars, Lettres, & Sciences, comme nous L’air de
Paris est
nect,
doulx, &
amyable

voyons que l’air de Paris est beaucoup plus nect, doulx & amyable qu’en nul aul-
tre lieu de France, & que toutes bonnes Sciences, & belles vertus depuis la fondation
y ont tousjours bien floury, prospere, & augmente en souveraine perfection. si bien
que c’est le lieu qui n’a son pareil en toute Crestiente. Et qui pour ung lieu clos de
murs entre unze portes ouvrantes, vault plus que ne vallent aucuns Royaulmes.
Je ne veulx pas blasmer les aultres lieux pour l’exaulcer, mais il est dict en com-
mun Proverbe, Paris,
sans pareil
que Paris, est sans pareil.


JE reviens a ma moralite, & dis que pour la belle fille de Inachus, ja dicte & Ιω. est icy
entendue
pour Sci
ence.

Nommee ΙΩ nous entendrons Science, laquelle est baillee par JunonIuno. JunonIuno, qui est
entendue Richesse. Peu de gens parviennent a grande Science sans aide de
deniers. Et pource nous voyons que pouvres estudians voulantz venir a per-
fection, cherchent & s’efforcent avoir quelque bon Mercenas, ou quelque C.ij.
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[8v] LE PREMIER LIVRE.
Pollio. C’est a dire, quelque homme de bien qui leur aidera a estre entretenuz
a l’escolle & estude.


ARgus disforme de tant d’hyeulx qu’avons dict, qu’il avoit, signifie ceulx qui Argus, &
sa signifi-
cation.

de leur rusticite & meschant scavoir persecutent les bonnes Lettres & Sci
ences de leurs meschantes doctrines arides, & sans elegance, & deprisent les tres
scavans en leur imposant nouveaulx cas pour les reculer & deprimer de toute Science en
captivite

leur puissance. Science entre les mains de telz hommes est en captivite, & n’est
point repeue de doulces herbes de Grammaire, ne de fleurs de Rhetorique,
mais de dure escorce de Barbarisme, & de ameres branches de Solecisme.


MErcure Mercure jouant de ses chalemeaulx, & coupant la teste au dict Argus, sera
icy interprete & prins, pour l’homme diligent a enquerir la purite de
toutes bonnes lettres & vraye Science en s’employant a bien enseigner aultruy,
tant de sa parolle / que de ses escriptures, & rescindant & mortifiant les invete-
rees barbaries des indoctes, comme nous voyons aujourd’huy faire trois nobles Erasme. Jaques
Faber.

personnages, Erasme le Hollandois, Jacques Lefevre d’EtaplesJaques le feuvre d’Estaple en Picardie, Bude.
et Bude diamant des nobles & studieux Pharrisiens, qui nuyct & jour veillent
et escripvent a l’utilite du bien public, & exaulcement de parfaicte Science.


JE reviens doncques a nosdictes lettres Attiques, & dis a propos de la susdi-
cte I. & O.
sont le mo
dele de
toutes les
aultres
lettres At-
tiques.
fable de ΙΩ, que ces deux lettres cy .I. & O. sont les deux lettres, desquelles
toutes les aultres Attiques sont faictes & formees. Le A. est faict seulle-
ment de le I Le B est faict du dict I. & de le O, brise. Le C. est faict seullement
d’ung O. brise. Le D. d’ung I. & d’ung O, brise. Et semblablement toutes les aul-
tres sont faictes de l’une desdictes deux lettres, ou de toutes deux ensemble, com
me je diray cy apres, & monstreray par figure & symmetrie aidant nostre sei-
gneur. On peult aussi dire que le O. est faict de le I. mais nous pouvons estimer
que le O est modele pour les panses & arondissemens de aulcunes aultres let-
tres que de luy.


NOtez en passant que ΙΩ, pour le nom de la belle fille de Inachus veult Bon no-
table.

estre escript par Iota & Omega. C’est a dire, par ung Ι. vocale, & par Ω,
qui est long en quantite de syllabe metricque. mais a mon propos IO. sera es-
cript par Omicron. C’est a dire, par O. bref en quantite de syllabe, pource qu’il
est simple lettre / & uniforme, & qu’il est plus convenable a faire bonne demon-
stration pour proportionner les rotundites des aultres lettres que n’est ledict Ome
ga. Lequel Omega aussi est faict dudict Omicron en l’escripvant deux fois ad-
herent l’ung a l’aultre pour la raison & reigle de Grammaire, qui veult que une
vocale longue en quantite metricque / en vaille deux breves, & deux breves une
longue.


JE veulx icy encores dire & escripre quelque aultre petite chose de secret a
propos que j’ay dict que nosdictes lettres Attiques sont toutes participan-
tes en figure / & faictes de le I. & de le O. C’est que en memoire de l’invention Io paean.
et perfection d’icelles, ce vocable IO, a este mis en usage de Proverbe, signifiant
toute exultation & triumphe. Io trium
phe.
Comme en disant Io paean, Io triumphe. Ovide. Ovide en
son Art d’amours a laisse par escript.
Dicite Io paean: & Io bis dicite paean. "
Item Codrus Vrseus
Codrus
Vrceus.
Poete & Orateur facetieux lisant nagueres publiquement "
en Bonoigne la grasse a faict une Chancon latine pour se resjouyr en ung banc-
quet, & commance.
Io, Io, dicamus Io, Io, dulces Homeriaci. "
Horace pareillement en ses Odes a dict. Horace.
Non semel dicemus Io, triumphe. "


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LE PREMIER LIVRE. FEUIL. IX.


JE dis doncques que pour monstrer la joye que lesdictz anciens Ionians eu-
rent apres avoir invente & proportione cesdictes lettres Attiques, Io. vint Io.en usa
ge de pro
verbe.

en si grant usage de Proverbe denotant Joye, qu’il est encores tous les jours en
memoire & en son entier. Les Grecz de leur coustume en ont figure une fable,
voyre bien deux aultres que la cy devant escripte, que je laisse aux bons estudi-
ens pour les veoir en la Metamorphose d’Ovide, en la Genealogie des Dieux
de Boccace. & au .CCCXXXII. proverbe de la segonde Chiliade de Erasme.


SOubz l’escorce de Fable la Verite est mussee, & ne peult estre bien cogneue Aultre fa
ble Poe-
ticque.

qui ne la contemple & avise de bien pres. Il y a une aultre fiction & Fable
poeticque du special inventeur de ceste dicte lettre Atticque, que je escripray
cy en bref. C’est que ApollonApollo jadis ayma ung beau jeune filz nomme Hyacinthus
et l’aymoit de sigrant & bon amour qui le tenoit toujours devant ses yeulx &
aupres de luy. Ung jour ledict ApollonApollo jouoit & s’esbatoit a jecter ung grant Plat
et vase en l’air par plusieurs fois pour esprouver sa force corporelle, & l’augmen
ter par exercice. Une fois tandisqu’il avoit jecte en sus son dict Plat, Hyacin-
thus.
Hyacin-
thus passa par dessoubz en sorte qu’il fut tue. ApollonApollo en fut si dolent, pour la gran-
de beaulte dont il estoit plain, & pour le grant amour qu’il avoit en luy, que
pour luy recompenser la vie, que par cas fortuit luy avoit ostee, le mua & trans-
forma en une fleur de Lis, qui est de couleur de pourpre, qu’on dict & apelle icy
en Paris Lisflambe, & feit en la dicte fleur deux lettres .Y. & .A. que nous y pou- Lisflambe.
vons encores aparcevoir aulcunement, ung peu faictes de couleur quasi noire
et jaulne sus les feuilles de la dicte fleur. La totalle herbe est apellee de aucuns
Medecis Η ΙΡΙΣ. Η ΙΡΙΣ, des aultres Gladiolus. La racine est odoriferente, & la mesle
on avec bonnes senteurs & doulces choses a garder linge en cofres. Gladiolus
Marcellus
Virgilius
Diosco-
rides.
Marcel-
lus Virgilius, Secretaire Florentin, & Commentateur sus Dioscorides prent grande
peine au .LVIII. Chapitre, du .IIII. livre du dict Dioscorides, a descripre
& bailler a entendre que Hyacinthus est le dict Lis que les Parhisiens appellent
Lisflambe, mais je n’en allegueray que ung peu pour ceste fois, & ce sera comme
"il s’ensuyt. Siquidem parum deflexa ab Hyacintho antiqua voce Irim Floren-
"tia adhuc passim Hyacinthiolum nominat
. Certes, dit il, la langue Florentine
dit & apelle encores l’herbe qu’on dit aultrement Iris, Hyacinthiol, en chan-
geant ung peu le vocable antique. J’ay entendu aussi & sceu de Florentins &
aultres Italiens scavans en bonnes lettres, que ce dict Lisflambe en Vulgar Ita
lien est apelle Hyacinthiol. Parquoy, soubz correction me semble que Hyacin-
thiol.
Hyacin
thus est Lisflambe. Qui en vouldra veoir bien au long, si lize les Commentai-
res dudict Marcellus Virgilius, & il y en trouvera a suffisance. Ovide. Ovide, fontaine
de fluantes & doulces parolles latines & poeticques, descript la susdicte Fable
tresabundamment & evidamment en ses Metamorphoses ung peu apres le com
mancement du .X. livre, mais je n’en allegueray pour ceste heure que une par-
tie, qui est comme il s’ensuyt.


" Talia dum vero memorantur Apollinis ore.
" Ecce cruor qui fusus humi signauerat herbas
" Desinit esse cruor, tyrioque nitentior ostro
" Flos oritur, formamque capit, quam lilia, si non
" Purpureus color his / argenteus esset in illis.
" Non satis hoc Phoebo est, is enim fuit autor honoris,
" Ipse suos gemitus folijs inscribit, & hya
" Flos habet inscriptum, funestaque littera ducta est.
C.iij.
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[9v] LE PREMIER LIVRE.
C’est a dire. Tandisque ApollonApollo faisoit ses doloureuses lamentations, le sang Virgile.
du bel Hyacinthus, qui estoit espandu, coule sus les herbes, & qui estoit plus
vermeil que belle escarlate, croist en une fleur, & prent la forme de lis, si non
que le Lis proprement est blanc & de couleur argentee, mais prent couleur de
Lisflambe, qui a couleur de pourpre. La quelle chose ne fut encores assez au dict
ApollonApollo, qui est aultrement apelle Phebus. Car luy voulant estre autheur d’hon-
neur audict Hyacinthus, escripvit ses gemissemens es feuilles de la fleur dudict
Lisflambe, en y laissant ces deux lreslettres funebres & de couleur noire, Y. & A. Pour
bailler a entendre plus evidamment les motz d’Ovide, j’ay mis ung pourtraict icy
pres de ladicte fleur de Lisflambe a la verite plus prochaine qu’il m’a este possible
en la forme qui s’ensuyt.



VIrgile aussi en la .III. Eclogue de
ses Buccoliques, en a faict mention
tressinguliere soubz l’escorce de Enigme
et obscures parolles, quant il introduit
Dametas & Menalcas pasteurs conten
dans, & que Menalcas dict en son renc
Dic quibus in terris inscripti nomina regum
Nascantur flores, & Phyllida solus hento
. "
C’est a dire: Dis moy en quel pais ou "
regions naissent & croissent fleurs escri
ptes de noms de Roys? & prens pour
toy seul la gente pastoure nommee Phyl
lis. Servius Maurus commentateur sus le Servius
Maurus.

dict Virgile, dict que l’enigme se peut en-
tendre tant de AjaxAiax Hyacin-
tus.
que de Hyacinthus. AjaxAiax.
Pource que AjaxAiax aussi a este fainct, &
dict en fable apres sa mort avoir este con
verty en ceste dicte fleur de Lisflambe,
aiant couleur de pourpre. Mais a mon
propos je me arresteray a Hyacinthus, Moralite
de la fa-
ble de
Hyacin-
tus.

et dis en moralite de la fable, que ApollonApollo
est fainct & apelle Dieu des neuf Mu-
ses. Qui sont a dire, Bonnes sciences. &
qui est aussi entendu le Soleil qui nous
inspire vigueur d’esperit & de corps, a
tant ayme Hyacintus, c’est a dire le bon
sens naturel, que apres luy avoir oste la vi
gueur de Jeunesse & de Intemperance, l’a
converty en fleur de Prudence & Saigesse
si bien que les lettres, c’est a dire la me-
moire de la mutation de Intemperance
en Atrempance en demeurent escriptes
et apparentes en la fleur de la dicte Pru-
dence, & Sapience. Hyacinthus aujourd’huy est bien escript / qu’on dit aultre-
ment orthographie, par aspiration .h. Mais ancienement la figure de la dicte Bon no-
table de
l’aspira-
tion.

aspiration ne se escripvoit point. Toutesfois les Grecz depuis la dicte fiction
et fable faicte l’ont mise en usage de leur langue reguliere sus leurs sept Vocales
qui sont Α. Ε. Η. Ι. Ο. Υ. Ω. Et sus une seulle consone nommee Rho. non pas comme
lettres, mais comme accents, & l’escripvoient seullement sus lesdictes vocales & con
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LE PREMIER LIVRE. FEUIL. X.
sone hors la ligne des lettres. Les latins l’ont aultrement usurpee que lesdictz Grecz
& l’ont escripte en ligne, en la meslant par plusieurs de leurs lettres, tant qu’elle
est quasi reputee pour vraye lettre.


J’Ay dict que la lettre A. qui est la premiere de l’Alphabet, qu’on dict aultre-
ment De le A.
lettre trian
gulaire.
Le .A. B. C. est faicte de la lettre I. & est chose vraye, en le figurant en
triangle, qui est nombre imper. Les deux pattes dudit A. & la teste sont le dict
triangle, mais ce triangle veult estre assis en ung quarre qui nous est signifie par Lettres
Attiques
sont tou-
tes faictes
de trois fi
gures de
Geome-
trie.

la diction Hyacinthus qui est contenue en quatre syllabes, qui sont .Hy, a, cin,
thus. Les anciens voulant monstrer la singuliere perfection de leurs lettres, les ont
formees & figurees par deue proportion des trois plusbonnes & parfaictes figures Ronde,
Quarree
& trian
gulaire.

de Geometrie. qui sont, la figure Ronde, la Quarree, & la TrigulaireTriangulaire. Et pource
que le nombre imper a este tousjoustousjours entre les Anciens repute heureux, & l’ont
eu en si grande reverence qu’il a este mis jusques aux Cerimonies & sacrifices,
comme nous voyons encores que en noz eglises y a la glorieuse Trinite, & que
a chanter grande messe ya Prestre, Diacre, & Soubzdiacre, & comme Virgile. Virgile a
dict en sa .VIII. Eclogue. Numero Deus impare gaudet, C’est a dire, Dieu ayme
le nombre imper, Ilz ont faict leur premiere lettre en nombre imper assise sus
le quarre de nombre per pour donner bon comancement & heureux acces a
ceulx qui aymeront & voudront estudier les bonnes lettres.


LE nombre Imper, comme dict Macrobe au premier livre. De Saturnalibus, Macro-
be, du nom
bre Per
& Imper,

est prins pour le masle, & le nombre Per pour la femelle, qui est a dire, que
par conjunction de masle & femelle l’homme est engendre. Aussi par conjunction
de lettres les syllabes sont faictes, & par conjunction de syllabes les dictions. Et
l’Oraison par assemblement de lettres, syllabes / & dictions bien accordees se treu
ve bonne, elegante, et bien coulant.


LEsditz Triangle & Quarre sont aussi comprins en ung rond, qui est la figu-
re contenant plusque nulle autre figure, qui nous denote que la parfaicte &
ample cognoissance des Muses & bonnes Sciences est & gist en bonnes le-
ttres, par lesquelles on peut lire & estudier, escripre & assembler en li-
vres & memoire, comme ont faict jadis les bons Philosophes
& autheurs anciens, & comme pouvons faire en
nous exerceant jour & nuyct a li-
re & escripre les susdictes
bonnes lettres &
Sciences.



LA FIN DU PREMIER LIVRE.

S’ENSUYT LE SEGOND.


C.iiij.
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[10v] [page blanche]

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FEUIL. XI.


LE SEGOND LIVRE.


AVant que je commence a enseigner no-
stre premiere lettre A. devoir estre faicte Choses
requises
a bien fai
re lettres
Attiques

de le .I. Je veulx cy prier le bon estudient
qu’il sache premierement que c’est que le
Point, que c’est que la Ligne tant droitte
que non droitte, qu’on dit corbee en rond
ou en angle. Que c’est que Rond, Que
Quarre, que Triangle. et consequament
qu’il sache les figures plus generales
de Geometrie. Car nosdittes lettres At
tiques en sont toutes faictes & figurees
comme je le monstreray aidant nostre sei-
gneur. Et afin qu’on n’aye cause d’igno-
rance, J’en escripray cy les diffinitions de
l’une apres l’aultre, & les figureray selon Euclides.
que Euclides les nous a jadis laissees par escript.


PUnctus, dit Il, est cuius pars non est. C’est a dire. Le point est ung signe qui Charles
de Bovelles
Charles
Bouille
.
Le point

" ne peut estre divise. Et comme dit messire Charles de BovellesCharles Bouille en sa Geometrie
" en François. Le point ne s’apelle ne quantite ne mesure, mais le terme de tou-
te quantite, le quel n’a longueur ne largeur, ne parfond.


" LInea. dit Euclides, est longitudo sine latitudine, cuiusquidem extremitates
" sunt duo puncta
.
La Li-
gne.
La Ligne est une longueur sans largeur, de la quelle les
extremites sont deux points. & comme dit BovellesBouille. La ligne est la premiere / &
" la moindre quantite de toutes ayant seulle longueur sans largeur ne parfond,
" ainsi comme est. A _________________ B. Aulus
Gellius.
Aulus Gellius au .XX. Cha Linea
Illatabi-
lis.

" pitre de son premier livre, pareillement dit, Linea autem a nostris dicitur, quam
" ΓΡΑΜΜΗΝ, Graeci vocant. Eam .M. Varro ita definit. Linea, est Inquit, longi
" tudo quaedam sine latitudine, & altitudine
. Ευκλειδησ, autem breuius, praeter
" missa altitudine
. ΓΡΑΜΜΗ, est inquit, μηκοσ απλατεσ. Id est longitudo illa
" tabilis. quod exprimere vno latine verbo non queas, nisi audeas dicere, Illata-
bilis
. C’est a dire. Ce que les Latins disent & appellent Linea. les Grecz la disent
γραμμην. Varro. Marcus Varro la diffinist & descript ainsi. La Ligne, dict il, est une cer-
taine longitude sans latitude ne altitude. Euclides Euclides aussi la descript plus bref, en lais
" sant l’altitude, quant il dit, γραμμη εστι μηκοσ απλατεσ. C’est a dire. Ligne
droitte.
La li
gne, est une longueur Illatable, & qui ne peut estre elargie, La quelle chose ne
pouves bonnement dire en langage Latin, si vous ne vous hardiez de dire,
Illatabilis.


"LInea recta. dit Euclides, est ab vno puncto ad alium breuissima extensio, in
extremitates suas ea recipiens
. Ligne Droitte est une petitte extension d’ung
point a l’autre, C’est a dire, entre deux points, en les comprenant en ses extremites. Ligne
Perpen-
diculaire
Euclides
Superfice,
Plaine,
BovellesBouille.

Quant sus la Droitte ligne, une autre droitte est pendante, & que les deux
angles d’ung coste & d’autre sont esgaux & droits autant l’ung que l’autre, la dit-
te ligne estant dessus est appellee, Ligne perpendiculaire, en tant qu’elle pend
droitte sus l’autre ligne traversant. De ces deux lignes Droitte / & Perpendicu-
" laire, nous ferons une figure, qui est ditte en Euclides. Superficies plana, quae
" est ab vna linea ad aliam breuissima extensio in extremitates suas ea recipiens
.
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[11v] LE SEGOND LIVRE.
Nous la pouvons dire en Francois Superfice, ou Plaine, & est comme dit Bovel
les
Bovil
le
, la segonde & moyenne quantite aiant longueur & largeur sans aucune pro
fundite comme est le prochain Quarreau ainsi signe .a.b.c.d. Du quel la longueur
s’estand par la ligne .a.c. et la largueur par la ligne .a.b.




CEste dicte Superfice, aiant les quatre lignes & angles Bon no-
table.

esgaulx est ung Quarreau, mais en mon stile je l’appel
leray ung Quarre. Le quel pour faire noz lettres Je divise
ray en unze lignes droictes & traversantes, & en autres un-
ze lignes perpendiculaires qui contiendront en celluy Quar
re cent petits Quarreaulx lesquelz j’appelleray Corps, Quarre
Corps.
pource que la largeur de
le .I, qui sera proportionaire de toutes les autres lettres, sera contenue en l’ung des
dessusdictz petits Quarreaulx comme est demonstre en la figure qui s’ensuyt.


J’Ay laisse quasi au mylieu de ceste
presente figure ung Quarreau blanc Corps de
lettre.

qui est le corps de la dicte lettre .I. & que
j’appelleray, comme j’ay dit, le corps
de chascune lettre, en disant, Ceste let-
tre cy, ou ceste la, a tant de corps de
haulteur & tant de largeur.


IL y a deux manieres de lignes, car Ligne
Droicte.
Ligne
Ronde.

Il y a ligne Droicte, & Ligne Ron-
de. De la ligne Droicte avons escript,
& pouvons encores dire que ligne Droi-
cte en celle qui se maine la plus breve
d’un point a l’autre. La ligne Ronde, BovellesBouille
dit BovellesBouille est double, car il y a Ron-
de parfaicte, & imparfaicte. La Ron-
de parfaicte, est une circunference qui revient a ung mesme point du quel ellelle est
commencee a produyre comme la Ronde .a.b.c.d. laquelle est commencee a Euclides
produyre par .a. & revient se terminer en .a. & est dicte
par Euclides, Circulus, qui est figura plana, vna
quidem linea contenta, quae circunferentia vo-
catur. In cuius medio punctus est, a quo omnes
lineae recte & ad circunferentiam exeuntes sibi in-
uicem sunt aequales
. La ligne Ronde imparfaicte, Ligne
ronde im
parfaicte
BovellesBouille.

dit BovellesBouille, est une partie de la Ronde parfaicte,
car elle ne vient point se terminer a son comman-
cement, & ceste ligne est appellee ung arc, pour
cause qu’elle resemble a ung arc comme est la ligne a.b.c.




TRois lignes droictes & equidistantes com-
prises en trois points font une figure plaine Ligne
Triangu
laire.

nommee Triangulaire, pource qu’elle a trois an-
gles equilateraulx, ou autrement. Ung Triangle BovellesBouille.
ysopleure, dict BovellesBouille, est celluy qui a les trois costes esgaulx, & est appelle
Triangle regulier & parfaict, si comme .a.b.c.


Fac-similé BVH


LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XII.


NOtes qu’en cest Oeuvre cy je parleray sou
vant de la ligne Centrique & Diametralle,
& icelle sera entendue celle qui sera tout au mylieu
du Quarre au quel seront designees toutes noz
lettres Abecedaires & Attiques. Et pour la my-
eulx entendre & cognoistre, je la vous ay desi-
gnee & escripte en la forme qui s’ensuyt.




IL y a plusieurs autres
manieres d’angles & li-
gnes que je laisse pour ceste Euclides
fois, en remettant le bon estu
diant a Euclides, & a la Geo- BovellesBouille.
metrie en francois de messi-
re Charles de BovellesCharles Bouille, en la quel
le il me semble avoir autant Digres-
sion.

fructifie & acquis d’immor-
talite de son nom, qu’il a en
tous ses autres Livres & oeu
vres latins qu’il a faicts stu-
dieusement. Nous n’avons
point encores veu de tel Au
theur en langage Francois, Pleust a Dieu que beaucopbeaucoup d’aultres feissent ainsi,
non pas pour contemner les Langues Hebraique, Creque[sic], & Latine, mais pour
cheminer plus seurement en sa voye domestique, C’est a dire, escripre en Fran-
cois, comme Francois que nous sommes.


J’Estime grandement maistre Estiene de la Roche, dict de ville franche, natif Maistre
Estiene
de la Ro
che, dict
de ville
franche,
natif de
Lyon.

de Lyon sus le Rosne, qui nous a escript & baille en beau Francois tout l’art
d’Arithmetique. Je ne voy gueres de Grecs ne de Latins qui en escripvent ne
parlent myeulx, plus seurement, ne plus amplement.
J’en voy qui veulent escripre en Grec & en Latin, & ne scavent encores pas JuvénalIuuenal.
bien perlerparler Francois. Quant JuvénalIuuenal poete Satyric disoit,
"Omnia graece.
"Quum sit deterius multo nescire latine
,
Il reprenoit les Romains qui voloient plustost parler en Grec qu’en latin.
Aulus
Gellius.
Au-
lus Gellius au .VIII. Chapitre de l’Unziesme livre de ses Nuycts Attiques, est
elegant Autheur que M. Cato
Au. Al
binus.
Marcus Cato mocqua jadis & reprint ung noble Ro-
main nomme Aulus Albinus, qui par avant avoit este Consul, pource que luy
estant Romain escripvit une histoire en Grec / & autau commancemant d’ycelle Enten-
des
cy, &
conside-
res
bien.
Bonne con
sideration
& avertis
sement.

pria qu’on luy pardonast s’il erroit au langage Grec. Il me semble soubz correction
qu’il seroit plusbeau a ung Francois escripre en francois qu’en autre langage,
tant pour la seurete de son dict langage Francois, que pour decorer sa Nation
& enrichir sa langue domestique, qui est aussi belle & bonne que une autre, quant
elle est bien couchee par escript. Si nous voulons user de Grec ou de Latin. Usons
en / en allegations d’autheurs seullement, en faisant comme Aulus Gellius &
Macrobius, pareillement mille autres bons autheurs Latins, qui en leur langa
ge & texte latin alleguent souvant Grec, & faisons nostre principal texte en beau
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[12v] LE SEGOND LIVRE.
Francois. Quant je voy ung Francois escripre en Grec ou en latin. Similitu-
de.
Il me sem-
ble que je voy ung masson vetu d’habits de Philosophe ou de Roy qui veult re
citer une farce sus les chaufaux de la Bazoche, ou en la Confrairie de la Trini-
te, & ne peut assez bien pronuncer, comme aiant la langue trop grace, ne ne peut
faire bonne contenence, ne marcher a propos, en tant qu’il a les pieds & jambes
inusitees a marcher en Philosophe ou en Roy.


QUi verroit ung Francois vestu de la robe domestique d’un Lombard, Autre Si
militude.
la
quelle est pour le plussouvant longue & estroicte de toille bleue ou de treil-
lis, je croy que a paine celluy Francois plaisanteroit a son aise sans la dechi
queter bien tost, & luy oster sa vraye forme de robe Lombarde qui n’est de costume
gueres souvant dechiquetee. car Lombards ne degastent pas souvant leurs bi-
ens a outrage. Je laisse toutesfois cela a la bonne discretion des scavans, & ne m’em-
pescheray de Grec ne de Latin, que pour alleguer en temps & lieu, ou pour en
parler avec ceulx qui ne scauront parler Francois, ou si le scavent, qu’ilz ne y voul-
dront parler.


JE reviens doncques a mon propos, & dis que entre noz lettres Attiques, qui Lettres
Attiques
sont.
XXIII.
en nombre

sont en nombre vingt & trois, C’est a scavoir .A. B. C. D. E. F. G. H. I. K. L.
M. N. O. P. Q. R . S. T. V. X. Y &. Z. En ya qui sont plus estandues en largeur
que les autres, Car il y en a qui sont estandues a unze points qui font dix corps
comme sont. A. D. H. K. O. Q. en teste. R. V. X. &.Y. & celles sont aussi Entendes
cy la lar-
geur d’une
chacune
lettre At
tique.
lar-
ges que haultes. Cest a dire, qu’elles sont contenues & designees en une super-
ficite equilateralle, divisee, comme j’ay dict cy dessus, en unze lignes perpendi-
culaires, & en unze autres lignes traversantes & equilibrees .I. qui est nrenostre Guy-
don & principalle lettre proportionaire a faire toutes les autres, est seullement
de trois corps en teste, & en pied de trois entiers & deux demys. A. D. H. K. O.
& le .Q. en teste pareillement. R. V. X. Y. & Z. sont aussi larges que haultes. C’est
a dire, de dix corps .M. est de .XIII. corps de largeur, qui est a dire, qu’elle est trois
corps plus large que haulte .N. a. unze corps de largeur .G. IX. & demy .T. de Bonne, &
breve do
ctrine.

huit entiers & deux demyz .C. de neuf entiers .B. de sept .E. & .L. de sept & de-
my .P. de sept entiers .F. de six entiers .S. de six moings ung quart. La queue du
Q. a quattre corps de haulteur, & treze de longueur.


Ceste dicte lettre Q. est la seulle entre toutes les autres lettres qui sort hors de Bon no-
table de
la lettre.
Q.

ligne par dessoubz, & jamais n’ay peu trouver homme qui m’en aye sceu dire la
raison, mais toutesfois je la diray cy & mettray par escript. J’ay tant tourne, & rumy
ne au tour de ces dictes lreslettres Attiques, que j’ay trouve que le .Q. sort hors de ligne
pource qu’il ne se laisse escripre en diction entiere, sans son compaignon & bon
frere .V. & pour monstrer qui le desire toujours apres soy, Il le va embrasser de
sa queue par dessoubz coecomme je figureray cy apres en son renc .Q. est bien mis aucu-
nesfois tout seul en abreviature, quant il signifie Quintus, ou Quintius ou au-
tre semblable nom propre d’homme, ou de femme, qui poroit estre Quinta, ou
Quintia, & alors il veult pour nom de femme estre torne ainsi. [unclear]. comme le C.
ainsi, [unclear]. quant il signifie Caia. mais comme j’ay dit, en escripvant dictions au
long, & a lettres toutes entierement escriptes, Il demande tousjours & tire joi-
gnant a luy le dict .V. comme on voit en ces dictions Quot, quotus, quoties, quan "
do aliquando, quatuor, quinque quinquaginta
, & d’autres semblables ung mil- "
lier tant en Latin qu’en Francois. comme qui diroit. Quant, qui esse? c’est quelcun, Priscian.
c’est Quentin de la rue de Quiquempoit. Priscian autheur jadis tresillustre, en
son premier Livre ou il parle de la vertu des lreslettres, dict bien que Q. veult tousjours
apres luy V. pour monstrer que le dit V. pert sa vertu & son / son estant escript
devant une vocale en une mesme syllabe, mais il n’a pas dit pour quoy il a queue
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XIII.
basse & hors de la ligne de toutes les autres lettres. Toutesfois je l’excuse, car il
n’enseigne pas a escripre tellement quellement, ne par mesure, mais par deue
situation de lettres qui doibvent ensuyvre l’une lettre en ortographe. Les mots
" dudict Priscian sont telz qu’il s’ensuyt. Q. vero propter nihil aliud scribenda vi-
" detur esse, nisi vt ostendat sequens V. ante alteram vocalem in eadem syllaba
"positum perdere vim literae in metro
. C’est a dire. La lettre Q. ne veult aulcune-
ment estre escripte, si non pour monstrer que la lettre V. sequente pert sa vertu
en quantite de mettre quant elle est devant une autre vocale.


FRere Lucas Paciol Frere Lu
cas Pa-
ciol.
du Bourg sainct sepulchre, de l’ordel’ordre des freres mineurs
" et Theologien, qui a faict en vulgar Italien ung livre intitule, Divina
propor-
tione.
Divina pro-
portione
, & qui a volu figurer lesdictes lettres Attiques, n’en a point aussi par-
le, ne baille raison: & je ne m’en esbahis point, car j’ay entendu par aulcuns Ita-
liens qu’il a desrobe sesdictes lettres, & prinses de feu Messire Messire
Leonardo
da Vinci
Leonard
Vince
.
Leonardo da VinciLeonard Vince,
qui est trespasse a Amboise, & estoit tresexcellent Philosophe & admirable pain
ctre, & quasi ung aultre Archimedes. Ce dict frere Lucas a faict imprimer ses
lettres Attiques comme siennes. De vray, elles peuvent bien estre a luy, car il
ne les a pas faictes en leur deue proportion, comme je monstray cy apres au
renc desdictes lettres. Sigismunde Fante noble Ferrarien, qui enseigne escripre
maintes sortes de lettres, n’en baille aussi point de raison. Pareillement ne faict
Messere Ludovico Vincentino. Je ne scay si Albert Durer en baille bonne rai-
son, mais toutesfois si a il erre en la deue proportion des figures de beaucoup de
lettres de son livre de Perspective.


COmme premierement au feuillet .XXXII. d’icelluy livre, le A. ne a son
traict equilibre & traversant assez large, ne le summit deument faict en sa
circunference. Car a l’ung de ses AA. il a faict ledict summit crochu en avant,
a l’aultre crochu en arriere. & a l’aultre, poincte pyramidalle, qui n’ont tous
aulcune raison, selon le vray antique. Toutesfois au feuillet .XL. le premier A.
est plus raisonnable que tous les precedens, ne que ses deux subsequens. com-
me pouront veoir ceulx qui ont, ou vouldront avoir & veoir ce que je dicts de
son dict livre preallegue.


A son .XXXIII. feuillet, le premier B. est meilleur que le segond, en tant que
le segond a la panse d’enhault trop petitte, & la basse trop grande. Les deux
blancs au .XXXII. feuillet, & les quatre du .XL. feuillet, sont tous faulx aussi,
par le traict de la dicte panse basse.


Au mesme feuillet les quatre .CC. tant blancs que noirs, sont par trop ronds
et fermes. Toutesfois au .XL. feuillet, le troisieme C. noir est meilleur que tous
les deux precedens. Si non que le haut bout dudict C. veult estre coupe a per-
pendicule.


Au .XXXIII. feuillet les DD. blancs & les deux noirs sont trop mesgres au
traict de dessoubz. Semblablement tous les quatre du .XL. feuillet.


Au .XXXIIII. &. XL. feuillet, Le E. blanc & le noir sont faulx au bras du my
lieu qui veult estre assis sus la ligne diametralle.
En la quelle chose le .F. aussi est faulsefaulx, Car la patte dudict F. est trop longue &
trop mesgre. D.j.
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[13v] LE SEGOND LIVRE.
Semblablement de L. qui est tiree du dict E.


Aux dictz .XXXIIII. & .XL. feuillets le G. est trop ferme, & le premier ha sa
petitte jambe trop courte. Le segond l’a trop longue, et les trois aultres aussi
semblablement.


Aux .XXXV. & .XL. feuillets l’aspiration a le traict equilibre trop mesgre.


Le .I. ha sa patte trop petite d’ung corps.


Le premier K. en blanc & en noir ha sa briseure trop haulte, car elle veult estre
precisement sus la ligne diametralle.
Le segond K. noir est bon.


La lettre M. premiere, & la segonde tant blanche que noire sont faulses.
La tierce noire est bonne.
La derniere du .XLI. feuillet est moings bonne de toutes.


Toutes les lettres N. du .XXXVI. & du .XLI. feuillets sont faulses au premier
bout d’enhault. si non la troisiesme & la sixiesme. Et veullent toutes avoir le ta-
on coupe selon Bramant, comme il a monstre aux galeries du Pape Jules se-
gond, entre le Palaix sainct Pierre de RomeRomme & Belvedere.
Toutesfois les aulcuns bien Anciens faisoient iceluy talon a pointe vive & es-
gue. EaictesFaictes le ainsi qu’il vous semblera meilleur.


Tous les OO. generallement sont faulx, car ilz veulent tous estre ronds par de
hors en circunference uniforme, & non ovalle ne meslongue.


Tous les PP. sont assez bons.


Tous les QQ. sont entierement faulx, tant en teste comme ay dict de le O. que
en leur queue qui est afamee & sans deue proportion.


Les RR. sont bonnes.


Les SS. sont faulses. car elles sont trop fermees, ou ouvertes en rond, tant en te
ste qu’en pied, & ont le corps mal torne.


Au. XXXVII. feuillet le .T. blanc & le noir sont faulx & irreguliers. car ilz ne
doibvent sortir par le hault hors de leur ligne equidistante a la ligne d’embas.
Et le tiers T. qui ne y fault, n’est coupe comme il doibt. car le premier bras veult
estre coupe a plomb, & le dernier ung peu en bies, & il est tout au contraire


Le .V. est tresbon.


Le .X. est trop ouvert dessus.


Le .Y. est bon.


Le .Z. est faulx, car il veult le traict d’embas plus long que le hault. Le dict traict
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XIIII.
hault veult estre coupe au premier bout a plomb. Pareillement au dernier bout
l’espace d’ung demy corps, & a plomb. Le traict d’embas veult estre coupe en
bies, comme aux trois derniers et au premier. On peult excuser le dict Albert
Durer en tant que de sa vacation estoit Painctre, & qu’il n’advient gueres sou-
vent que painctres soient excellens Grammairiens pour entendre la qualite &
deue proportion des bonnes lettres. Je ne vis onc homme qui les feist ne enten
dist myeulx que maistre Louanges
pour mai
stre Si-
mon Ha-
yeneufve
aultrement
dict Mai-
ctre Si-
mon du
Mans.
Simon Hayeneufve, aultrement dict maistre Simon
du Mans. Il les faict si bien & de proportion competente, qu’il en contente
l’oeuil aussi bien & myeulx que maistre Italien qui soit decza ne dela les Mons
Il est tres excellent en ordonnance d’architecture antique, comme on peult veoir
en mille beaulx & bons desenigsdeseings & pourtraictz qu’il a faictz en la noble Cite du
Mans & a maintz estrangiers. Il est digne du quel on face bonne memoire tant
pour son honneste vie, que pour sa noble science. Et pource, ne faignons de con-
secrer & dedier son nom a immortalite, en le disant estre ung segond VitruneVitruve,
sainct homme, & bon Crestien. J’escrips cecy voluntiers, pour les vertus, &
grans biens, que j’ay ouy reciter de luy par plusieurs grans & moyens hommes
de bien, & vrayz amateurs de toutes bonnes choses & honnestes. Pleust a dieu
que France en eust dix semblables. Egypte, Grece, ne Italie, ne furent onques
si excellentes en Architecture, qu’elle seroit en bref. Je ne sache autheur Grec,
Latin, ne Francois, qui baille la raison des lettres telle que j’ay dicte, parquoy
je la puis tenir pour myenne, disant que je l’ay excogitee & cogneue plustost
par inspiration divine, que par escript, ne par ouyr dire. S’il y a quelcun qui l’aye
veu par escript, si le dye, & il me fera plaisir.


TOutes nosdictes lettres Attiques veullent estre & sont d’une haulteur Notable en-
tre deux lignes equidistantes, aussi est le rond de la lettre Q. mais sa queue
comme j’ay dict, sort hors de ligne pour embrasser son amy & cordial com-
paignon .V.


JE veulx encores icy dire du myen, c’est la raison pourquoy je veulx diviser
ung chacun Quarre au quel ferons noz vingt & trois lettres, en dix corps de
haulteur, & pareillement en dix de largeur. C’est pour monstrer que les Anciens
ont volu signifier segretement, que les neuf Muses & ApollonApollo qui faict le dixies-
me, sont celebrez & frequentez par bonnes lettres qui consistent & sont insi-
nuees en deue proportion & bon accord. LucienLucian. LucienLucian au Dialogue de Timon,
pres la fin d’icelluy Dialogue, morallement signifie ces neuf Muses, quant il in-
troduyt Fontaine
en Athe-
nes a
neuf tuy-
aux.
Thrasi-
cles.
le Philosophe Trasicles disant qu’il ne beuvoit que de la fontaine d’A-
"thenes vuydant a neuf tuyaulx & conduyts. Porro, dict il, potum fons Athe-
"nis nouem saliens venis suppeditat
. Certes dict il, la fontaine vuydant a neuf
tuyaulx fornist le boyre du Philosophe Thrasicles.


JE voys doncques icy pres de l’aultre coste de ceste feuille, figurer lesdictes
neuf Muses & leur Appollo, avec la symmetrie de nostre guydon, & lettre
proportionnaire .I. Et si on y treuve grace, je prie qu’on m’en sache gre, & si non.
je prie encores de rechief qu’on me pardonne. Car en estudiant, je ne me puis
tenir de imaginer tousjours quelque chose, pensant faire honneur & service aux
aultres estudiens, & proffit au bien public. Je laisse penser les aultres a leurs plai-
sirs, & m’esbatz avec les Muses & bonnes lettres.


D.ij.
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[14v] LE SEGOND LIVRE.




COnsiderez en ceste prochaine fi-
gure Ordonan-
ce des
neuf Mu-
ses, &
ApollonApollo.
commant l’ordonnance est ob
servee par nombre & mesure, tant en
ligne traversant qu’en ligne perpendi-
culaire: pour monstrer que l’usage de tou
tes Sciences est & vient principallement Moralite
des lignes
Perpendi-
culaire. &
Traver-
sante.

par lettres, soit par inspiration divine,
qui est signifiee par la ligne perpendi
culaire, ou par obstinee diligence, & la
borieuse estude, qui est entendue par
la ligne traversante & equilibree. J’ay
en la susdicte figure loge lesdictes neuf
Muses selon l’ordre que tient Martia-
nus Ca-
pella,
Fulgen-
tius Pla-
ciades.
Martia-
nus Capella ne ignorant que Fulgen-
tius Placiades au .XIII. Capistre de
son Premier livre des Enarrations alle
goricques les constitue & ordonne aultrement, comme porra veoir celuy qui s’en
vouldra aller esbastre pour le veoir sus le dict lieu allegue. Les neuf Muses e-
stoient constituees des Anciens pour secretement signifier autant de manieres
qui sont requises en ceulx qui veulent acquerir Science. Comme il est treselega-
ment & clerement escript au .XXXIX. Livre du
jeu des
Eschecqs
Chapitre du livre du jeu des Eschecqs,
du quel les motz sont comme il s’ensuit. Il ya donc tel ordre en acquerir Science.
Premierement il fault bonne volunte de acquerir la dicte Science. Secondement
soy delecter en ce. Tiercement se y arrester & perseverer constamment sans nota-
ble intervalle. Quartement bien aprendre les choses ou on se est arreste. Quinte-
ment retenir & avoir en memoire les choses entendues. Sextement ad ouxteradjouxter de
sa Science, & trouver de nouvel aulcunes choses. Septiesmement discerner & ju
ger des sentences trouvees & comprinses, & puis eslire les meilleures, & laisser le
surplus. Et apres ce finablement user de sa Science, & enseigner les aultres par
beau langage & par bonne maniere.



Ordon-
nance des
sept Ars
liberaulx
& Apol-
lo.

JE n’ay encores oublye, Dieu mer-
cy, que j’ay dict cy devant que nos
dictes lettres Attiques sont toutes par
ticipantes de le I. & de le O. qui aussi
est faict dudict I. J’ay ordonne les neuf
Muses & ApollonApollo entour le I. Je veulx
aussi ordonner les sept Ars liberaulx,
non pas entour le O. mais dedens,
comme pouvez veoir en la figure cy
pres designee. Je fais ces deux ordon
nances pour myeulx solider mes dictz
cy dessus escripts, & pour monstrer com
mant les bons Anciens ont este si ver
tueux, qu’ilz ont volu loger en la pro
portion de leurs lettres toute perfe-
ction & armonyeux accord tant de-
hors lesdictes lreslettres que dedans. C’est a di
re. tant estant escriptes a part elles, que estant en la memoire des bons esperits hu
mains. La rondeur que voyes en le O. & la couche qu’il a en son Quarre, signifie que
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XV.
les Ars liberaulx inspirez en nrenostre memoire, Nostre
memoire
est tous
jours mo
bile.
Sens mo
ral.
veulent estre exercez par revolution de
livres & instrumens a ce convenables. Nostre memoire est tousjours mobile com
me est une roue de molin ou d’orologe, & elle veult toujours estre poussee de
l’eaue de dame Diligence, & aidee du contrepoix de Labeur. Par le Quarre, &
figure cy devant dicte Superfice ou plaine equilateralle, est entendu Atrempen-
ce, en la quelle veult estre assize & situee nostre dicte memoire, qui ne desire de
sa nature que soy exercer es sept Ars liberaulx, & aultres bonnes choses, pour
ceste cause, j’ay escript aux quatre angles du Quarre les quatre syllabes de Atrem
pence, mais toutesfois je ne lairre cy a dire comme les Anciens par ce dict Quarre
entendoient Dame Μνημοσυνη. Mnemosine, qui vault autant a dire en latin Dame
memoire
Hesiode.

" que Memoria, & en francois Memoire. Icelle Dame selon Hesiode est dicte la
mere des neuf Muses. C’est a dire, qu’elles sont nourries par Memoire, comme
sont aussi les sept Ars liberaulx cy dessus escriptz. Μνη.μο.συ.νη. est aussi escript
en quatre syllabes, qui peuvent pareillement selon l’intention des bons Anciens, si
gnifier les quatre angles dudict Quarre esquelz on porroit escripre aussi les di-
ctes quatre syllabes, comme j’ay faict de Atrempence. Et pour les accorder facile-
ment ensemble, Memoire
et Atrem
pence sont
cousines.
Memoire & Atrempence sont si cousines, que l’une ne peult sans l’au
tre. Ung homme estourdy & sans Atrempence, de sa coustume n’a gueres de Memoi
re, comme nous voyons tous les jours par experience. Aussi au contraire, ung homme
froict & atrempe est coustumement plus memoratif que ung aultre, & de plusbelle
apprehension. Parquoy doncques la rotondite & mouvement des dictes neuf Mu
ses & sept Ars liberaulx consistent en memoire parfaicte, qui nous est divine-
ment figuree en la figure de le O. & en son Quarre cy devant designez.


JE ne veulx icy encores laisser a dire ung beau segret de Virgile qui est en la Beau se-
gret de
Virgile.

segonde Eglogue intitulee Alexis, pour monstrer qu’en lettres & Sciences est in
sinuee Armonye, laquelle est denotee es sept Ars liberaulx qui participent & ac-
cordent ensemble comme font les voix de Musicque l’une avec l’autre consonantes
Le dict Virgile dit soubz personne de pasteur nomme Corydon.
" Est mihi disparibus septem compacta cicutis
" Fistula, Damoetas dono mihi quam dedit olim.
Sens mo
ral du fla-
geol de
Virgile.

J’ay, dit il, ung flageol qui a sept troux en nombre inegal, que Dametas me
donna jadis en pur don. Par ledict flageol qui est long & rond & faict au tour,
peuvent estre entendues nosdictes deux lettres I. & O. & par les sept troux, les
sept Ars liberaulx que je y ay cy dessus figurez & ordonnez. Nous voyons comu
nement que sus le dos d’ung flageol y a sept troux ordonnes de mesure l’ung apres
l’autre, mais dessoubz en y a ung pour le poulce, qui represente avec les sept Ars
liberaulx ApollonApollo. Et davantage pour plusgrande armonye, nous voyons aussi
au dict flageol ung aultre trou qui est au coste d’empres le bout de derriere qui
faict le neuviesme trou & represente la perfection & acomplicement des neuf Mu-
ses avec les sept Ars liberaulx. Et si avec cesdictes neuf Muses voules encores
trouver ApollonApollo: le trou d’empres la bouche, au quel le son de tous les aultres
troux se faict / & accorde, signifira le dict ApollonApollo. Parquoy doncques voyes Nombre
Per &
Imper.
Virgile.

commant en bonnes lettres & Sciences les bons Anciens ont use de nombre
Per & Imper, comme a faict le dict Virgile au premier livre de ses Eneides,
quant il a dict.
" O terque quaterque beati.
Ilz en usoient, disje, les bons Anciens en y entendant segretement les sept
Ars liberaulx, & les neufs Muses avec leur ApollonApollo. J’ay icy apres designe le dict
flageol de Virgile, pour myeulx mettre devant les yeulx la verite de mes dictz
et raisons.

D.iij.
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[15v] LE SEGOND LIVRE.


VEla le dict flageol que Virgile en
tendoit, & ses Commentateurs n’ont Notable
singulier
contre les
Com-
mentateurs
sus Vir-
gile.

pas entendu, au moingz si l’ont enten-
du, ilz n’en ont parle ne faict mention,
comme on peut veoir sus le susdict lieu
allegue. Je ne le veulx dire pour me ven
ter, mais je l’ay ainsi excogite, & studi-
eusement applicque. car je ne treuvey Represen-
tation mo
ralle du
flageol
de Virgi-
le a le .I.
et a le .O.

oncques homme qui me sceust dire ce
que j’en ay pense. Encores le voisje cy
pres applicquer aux neuf Muses, afin
que je contente, si je puis, les ungs ou
les aultres, & la figure sera telle com-
me il s’ensuyt.


JE veulx icy encores plus dire, & fai
re que le divin flageol de Virgile se
ra representation moralle de nostre sus
dicte lettre .I. a toutes aultres propor-
tionaire, & pareillement a le O. & fe-
ray que noz susdicts mots de triumphe
I O. I O. y seront trouvez symmetri-
quement, & armonieusement.
LA figure dudict .I. & flageol, est
telle qui s’ensuyt, pour les sept Ars
liberaulx y contenus.




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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XVI.



COgnoissez en ceste figure o nobles
& devots amateurs de bonnes let-
tres la verite de mes dits, & la divine
intelligence du Roy des bons Poetes & Ordonnan
ce, & si
gnifica-
tion du
flageol a
sept
troux.

Philosophes latins Virgile. & que ce que
j’ay cy devant allegue dudit Virgile, est
segretement entendu de la science & sca
voitvoir des bonnes lettres, lesquelles pre-
nent toutes leur proportion & forme de
le .I. auquel je vous ay figure le dit fla-
geol a sept troux, c’est a dire, contenant
en armonyeulx accord les sept Ars libe-
raulx.







AVysez cy endroit comme j’ay aussi
designe, & figure nostre dit .I. &
flageol contenant les neuf Muses, Vous Ordonnan
ce, & si-
gnifica-
tion du
flageol a
neuf
troux.

en pouvez a ceste heure user bien a vo-
stre aise, & entendre morallement tou
tes les belles raisons & bonnes choses
que je vous ay escriptes cy dessus. Je
ne suis encores Dieu mercy laz ne fas-
che voloit dire devantage, pour my-
eulx solider mes dits & raisons, par-
quoy pour venir a nostre susdite voix
de triumphe .IO. Je vous veulx trou-
ver le O. comme j’ay faict le I.
au flageol de Virgile, & le figurer Notable
pour
Gens de
bonne vo
lunte &
profunde
estude.

au moings mal que je porray Combien que ce soit chose tresdifficile de designer
en bonne perspective le dernier bout d’un flageol, qui est tout rond en le voyant
de front, & pouvoir discerner la longueur & largeur d’icelluy si on le voit en droi
cte ligne, toutesfois combien que je ne soye bon painctre, si en feray je aidant no-
stre seigneur, quelque petitte chose qui porra proufiter a ceulx qui sont de bon-
ne volunte, & profonde estude. Mais avant que je procede oultre, je veulx cy mon
strer commant non sans bonne cause J’ay cy devant adapte les neuf Muses a la
proportion de le I. & je dis ainsi que les bons peres Anciens tant Grecs que La-
tins pour signifier les raisons que j’ay cy devant escriptes du dit I, l’ont constitue Notez
cy pour-
quoy I.
est la neu
viesme
lettre abe
cedaire.

& loge la neufviesme lettre en l’ordre des autres lettres Abecedaires comme ouon
peut voir en disant Alpha, Vita, Gamma Delta, Epsilon, Zita, Ita, Thita, Iota,
C’est a dire. Α. Β. Γ. Δ. Ε. Ζ. Η. Θ. Ι. Et en latin .A. Be, Ce, De, E. Ef. Ge. Ah. I.
ou dittes ainsi. A. B. C. D. E. F. G. H. I. Parquoy doncques il plaira aux bons li
sans y prendre bien garde, & ne depriser la subtile & segrete fantaisie, pareille-
ment la discrete opinion des bons Anciens. Ordonnan
ce de le
O. au fla
geol de
virgile.
Or doncques passons oultre, & ve-
nons a nostre autre lettre qu’avons ja plusieurs fois raisonablement appellee
Triumphante .O.


COnsiderez & faignez qu’estes assis en ung contoir & lieu d’estude, & que sus
la table d’aupres & devant vous, vous voyez ung flageol couche, & le vo-
yez par le bout de derriere quasi en droicte ligne, vous trouveres que le dit bout D.iiij.
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[16v] LE SEGOND LIVRE.
vous figurera & representera ung O. couche, comme s’il estoit commance a se movoir
& torner en tour de roue. La quelle chose pour la vous bailler plus facilement
a entendre, Je l’ay cy endroit figuree au moings mal que j’ay peu, & si vous plaist
en prendres l’invention en gre. Je dis invention, pource que je n’ay point veu
d’autheur Grec, Latin, ne Francois qui aye escript ne figure ces choses comme
j’ay de present. je ne les fays que pour myeulx declarer l’intention, le segret, & la
moralite des bons Anciens, & pour bailler enseignement & voye aux moder-
nes & amateurs de vrayes, pures, & bonnes lettres. Le deseing ja promis est tel
qui s’ensuyt. Ordonnan
ce des
neuf Mu
ses, Apol
lo, les
sept Ars
liberaulx
& le O.
au flage-
ol de Vir
gile.


POur myeulx encores perseverer, Je veulx cy dire & monstrer que nosdictes Lettres
Attiques
sont pro-
portion-
nees selon
le corps
humain.
Vitruvius.

lettres Attiques ont si bien este proportionees des Anciens qu’elles ont en
elles proportion de corps humain. L’homme bien forme & quadre de mesure,
a en luy les neuf Muses & sept Ars liberaulx en proportion comme ay cy des-
susdit de noz deux divines lettres I. & O. Et pour le bailler plus cler a entendre,
J’ay cy dessoubz figure ung corps humain selon mon petit entendement. Je ne suis
ignorant que Vitruvius prince des autheurs d’architecture & bastimens, n’aye
moult bien compasse & proportionne ledit corps humain, comme on peut veoir
au premier Chapitre, du .III. Livre de son architecture, ou il parle. De sacrarum "
aedium compositione, & symmetrijs, & corporis humani mensura.
C’est a dire, "
De l’ordonance & facon des Eglises, & de la proportion & mesure du corps hu-
main. mais cy endroit je le proportionneray si bien que je y trouveray logeis &
place aux dittes sept Ars liberaulx, & aux neuf Muses avec leur ApollonApollo, com-
me j’ay faict cy devant en noz dittes deux lettres I. & O. Les bons paintres & L’homme
divise en
dix par-
ties.
Vitruvius.

grans Imageurs au temps passe proportionnoient l’Homme & le divisoient en dix
parties, comme j’ay divise cy dessus nosdites lettres & qu’il soit vray, Vitruvius
dit au susdit lieu allegue. Corpus enim hominis ita Natura composuit, Vti os "
capitis a mento ad frontem summam & radices imas capilli esset decimae partis. "

Nature, dit Il, a tellement compose le corps de l’Homme, que l’espace du visage
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XVII.
qui est depuis le menton jusques aus racines des cheveux, est la dixiesme partie
du corps de l’homme Le dit Vitruvius ung peu apres ce dit Lieu allegue, divise
encores le corps humain en six parties de la grandeur de son pied, quant il dit.
"Pes vero est altitudinis corporis sextae. L’homme
a six gran-
deurs de
son pied.
Martia-
nus
Capella.
Le pied de l’Homme, dit il, est la sixiesme
partie de son corps. Martianus Capella en son septiesme livre, ou il parle, De
"eptade
, L’homme
divise en
sept par-
ties.
divise le corps de l’Homme en sept parties, quant il dit, Item septem corpo
"ris partes hominem perficiunt. Item
, dit il, l’Homme est comprins en sept parties.
Je lairray la division de six qui est vulgaire, & me aresteray a sept, & a dix qui
est des sept Ars liberaulx, & des neuf Muses avec leur inspirateur ApollonApollo.


NOus ferons doncques selon Vitruve ung Quarre qui sera divise en la for-
me que cy devant, C’est a dire, en dix corps de largeur, & autant de haul-
teur, Lesquelles largeur & haulteur de dix corps sont contenues chascune pour
soy entre unze lignes, & dedans cedit Quarre sera designe ung homme aiant
bras estandus, & pieds joingts comme il s’ensuyt.




LA presente figure nous
monstre evidamment
comme nosdittes lettres
Attiques & le corps hu-
main sont tresacordans
en proportion, en tant
qu’en ung mesme quarre
peuvent estre comprins
& designez avec Apol-
lo & ses neuf Muses qui
sont logees dedans les dix
corps contenuz en l’espa
ce & egalle superfice du-
dit quarre. Il y a ung Eni
gme, c’est a dire ung pro- Enigme
singulier.
& nota-
ble.

pos obscur, faict jadis en Latin par quelque bon esperit d’homme du quel le nom
m’est incogneu, qui nous signifie que toutes choses naturelles sont faictes par nom
bre & par mesure. celluy Enigme est tel qui s’ensuyt.
"Confestum est numeris quicquid natura creauit,
" Ter tria / sunt septem, septem / sex, sex quoque sunt tres.
" Si numeres recte, sunt bis / tria, milia quinque.


JE lairois ce dit Enigme & propos obscur, a ronger aux curieux de scavoir les
choses segretes, mais pour les garder de leur y rompre trop la teste, Je les so-
lageray. Il s’entent autrement qu’il ne monstre en face. Il s’entend de l’Orthogra
phe & du nombre des lettres contenues en ces mots cy. Ter. tria. septem. sex. bis. &
" milia.
en disant, Ter tria sunt septem, c’est a dire, qu’en ces deux mots latins, Ter
" & tria
, ya sept lettres en nombre. comme qui diroit, In his duabus dictionibus,
" Ter & tria, sunt septem, scilicet elementa.
En ceste diction septem, sunt sex, sci
" licet elementa.
En ceste diction septem, ya six lettres en nombre. Et semblable-
"ment, en la diction sex, ya trois lettres, & aussi en .bis. trois lettres, & en milia
" cinq lettres, qui est chose vraye & tres manifeste. Il ne s’entend pas que Ter tria,
" sint septem
, c’est a dire, que trois fois trois soient sept, car la chose seroit faulce,
mais, comme j’ay dit, il s’entend du nombre desdittes lettres contenues es di-
ctions particulieres devant escriptes. Prenons doncques le premier metre de-
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[17v] LE SEGOND LIVRE.
vant allegue pour revenir a nostre propos & disons. Notable
singulier
pour le
nombre
Per &
Imper.
Confestum est numeris quic-
quid natura creauit
. Toute chose naturelle est, & consiste en nombre, & ce nom- "
bre est Per & Imper. comme nous pouvons cognoistre manifestement en la fa-
ce de l’Homme humain, & en ses membres, car il en ya aucuns en nombre Im-
per, comme est La teste, le nez, la bouche, le menton, le nombryl, le membre
genital, & autres plusieurs que je laisse pour brevete. Il en ya comme j’ay dit, qui
sont en nombre Per, comme les deux yeulx, les oreilles, les bras, les mains, es-
quelles mains ya encores nombre Per & Imper, comme sont les cinq doits de
l’une, & les dix des deux. Toutes ces choses seroient longues a nombrer l’une apres
l’autre, parquoy en revenant a mon propos je dis que nosdites lettres sont si na-
turellement bien proportionnees que a la semblance du corps humain sont com
posees de membres, c’est a dire, de nombre, de points, & de lignes consistans en
esgalle partition & inesgalle. comme j’ay cy devant ja monstre, & qu’il en ya de
XIII. corps de largeur, de X. de .VIII. de VII. de VI. & de III. & ce nous le
verrons par figure cy apres aidant nostre seigneur.


AU Quarre estant de la grandeur de nosdites lettres Attiques ay designe l’Hom-
me ayant les bras estandus jusques aux deux lignes extremes dudit Quar-
re, & les pieds joints & estandus jusques a la ligne & extremite du bas dudit
Quarre, & en la proportion divisee d’icelluy j’ay applicque & situe ApollonApollo & les
neuf Muses, Il me semble en cest endroit cy estre bon, & non sans cause, que je
figure le dit corps humain accordant avec le dit ApollonApollo & les sept Ars liberaulx
pour tousjours myeulx monstrer la perfection tant dudit corps humain que de
noz divines lettres Attiques. La figure est telle qu’il s’ensuyt.


EN ceste figu- Ordon-
nance du
corps hu
main aux
sept Ars
Libe-
raulx.

re voyez l’hom
me estandu en pro
portion esgalle de
pieds & mains tou
chans aux quatre
angles du Quar-
re racourcy, pour
la cause & raison
de son estandue
accordant en rond
& quarre. Le cen-
tre dudit homme
ainsi figure est le
nombryl, mais le Notable
tres sin-
gulier.
Notez cy
& enten-
dez la bel
le diferen
ce entre
Pallas &
Minerua

centre de l’autre homme estandu seullement des bras, & ayant les pieds joints,
est au mylieu du penyl droit sus le membre genital. La cause pour quoy j’ay plu-
stost applique les sept Ars liberaulx a l’Homme equidistanmentequidistamment pieds & mains
estandu, que les neuf Muses, est que lesdits sept Ars liberaulx sont en plusgrande
exercice de corps que ne sont les neuf Muses qui sont choses celestes & divines
esquelles choses l’esperit travaille plus que le corps. Et pour ceste cause Je treuve
que les estudiens, & ceulx qui prenent garde plus au nect a la vertus & nature
des choses, mettent difference entre la Deesse Pallas & Minerua, disans que Pal
las est la Deesse & Royne des Sciences, & Minerua des Ars seullement, esquelz
selon l’ethimologie, c’est a dire la droitte exposition, de Minerua, Quae dicitur a "
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XVIII.
minuendis neruis, noz membres & nerfz se diminuent par grant exerciteexercice qui y
est requis.


OUltre plus le susdit homme ayant L’homme
en contem
plation a
le Chef
au ciel, &
les pieds
a terre.

les pieds joints touche de la te
ste jusques a la haulte & extreme li-
gne de son quarre, pour nous signi-
fier que les Muses & Sciences, com-
me j’ay dit, sont choses celestes qu’on
ne peut attaindre sans haulte contem-
plation. L’homme racourcy par son
equidistante estandue a la teste beau-
copcoup plus basse que la susdite ligne ex
treme en summite du quarre, pour
nous monstrer que les sept Ars libe-
raulx ne sont de si haulte comtempla
tion que les Muses & Sciences, mais
de moyenne, & plus facile apprehen-
sion.


JE ne me puis tenir de repeter encores nostre susdite voix de triumphe, qui est
IO. IO. pour plusamplement solider mes dits & raisons ja susescriptes, & Lettres
Attiques
accordent
en pro-
portion au
corps humain.

pour monstrer que noz lettres Attiques, lesquelles, comme j’ay dit, sont toutes
faictes de le I. & de le O. sont si bien proportionees au naturel, qu’elles accordent
en mesure & proportion au corps humain, & pour ce myeulx entendre, Je mets
devant les yeulx des benivoles amateurs de Science la figure qui s’ensuyt, & sera
de le I. premierement, puis de le O.





ON peut voir en ceste figure com
mant ce que j’ay cy dessus appel
le & dit le coprscorps, pour signifier l’espes-
seur de la jambe de le I. est accordant
a la grosseur de la teste du corps hu-
main, La quelle est la dixiesme propor-
tion & partie d’icelluy, Notez de
combien de
corps est
la lar-
geur de
le I.
J’ay dit pareil-
lement cy devant que le I. a trois corps
de largeur en teste qui est a dire, ung
corps pour sa largeur principalle, &
deux pour ses deux oreilles, qui sont
trois corps. Au pied en ya trois &
deux demyz pour ensuyvre nature,
qui dit que l’homme estant sus pieds
droit plante, comprent plus d’espace
des ses pieds que de sa teste. On peut Comparai
son de l’hom
me & de
le I. a une
Pyrami-
de.

assez entendre que ung homme se tenant droit sus ses pieds, les veult avoir ung
peu espacez & eslargis, ou autrement il ne porroit arester seurement. Une Pyra-
mide par raison evidente se tient plus ferme quant elle est assize sus le bout large d’em-
bas, que si elle estoit plantee au contraire. Aussi pareillement nostre dit I. veult
estre plus large par embas que par hault & ce, comme j’ay dit, de l’espace d’un corps
qui est party en deux, en mettant de chacun coste dudit pied ung demy corps.


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[18v] LE SEGOND LIVRE.


IL reste maintenant designer le corps humain en le O. pour bailler clerement
a entendre ce qu’avons cy dessus dit en son racourcicement. & pour monstrer
que le centre d’icelluy O. se trouvera tout droit au nombryl de l’Homme y figure.
La quelle chose est en la forme qui s’ensnyts’ensuyt.


L’Homme, piedz & mains equidi- Ordonnan
ce de le.
O. a l’hom
me equi-
distamment
pieds &
maiusmains
estandus.

stammant estandu, & le O. en ceste
figure, accordent en quadrature, en ron
deur, & en centre, qui nous signifie la
perfection dudit corps humain, & du-
dit O. entendu que la figure ronde est la Raison
de la figu
re Ronde,
& de la
Quarree.

plus parfaicte de toutes les figures, &
la plus capable. La figure quarree equi
angulaire en quadrature est la plus sta-
ble & solide, mesmement quant ellestelle est Cu
be, c’est a dire, Justement quarree en six
faces comme est ung det.


JE ne veulx laisser a monstrer par figu
re accordant a nosdites lettres Atti
ques commant l’Homme estandu sus ses
pieds joincts, & ayant son centre non pas au nombryl, comme le dernier na-
gueres cy pres figure en le O, mais au penyl, nous est demonstration tres evi-
dente a cognoistre le juste lieu requis a faire le traict de travers & la briseure es
lettres qui en veulent & requerent avoir en elles. celles sont. A, B, E, F, H, K,
P, R, X. Y. Je n’en baille pas figure ne exemple de toutes l’une apres l’autre pour
cause de brevete, mais seullement de trois qui seront A, H, & K. que nous fi-
gurerons cy apres.





LA ligne basse du traverceant tra Du traict
traverce-
ant en le
A. accor-
de au mem
bre geni-
tal de
l’Homme.

ict de la lettre A. cy pres desi-
gnee & figuree, est justement assize
dessoubz la ligne diametralle de son
quarre, & dessoubz le penyl de l’Hom
me aussi y figure Toutes les susdi-
tes autres lettres qui ont travercant
traict ou briseure, l’ont dessus la di-
cte ligne diametralle. Mais ceste let-
tre cy A, pource qu’elle est close par
dessus, & faicte en Pyramide, re-
quiert son dit travercant traict plus-
bas que la ditte ligne diametralle. Notable
singulier.

Celluy travercant traict couvre pre
cisement le membre genital de l’hom
me, pour denoter que Pudicite & Chastete avant toutes choses, sont requises en
ceulx qui demandent acces & entree aux bonnes lettres, desquelles le A, est
l’entree & la premiere de toutes les abcedaires.


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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XIX.



L’Aspiration a doncques son tra- Ordon-
nance du
traversant
traict au
corps hu
main.

versant traict sus la ligne centri-
que & diametralle, justement au des-
sus du penyl du corps humain, pour
nous monstrer que nosdictes lettres
Attiques veulent estre si raisonnable-
ment faictes, qu’elles desirent sentir
en elles avec naturelle raison, toute Notable
singulier.

convenable proportion, & l’art d’ar-
chitecture, qui requiert que le corps
d’une maison ou d’ung Palaix soit plus
esleve depuis son fondement jusques
a sa couverture, que n’est la dicte cou
verture, qui represente le chef de tou
te la maison. Si la couverture d’une
maison est excessivement plusgrande
que le corps, la chose est difforme, si non en Halles & Granches, desquelles la cou
verture commance pour la plus part bien pres de terre, pour eviter l’impetuosi
te des grans ventz, & tremblemens de la terre. Doncques noz lettres ne volant
craindre le vent des enuyeux maldisans, veullent estre erigees solidement en qua
drature, & brisees, comme j’ay dict, au dessus de leur ligne centrique & diame-
tralle. Excepte le dict A, qui a son traict traversant justement assiz soubz la di-
cte ligne diametralle.


ON peult veoir a la figure cy pres Ordon-
nance
pour la
briseure
des let-
tres au
corps hu
main.

designee commant la briseure de
la lettre K, est assize sus le point de la li
gne traversant par le centre & penyl
du corps humain, ayant les piedz joints
lequel centre comme j’ay tousjours dict,
est sus le penyl. La briseure des aultres
lettres que je laisse pour ceste heure a
faire, les renvoyant en leur renc abece
daire, sera tousjours aussi assize sus la
dicte ligne centrique & diametralle.


J’Ay dict nagueres ou je traictois de Lettres
Attiques
veulent
sentir l’ar-
chitectu-
re.

l’aspiration, que noz lettres Atti-
ques veulent sentir l’architecture: & il
est vray, considere que A, represente ung pignon de maison, veu qu’il est figu-
re en pignon. L’aspiration H. represente le corps d’une maison, entendu que la
partie de dessoubz la ligne traversante que j’ay dicte centrique & diametralle,
est pour soubz elle constituer Sales & Chambres basses. Et la partie de dessus
est pour faire pareillement Sales haultes, ou Chambres grandes, & Chambres
moyennes. Le K. a cause de sa briseure, nous signifie degrez a monter en
droicte ligne jusques a ung estage, & d’icelluy pour monter aussi en droicte li-
E.j.
Fac-similé BVH

[19v] LE SEGOND LIVRE.
gne en ung autre
estage. Les Anci
ens pour la plus
grande partie, Montees
et degres
des An-
ciens.

ne faisoient leurs montees que en droicte ligne couchee, comme
on peult encores veoir en beaucoup de lieux, & comme j’ay conside-
re en RomeRomme, & par Italie, semblablement en Languedoc, & beau-
coup d’autres lieux. Si on veult entre noz lettres signification d’aultre
sorte de montee &
degrez, qui sont de
grez a viz, esquelz
on va tornant au
tour du centre & no
yau de la dicte viz
Le I, & le O, & le
S, en donneront sin
guliere apparen-
ce a cause de le I,
qui est en ligne per
pendiculaire & droi
cte, qui represen-
tera le noyau de
la viz, & le O. la
rondeur, & le S. la montee
et la tortuosite des marches. la
quelle chose porra estre moult bien con-
sideree, & entendue facillement par la figure qui s’ensuyt.


Fac-similé BVH


LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XX.



SI on deman Lettres
pour pla-
tes for-
mes.

doit plates
formes en nos
dictes lreslettres At-
tiques, on y en
trouvera asses
pour galeries,
pour sales, &
pour theatres
qu’on dit en Fran
ce Arenes, &
pour Colisees
Le I. peult e-
stre figure de
platte forme,
pour une gale
rie longue &
droicte unifor
me, la quelle
veult regarder
a la longue fa-
ce l’orient, ou le septentrion. Le L. pour sales, & chambres qui doibvent estre si- Le vent
meridian
est pesti-
lencieux,
et le vent
de Byze
sain.

tues pour la pluslongue partie regardant en dos le mydy, & pour la petite par-
tie, qu’on dit la patte, regardant en front l’orient, qui est la situation la plus say-
ne de toutes, a cause du dict dos qu’on torne au Vent meridian, qui est pestilent
tant aux corps humains que aux corps materielz & inanimez, & a cause de la fa
ce longue qui recoit en elle le Vent de Byze qui est pur, net, & agile. & a cause
de la face courte qui est au dedens de la patte de la dicte lettre L. en la quelle le
beau soleil levant regarde incontinent au point du jour, & y dure en y inspirant
toute suavite, pour la pluspart dudict jour, laquelle chose j’ay cy faict en figure
et deseing pour le bailler myeulx a entendre, & le mettre devant les yeulz des
bons estudiens.


JE dis cecy en passant, pource que
je voy peu de gens qui basticent aux
champs, scavoir philosophiquement
c’est a dire, scientement & deument, as-
seoir leurs edifices, veu qu’ilz ont pla-
ce ample & a commandement. En cites
ou souvent a cause des partages heredi
taires qu’on y faict de jour en jour, pla
ces sont estroictes, fault edifier selon la
rue & selon le lieu, mais aux champs
fault tenir raison accordant a nature Vitruve.
Leon Ba
ptiste.
Albert.

et a la sante des corps humains. Qui en
vouldra scavoir amplement, si lise en
Vitruve autheur en ce tresexpert, & en
Leon Baptiste, Albert Philosophe en
tre les modernes tressavant. La figure
de L. servant a platte forme, est telle qui s’ensuyt.

E.ij
Fac-similé BVH

[20v] LE SEGOND LIVRE.




LA plate forme du Theatre, comme
j’en ay veu ung en une Cite pres
Avignon sus le Rosne dicte & nommee
Aurenges, qui a le frontispice, c’est a di- Aurenges.
re, la face de devant en droicte ligne, &
le derriere en circonference ronde, peut
estre moult bien consideree, en la lettre
D. de laquelle la jambe droicte sera pour
le dict frontispice & face anterieure,
qui regardera Septentrion, & le derrie-
re qui est rond tornera le dos au mydy.
La plate forme du Collisee que j’ay veu Plate for
me du
Collisee
de RomeRomme

mille fois en RomeRomme, est toute manife
ste & tres apparente en le O. entendu que
icelluy Colisee estoit jadis quand il estoit
entier, tout rond par dehors, & par de
dans en figure ovalle. Je porrois dire a ce propos beaucoup d’aultres choses,
mais a cause de brefvete je passeray oultre, & viendray a monstrer commant nosdi-
ctes lreslettres Attiques accordent en nombre des corps de leur largeur selon la quadrature
de perspective, commant la figure Cube cy dessoubz designee, le nous manifestera.


J’Ay cy devant dict
que A. est de dix
corps de haulteur, &
de dix de largeur .F.
de six de largeur, &
I. en chef de trois, les
quelz A. F. & I. j’ay
constitue en perspecti
ve & quadrature, en
sorte qu’on peult en
la presente figure co-
gnoistre la manifeste
perfection de noz let
tres Attiques qui ac-
cordent si bien les unes
avec les aultres, qu’elles
observent & gardent
mesure symmetrique
J’acorderois ainsi tou
tes les aultres, mais je
les laisse pour les bons esperits, a eulx y exercer, si leur plaist y prendre esbat.


LA grace a Dieu, au moings mal que j’ay peu, j’ay cy dessus accorde noz deux lreslettres Quatre
vertus
Cardi-
nalles.
Division
du visage
humain.

proportionnaires & triumphalles I. & O. Semblablement A. H. & K. au corps hu-
main. Je veulx davantage en memoire & moralite des .IIII. Vertus Cardinalles,
qui sont Justice, Force, Prudence, & Atrempance, les accorder au visage & teste du-
dict homme humain, que je diviseray en quatre corps seullement, pour tousjours perse
verer a plus ample demonstration de la divine symmetrie de nosdictes lreslettres Attiques.
Premierement doncques nous prendrons ung quarre equilateral, & le diviserons en qua
tre parties esgalles, puis apres y figurerons ung visage humain seullement pour la premie-
re demonstration, & y escriprons & logerons aux quatre angles en memoire des-
Fac-similé BVH


LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXI.
dictes quatre parties, les quatre vertus Cardinalles pour monstrer que noz lreslettres Atti
ques consistent parfaictement en certaine quadrature qui gist en longitude & altitude.



LEttres Attiques, pour estre entie-
rement ordonnesordonnees & faictes, requie Significa
tion des
quatre
vertus car-
dinales,
avec let-
tres Atti-
ques.

rent par Justice, l’observation de la haul-
teur & largeur d’elles selon leur facon.
Par Prudence, reigle & compas. Par
Force, continuelle & obstinee perseve
rance a les diviser, mesurer & deument
proportionner. Par Atrempence, certaine
discretion a les asseoir entre deux lignes
principalles equidistantes, & a les y lo
ger en deue espace pres ou loing l’une
de l’aultre, selon qui leur appartiendra.


COnsiderez en la dicte figure divi-
see en quatre parties, commant la
face humaine accorde a la division, Notable
Regulier.

et la division a icelle. La prunelle de
l’oeuil assize sus la ligne centrique &
diametralle, nous monstre ce que j’ay dict cy dessus, que toute lettre ayant bri-
seure, la doibt avoir assize sus la dicte ligne centrique precisement, & non ailleurs.


SUs icelle face, entre les deux yeulz, tout au long du nees, & dessus la bouche
designerons nostre lettre proportionnaire & triumphalle I. pour bailler tous-
jours myeulx a entendre noz raisons, ja par plusieurs fois cy dessus escriptes.




LEs bons esperits peuvent icy en- Ordon-
nance de
la lon-
gueur &
largeur
de le I.
au visage
humain.

droit aparcevoir la divine contem
plation des Anciens qui ont volu fi-
gurer leur lettre proportionnaire lon-
gue depuis la supreme ligne du Quar
re jusques a la plus basse, & depuis la
summite de la face humaine jusques
au bas du menton, & l’ont imaginee entre
les deux yeulx, y prenant deue pro
portion ainsi comme le nes en ung hom-
me bien forme, est la mesure de tout
son corps par dimension faicte en nombre
multiplie par certaine raison. Je dis en-
cores davantage, que le I. qui est droict
en ligne perpendiculaire ainsi assiz entre
les deux yeulx, nous signifie que nous
doibvons avoir le visage esleve envers le ciel pour recognoistre nrenostre createur, &
pour contempler les grans biens & la science qu’il nous donne. Et qu’il soit vray que Dieu
veult qu’ayons nostre contemplation envers le ciel, il nous a donne la teste elevee en sus, Ovide.
et aux bestes baissee en bas. Ovide Poete jadis non Crestien, & neaumoings grant
Philosophe, avoit bien ceste opinion quant au Premier livre de ses Metamor-
phoses, apres avoir elegamment descript la Creation du monde, & volant en
son stile Poeticque aussi descripre la Creation de l’Homme, dit.
"Sanctius his animal, mentisque capacius altae
"Deerat adhuc, & quod dominari caetera posset.
"Natus homo est, siue hunc diuino semine fecit
E.iij.
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[21v] LE SEGOND LIVRE.
Ille opifex rerum mundi melioris origo.
Et ung peu apres." Ovide.
Pronaque cum spectent animalia caetera terram,"
Os homini sublime dedit, coelumque videre"
Iussit, & erectos ad sydera tollere vultus.
"
C’est a dire. Oultre ces choses, dit il, que j’ay dictes, la creation de l’Homme hu
main restoit encores, lequel Homme debvoit dominer sus toutes aultres cho-
ses crees. Doncques le grant Createur de l’universel monde la faict naistre en
sorte que toutes bestes brutes baisseront leur teste & veue en terre, & luy, il aura
la teste & visage eleve au ciel



LA face humaine & le O. en la figure Ordon-
nance de
le O. au
visage
humain.

cy pres faicte, sont acordez
en sorte qu’on y peut cognoistre com-
ment les bons Anciens ont imagine que
ainsi que la figure ronde est la plus ca-
pable, & la plus parfaicte de toutes,
la teste de l’Homme qui est quasi ronde
est plus capable de raison & d’imagina
tion que tout le demorant du corps na- La teste
de l’homme
a sept con
duyts d’es-
perit vi-
tal.

turel. Aussi la teste humaine a en elle
plus de sensualite & d’eficace que nulle
aultre partie du corps, entendu qu’elle
a en elle sept conduyts & origines d’e-
spertsperit vital, en signification des sept
Ars liberaulx. Iceulx conduyts sont les
deux Oreilles, les deux Yeulx, les
deux Narines, & la Bouche. Les Oreilles sont, pour concevoir le nom des let-
tres. Les Yeulx, pour les cognoistre & discerner. Les Narines pour armoniser
la voix, & le son en les proferant. Et la Bouche pour les pronuncer selon leur accent,
leur ton, et leur distinction. Les chaperons fourres des Recteurs & Docteurs en Notable
singulier.

Universitez, & Conseillerz en Cites ont este ordonnez au tour de la teste apres &
sus la figure & perfection de le O. pour denoter que telz personnages doibvent avoir
leur teste absolument parfaicte de toute Science, & Vertus, qui consistent principal
lement comme j’ay pieca dict, en la vraye cognoissance de pures & bonnes lettres,
lesquelles ne enrichissent seullement l’Homme, mais le anoblissent, & le pro-
duysent jusques a immortalite de son nom.


LA figure cy prochaine a este faicte Ordon-
nance de
le I. & de
le O. en-
semble,
au visage
humain.

pour monstrer au doit & a l’oeuil
commant non seullement le I. & le O.
se acordent chacuuechacune a part elle, a la fa
ce de l’Homme, mais encores bien tou-
tes deux ensemble. Je ne doubte que de-
tracteurs, & enuyeulx en japperont,
mais si n’en lairay je a escripre ma fan-
tasie & speculation, pour faire plaisir
et service aux bons estudiens. Je scay, Digres-
sion.

comme j’ay dict cy denantdevant au Premier
livre, que Science n’a ennemys que les
non scavans, qui ne vallent qu’a reprendre
aultruy, & ne scauroient dire ung bon
mot, ne faire ung juste traict de plume.


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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXII.


LEs Grecs de ces deux lettres I. & O. ainsi logees l’une sus l’autre comme les Notable
de la let-
tre Grec-
que ap-
pellee
Phi.
Les trois
Graces
chambe-
rieres de
Venus.
Boccace
Sens mo
ral,

voyez en la ja dicte figure, ont faict une autre lettre qu’ilz appellent Phi.
la quelle Phi. vault autant que ung P. & une aspiration. & la quelle Ilz ont en
usage en lieu de F. qui n’ont pas entre leurs lettres. Il semble que nostre ditte fi-
gure soit ung Resbus & chose Hierogliphyque, & que je l’aye faicte pour faire
resver & muser les musards, mais tout bien considere, non est. Car en memoire
des trois Graces, dittes en Grec .Χαριτεσ. desquelles la premiere est nommee.
Pasithea. La Segonde, Egiale. & la tierce Euphrosyne. comme tesmoigne Boc-
cace au .XXV. Chapistre de son cinquiesme livre de la Genealogie des DeuxDieux /
chamberieres de Dame Venus, pour la quelle Venus, entendons toute honneste
et chose decente, & pour sesdites chamberieres, tout acomplicement de cho-
se bien seyante & avenantavenante. J’ay faict lesdittes deux lettres I. & O. & la face hu-
maine ensemble, pour tousjours myeulx venir a la consommee perfection de noz
lettres Attiques, qui sont .XXIII. en nombre, Le quel nombre accorde aux
neuf Muses, aux sept Ars liberaulx, aux quatre vertus Cardinales, & aux dit-
tes trois Graces. Lesquelles Muses, Ars liberaulx, Vertus Cardinales, & Gra
ces, sont toutes en nombre .XXIII.


PUisque je suis descendu si avant en contemplation des bonnes lettres, Il me
semble en cest endroit n’estre inutile si je monstre que le nombre des .XXIII.
lettres, pareillement des neuf Muses, des sept Ars liberaulx, des .IIII. vertus car
dinales, & des .III. Graces a este segretement faict, constitue & accorde au nom-
bre des conduyts vitaulx, & des plus nobles membres du corps humain, qui sont
en nombre aussi pareil de vingt & trois.


PRemierement pour les neuf Muses, & pour les neuf Mutes, prendrons les Notable
& belle
conference.

neuf conduyts d’esperit vital, desquelz, comme j’ay cy dessus escript, les sept
sont en la teste, & les autres deux au dessoubz du ventre. ceulx de la teste sont Les
deux oreilles. Les deux yeulx, les deux narynes, & la bouche. Les autres deux
sont, le membre naturel a uriner, & le lieu de derriere pour descharger le ventre, Profun-
de specu-
lation. &
accordan
ce.

Pour les sept Ars liberaulx, & pour les sept Semivocales, nous prendrons le
Cerveau, le Poulmon. le Foye, le Cueur, la Ratte, le Nombryl, & le Penyl.
Pour les quatre Vertus Cardinales, & pour les trois Graces, pareillement pour
les cinq vocales latines, pour le Y.psilon, & pour l’aspiration H. nous prendrons
les deux mains, les deux pieds, les deux espaules, & le Croppion. Par ainsi nous
trouverons armonyeusement le corps humain & homme parfaict estre le mode-
le & ordonnance au nombre des lettres. pareillement aux neuf Muses, aux sept
Ars liberaulx, aux .IIII. vertus cardinales, & aux trois CracesGraces, ja toutes par plu-
sieurs fois a bon propos recensees. pour la quelle chose myeulx confermer en ve
rite, & pour la bailler plus apparente en sa raison, J’ay cy dessoubz pourtraict
& designe deux figures d’homme. L’une pour le logis des lettres, & l’autre pour
lesdites Muses & leur sequele.


E.iiij.
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[22v] LE SEGOND LIVRE.

L’HOMME LETRELETTRE.



ON peut voir en la L’hom-
me lettre

presente figure com
mant le nombre des .XXIII.
lettres Attiques accorde,
comme j’ay dit, aux mem-
bres & lieux plus nobles du
corps humain, & non sans
cause, Car noz bons peres
Anciens onont este si vertueux
en leurs speculations qu’ilz
ont volu secretement enten
dre que l’homme parfaict est
celluy en qui les bonnes let
tres & Sciences sont insi-
nuees & intimees si bien qu’en
tous endroicts & mouve-
mens de son corps est garny Cicero,
du bon mot que CicéronCicero au
XXXV. Chapitre du pre Πρεπον.
Decorum.

mier livre de ses Offices, &
au commancemant De Ora
tore Ad Brutum
, dict & ap-
pelle en Grec . Πρεπον. &
en Latin Decorum. qui vault
autant a dire en nostre lan
gage Francois decent & con
venable en toutes ses acti-
ons, & consequentement
en tous ses faicts & dits hom
me vertueux.


AVant que je face l’au-
tre portraict que j’ay
promis je veulx cy bailler par escript toutes les lettres ainsi qu’elles se doibvent
appliquer aux neuf Muses & leur sequelle, & aux dits lieux plus notables du
corps humain, afin que plus facilement on puisse voir & cognoistre leur bon
accord ensemble. Celluy accord est tel qui s’ensuyt.


B. Vrania. L’oeuil dextre. Belle spe
culation,
& nota-
ble.

C. Calliope. L’oeuil senestre.
D. Polymnia. L’oreille dextre.
F. Melpomene. L’oreille senestre.
G. Clio. La narine dextre.
K. Erato. La narine senestre.
P. Terpsicore. La bouche.
Q. Euterpe. Le lieu pour decharger le ventre.
T. Thalia. Le membre naturel a uriner.


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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXIII.


L. Musica. Le Cerveau.
M. Astronomia. Le poulmon.
N. Arithmetica. Le foye.
R. Geometria. Le cueur.
S. Rhetorica. La ratte.
X. Dialectica. Le nombryl.
Z. Grammatica. Le penyl.

A. Iusticia. La main dextre.
E. Fortitudo. La main senestre.
I. Prudentia. Le pied dextre.
O. Temperantia. Le pied senestre.

V. Pasythea. L’espaule dextre.
Y. Egiale. L’espaule senestre.
H. Euphrosyne. Le cropion.


LEs lettres ainsi logees que voyes cy dessus, ne sont pas logees en leur ordre
Abecedaire qu’on tient communement, mais tout a mon essient les ay mi-
ses & appliquees selon ma petite Philosophie, pour bailler a cognoistre que
leur nature & vertus veult qu’elles soient meslees les unes avec les autres. Pareil Ouvrage
de Mar-
quetis &
de Mo-
saique.

lement les Sciences avec les Ars. avec les quatre Vertus, & avec les Graces. Aussi
les Graces avec les vertus, avec les Ars, pareillement avec les Sciences, ainsi
comme nous voyons qu’en ouvrage de Marquetis & de Mosaique les pieces tant
petites que grandes de diverses coleurs sont appliquees & assemblees les unes
avec les autres en sorte qu’elles rendent & font ung oeuvre tresbel & parfaict
"qui est dict en Latin . Opus vermiculatum. Opus tessellatum, & Assarotum. du Pline.
Vitruve.
Belle com-
paraison

quel Pline en son Histoire naturelle, & Vitruve en son Livre d’Architecture par
lent assez amplement pour ceulx qui en vouldront lire & scavoir. Nous voyons
au primtemps que la beaulte d’un pre & d’un jardin est en la diversite & multitu
de assemblee de diverses belles herbes & fleurs, qui de leur odeur rendent une
suavite digne quasi d’estre appellee & ditte chose divine & digne d’estre im-
mortelle.


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[23v] LE SEGOND LIVRE.



L’HOMME SCIENTIFIQUE.


EN la figure cy devant faicte, on peut cognoistre commant les nobles & bons
peres Anciens ont invente les Sciences & Ars liberaulx selon l’acord & or- L’homme
parfaict.

ganique convenance des plus nobles membres du corps humain. & ce, comme
j’ay dit, pour monstrer que l’Homme parfaict doibt tellement estre proportionne
en Science & vertus, que a tous endroicts & propos il soit decent & honneste.


JE suis seur que j’aure cy, comme en beaucopbeaucoup d’autres passages, des gloseurs &
mordans, mais. Non pili facio. Je ne les estime la valleur d’un poil. Je me de- "
die au service du bien public, pour induyre les non scavans a contemplation &
apprehension des bonnes lettres.


ON peut cognoistre ma petite speculation avoir en soy quelque raison, en- Digres-
sion en
conclu-
sion

tendu que j’ay accorde par Arithmetique & Geometrie toutes nosdites let
tres Attiques pour monstrer leur divine perfection. Je supplie aux lisans que si
j’ay bien specule, qu’ilz m’en sachent gre, & si non, qu’ilz facent myeulx s’ilz peu-
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXIIII.
"vent, afin que leur scavoir ne soit, Thesaurus absconditus. C’est a dire, Ung tre
sor musse, & inutile. Je scay qu’il ya mains bons esperits qui escriroient volun-
tiers beaucopbeaucoup de bonnes choses s’ilz pensoient les pouvoir bien faire en Grec ou
Latin. & neaumoings Ilz s’en deportent de paour de y faire incongruyte ou au-
tre vice qu’ilz doubtent. ou ilz ne veulent escrire en Francois pensant que la lan-
gue Francoise ne soit pas assez bonne ny elegante. Saulve leur honneur elle est
une des plusbelles & gracieuses de toutes les langues humaines, comme j’ay tes-
moigne au Premier Livre par authorites de nobles & anciens Autheurs Poe-
tes & Orateurs tant Latins que Grecqs.


NOus avons veu la conference & accord de noz lettres au corps humain en
general, & en especial a la teste d’icelluy corps, mais je veulx encores cy
ensuyvant, les aucunes lettres accorder a la plaine face du visage, Les autres
a la moitye, & les aucunes au tiers, & ce porra on cognoistre par demonstration
figuree & designee en la figure qui s’ensuyt, en la quelle seullement seront figu-
rez trois visages, & puis apres trois lettres avec lesdits trois visages.



COmme ces trois visa Visages
en per-
spective.

ges cy pres desi-
gnez sont que l’un est veu
en front, l’autre a demy
ou envyron, & le tiers
encores plus racourcy
tout ainsi entre noz let-
tres Attiques en ya qu’on
voit en plaine superfi
ce & quadrature. C’est
a dire, autant larges
que haultes. Les au-
tres sont moings lar-
ges, & les autres enco
res plus estroictes d’e-
standue en largeur. &
c’est ce que j’ay ja devant
dit, quant j’escripvoye
de combiem de corps
de largeur est une chacune de nosdites lettres. La haulteur en toutes & par tou
tes, excepte le Q, veult tousjours estre egalle entre deux lignes equidistantes con
tenans entre elles en espace dix corps, c’est a dire, dix fois la grosseur de le .I.
Encores icelle lettre Q. a sa teste de dix corps comme les autres lettres, & sa
queue de quatre corps qui sont oultre les susdit dix corps hors & dessoubz les dit
tes deux lignes equidistantes.


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[24v] LE SEGOND LIVRE.



LA presente figure Ordonnan
ce & ac-
cord des
Visages
& lettres
en per-
spective.

nous enseigne com-
mant ainsi comme le vi-
sage d’un homme en gar
dant sa haulteur peut
estre veu aucune fois aus
si large que hault, & ce,
en droict aspect, & aux
autres fois moings lar-
ge, selon qu’il est torne.
Toutes noz lettres, com
me j’ay cy devant dit, Notable
singulier
& gene-
ral.

veulent tousjours estre
toutes d’une haulteur,
mais de largeur non. &
la raison vient encores
en ensuyvant le natu-
rel du corps humain,
& pareillement du vi-
saige. Nous voyons qu’il ya des hommes plus gros de corps & de visaige que
les autres & les ungs plus alegres, plus dextres, & plus portatifz. Les ungs plus
sains, & les autres plus sages. Les ungs plus vertueux, & les autres moings. ain-
si ya il des lettres qui sont plus nobles & plus vallant que les autres. Comme sont Notable
Des cinq
vocalles.
A.

E.

I.

les vocales, sans lesquelles vraye syllabe Grecque, Latine, ne Francoise, ne
peut estre. Car en chacune syllabe qu’on scauroit dire ya pour le moings une vo
cale, Et bien souvant une syllabe, pareillement une diction, sans autre lettre,
est faicte d’une desdites vocales, qui sont cinq en nombre, c’est a scavoir .A. E.
I. O. V Exemple de A seul faisant une syllabe. Amen. faisant une diction. Ne "
discesseris a me
. Exemple en francois dudit A. seul en syllabe & en diction Aco "
stumez a bien dire & bien faire. Exemple de le E. faisant syllabe luy seul & diction
Etiam. eia, e regione. Exemple en francois quant il est seullement en syllabe. "
Estiene est en esmoy. Exemple de le I. faisant syllabe & diction. Terence Item. Ibo. I.
Terentius in Andria .I. prae, sequar.
ExembleExemple en francois sera seullement quant "
il est mis en syllabe & non en diction. car I. ne peut estre ne faire diction en no-
stre langage, combien que en chifre & en conte est souvant mis pour ung. Donc-
ques exemple sera. Item qui est receu de latin en Francois, & issue de table .O.
pareillement peut faire syllabe & diction. Syllabe, O.

V.
Lettres
mania-
bles.
Olor, omen. O Moelibeae "
Deus nobis haec ocia fecit.
Exemple en francois, Ostier doibt hommage au cai- "
gnard. O qu’il est peu de bons amys. Le V. n’est usite qu’en syllabe, car en Latin
Il ne faict point seul quelque diction. Donques exemple sera. Vsus vbique va-
let.
En francois pouvons dire, Usage, & Usufruyct. Le Picard met bien le dit "
U. en diction quant il dit. U. est no fieux. U. est men baron.


IL ya d’autres lettres qui sont maniables & si faciles en leur vertus qu’elles s’es- Lettres
Liqui-
des.

coulent, & quasi comme invisibles s’evanoissent en aucunes syllabes, ayant
devant elles une Mute, & ne aident pas tousjoustousjours la quantite des vocales mises
devant elles. & celles sont dittes en Latin. Liquidae. quia liquescunt post Mu- "
tas positae in eadem syllaba.
Les Liquides, qui sont en nombre quatre c’est a sa
L. M.
N. R.

voir L. M. N. R. sont en quantite metrique si fluentes, que aucunesfois font
position, c’est a dire, produysent & font longue la vocale precedente, & aucu-
nesfois la laissent breve, comme en ces dictions Latines. Patris. Tenebrae. Stagna
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXV.
Laquelle chose on peult veoir amplement en Terentian Terentian la ou il dit.
" Ecce stagna madent triplici sic syllaba pacto
" Temporis accessu non tantum est reddita longa.
" Sed dedit & vireis geminis augere Trocheum.
Alde.
Alde aussi en sa treselegante Grammaire enseigne tresscavamment de ceste ma-
" tiere en son .IIII. livre. au Chapitre De septem modis communium syllabarum.
" la ou il dit .M. & N. Belle si-
militude.
liquidas & caetera. Jusques la ou il y a. Duae praeterea Mutae
" inueniuntur aliquando non producere antecendentem breuem: vt M. & N. liqui
" dae.
La quelle chose je laisse aux bons estudiens pour le veoir au long sus le lieu,
et dis en similitude, que liquides sont comme aulcuns hommes qui sont grans
dissimulateurs, grans afronteurs, & scavent leurs eschapatoires myeulx et plus
promptement que mouvoir leurs doitz.


EN nostre langage Francois ne pouvons user de la vertus de cesdictes Li-
quides si non en Orthographe seullement, par faulte que nostre langue n’est
pas ordonnee par reigles de Grammaire, comme sont la Grecque & la Latine.


IL y a d’aultres lettres qui sont si vertueuses, que une en vault deux, & X & Z.
sont dou
bles lreslettres.

pource elles sont appellees en Latin Duplices. C’est a dire, Doubles lettres,
et elles sont deux en nombre .X. & .Z. Le X. est mis pour c. & s. ou pour g. & s.
Le .Z. pour double ss. ou si voules aultrement dire, dictes pour deux ss. Pareille
ment pour s. & d. Les Latins ont ceste reigle, & nous ne la tenons que bien loing
apres eulx, car comme j’ay dict, nostre langue n’est pas encores asseuree par Rei-
gle comme la leur, mais elle le sera quelque fois si plaist a nostre seigneur.


LEs Latins, comme j’ay dict, mettent X. pour c. & s. ou pour g. & s. quant en Notez
icy la bel
le reigle.

lieu d’escripre Regs regis, & Ducs ducis, ilz escripvent Rex regis, & Dux
ducis.
Semblablement en lieu d’escripre Patrisso, & Pitisso, ilz escripvent Patrizo,
& Pitizo
, comme font les Grecs. Et en lieu d’escripre Gasda, ilz escripvent
Gaza. Ces deux lettres Doubles X. & .Z. sont bien aussi aucunesfois simples Alde.
Consones en quantite de syllabe, comme tresscavamment Alde le tesmoigne au
" susdict .IIII. livre de sa Grammaire, au Chapistre, De septem modis commu-
" nium syllabarum.
quant il dict. Quintus modus est, cum correptam vocalem su
scipit .Z. & caetera.


COmme il y a des hommes qui ne sont gueres vertueux, mais de petite effi- Notable
singulier
de la let-
tre S.

cace, si non en nombre, comme est le o. en Chiffre qui apart luy ne faict au
cun nombre, mais avec les aultres, il les multiplie en valleur. Ainsi est de la let-
tre S. laquelle est aucunesfois comme liquide, faisant longue en quantite de syl
labe la vocale qui la precede, & aucunesfois non, & bien souvant s’evanoist & Priscian.
se pert en quantite metrique. Comme dit Priscian, en son Premier livre, ou il
" traicte. De literarum commutatione. quant il dit. Virgile. S. in metro apud vetustissi-
" mos vim suam frequenter amittit. Virgilius in vndecimo Aeneidos.
" Ponite spes sibi quisque, sed haec quam angusta videtis.
" Idem in Duodecimo.
" Inter se coijsse viros & decernere ferro.

Je baillerois d’aultres exemples commant elle se pert en metre, mais je renvoye Terentian
Alde.

le bon estudient a Terentian autheur jadis tresgrave & solide en son Art. & au
" bon Alde au .IIII. livre de sa dicte & ja susalleguee Grammaire. In tertio mo-
" do communium syllabarum.

F.j.
Fac-similé BVH

[25v] LE SEGOND LIVRE.


POur monstrer la mutabilite de la dicte lettre S. les Anciens l’ont figuree tor
tue & de moyenne largeur, comme nous verrons au renc de sa facon & fi-
gure, aidant nostre seigneur, & en dirons comme des aultres, quelque bonne cho
se, en ensuyvant la doctrine des bons Autheurs.


NOus nous aidons bien de le S. en escripture, mais en pronunciation je treu
ve qu’il en ya qui s’en acquitent mal, car en lieu de dire. Deus deus meus "
Iustus & fortis Dominus.
ilz begayent & mengent la queue disant. Deu, deu, "
meu, iustu, & forti. dominu.
qui est ung tresgrant vice, & trop commun a beau-
copcoup de simples gens. Ung homme qui veult qu’on le croye facilement, & qui de- Les mal
pronun-
ceant le S.

sire qu’on adjouxte pleine foy a ses parolles, doibt en bien disant pronuncer ne- Notable
pour bien
pronuncer

ctement & purement toutes ses syllabes, tant a la fin des dictions que au coman
cement. Car quant on ne pronunce bien, il semble aux auditeurs qu’on les moc-
que, ou qu’on ne scait qu’on dit. Et eulx se faschant de tel langage, pensent incon
tinent ailleurs, ou s’endorment, ou s’en vont du lieu ou quel on parle si ineptement.
ou, qui pis est, rompent le propos bien souvent en eulx corrouceant. J’en dirois
asses d’exemples en Francois, mais il sembleroit a d’aulcuns que je le ferois par
mocquerie, par quoy je m’en deporteray pour ceste heure, & reviendray de re-
chef & d’abundance a monstrer la divine perfection de noz bonnes & divines
lettres Attiques.


JE ne puis icy passer oultre sans monstrer que nosdictes lettres ont este inven Homere
Roy des
Poetes
Grecs.
Belle fa-
ble.
LucienLucian.
Macrobe

tees par inspiration divine. Il est certain que le Roy des Poetes Grecz nom
me Homere au commancement du .VIII. livre de son Iliade, a faind que ja-
dis JupiterIupiter disoit que luy seul d’une chaine d’or tireroit bien a luy, s’il vouloit, tous
les aultres Dieux, voire & avec eulx la terre, & la mer. LucienLucian entre les Dia-
logues des Dieux, introduyt Mars & Mercure monopolans & murmurans con-
tre JupiterIupiter a cause de celle dicte Chaine, & Macrobe l’ung dedes plusgrans Philo- "
sophes Latins en a faict memoire au Premier livre. In somnium Scipionis. quant "
il dit. Cumque omnia continuis successionibus se sequantur degenerantia, per or- "
dinem ad imum meandi, inuenietur pressius intuenti, a summo Deo vsque ad vl- "
timum vna se mutuis vinculis religans, & nusquam interrupta connexio. Et hec "
est Homeri Cathena aurea / quam pendere de coelo in terras Deum iussisse com "
memorat.
La chai-
ne d’or du
noble Po
ete Grec
Homere.
Qui vouldra, dit il, bien speculer / & contempler, il trouvera une Chai-
ne & connexion qui s’entretient de boucles entrelassees, & pend du Ciel jusques
en terre, qui est a dire, que toute infusion spirituelle & corporelle que pouvons
avoir icy en bas, vient & procede du souverain createur de tout le monde. Ima
gynons doncques icy, & pensons que nous voyons ceste dicte Chaine d’or pen
dant du Ciel jusques a noz piedz, & que icelle Chaine est de la longueur & lar
geur bien proportionnee & convenable a la symmetrye de nostre lettre propor
tionnaire I. & nous cognoistrons que la fiction de Homere a intelligence a l’ins
piration & a l’invention des bonnes lettres & Sciences lesquelles n’ont peu,
ne ne peuvent estre cogneues sans l’aide & inspiration divine.


POur monstrer l’accord de noz lettres a icelle Chaine d’or, je l’ay cy pres fi-
guree & designee avec nostre dict I. afin que avec mes dicts on puisse my-
eulx cognoistre a l’oeuil la Philosophie qui gist & que j’ay contemplee autour
de nosdictes lettres.


Fac-similé BVH


LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXVI.






ON peult veoir en la figure cy pres Ordon-
nance de
la Chai-
ne d’or ho
amerique
a le I.

faicte & designee le divin acord
de nostre lrelettre proportionnaire a la Chai-
ne d’or homerique. & commant je l’ay pro
portionnee en sorte & raison qu’il y a ju-
stement dix chainons & boucles acor-
dans aux dix corps de la haulteur dudict
I. & pareillement aux neuf Muses & leur Raison
notable
pour les
dix corps
de chacu
ne lettre.

ApollonApollo, que j’ay piecza cy dessus figurez
et ordonnez ensemble. La raison pour-
quoy j’en ay plustost assigne dix que plus
ou moings, est clerement dicte, mais da
vantage je treuve que noz bons Peres
Anciens ont volu entendre consommee
et entiere perfection au nombre dixiesme
entendu qu’il est nombre Per, compose
de nombre Per / & Imper. Martianus Ca
pella en son .VII. livre ou il parle De
" Decade
, nous en est bon tesmoing quant Martia-
nus Ca-
pella.

" il dict. Decas vero vltra omnes habenda
" quae omnes numeros diuersae virtutis ac perfectionis intra se habet.
La dixene
dict il, voirement est de passe & d’excellence, en tant qu’elle contient & a en soy
tous les nombres de Per & Imper. C’est a dire de vertus & perfection.


JE puis doncques bien dire, & soubstenir veritablement que j’ay bonne raison Notez bi
en icy &
retenez.

d’avoir proportionne mes lettres en la haulteur de dix cors, qui est le plus no-
ble & parfaict de tous aultres nombres, entendu que les bons Peres Anciens
ont volu situer tous les nombres & signes d’Arithmetique & Chiffre soubz luy.
et que apres luy n’y a point de nombre qui aye nom particulier, mais nom repe
te, comme on voit en disant, unze, douze, treze, & ainsi consequentement des
aultres nombres qui signifient ung ou deux, ou trois, ou plus, apres & avec dix.


LE Roy des Poetes Grecz Homere, voulant monstrer secretement que l’hom Homere.
me parfaict en conseil est celluy en qui tout bon scavoir est & habite, in- Decem
Nestores

" troduyt AgamemnonAgamenon au premier livre de son Iliade desirant pouvoir avoir De-
" cem Nestores
, quant il dict. Ad quem respondens AgamemnonAgamenon. Enim vero, in-
" quit, venerande senex Omnes sine controuersia Grecos Senatores vincis in di
" cenda sententia. Atque vtinam fecisses pater Iupiter: tuque o Minerua: & tu Apol-
" lo: vt decem mihi ex omnibus Graecis forent tanto consilio viri. Breui profecto
" Troia nostris manibus capta / deleretur.

AgamemnonAgamenon respondant a Nestor luy dict. O venerable homme Ancien: sans
faulte aucune tu surmontes en sentence & bonne opinion tous les Senateurs de
Grece. Je vouldrois JupiterIupiter / qu’il te pleust / & toy Minerve, pareillement toy Apol
lo: que de tous les hommes Grecz j’en eusse dix semblables a Nestor. Sans faul Dix hom
mes sem-
blables a
Nestor.

te, Troye prinse de noz mains, seroit en brief destruyte.


JE allegue icy ces belles choses pour tousjours plusamplement monstrer la gran
de & souveraine perfection de noz lettres. Elles sont si bien compassees & or
donnees qu’elles s’accordent ensemble comme font les boucles & chainons d’u-
ne chaine d’or, car les Letres & Sciences sont si cousines & seurs ensemble que Belle si-
militude.

si vous aves cognoissance a l’une, vous aves entree & acces aux aultres. Comme
nous voyons par esperience au temps d’este quant les Cerises sont bonnes a
F.ij.
Fac-similé BVH

[26v] LE SEGOND LIVRE.
menger, & que on en cuyde prendre une au plat, on en tyre apres & avec la pre- Horace.
miere qu’on cuyde prendre seulle, six, ou sept, neuf, ou dix. Horace aussi en son
Art poetic, a ce propos, C’est a dire, que le nombre dixiesme est tresparfaict a dict Belle rai-
son & con
clusion.

Decies repetita placebunt. Les choses, dict il, repetees dix fois, seront bonnes "
et a plaisir, & avec ce plus parfaictes. J’ay doncques a bonne raison divise la haul-
teur & largeur superficialle de noz lettres en dix corps, & la chaine d’or en dix
boucles acordans a nostre lettrrelettre proportionnaire I. Il en ya aucuns qui, comme
clercs parlent d’armes, disent qu’elles veulent estre divisees seullement en six. Les Notez
icy contre
les noms sca
vans la me
sure des
lettres
Attiques

aultres en huit, & les aultres en neuf. Mais je ne scay quelz six, quelz huit, ne
quelz neuf ilz entendent, si se sont parties, ou corps, ou lignes. Mais je croy
qu’ilz en parlent plus pour cuyder monstrer qu’ilz y entendent quelque chose,
que par vray scavoir ne experience, parquoy je les laisse en leur opinion mal
fondee en raison.


PEu de gens eussent pense que nostre susdict Roy des Poetes Grecs Home
re par sa chaine d’or eust segretement, & soubz l’escorche de fable poetique
entendu l’inspiration divine des lettres & Sciences, & la connexion d’icelles. mais
en y avysant bien pres, si faisoit: combien qu’il semble de prime face que non.
Et pour le bailler a rumyner & considerer aux devots amateurs des bonnes let-
tres je le allegueray icy afin qu’on le voye & entende bien. Homere.
Γγωσετ’ επειτ’ οσον ειμι θεων καριστοσ απαντ’
Ειδ’αγε πειρησασθε θεοι ινα ειδ’ετε παντεσ, "
Σειρην χρυσειην εξ ουρανοθεν κρεμαντεσ, "
Παντεσ δ’εξαπτεσθε θεοι, πασαι τεθεαιναι. "
Αλλ’ουκ αν ερυσαιτ’εξ ουρανοθεν πεδιονδε "
Ζην’ υπατον μηστωρ’ουδ’ει μαλα πολλα κακοιτε "
Αλλ’οτε δη και εγων προφρων εθελοιμι ερυσσαι, "
Αυτη κεν γαιη ερυσαι μ’αυτη τε θαλασση. "
Σειρην μεν κεν επειτα περι ριων ουλυποιο "
Δησαι μην. Ταδ εκ’αυτε μεθορα παντα γενοιτο. "
Τοσσον εγω περιτ’ ειμι θεων, περιτ’ ει μ’ ανθρωπων.
" Lorenzo
Valla
Laurent
valle
.

C’est a dire en Latin. ainsi que Laurent Valle nous la translate.
Agedum auream restim e coelo suspendite, eaque cuncti Dij ac Dee apprehen- "
sa / me hinc detrahite in terram. Nullo id quantolibet nixu poteritis efficere. At "
cum mihi facere idem irato libuerit, in terras vos vniuersos, & in maria vsque de "
traherem. quinetiam circumligata reste hac ad summitatem olympi omnia su- "
perne alleuarem, vt intelligatis quantum ego Deos simulatque homines antecello.
"
C’est a dire en Francois ainsi comme JupiterIupiter est introduyt parlant, quant il dit.


SI vous voulez experimenter mes vertus & force, & voulez de moy certain La Chai
ne d’or ho
merique.

enseignement, despesches vous, & pendes au Ciel une chaine d’or, & si vous
tous / tant Dieux que Deesses pouvez, tirez moy d’icy en terre: je scay que de
toute vostre puissance ne le porrez faire. Mais quant je seray courouce, s’il me
plaist, je vous tireray tous & ruyneray ca & la par terre & par mer. Et si ya bien
plus, que de ceste dicte Chaine d’or / je porrois lever l’universelle terre & la mer
jusques au plus hault du Ciel Olympique. Et porce entendez combien je exce Sens mo
ral.

de & passe en puissance les Dieux / & semblablement les humains.


DOncques a bon propos ceste dicte Chaine d’or qu’avons appliquee a nrenostre I. nous
signifira en sens moral commant la cognoissance & l’inspiration des lreslettres nous
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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXVII.
vient du Ciel & de Dieu, que icelles lettres sont si affines & prochaines en con-
nexion, qu’elles participent toutes l’une de l’autre, semblablement les Sciences,
et consequentement les Vertus.


VIrgile / grant imitateur d’Homere en lieu de ceste dicte chaine d’or a imagi Virgile a
imagine
ung Ra-
meau d’or
au sens
moral.

ne & faint ung Rameau d’or a son EnéeEneas, qui est a dire en sens moral, que
tout homme lettre & vertueux porte en sa main, C’est a dire, a son usage, ung Ra
meau de Sapience qui est d’or, comme du plus precieux de tous les metaulx. La
Sibyle, C’est a dire, l’Inspiration divine, dit a EnéeEneas, C’est a dire, au devot ama
teur & contemplateur de vertus, la quelle principallement gist en lettres & bon
ne Science, ce qui s’ensuyt: & est escript au .VI. livre des Eneides dudit Virgile. Virgile.
" Accipe quae peragenda prius, latet arbore opaca
" Aureus & folijs & lento vimine ramus,
" Iunoni infernae dictus sacer, hunc tegit omnis
" Lucus, & obscuris claudunt conuallibus vmbrae,
" Sed non ante datur telluris operta subire,
" Auricomos quam quis decerpserit arbore fœtus.
" Hoc sibi pulchra suum ferri Proserpina munus
" Instituit, primo auulso non deficit alter
" Aureus, & simili frondescit virga metallo.
" Ergo / alte vestiga oculis, & rite repertum
" Carpe manu, namque ipse volens. facilisque sequetur.


IMaginez icy que voyez une dame nommee Inspiration divine, qui dit au Inspira-
tion divine

bon estudient & vertueux jeune homme, ce qui s’ensuyt translate en Francois.


EScoute, dit elle, ce qu’il te convient faire avant toutes choses. Il y a en cette fo
rest mondaine ung Rameau d’or musse en une grande arbre fort branchue /
et moult rallue. Ce Rameau a les Branches & ses feuilles souples & bien mania
bles, & est dedie a JunonIuno Deesse d’embas. Iceluy est environne de grant nombre
de vielles[sic] arbres, & de vallees umbrageuses. Et saches qu’il n’y a homme qui puis-
se entrer en la profundite de la terre, qu’il n’aye avant cueilly ce dict Rameau
d’or. Car la belle Deesse Proserpine a institue qu’on luy en face ung present.
Aussitost que tu en auras cueilly ung, incontinent il y en naistra & sortira ung
aultre d’or & de semblable matiere. Et pource doncques cherche bien, & contem
ple de tes yeulx, & si tost que tu l’auras rencontre, cueille le de ta main. Tu le por
ras facilement avoir, en tant qu’il se lairra comme de soymesmes & a ton aise
tirer de son lieu.


DOncques ce beau Rameau d’or comme la chaine d’or d’Homere, est enten- Declara-
tion du
Rameau
d’or.
EnéeEneas.
Notez
icy & en
tendez bien

du Science, du quel les feuilles qui sont .XXIII. en nombre, sont les vingt
et trois lettres Abecedaires. Et celluy qui le peult trouver en la grande forest des
miseres & vallees de ce monde, est ung EnéeEneas. C’est a dire, ung homme de vertus
et digne de toute louange. Car Αινειασ, en Grec vault autant a dire, que, hom
me louable, & digne de tout honneur. La cause pour quoy je dis & allegue ces
belles choses en passant, est pour tousjours myeulx exaulcer noz bonnes lettres,
et pour plus honnestement persuader aux bons esperits mettre leur cueur & bon
amour aux dictes Lettres & Science.


J’Ay dict que ce Rameau d’or avoit vingt & trois feuilles en segrete significa-
tion de vingt & trois lettres Abecedaires. Et si on me demandoit commant
je le scay, je dirois que le noble Poete Virgile le m’a enseigne tandisque je con-
templois son EnéeAEneas, voulant trover ce dict Rameau d’or pour descendre es en-
F.iij.
Fac-similé BVH

[27v] LE SEGOND LIVRE.
fers de profunde speculation des vices & vertus de ceste vie mortelle. Et si quel
que noble cueur veult cognoistre au doyt & a l’oeuil le lieu ou il trouvera ce dict
nombre de vingt & trois, si lise au Sixiesme livre des Eneides, la ou comme j’ay Virgile.
allegue Virgile introduyt la Sibylle conseillant a EnéeEneas chercher ce Rameau d’or
et il trouvera que le Poete scientement & secretement la faict parler en .XXIII.
metres, desquelz le premier est.
Tros anchisiade: facilis descensus auerni. Et en procedant le dernier metre est. " Notez
icy le be-
au secret
et son ex-
plication

Vincere nec duro poteris conuellere ferro. En comptant ces deux metres, & "
ceulx qui sont entre eulx, on y trouvera .XXIII. metres. Et si on me repli-
quoit que ce sont metres & nom pas lettres: je dirois que pour la collocution &
description de la chose, il a faict metres en nombre .XXIII. Pour l’intelligence
du quel nombre, il entendoit segretement lesdictes vingt & trois lettres Abece-
daires, sans lesquelles on ne peult acquerir Science ne parfaicte Vertus. On ne
trouvera pas ces choses dedans les Commentaires sus le lieu allegue, car les Com-
mentateurs s’arrestent a suyvre leur stile de Commentateur, & je me suis arreste a
la contemplation, a la signification, & a la moralite des lettres. Il en ya qui di-
sent que Virgile entendoit par ce Rameau d’or, ung rameau de Guyst, qui est
quasi de couleur d’or, & qui a des petits grains ronds & blancs comme Perles,
mais saulve leur honneur, il entendoit, comme j’ay dict, Science: de la quelle les Belle si-
militude,
de Science
et Igno-
rance.

feuilles sont lettres. Si on oste les feuilles d’ung rameau, il n’est plus rameau, mais
une branche. Aussi si on oste les lettres de Science, ce n’est plus Science, mais
Ignorance. Et pour bailler ce propos devant les yeulx, j’en figureray icy pres de
chacune une figure & deseing. C’est a scavoir ung Rameau & une Branche. Mais
avant ce / j’escripray ici les dictz XXIII. metres tout au long, afin que les estu-
diens soient solacez de ne les aller querir en Virgille. Virgile.
Tros anchisiade / facilis descensus auerni, "
Noctes / atque dies patet atri ianua Ditis, "
Sed reuocare gradum / superasque euadere ad auras. "
Hoc opus, hic labor est. Pauci quos aequus amauit "
Iuppiter, aut ardens euexit ad aethera virtus. "
Dijs geneti potuere. tenent media omnia syluae, "
Cocytusque sinu labens circunfluit atro. "
Quod si tantus amor / menti si tanta cupido est "
Bis stygios innare lacus, bis nigra videre "
Tartara, & insano iuuat indulgere labori, "
Accipe quae peragenda prius. latet arbore opaca "
Aureus/ & folijs / & lento vimine ramus, "
Iunoni infernae dictus sacer. hunc tegit omnis "
Lucus, & obscuris claudunt conuallibus vmbrae, "
Sed non ante datur telluris operta subire, "
Auricomos quam quis decerpserit arbore fœtus "
Hoc sibi pulchra suum ferri Proserpina munus "
Instituit, primo auulso non deficit alter "
Aureus, & simili frondescit virga metallo. "
Ergo alte vestiga oculis, & rite repertum "
Carpe manu, namque ipse volens facilisque sequetur. "
Si te fata vocant / aliter non viribus vllis "
Vincere / nec duro poteris conuellere ferro.
"


VEla les .XXIII. metres esquelz nrenostre rameau d’or est descript, & au quel pouvons
ymaginer .XXIII. fueilles desquelles en chascune aura une lettre escripte.


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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXVIII.


"QUant la Sibyle dit en oultre. Notable
Singulier.
Praeterea iacet examinum tibi corpus amici.
"Heu nescis, totamque incestat fumere classem.

Ce n’est plus du propos dudit Rameau d’or, mais d’un autre, parquoy
donques celluy qui bien avysera le sens interieur de Virgile, trouvera estre vray
tout ce que j’en ay ja cy dessus dit & escript selon ma petite apprehension.



LE RAMEAU D’OR ET DE SCIENCE.


J’Ay designe le
Rameau d’or se- Science,
Ignorance

lon Virgile cy dessus,
qui nous signifie com
me j’ay dit, Science.
& pareillement La
Branche sans feuil-
les, qui nous denote
Ignorance. mais avy
sez bien au dit Ra-
meau d’or, commant Trois ver
ges au
Rameau
d’or, &
leur signi
fication.

je y ay ordone trois
verges, entre lesquel-
les celle du mylieu
qui est la plus longue
& la principalle, a
neuf fueilles, dedans
lesquelles sont escri
ptes l’une apart de
l’autre, les neuf Mu
ses .B. C. D. F. G. K.
P. Q. T. qui nous re
presentent les neuf
Muses. Puis en l’au
tre verge qui est du co
ste senestre, ya sept
fueilles esquelles pa
reillement sont escri
ptes l’une a part de Notez &
entendez
bien icy.

l’autre les sept Semi
vocales .L. M. N. R.
S. X. & Z. qui nous
representent aussi,
Les sept Ars libe-
raulx. Tout sembla
blement la dextre &
tierce verge a en el-
le sept fueilles, es-
quelles sont escriptes. Les cinq vocales Latines .A. E. I. O. V. & une Greque.
Y. & avec celles H. l’aspiration, laquelle pource qu’elle n’est du tout reputee vra
ye lettre, est escripte en la plus basse fueille. Pour lesquelles six Vocales, & H.
aspiration, entendons les quatre vertus Cardinales & les trois Graces de venu-
F.iiij.
Fac-similé BVH

[28v] LE SEGOND LIVRE.
ste & decente honestete. Parquoy donques on dit Rameau de Virgile sont com- Conclu-
sion pour
le Rame-
au d’or.

prises & entendues segretement lesdites neuf Muses, les sept Ars liberaulx. les
quatre vertus Cardinales, & les trois Graces qui acomplicent le nombre des.
XXIII. lettres Abecedaires.


AU moings mal que j’ay peu, la grace a Dieu, selon ma petite Theorique, &
speculation philosophique, J’ay applique la Chaine d’or homerique a nrenostre lettre, pro- Disposi-
tion a la
matiere
cy pres
ensuyvant

portionaire I. & le Rameau d’or de Virgile aux neuf Muses & leur sequele. Mainte
nant au plaisir de nrenostre seigneur, Je veulx estandre la ditte Chaine d’or homerique que j’ay
faicte en le I. seullement de dix chainons, qui representent les neuf Muses & leur Apol
lo, en vingt & trois chainons proportionnez justement tout a l’entour de l’autre lettre pro
portionnaire O. qui representeront encores, comme ont faict les fueilles du Rameau
d’or de Virgile, les .XXIII. lettres Abecedaires, & semblablement lesdittes neuf
Muses & leur sequele. La quelle totalle chose pour estre myeulx baillee a entendre,
Je l’ay cy pres & dessoubz figuree en ung deseing au moings mal que j’ay peu,
laissant myeulx faire a ceux qui le pourront & le vouldront.


EN la prochaine
figure j’ay desi- Ordonnan
ce gene-
ralle, &
tresbelle
en con-
clusion.

gne & constitue le.
O. en son quarre &
superfice equilate-
ral selon la deue pro-
portion de dix corps
de haulteur & dix
autres de largeur di
visez entre unze li-
gnes tant d’un coste
que d’autre, C’est a-
dire tant de haulteur
que de largeur. comme
on peut facile-
ment cognoistre a
l’oeuil & au compas,
pour monstrer l’a-
cord des dits .XX-
III. chainnons aux
XXIII. lettres que
j’ay escriptes dedans
les rayons du Soleil,
chascune apart soy
l’une apres l’aultre
au droit d’un chascun
chaynon, & par de-
hors entre lesditlesdits ra-
yons de Soleil, J’ay
escript aussi & loge
les neuf Muses, les
sept Ars liberaulx,
les quatre vertus Car
dinales, & les trois



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LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXIX.
Graces se logeant chacune l’une apart de l’autre. & tout au mylieu de le O. Je y
ay designe & pourtrait ApollonApollo jouant de sa divine harpe. Pour monstrer que la
concathenation & ronde perfection des Lettres, Muses, Ars liberaulx, Vertus Sens mo
ral,

CardCardinales, & Graces nous sont inspirees & noriees par ApollonApollo, c’est a dire, par le
Soleil, ou si vous voules myeulx dire, dictez, par nostre vray Dieu & createur
qui est le vray Soleil, sans l’aide du quel, tout corps & tout esperit est tousjours
ebete & inutile, & sans le quel ne pouvons avoir en nous aucune cognoissance
de lettres, de Science, ne de vertus quelconque.


LA rotondite de le O. en sa quadrature, & aussi la rotondite de la chaine d’or Reigle
de Geo-
metrie.
Horace.

homerique appliquee au dit O, nous signifie la perfection & adherence de
toutes vertus que doibt avoir tout bon estudient en soy. Il est certain en Geo-
metrie, que figure ronde, tant solide que non, est la plus capable, & la plus par-
faicte de toutes. Quant Horace dit en son Art poetiq.
" Graiis dedit ore rotondo
" Musa loqui,

Il n’entendoit pas que les Grecs eussent la bouche ronde comme la guelle d’un Beau
Notable

puys, ou comme une boule, mais entendoit que leur Muse, leur Science, & leur
langue est tresparfaicte. A ceste cause doncques ceste rotondite nous signifira,
comme j’ay dit, toute entiere perfection qui gist en la vraye cognoissance des bon
nes lettres & Sciences.


ON peut donques a ceste heure suffisamment veoir noz deux lettres propor
tionnaires & triumphantes I. & O. estre deument proportionnees & appliquees Conclu-
sion.

" a la Chaine d’or homerique, & que a bon propos en nous esjoyssant pouvons dire
" & reiterer .IO. IO. Dicamus IO. IO. dulces homeriaci. Dicite IO. Paean, & IO.
" bis dicite Paean. Non semel dicemus IO. triumphe.


POur monstrer que ceulx qui ont la cognoissance des bonnes lettres ont le Ordonnan
ce pour
le trium-
phe d’A-
pollo.

superintendit & l’exellenceexcellence sus les ignorans, & pour eveiller & evertuer les
bons esperits, je feray cy pres ensuyvant une figure & deseing ou Appollo en
ung Char d’or & de riche pierrerie sera mene triumphammant par ses neuf Muses,
les sept Ars liberaulx, les quatre vertus Cardinales, & les trois Graces. Les qua
tre vertus Cardinales tiendront les quatre coings dudit Char, & les trois Noms
des che-
vaulx ti-
rans le
Char tri-
umphant
d’ApollonApollo
Bacchus
Ceres,
Venus &
sens mo-
ral d’i-
ceulx.

Graces conduyront les trois chevaulx d’icelluy Char, nommez Eous, Pyrous,
& Aethon. En ce triumphe une chacune desdites dames portera en l’une des ses
mains ung gerule & baston de festin. que les Romains appellent aujourd’huy
ung Haulse compaire. & fera son office & contenence en jubilant & faisant gran-
de chere & feste triumphante. Appollo sera assis en son Char jouant de sa divi-
ne harpe, Apres le Char seront menez Bacchus & Ceres, pareillement Venus
liez & prisonniers en captivite, pour nous monstrer que pour triumpher aux let-
tres fault estre soubre en boire en menger, & en sensualite charnelle. Toutes ces
belles choses ja paintes en parolles & description seront faictes en deseing, afin
que les non lettrez / encores en voyant l’ordonance y puissent prendre plaisir a
l’oeuil corporel, pour en resjouyr l’oeuil spirituel, & pour animer a la cognois-
sance des bonnes lettres & Sciences.


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[29v] LE SEGOND LIVRE.

LE TRIUM
PHE D’A-
POLLO
ET DE SES
MUSES.
a










OR voyez doncques le beau triumphe d’ApollonApollo, avec ses Muses & autres Trium-
phe d’A-
pollo, &
sens mo-
ral d’icel-
luy.

dames compaignes qui nous monstrent a l’oeuil commant au moyen des
bonnes lettres & Sciences tout homme en bien usant peut parvenir a consom-
me honneur & immortalite de son nom. Si a ce propos on desiroit en veoir plus
a plain, qu’on s’en aille esbatre a lire aux Triumphes de messer ErancescoFrancesco Petrar
cha, & on trouvera au Triumphe de Renommee commant les Poetes, les Philoso- France-
sco Pe-
trarcha.

phes, & les Orateurs par leur studieuse vertus, combien qu’ilz soient piecza morts
corporellement, vivent spirituellement, & vivront plusque nulz autres tant
vertueulx ayent ilz peu estre.


JE porrois cy adjouxter davantage, & approprier, pareillement moraliser La La gou-
te d’or.
JupiterIupiter,
Acrisius,
Danae,
Moly.
Homere.

goute d’or en la quelle, selon les Poetes & Philosophes anciens JupiterIupiter se
transmua pour descendre du Ciel en Terre en la tour de Acrisius Roy de Gre-
ce, & pere de la belle Danae. Semblablement je porrois aussi escrire de l’herbe &
verge mercurialle nommee en Grec Moly. De la quelle Homere faict mension "
en son Odissee, au dixiesme livre, mais laissant ces choses a rumyner aux bons
esperits, Je passeray oultre, & viendray a proportionner & descrire toutes noz
lettres Attiques & Abecedaires l’une apres l’autre selon leur ordre vulgaire. Et
pour y commancer, avec l’aide de Dieu, Il me souvient que j’ay piecza dit cy
dessus, que toutes nosdites lettres Attiques sont faictes & participantes de le Lisflambe.
Dioscori
de, Mar-
cel Vir-
gile,
Hyacin-
thiol.

I. & de le O. & que I. & A. avoient este fantasiez en la fleur d’un lis ayant cou-
leur de pourpre, qu’on dit en Paris Lisflamble, & que Dioscoride, semblable-
ment son translateur Florentin nomme Marcel Virgile, appellent Hyacinthus.
que le langage vulgaire Italien nomme & dit Hyacintiol, j’en fays cy pres ung de-
seing au quel le A: est assis sus ung dit Lisflambe en quadrature & rotondite
pareillement est faict de le I. multiplie en triangle, ou si voules autrement dire,
dittez que le A, est faict de trois I, assis & logez l’un sus l’autre, en prenant de cha-
cun ce qu’il convient a former ung A parfaict, comme pouvez veoir au dit de-
seing ensuyvant, au quel j’ay faict le A, noir, & le reste des trois I, Je l’ay laisse
en blanc comme chose superabundante du dit A. Le deseing est tel qu’il s’en-
suyt.


Fac-similé BVH


LE SEGOND LIVRE. FEUIL. XXX.


b
BACCHUS
CERES ET
VENUS
SONT ICY
MENEZ CA
PTIFZ.











VEla donques comme j’ay dit, commant le I, Ordonnan
ce de le
A, faict
de trois
I. sus la
fleur du
Lisflambe.

est le modele & proportion aux lettres At-
tiques, C’est a scavoir, a celles qui ont jambes dro-
ites. Nous verrons de le O. ou nous ferons le B.
qui est de le I. & de le O. entendu qu’il a jambe &
panse qui denote briseure.


EN cest endroit louuant nostre seigneur Dieu,
Je feray fin a nostre Segond livre, au quel
avons selon nostre petit entendement demon-
stre l’origine des lettres Attiques & avons voulu sua-
der & prier, la quelle chose encores prions, que
quelques bons esperits s’evertuassent a mettre no- Notez
bien icy,
& enten-
dez.

stre langue francoise par reigle, afin qu’en peus-
sions user honnestement & seurement a coucher
par escript les bonnes Sciences, qu’il nous fault
mendier des Hebreux, des Grecs, & des Latins,
& que ne pouvons avoir sans grans cousts / fraiz /
& despens de temps & d’argent.



LA FIN DU SEGOND
LIVRE.























Fac-similé BVH


[30v] [page blanche]

Fac-similé BVH


FEUIL. XXXI.


LE TIERS LIVRE.


AU commancemant du petit Livre que les
bons Peres baillent a leurs petits en-
fans pour commancer a aller a l’escole,
et aprendre le Pater noster. Aue Maria.
Credo in deum.
& les aultres petites bon
nes choses de nostre creance, y a com-
munement une CroxCroix, & trois A. Mais Notez
icy & en-
tendez
ung beau
segret
nouveau

peu de gens prenent garde a scavoir &
cognoistre que c’est a dire, ne a quelle cau-
se y a plustost une Croix que une Estoile,
une Lune, ou ung soleil, qui sont signi-
ficatifz de quelque indice & demonstra-
tion, comme il est notoire en beaucopbeaucoup de
choses, Ne pourquoy ya plustost trois
A. que deux, ou quatre? Mais en cest en-
droict, aidant notre seigneur, j’en escripray ce qu’il m’en semble, selon ma petite
Theorique & apprehension.


LA Croix non seullement selon nostre foy, pource qu’en elle fut nostre redem Raison de
la Croix.

ption, signifie bon heur, mais aussi selon les Anciens Philosophes, est indi
ce & signe de quelque felicite, qui est requise a ceulx qui commancent a cognoi
stre & aprendre les bonnes lettres. D’aultre part, la Croix est faicte de deux li-
gnes,desquelles toutes noz lettres Attiques sont formees. C’est de la ligne per-
pendiculaire,& de la ligne traversante equilibree, faisant angle droict & esgal
en quadrature, desquelles j’ay escript au Segond Livre en plusieurs passages. Ephesiens
usoient de
la Croix
en Art
magique
Le Mon
de est si-
gne en
Croix.

Oultre plus, quant les Ephesiens vouloient user de leurs lettres magiques, les-
quelles ilz escripvoient en certains lieux sus leur corps pour obtenir victoires,
et pour venir a fin de leurs negoces, comme ErasmeHerasme le tesmoigne en sa Segon
"de Chiliade au .LXXIX. Proverbe, ou est en tiltre. Ephesiae literae. Ilz y fai-
soient le signe de la Croix pensant, qu’ilz en obtiendroient plustost ce qu’ilz pre
tendoient. Ilz usoient de la Croix pource qu’ilz voyent que le Monde est signe
en Croix. C’est a scavoir, en Orient, en Occident, en Mydy, & en Septentrion.
Et que aussi l’Homme, qui est comme disent aulcuns Philosophes, & est clere-
"ment demonstre au .XXX. Chapistre du livre du jeu des Eschecqs. L’homme
est ung
petit Mon
de.
Μυκροκοσ-
"μος
, Ung petit monde, a en soy, & porte figure de la Croix. Et ce quant il a les
pieds joinctz, & les bras estandus. Celius
Rhodigi
nus.
Celius Rhodiginus au .VIII. Chapistre du
VI. livre de ses leczons antiques, baille beaucoup d’aultres bonnes & belles rai-
sons de la Croix, que je laisse pour cause de brevete, y adressant les bons estudi-
ens qui se y vouldront aller esbatre.


JE me aresteray a la raison que j’ay dicte, que la Croix d’autant qu’elle est de
ligne perpendiculaire & de traversante, est le fondement a faire & designer
toutes nosdictes lettres Attiques comme je le monstreray par exemple & figu-
re cy apres aidant nostre seigneur.


LA cause pourquoy on escript plustost trois A, que deux, ou quatre, est en Raison
pour-
quoy on
escript
trois A.
Virgile.
Du nom-
bre Im-
per.

cores signification de felicite, car le nombre de Trinite est non per, & en-
tre tous les aultres nombres le plus noble & parfaict. Il est compose de nombre
Per & Imper, & luy total est Imper. Virgile a dict en ses Buccoliques. Nume-
"ro Deus impare gaudet.
Choses divines, dict il, veulent estre en nombre Imper.
Aussi avons nous en nostre bonne & saincte foy, le Pere, le Filz, & le Sainct
esperit. Lesquelz tous trois ensemble croyons estre une Deite, & esgalle
puissance. Ainsi noz trois A. n’ont que une Vertus en Syllabe, & Diction.
G.j.
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[31v] LE TIERS LIVRE.
Pour nous monstrer ceste heureuse Trinite / & felice repetition, le bon Prophe Hieremi-
as.

te Hieremias en son premier Chapistre nous a laisse exemple par escript, quant
il a dict, A.A.A. domine Deus, ecce, nescio loqui, quia puer ego sum. A.A.A. "
dit il, mon seigneur Dieu: tu vois que je ne puis parler, pource que je ne suis que
ung enfant. Quant ung enfant naist, la premiere voix qu’il faict contient en elle,
se dit on, ceste lettre A. & a ceste cause noz bons peres Anciens l’ont plustost mi-
se la premiere au renc des lettres, qu’ilz n’ont mis ou M. ou S. ou quelque aultre
de toutes les lettres. On porroit encores bailler beaucoup d’aultres bonnes rai- PlutarquePlutar-
che
.

sons a ce propos, mais qui en desirera scavoir a plain, si en lise en PlutarquePlutarche,
In Symposiacis. Decade nona, & il y porra contenter son esperit, s’il est facile a "
contenter.


A. est appelle en Grec Alpha, & est souvantesfois, tant en la saincte Escri- A. est mis
pour co-
mancement
l’Apoca-
lipse.

pture, que es Poetes, mis pour commancemant. Il ya au .XXI. & penulti
me Chapistre de l’Apocalipse. Ego sum Alpha & ω. C’est a dire en Latin. Ego "
sum initium & finis.
Et en Francois. Je suis le commancemant & la fin. Pareille "
ment au dernier Chapistre. Ego sum Alpha & ω. primus & nouissimus, princi- "
pium & finis.
Je suis, dit il, Alpha & ω, c’est a dire, je suis le premier & le dernier "
je suis le commancemant & la fin. Alpha doncques est mis pour commance- Platon.
ment, & pource A, est mis le premier, en l’ordre des lettres Abecedaires, de la
quelle chose on peult veoir en Platon qui en dispute.


IL ya encores une aultre raison segrete pour quoy Alpha signifie comman-
cemant. Et celle est que les Grecs content & font leurs nombres par leurs Lettres abe
cedaires
en Grec
servent
pour si-
gnes de
nombres.

Lettres. Leurs dictes lettres, comme aussi est faict en Hebreu, leur servent de Chi-
fres, & signes de nombres a compter. Alpha .Α. est mis pour le premier nom-
bre, & pour ung. Vita. B. est mis pour deux. Gamma Γ. pour trois. Delta .Δ.
pour quatre. Epsilon .Ε. pour cinq, mais apres le dict Epsilon .ΣΤ. C’est a dire,
Sigma. Taf. ensemble sont interposez, & signifient six. Et puis .Zita. Ζ. est mis
pour sept. Ita. H. pour huit. Thita. Θ. pour neuf. Iota I. pour dix. Apres
ce Iota, & Alpha. ΙA. ensemble, sont mis pour unze. Iota & Vita. ΙB. pour
douze. Et consequamment ainsi des aultres lettres & certaines interpositions
que je laisse pour brevete.


ALpha au Segond livre des Epigrammes de Martial est mis aussi, comme Alpha.
Martial.

est dict du nombre des lettres Grecques, pour principal & premier, ou il
y a en escript.
Quem non lacernis Publius meus vincit, "
Non ipse Codrus. Alpha penulatorum.
" Ausone.
Ausone pareillement en ses Epigrammes, ou il escript, Ad Eunum poedago- "
gum Liguritorem
, faict mention de Alpha, mais je le lairray pource que ses pa "
rolles sont impudiques, & viens a dire, que A. qui est autant que Alpha, & qui
est escript de mesme & semblable figure, est mis & loge le premier en l’ordre
Abecedaire, plustost & myeulx que nulle aultre lettre.


A. faict une voix, & pource il est appelle vocale, & veult estre pronunce, com- A. vocale
Martia-
nus Ca-
pella.
A. sylla-
be.
A. diction

me dit Martianus Capella en son Segond livre, De nuptijs Philologiae,
Sub hiatu oris congruo solo spiritu
. Il veult estre pronunce a bouche ouverte,
avec ung esperit congru. Il peult estre syllabe, & aucunesfois diction, tant en La
tin qu’en Francois. Comme en disant en Latin. Non auertas faciem tuam a me.
Et en Francois, On dit que l’homme a vingt ans beau peult estre, Il doibt aussi
a trente, fort aparoistre.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXII.


A. aucunesfois est interjection & demonstrance de l’affection que nous avons A. inter-
jection.
Virgile.

au cueur pour quelque chose a quoy nous avons fantaisie, & alors prent
apres et avec luy la note d’aspiration, comme en disant avec Virgile.
" Hic inter densas corylos, modo namque gemellos
" Spem gerens, ah, silice in nuda connixa reliquit.

Et en Francois.
" Ah fringans yeulx volages & mondains
" Voz fins regards vous font de joye plains. Priscian.
" Priscian en son Premier livre, ou il traicte, De accidentibus literae. baille raison
pour quoy l’aspiration est plustost mise apres la vocale A. en l’interjection Ah, Aha, &
Vaha.

que devant: disant que l’entiere escripture est Aha, comme de Vaha Ses parol
" les par escript sont comme il s’ensuyt. Queritur cur in Vah & Ah post vocales
" ponitur aspiratio? & dicimus quod apocopa facta est extremae vocalis cui prae-
" ponebatur aspiratio, nam perfecta Vaha & Aha sunt. Ideo abscissione facta
" extremae vocalis, tamen aspiratio mansit ex superiore pendens vocali. Quia su-
" um est interiectionis voce abscondita proferri.
C’est a dire. On demande, dit il,
pour quoy en Vah & en Ah l’aspiration est mise apres la vocale / entendu que
Vaha & Aha sont les vocables parfaicts? et a ce disons qu’il se y faict une apo-
cope, c’est a dire, finalle concision de la derniere vocale, en laissant pendre l’aspi
ration a la precedente. Car la propriete & nature de l’interjection est d’estre pro Plaute.
nuncee d’une voix absconse & stomaqueuse. Plaute, en sa Comedie nommee
" Mercator, a mis A, materiellement & pour une lettre prinse en nombre, quant
" il a introduyt Demipho disant ainsi qu’il s’ensuyt. Ternas
scio.

A.M.O.
Hodie ire in ludum occaepi li-
" terarium Lysimache: ternas scio iam. A. M. O.
C’est a dire. Lysimache, j’ay au-
jourd’huy commance a aller a l’escole, je scay desja trois lettres. A. M. O.


LE A. assemble avec une aultre vocale, faict une Diphtongue. C’est a dire,
une syllabe contenant en soy deux vocales, & ce tant en Grec qu’en Latin,
mais en Francois je treuve plus de deux vocales ensemble en une syllabe & Diph-
tongue, comme je porrois facillement prouver, si je ne voulois passer oultre pour
estre plus bref.


AVant toutesfois que je procede plus oultre, je veulx icy tresvoluntiers ad- Entendez
icy no-
bles escri
pvains &
bons Im-
primeurs

vertir Imprimeurs & Escripvains sus ceste Diphtongue A E, & dire quel-
le veult estre escripte en maniere & facon que le A, & le E, soient separez par
le chef, & adherens par la poincte d’embas. Quant c’est en lettre courante & non
majuscule, comme j’ay cy devant dict, elles veullent bien estre ensemble & ad-
herentes l’une a l’aultre. En la quelle chose Forbenius, & quasi tous aultres Impri
meurs ont erre jusques a ce temps cy, quant ilz mettent A. & E. adherens & assem Raison
tresma-
nifeste.

ble en ceste facon, Æ, ou l’ung ne peult
avec l’aultre sans estre corrompu de sa vraye
forme & figure. Entendu que si le A, est
droict assis, le E estant adherent au dict
A, sera renverse. Ou si le E. est droict assis,
le A, pareillement adherent a le E. sera
aussi renverse, & aura sa premiere jambe
hors de ligne equilibree, qui est chose contre
l’art de la facon de lettre Attique, qui
veult tousjours estre entiere & a la ligne
perpendiculaire, sus ligne traversante &
equilibree.



G.ij.
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[32v] LE TIERS LIVRE.


QUant le E. est droict assis en ligne
equilibree, & que le A. luy est adhe
rent en summit, le dict A. se
treuve hors de la dicte ligne equilibree,
en la facon que voyez icy pres en de-
seing.


DOncques si vous voules bien escri-
pre, & faire icelle Diphtongue de
le A. & de le E. faictes les en la forme et facon qu’il s’ensuit, & vous trouveres la
raison estre bonne sans doubte au-
cune. Et si on vous replique que les
aultres lettres veulent estre ainsi as
sises & situees l’une joignant a l’au-
tre, dites que non veulent, mais re-
querent estre en grande liberte loing
a loing l’une de l’aultre, l’espace d’ung
I. por le moignsmoings entre les deux, &
le A, estant en diphtongue avec le
E. ne veult aucune espace intermi-
se par la pointe de son pied, au quel le E. veult, comme j’ay dict, estre adherent.
JE reviens a noz lettres, & les vois designer, escripre, & figurer toutes l’une
apres l’aultre, avec la bonne grace de nostre seigneur Dieu.


NOus ferons doncques en la bonne heure, & au nom de Dieu, tout premie Le signe
de la
Croix.

rement une Croix, qui sera, comme j’ay cy devant dict, de deux lignes.
L’une perpendiculaire, & l’autre ligne diametrale & traversante equilibree, pour
nous donner bon heur & commancement a entrer en noz lettres, & pour aider
a les designer comme y leur est requis selon Reigle & Compas. Icelle Croix veult
estre aussi haulte que large, & aussi large que haulte, pour la loger en ung Quar-
re equilateral, dedans le quel ferons & designerons une chascune lettre en son
renc luy estant divise justement & precisement en unze lignes perpendiculaires, Division
du Quar-
re equila-
teral.

et aultres unze lignes traversantes & equilibrees en Croix, qui rendront
en nombre cent petits Quarreaux equilateraulx, & d’une grandeur,
desquelz la largeur de l’ung, & du quel qu’on vouldra, sera le
modele & la certaine mesure de la largeur de la jam-
be en la lettre que vouldrons faire entre deux Bonne rei
gle pour
faire lreslettres.

lignes equidistantes & equilibrees selon l’e-
space entremise que nous y vouldrons.
Car en gardant nostre propor-
tion & nombre des unze li-
gnes, nous pouvons fai
re lettre Attique tant
tite qu’il nous
plaira. La
dicte croix
et le dict
Quarre veulent estre en la forme qui s’ensuyt.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXIII.


CROIX DE LIGNE
PERPENDICULAIRE
ET EQUILIBREE EN
TRAVERS EQUIAN-
GULAIRE.


L’ARENE ET PLACE
EXERCITATIVE A
FAIRE LETTRES AT-
TIQUES DE NOMBRE
ET MESURE.


J’eusse bien commance au point & a la ligne, qui sont comme j’ay dict cy de-
vant au commancement du Segond livre, le fondement de toute figure en
commensuration, mais j’ay voulu commencer a la Croix, pour les causes que j’ay
dictes cy devant. Le Quarre que voyez apres la dicte Croix, est l’arene & place
exercitative de nrenostre studieuse designation a faire une chacune de noz lettres
Attiques. Vous y voyez unze lignes perpendiculaires, & autant de traversan-
tes en Croix, qui vous rendent dix fois dix petits Quarreaux, qui viennent en NorableNotable
singulier
et tresbel
enseigne
ment.

nombre total a Cent. La largeur de l’ung, comme j’ay dict, est pour la largeur
de la jambe de la lettre que vouldres faire. Et notez, que quant vous viendra
a plaisir vouloir faire lettre Attique, debvez avant toute chose, constituer ung
Quarre selon la haulteur que la pretendez faire, puis y signer une croix au my-
lieu, & consequemment les aultres lignes tant d’ung coste que d’aultre en equi-
distante mesure, en sorte que ledict Quarre soit esgallement divise, comme j’ay
dict, en unze lignes perpendiculaires, & autant de traversantes. Ou si vous vou-
les myeulx faire: faictes vostre Croix, & puis autour d’elle vostre dict Quarre
divise proportionnement comme j’ay ja plusieurs fois dict.


AInsi doncques sus ung Quarre, divise comme dessus, ferons no-
stre premiere lettre, A. mais pour accorder a ce que j’ay escript
cy devant, nous le ferons en trois sortes, qui seront trois
A. l’ung sera noir, & a l’endroit, l’autre sera blanc, &
a l’envers, & le tiers sera d’ung Compas & d’une
reigle, qui est dicte en Latin Radius, pour Radius.
monstrer que toute lettre Atti-
que veult estre faicte au Com-
pas, et a la Reigle.


G.iij.
Fac-similé BVH

[33v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre A, cy pres deux fois designee en son Quarre, & faicte de le I. seul
lement, est aussi large que haulte, C’est a scavoir de dix corps de largeur, &
dix aultres de haulteur, contenus entre les unze lignes tant perpendiculaires
que traversantes. A la bien faire, sont requis cinq tours de Compas, pour les- Tel si-
gne +.
est pour
asseoir le
pied cen-
trique du
Compas

quelz faire j’ay signe les lieux & centres de tel signe .+. ou le pied Centrique du
Compas veult estre assis pour faire sa circunference. Oultre ce, notez que je fais
aussi icelluy signe +. hors du Quarre sus la ligne perpendiculaire & mediane de
l’aspiration H. de le I. de le O. de le S. de le X. & du .Z. non pour y asseoir
le pied dudict Compas, mais pour monstrer que cest l’endroit du summit d’icel-
les dictes lettres qui sont quasi semblables en pied & en teste. Toutesfois, il ya
et doibt avoir difference, excepte en le O. qui est tout uniforme en exterieuse cir-
cunference. A. est en figure pyramidale & triangulaire ensuyvant raison natu- A. est en
forme de
Compas.

relle. Nous voyons que choses edifiees en Pointe, sont plus constantes & dura
bles que celles qui sont aussi larges en hault qu’en bas. D’aultre part A. est aucu
nement en forme de Compas. Les deux pattes representent les deux pieds, &
la summite est pour la teste. Le traversant traict dudict A. nous signifie une reigle
en segrete demonstration que a bien faire & designer lettres Attiques, le Compas
et la Reigle y sont necessairement requis. Oultre plus A. a les jambes elargies
et epattees, comme ung homme a ses pieds & jambes en marchant & passant
oultre: pour nous signifier segretement que de luy qui est le premier en l’ordre
abecedaire, fault proceder au B. au C. & a toutes les aultres lettres selon leur di
sposition & ordre .A. veult estre pronunce apertement, & comme j’ay cy dessus Martia-
nus Ca-
pella.
Mention
des Ita-
liens.
Mention
des Da
mes
de
LyonLion.
Mention
des Da-
mes de
Paris.

dict, ou est allegue Martianus Capella. Sub hiatu oris congruo solo spiritu. La "
quelle chose les Italiens observent tresbien, tant en Latin qu’en leur vulguaire,
au quel la pluspart de leurs dictions est terminee en A. Comme quant ilz disent
una charta, una bella dona, mya sorella, & d’aultres ung millier. A la cause de
quoy, pour la frequentation des dicts Italiens, qui est aux ferez & bancquez de
LyonLion, les dames Lionnoises pronuncent gracieusement souvent A. pour E.
quant elles disent. Choma vous choma chat affeta. & mille aultres motz sem-
blables, que je laisse pour brevete. Au contraire les Dames de Paris, en lieu de
A pronuncent E. bien souvent, quant elles disent. Mon mery est a la porte de
Peris, ou il se faict peier. En lieu de dire. Mon mary est a la porte de Paris ou il
se faict paier. Telle maniere de parler vient d’acoustumence de jeunesse.
Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXIIII.
Les Anglois ont aussi ce vice de pronuncer E. pour A. aumoings quant ilz par-
" lent en Latin, quant ilz disent. Domine kenis intreu tintreuit kemerem, & comedit to
" tes kernes quae erent in erke. Iesus Merie. quid feciemus.
En lieu de dire. Domine
" canis intrauit cameram, & comedit totas carnes quae erant in archa, Iesus
" Maria, quid faciemus.
Tel vice leur est excusable pour la difficulte de leur pro-
nunciation qui vient la pluspart du profond de leur gouzier en sortant a l’e-
stroit entre leurs dens. Qui vouldra bien scavoir pronuncer A. qu’il s’esbate ung Galeotus
Martius
Narnien
sis.

peu a lire au Segond Livre d’un Autheur nomme Galeotus Martius Narnien-
sis, en son Livre intitule .De Homine, au lieu ou il parle. De literis. & il y trou-
" vera bien a cler, & au long de sa deue pronunciation. quant il dit. A. ex duabus
" lineis constat, quae suo contactu angulum constituunt acutum, spiritum ab vtra-
" que parte palati emanantem indicant. Quae vero per transuersum posita est,
" certam mensuram hiatus ostendit, quanto opus est in huius elementi enuncia-
" tione.
C’est a dire .A. est faict de deux lignes qui s’entretouchent par le bout d’en-
hault, & font ung angle agu. Et pource sont indice de la voix sortant d’entre l’u-
ne & l’autre partie du pales & concavite superieusesuperieure de la bouche. La ligne aussi
qui est posee en travers, monstre la certaine mesure de l’hiation qui est requise a
pronuncer ceste lettre & vocale A. Donques le traict qui est en travers dudict
A. nous signifie qu’il veult estre pronunce de la bouche n’estant trop ouverte, ne
trop close.




LE Segond A. que j’ay cy devant Le A, a
l’envers.
pour Im-
primeurs
Orfeu-
vres, &
Gra-
veurs.

promis, & faict a l’envers, comme
le voyez en la figure cy pres designee, Bon no-
table.

est faict en tout & part tout sembla-
ble au precedent, si non que la grosse
jambe est en cestuy la premiere, & a
l’autre elle est la derniere. Gardes vous
d’estre legiers de cuyder qu’il ne soit a
l’envers, car j’ay veu mains hommes qui
le faisoient ainsi a l’envers pour le pre-
cedent, qui est a l’endroit. Cestuy cy
est faict pour aider & bailler esperit a
Orfeuvres & Graveurs, qui de leur bu
rin, echope, ou aultre util gravent &
taillent lettre Attique a l’envers / & qu’on
dit a gauche, afin qu’elle se rencontre adroit quant elle sera imprimee & mise a
sa droitte & seine veue. Je l’ay faict tout a mon essient blanc, & son quarre noir au Mension
de la let-
tre d’im-
pression.

contraire de celluy qui est a droit, afin qu’on ne se y treuve abuse. Car comme
j’ay dit, j’en ay veu / & voy mains qui se y abusent. Avant que la lettre d’impres-
sion soit parachevee, elle est faicte deux fois a l’envers, & deux autres fois a l’en-
droit, En la premiere fois a l’envers /sont les poincons d’acier, esquelz la lettre est
toute a gauche. Les matrices ont la lettre a droit. La lettre d’estaing fondu / est
comme les ja dits poincons, toute a l’envers. Puis finablement au papier im-
prime toute la lettre se rencontre a l’endroit, & en sa veue requise a lire tracti- Notable
vement. J’avois oublie dire que la grosse jambe de le A. est de l’un des dix corps
de son quarre en largeur, & l’autre jambe d’un tiers. Le traict qui est traverceant /
veult estre large des trois pars de la dicte grosse jambe comme pouvez veoir aux
desseings cy devant faicts & proportionez.

G iiij
Fac-similé BVH

[34v] LE TIERS LIVRE.



EN ensuyvant mes dits, j’ay cy pres Le A. d’un
Compas
& d’une
Reigle.

designe & proportione ung A. au
quel par bon accord ung Compas &
une Reigle sont figurez. ou si vous vou
les autrement dire, dittes que j’ay faict
dun Compas & dune Reigle ung A.
selon la secrecte doctrine des bons An
ciens, qui pour nous induyre a bien Notable
du Com-
pas & de
la Rei-
gle.

faire lettre Attique, nous ont consti-
tue la premiere de leurs lettres en figu
re & representation des deux utilz tre-
scertains qui sont necessaires & requis
a bien faire non seullement lettre At-
tique, mais aussi bien lettre de forme
& toute autre. Entre tous les utilz ma
nuelz Le Compas est le Roy, & la
Reigle la Royne. C’est a dire, les deux plus nobles & souverains, & soubz les-
quelz, tous les autres utilz, & toutes choses bien ordonnees / & deument faictes,
sont raisonnables.


J’Aurois icy coleur de dire & descrire les louuanges[sic] & perfections du dict Com
pas & de la Reigle, mais je le lairray pour quelque aultre plus studieux que
je ne suis a y passer le temps. Je n’en diray pour ceste fois autre chose, si non que
jamais homme n’escripvra bien en lettre Attique / n’y en autre lettre, sans Com-
pas ne sans reigle. & que en toutes choses ou il n’y a deue proportion, qui
consiste soubz Compas & reigle, Il n’y a ordre ne raison. Parquoy doncques Bon con
seil,

seigneurs / & devots amateurs de Science aymes le Compas & la reigle, en vous
y recreant & exerceant pour cognoistre la raison & verite des bonnes choses. Mension
des Ita-
liens.

Les italiens souverains en Perspective, Painture, & Imagerie / ont tousjours le
Compas & la Reigle en la main, aussi sont ilz les plus parfaicts a reduyre au point,
a representer le naturel, & a bien faire les umbres qu’on sache en Chrestiente.
Ilz ont davantage une grace, qu’ilz sont froicts & studieux avec soubriete de
boyre, de menger, de parler legierement, & de ne eulx trop tost trouver en com
paignye, en quoy faisant ilz aprennent plus seurement, & myeulx, & se donnent Leonardo
da Vinci
Leonard
vince
.
DonatelloDonatel
Raphael
d’urbin,
Michel
l’Ange

reputation, qu’ilz n’estiment pas petite chose. Nous n’avons pas tant de telles
belles vertus en cest endroit qu’ilz ont, aussi n’en voyons nous par dessa qui so-
ient a comparer a feu Messire Leonardo da VinciLeonard Vince, a Donatel, a Raphael d’urbin, n’y a
Michel l’ange. Je ne veulx pas dire qu’il n’y aye entre nous de beaulx & bons
esperits, mais encores y a Il faulte de continuer le Compas & la Reigle.


JE reviens a mon A. faict d’un Compas & d’une reigle, & prie les lisans en ce
petit Oeuvre qu’ilz ne pencent point que je l’aye ainsi excogite & faict pour
leur en faire ung resbus / & les y faire resver, mais pour les conseiller par dits rai-
sonables, & pour leur monstrer au doit & a l’oeuil que la vraye lettre Attique, com-
me j’ay dit, veult estre necessairement faicte a la Reigle & au Compas.


AVant que je procede a venir descripre & faire la Segonde lettre Abecedai- Recapi-
tulation.

re, qui est le B. Je veulx icy conclure & dire, comme j’ay dit desja cy devant,
que A. estant bien faict en son art, veulx avoir sa jambe droitte / grosse de la di-
xiesme partie de sa haulteur, qui est la largeur d’un des dix corps contenus entre
Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXV.
les unze lignes faictes & proportionnees en son Quarre, & non pas de la neuvies- Frere lu-
cas Pa-
ciolus.

me partie de sa haulteur, comme dit frere Lucas Paciolus du bourg Sainct Se-
pulchre en la Divina proportione qu’il dict avoir faicte. Ses propres paroles sont
en vulgar Italien comme il s’ensuyt.

Langage
Vulgaire
en Italien.

QUesta letera A. si cava del tondo, e del suo quadro. La gamba da man dri
ta vol esser grossa de le nove parti l’una de l’alteza.


C’Est a dire en francois. Ceste lettre A. se tire de son rond & de son quarre.
La jambe de la main droite veult estre grosse de l’une des neufz parties de sa-[sic]
haulteur Il ne devise son quarre qu’en neuf parties. & n’en baille encores point
de raison. parquoy soubz correction me semble qu’il en parle comme clerc d’armes,
en errant tout a la premiere lettre, & par ainsi aussi a toutes les autres. J’ay Leonardo
da Vinci
Leonard
Vince
.
Sigismun-
de Fante
Ferrarien.

entendu que tout ce qu’il en a faict il a prins secrettement de feu Messire Leonardo da VinciLeonard
Vince
, qui estoit grant Mathematicien, Paintre, & Imageur. Sigismunde Fan-
te noble Ferrarien qui comme j’ay dit cy devant s’esforce enseigner escripre diverses
sortes de lettres, ne baille point de raison de la proportion de sesdittez di-
verses sortes de lettres, & mesmement de la lettre Antique. Aussi a il erre en le
A. en le E, en le. L. Au .Q. S. T. & en le .X. qui ne sont faicts de messure[sic] ne de fa
con comme ilz requerent. Le bon oeil du scavant & studieux homme le porra
facilement cognoistre au livre que le dit Sigismunde a faict imprimer, & intitule,
THESAURO DE SCRITTORI.


J’Ay divise mon dict Quarre en dix parties que j’appelle Corps contenuz en- Raison
trescer-
taine.

tre unze lignes tant perpendiculaires que traverceantes, & en ay assigne les
raisons ja piessa au Segond Livre en plusieurs passages, quant je parlois des
neuf Muses & leur ApollonAppollo qui faict le dixiesme. Si j’ay bien dit ou non, Je m’en
raporte aux bons estudiens & Philosophes tant naturelz que poetiques. Je ne
me veulx pas preferer aux Italiens mais j’en ay dit ce qu’il m’en semble pour esve- Notable
repete,
pour les
lieux a
asseoir le
Compas
a faire let
tre Atti-
ques.
Autre no
table.

iller bons esperits a myeulx faire si leur plaist & s’ilz peuvent. Oultre tout ce que
j’ay dit du myen, Notez que pour les arondicemens des bouts des jambes tant
en summit qu’en bas, & pour faire les panses des lettres je fays ung tel signe +, pour
monstrer le lieu ou doibt estre assis le pied centrique du Compas a faire les dits
arondissemens & penses, & ce tant par dedans que par dehors les lettres. comme
j’ay signe au premier A. abecedaire de ce troisiesme livre, qui en a ung en te-
ste, & quarre aux deux pattes. LesuditLesusdit Paciolus nen’en a dit mot, ny autre autheur
que j’aye veu ne ouy. Quant je diray cy apres. Ceste lettre cy est faicte de tant de
centres, ou de tant, ce sera a dire qu’il y fauldra autant de fois asseoir le Compas
a y faire circunference interieure ou exterieure accordans & adherens aux lignes
droites ou brisees qui y escherront debvoir estre faictes.


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[35v] LE TIERS LIVRE.


LA letttre B cy pres designee, faicte de le I & de le O, est de dix corps de
haulteur, & de sept de largeur arondye tant dedans que dehors par sept cir-
cunferences, & pource y ay je signe sept petites telles croix + pour y asseoir au cen-
tre le pied du Compas a les faire. La pense d’embas veult estre plusgrande que
la haulte d’un corps, & la briseure veult estre assize sus la ligne diametrale du
quarre, comme a toutes les autres lettres ensuivantes. Aulcuns Anciens faiso-
ient le B. de six tours de Compas seullement, comme je vous ay faict cy pres le
B. Noir, en le ayant laisse au bas de la jambe en la grande panse, sans arondis-
sement & tour de compas. Faictes le y rond ou quarre comme il vous plaira. Martia-
nus
Capella.
B. Vita.

B. dit Martianus Capella en son troisiesme livre. De nuptijs Philologiae, Labris "
per spiritus impertum reclusis dicimus.
Nous pronunceons, ou debvons pronuncer le "
B. de noz lefres s’entreouvrans de la force de l’yssue de nostre alaine. B. en Grec,
est dict vita, & y est pronunce comme ung V. consone. quant ilz disent .ΒΑΡΒΑΡΟΣ.
Varuaros. BABAI. Vauae.
Mension
des Ga-
scons.
La quelle pronunciation les Gascons tiennent en
leur langage en beaucop de dictions. comme quant ilz veulent dire. J’ay beu de
bon vin, Ilz disent. J’ay veu de von bin. Pareillement en Latin. Non in solo pa-
ne bibit homo
, pour, viuit homo. Et en ce disant le sens est bien souvant perver-
ty selon le bon francois, & selon le Latin, comme voyez aux dits exemples alle
guez, ou il ya pour j’ay beu, j’ay veu, & pour viuit, bibit. Ilz sont beaucopbeaucoup d’au-
tres incongruytes, comme quant ilz disent Ung veau bieillard, pour, ung beau Mi, ante
Pi.

vieillard. En lieu de le V. consone ilz disent. B, & en lieu de B, V. consone. Quant
My en grec, c’est a dire, M, est devant Pi. c’est a dire devant. P, le Pi. est pronun-
ce comme les Latins & nous pronunceons le B. Iceulx Grecs escripvent. ΛΑΜΠΑΣ. "
& .ΠΕΜΠΩ.
P. en B.
B. en V.
consone.
Mension
des Gas-
cons.
Par Pi. & pronuncent Lambas, & Pembo. Les Gascons ne pronun- "
cent seullement B. pour V, consone, en francois, mais pareillement en Latin,
comme quant ilz disent. Vona dies. pour. Bona dies.. Bibat Faustus, pour Viuat "
Faustus
. Beni ad me & viues, pour, Veni ad me / & bibes. a l’occasion de ce "
qu’ilz ont le V. consone en si frequente locution. Il semble que les Latins les ap-
pellent plustost vascones par V. que Gascones. pour en donner secretement quel-
que intelligence.


J’Ay veu Alemans aussi qui pronunceoient P, pour B. quant ilz parloient Mension
des Ale-
mans.

en francois. comme voulant dire. Vela une bien belle & bonne beste, Ilz di-
soient. Vela une pien pelle & ponne peste. Ce vice la leur est ordinaire.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXVI.


JE passe oultre, & viens a vouloir tenir ma promesse, en la quelle ay dit a la
fin du Segond livre, que pour monstrer que toutes noz lettres Attiques, sont
faictes de le I, & de le O. Je designerois ung B. en sorte qu’on les y porroit co-
gnoistre. La figure sera telle qu’il s’ensuyt.



ON peut veoir en ceste presente fi
gure & deseing commant ainsi
que j’ay dit par plusieurs fois cy dessus,
le I, & le O. & principallement le .I.
sont le modele, & les deux lettres des-
queles toutes les autres Attiques sont
faictes & formees, En ce B, cy pres,
voyez que la jambe droicte est ung I.
que j’ay laisse en blanc, pour le mon-
strer plus clerement. & pareillement le
O, en la panse d’embas est blanc, le re
ste du B, est noir tellement que si vou-
lons amplir le I, & le O. blans, de noir,
Ilz rendront le B, entier & parfaict,
en laissant ung peu de la panse de le O
qui est interieure adherente au pied du
dict I.blanc.


A Faire ceste ditte figure & deseing, fault unze centres pour asseoir le pied du Notable
pour nom-
bre de cen-
tres.

Compas a y faire les circunferences, lesquelz centres j’ay signez aux lieux
ou ilz doibvent estre faicts en leurs quarre[sic]. Au B. noir que j’ay faict cy devant,
n’en y a que six, qui luy sont requis, mais en cestuy cy, en ya davantage, a cause
de le dit I, & de le O, qui y ont leur tour & figure entiere sans prejudice du B, Dittez
Io, en si-
gne de
joye.
BellleBelle
chanson.

qui en est faict & forme. Et pource doncques que a ceste heure voyons le dit I,
& le O, estre modele des autres lettres, en signe de joye. Dicite Io Paean, & Io
"bis dicite Paean. Non semel dicatis Io triumphe. Io Io, dicatis Io Io dulces ho-
"meriaci.

Tandis que la joyeuse chanson resonnera, je m’en viendray a la lettre C. & la
designeray en la forme qui s’ensuyt.


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[36v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre C. cy pres faicte en son quarre & proportion estant de la haulteur
de le A, & B. devant faicts, est faicte de le O. brise, & a seullement neuf corps
de largeur. Le Compas y requiert six centres pour la rendre faicte en sa totalle
circunference, Notez qu’il est seullement faict des ja dicts six tours de Compas
& deux traicts. le traict de dessus a perpendicule & a plomb, le traict d’embas,
en oublique, & angle finissant en agu. Aulcuns le font a poincte ague en bas, &
pour icelle faire convient asseoir le Compas sus le summit de la septiesme ligne
& le estandre jusques en bas du rond interieur en circunference. comme pouvez
veoir en la figure cy pres faicte & deseignee.


LE C, est lettre purement Latine, car les Grecs en lieu du C. ont Cappa .K. Le C. est
lettre la-
tine.
Priscian.

le quel Cappa .K. les Latins ont usurpe, & Priscian dit que lesdicts La-
tins l’ont comme lettre supervacue & d’abundance, quant il dit en son premier
livre ou il traite. De literarum potestate. K. superuacua est, vt supra diximus, quae "
quanuis scribatur nullam aliam vim habet quam C.
C’est a dire .K. est lettre su- " Martia-
nus Ca-
pella.

pervacue, comme avons dit cy dessus, la quelle, combien qu’elle soit escripte, si
n’a elle autre vertus que C. Les Grecs escrivent. Κακος, Kωκυτος. & les La
tins Cacus & Cocytus. C. Comme dit Martianus Capella super molaribus "
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXVII.
"linguae extrema appulsis exprimitur.
Elle veult estre pronuncee, & exprimee en
heurtant des deux costes de la langue contre les grosses dents, qu’on dit masche-
lieres. Les Anciens Latins bien souvent en lieu de C. escripvoient Q. comme en Escriptu-
re antique
QVVR
QVOI.
CE, sylla
bique, ad
jection
antique.
Priscian

"escripvant QVVR, & QVOI. pour Cur, & Cui. Ilz escripvoient aussi aucunes-
fois ceste syllabe CE, a la fin de tous les Cas des Pronoms demontratifz com-
"mancens par aspiration. comme en HICCE. HAECCE, HOCCE, & les Poe-
"tes en ostoient le E, final, & n’escripvoient que HICC, HAECC, HOCC,
"comme Virgile a faict, quant il a dict. Hocc erat alma parens quod me per tela
"per hostes Eripis. Hocc,
audict lieu allegue, est mis comme si le O. estoit long en
"quantite de syllabe par la position de deux CC estans apres luy. Priscian en est
"tesmoing en son .XII. livre, ou il traicte De figura pronominum. quant il dit. Virgile.
Terence.
Ce,
"quoque solebant per oesomnes casus vetustissimi addere articularibus / vel demonstrati-
"uis Pronominibus, hoc est ab aspiratione incipientibus. vt hicce, haecce, hocce,
"vnde hoc quasi duabus consonantibus CC. sequentibus Poetae solent producere.
"vt Hoc erat alma parens, quod me per tela per hostes Eripis. Et sic in antiquissi-
"mis codicibus inuenitur bis c, scriptum. quomodo & apud Terentium in Andria.
"Hoccine est credibile, aut memorabile.


LEs Italiens de leur bonne costume pronuncent le C. mol, & quasi comme
si la syllabe ou il est, estoit escripte avec aspiration H. tant en Latin qu’en Mension
des Ita-
liens.
Notable
Singulier.

leur vulgar. Et ce seullement devant deux vocales E. & I. & devant la Diphton-
gue AE, en Latin. Ilz escripvent. Ma done Felice a una cicatrice, & ilz pronun
cent. Ma done Feliche a una chicatriche. En Latin ilz escripvent. Caesar, Celius,
et CicéronCicero. & pronuncent. Chaesar, Chelius, & Chichero. La quelle chose nous
ne gardons pas en nostre pronunciation de langage Francois, ne de Latin. Tou- Mension
des Pi-
cards.

tesfois les Picards y sont fort bien usitez en beaucopbeaucoup de vocables de leur langa-
ge. Comme quant ilz veulent dire Cela, Cecy. ilz pronuncent Chela, & Che-
chy, comme s’yl[sic] y avoit en l’orthographe une aspiration .H. devant la vocale E.
et devant I. Au contraire, la ou le bon Francois escript & pronunce la dicte aspi
ration H. devant C. & O. comme en disant Chanoine, & Chose. le Picard dit.
Canoine, & Cose. Le Francois dit, ung Chien, ung Chat, & une Mouche,
et le Picard pronunce, ung Quien, ung Cat, & une Mouque. Le dict Picard
pronunce le C. devant U, comme nous. en disant. Cuydez vous que je soye Cra-
pot d’eaue?
sans y faire signe d’aspiration. Toutesfois il dit De chu monde, en
escripvant & pronunceant l’aspiration H devant le dict U. En latin il pronunce
le C. myeulx que ne faisons, car il le pronunce gras / & comme aspire, mais il ne
l’escript pas aspire. Il dit Amiche, & Sochie, Chichero erat pater eloquentiae
mais il escript bien Amice, & socie, Cicero erat pater eloquentiae. Entre toutes Le Pi-
card pro-
nunce tres
bien le C.

les nations de France, le Picard pronunce tres bien le C. et pour en tesmoigner
myeulx, pour la singularite du langage, & de sa pronunciation, aussi pour la divine
voyne du factiste & Poete Picard qui l’a faict, je veulx icy alleguer & escri-
re ung Epitaphe en langage Picard, ou je croy qu’on trouvera de la grace.


Epitaphe antique en langage Picard, qu’on voit escript, se m’a on dict,
au grand Semetire sainct Denis, a la noble Cite de Amyens.

Epita-
phe en lan
gage Pi-
card.

Soubz moy pierre
Chi gist Pierre
De Machy
Qu’on a chi
Mort boute
Se bonte
Dieu luy fache H.j.
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[37v] LE TIERS LIVRE.
Veoir en fache
S’espousee
Est posee
Chi empres
Qui apres
Trespassa
Et passa
De chu monde
Dieu la munde.
Tant vesquirent
Qu’ilz acquirent
Unze enfans,
Bruns, blondz, blancs,
Or sont morts
Tous ches corps
Qui porissent
Vers norissent
Et attendent
Qu’ilz reprendent
Soubz chez lames
Corps & ames
Pour aller
Et voler
Es saincts chieux
Che doint Dieux.
Amen.


J’Ay escript l’aspiration h. aux lieux de ce dict Epitaphe, pour monstrer com
mant le Picard pronunce le C. mol devant E, & I, comme font les Italiens.


C. a ceste vertus entre toutes les aultres Mutes, qu’elle faict la Vocale qui la Reigle
de Gram
maire.
Virgile.

precede en Syllabe Latine estre longue en quantite Metrique, comme en
Hoc, hac, sic, & hic quant il est adverbe. Car quant il est Pronom, il peult estre
bref, comme il y a la fin du Sixiesme livre des Eneides de Virgile, ou il est escript
Hic vir hic est, tibi quem promitti saepius audis.


C. devant O. en pronunciation & langage Francois, aucunesfois est solide,
comme en disant Coquin, coquard, coq, coquillard. Aucunesfois est exile,
comme en disant Garcon, macon, facon, francois, & aultres semblables.


AUlcuns designent & sont le C. comme si c’estoit le O. cou- Notable
singulier.

pe par la panse de la main droicte sans l’entre ouvrir, mais
comme j’en ay veu en RomeRomme de bien Antique,
je l’entreouvre par embas, en luy rendant
une queue subtile qui luy donne
grace et esperit.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXVIII.



LA lettre D, cy pres designee, & faicte de le I. & de le O, a cinq centres com
munement, & selon aulcuns Anciens a quatre seullement, & ce en faisant le
bas de la jambe au dedens en angle equilateral. comme ont voit cy pres en la let
tre D. qui est noire. D, est aussi large que haulte touchant de ses extremites aux
quatre lignes extremes de son quarre. Je dis de rechef qu’elle est faicte de le I,
et de le O. comme je porrois bien designer, mais ce sera pour y exercer ceulx qui
y vouldront prendre esbat. Je l’ay monstre cy dessus au B. pour ouvrir la voye a Notable
ceulx qui sont de bonne volunte. Il suffira d’icy en avant quant je diray. Ceste
lettre, ou ceste la, est faicte de le I, & de le O, ensemble, ou de le I, seullement, D. est let
tre pure-
ment La
tine.
Delta.
Le NilNile.
Sicile.
Triquetra.
Deltoton.

HyginHigine.

ou de le O. Les Latins l’ont figuree a leur plaisir, comme leur C. Car en Grec elle
est justement triangulaire, & appellee Delta. Les Grecs ont eu ce dict Delta
en si grande extime qu’ilz l’ont faict triangulaire, pour memoire de l’excellence
de l’Isle aussi triangulaire que le NilNile fleuve miraculeux d’EgypeEgypte faict au lieu ou
est Memphis: & pour la figure de Sicile, qui est dicte des Grecs Triquetra. c’est
a dire, aiant trois monts faisant trois coings & angles. Pareillement pour le par-
taige du Monde qui fut divise des tres Anciens en trois parties. Asie, Afrique, &
Europe. Ilz l’ont, dis je, heue en si grand reverence, qu’ilz l’ont colloquee entre
les signes celestes, & l’ont appellee, Deltoton, comme HyginHigine le monstre bien en
" son livre d’Astronomye poetique, quant il dit. Deltoton est sidus velut litera grae
" ca in triangulo posita. Itaque sic appellatur. Mercurius supra caput Arietis statuisse
" existimatur. Ideo vt obscuritas Arietis huius splendore quo loco esset significare
" tur, & Iouis nomine, graece Διος. Primam literam deformaret. Nonnulli Aegypti posi Le trian-
gle est une
des plus no
bles figu-
res de Ge
ometrie.
Martia-
nus Ca
pella.
Mension
des Ita-
liens.

" tionem, Alij qua Nilus terminaret Aethiopiam esse & Aegyptum dixerunt. Alij Si
" ciliam figuratam putauerunt. Alij quod Orbem terrarum superiores trifariam diuiserunt,
" tres angulos esse constitutos dixerunt.
Ilz ont faicte triangulaire, pour secretement
denoter que sa figure est une des plus nobles & notables de Geometrie & commen
suration, & qui est tres requise a designer & faire les lettres. Les Latins l’ont fi-
guree droicte par devant comme ung I. & ronde par derriere comme ung O. pour
monstrer qu’elle veult estre pronuncee en frapant de la langue contre les dens de de-
" vant, & ce Martianus Capella le tesmoigne quant il dit. D. appulsu linguae circa
" superiores dentes innascitur.
J’ay veu en RomeRomme, a la Sapience, c’est a dire a l’escole
publique, & en beaucopbeaucoup d’aultres lieux par Italie, maints scavans personages la
pronuncer comme si elle avoit ung E. escript apres elle, quant ilz vouloient dire
"Quid, quod, aliquid, ilz pronunceoient. Quide, quode, aliquide. Et cela est a di H.ij.
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[38v] LE TIERS LIVRE.
re que la debvons pronuncer de l’impetuosite de nostre langue frapant contre
noz dens de devant. Ilz pronuncent le T. aussi comme s’il avoit E. escript a sa
queue, en disant: Capute, Sincipute. pour Caput, & Sinciput. Amauite, do-
cuite.
pour Amauit,& docuit. Pareillement mille aultres semblalessemblables. Je vouldrois que "
fussions aussi diligens a acoustumer noz enfans a bien pronuncer, que sont les- "
dictz Italiens, ce nous seroit ung grant plaisir, & honneur. Les Anciens Mension
des An-
ciens La
tins.
Terence.
Priscian.

Latins escripvoient V. pour E. devant ND, es Gerundifz & Partici
pes venans de la Tierce Conjugation. quant ilz disoient, Scri
bundis, & Legundis.
pour Scribendis, & Legendis. Teren
ce a dict. In scribundis fabulis operam abutitur. Pri "
scian en est tesmoing en son premier livre, quant "
il dict. Apud antiquissimos quoties ND. se- "
quuntur in his quae a Tertia Coniuga "
tione nascuntur loco E, V, scriptum "
inuenimus. Vt faciundum, le- "
gundum, dicundum, ver- "
tundum. pro faciendum, "
legendum, dicen
dum, ver
tendum.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XXXIX.


LA lettre E. cy pres designee, faicte de le I. seullement, & de la quelle le
F. & le L. peuvent estre tirez, est la segonde vocale en l’ordre Abecedaire
Greque & Latine, de semblable figure & proportion tant audict Grec qu’en La
tin. En lettre de Forme, ou Bastarde, elle veult estre aultrement faicte. Les La
tins l’ont usurpee des Grecs, comme quasi toutes les aultres lettres. Elles est de
sept corps & demy de largeur, & veult avoir sept centres pour estre faicte en son
entier. comme je les ay signez en leur lieu pour y asseoir le pied du Compas. Au-
cuns Anciens la designent, & font en bas au dedans de la patte sans arondisse-
ment, & a la ligne equiangulaire: comme je l’ay figuree cy dessus & pres, en la Martia-
nus Ca-
pella.
Mension
des Lion
noises.
Anglois.
Normans.
& Pi-
cards.
V. pour
E.
Mension
des Lo-
rains &
des Ecos
sois.
Mension
des anci
ens Latins.

"lettre E. noire. Martianus Capella dit. E, spiritus facit lingua paululum pressiore.
E. dit il, est pronunce en tenant nostre langue libree entre nostre palaix & con-
cavite superieure, & le fons de nostre bouche, en faisant sortir nostre voix tout
doulcement. J’ay escript cy dessus commant des Dames Lionnoises pronuncent
souvant A. pour E. Pareillement les Normans E. pour OY. & en ay baille ex-
emple, je treuve en oultre que le Picard dit V. pour E. et le pronunce comme aspi-
re, en disant. Chu garchon. pour Ce garcon. Les Lorains, & les Ecossois en
parlant en langage Francois, au moings en y cuidant parler, laissent quasi tous-
jours a pronuncer le E, quant il est a la fin des dictions. Les Lorains disent.
Sus l’herbet, De ma muset, Une chansonet, Ay dict mon comper, Ma comer,
Joliet, Et frisquet, qu’en dictes vous?
en lieu de dire. Sus l’herbete, de ma muse-
te, une chansonnete, Ay dict mon compere, Ma comere joliete, Et frisquete,
Qu’en dictes vous? Item si veulent dire Simone, ilz pronuncent Simon. Lione,
Lion. Bone, Bon. qui est vice en Francois, selon l’art du Latin, qui ne veult qu’on
mette ne dye le genre masculin pour le femynin. ou on commettroit le vice de
Barbarisme, qui n’est recevable en bon langage. Les Ecossois disent. Mon per
et ma mer, & mes deux seurs Robin & Caterin m’ont escript ung pair de letr.
En lieu de debvoir dire. Mon pere, & ma mere, & mes deux seurs Robine &
Caterine m’ont escript une paire de letres. Mais tel vice leur est a excuser, pour
l’ignorance qu’ilz ont du langage Francois, & pour la difficulte de leur acostumee
pronunciation en leur langage maternel. Il peult estre beaucopbeaucoup de telles abusives
pronunciations que je laisse a plus scavans que moy, pour les rediger par escript & bonne
memoire, & viens aux Latins qui disoient ancienement, non pas du tout com-
me le Picard, E, pour V, quant ilz disoient & escripvoient Auger & Augeratus,
H.iij
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[39v] LE TIERS LIVRE.
pour, Augur, & Auguratus. Priscian en est tresmoingtesmoing en son premier livre, au Auger.
Augera-

tus.
Priscian.

Chapitre De literarum commutatione, quant il dit. In E. transit V. vt Pondus
ponderis. Deierat, Peierat. pro Deiurat, Peiurat. Labrum, Labellum. Sacrum, "
Sacellum. Antiqui Auger, & Augeratus. pro Augur, & Auguratus dicebant.
"


E. a trois divers sons en pronunciation & Rithme francoise, comme l’Autheur " L’au-
theur du
Livre du
jeu des
EschetzEschectz.

du livre du jeu des Eschectz l’enseigne treselegamment au Chapitre ou il "
traicte de la qualite des Rithmes, quand il dict ainsi qu’il s’ensuyt. Nous debvons
scavoir que ce voyeu qui est appelle E. peult varier son son, ou estre pronunce
en trois manieres, combien que nous avons une seulle figure, ou une seulle
lettre qui nous presente toutes ces trois manieres. La premiere maniere est quant
on le pronunce en son droict son parfaict principal & premier comme nous le
nommons communement, comme quant nous disons beaulte, ou loyaulte. La
segonde maniere est, quant en le pronunceant on l’eslonge sus coste du droict
son dessusdict, Si comme quant nous disons Matinee, ou Robine, & telz sem-
blables motz. Et en ces deux cas cy, le voyeu dessusdict faict varier le nombre
et la mesure de la Rithme, pource que le son est en soy plain & parfaict. Et par
ainsi il tient & occupe le lieu d’une syllabe entiere. Et la tierce maniere est, quant
en pronunceant le voyeu dessusdict, il ne sonne pas bien le voyeu ainsi flue,
& pert aussi comme son son. Comme quant nous disons Nature, Creatu-
re, Villennie, ou Felonnie. & ainsi en moult de diverses manieres. Et en ce cas
le voyeu dessusdict ainsi pronunce, ne faict point varier le nombre des syllabes
de devant, ne la mesure. Et toutes ces trois manieres de proferer E. aucunesfois
se monstre en ung mot seullement, si comme, si on disoit. Le ciel est bien estel
le. C’est fin or esmere. Et plusieurs aultres semblables motz.


E. bien proportionne & escript, contient en soy F. & L. Si vous
voules faire une F. de le E. ostes le traict de la patte d’embas de
vostre E. & la dicte F. demorera faicte. Si en voles faire le L.
ostes dudict E. les deux traicts d’enhault, & elle demorera
comme il luy appartient a son naturel vray Art. Vous
porres cognoistre cecy en vous y exerceant & en
traictant le Compas & la Reigle, comme il est
requis a ceulx qui ayment les bonnes Sci-
ences. Toutesfois pour vous sola-
cer de peine, je vous en ay faict
ung deseing icy pres, afiinafin que
puissies myeulx cognoi-
stre mes dicts estre
comme je les vous
ay signifiez et
baillees par
escript.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XL.


QUant Virgile dist en ses Priapees. Virgile.
E D, si iungas, temonemque insuper addas,
" Qui medium D, vult scindere / pictus erit.

" Il n’entendoit pas selon sa fantasie, & selon son propos & intelligence que E.
deust estre faict de le I, comme j’ay dit & enseigne, mais bien aultrement que je
scay bien, & toutesfois je me deporteray le declarer, pource que la chose y en-
tendue / est impudique, le laissant scavoir a ceulx qui le scavent. & fantasier ou de-
priser aux non chalans de le scavoir. J’en ay bien volu toucher ung mot en pas-
sant, pource qu’il semble que le dit Virgile veille enseigner a escrire & faire le E,
& le D, quant il dit, E D, si jungas, mais non faict, & pourtant ne vous y
arestez.


NOtez en passant que la plusgrande part des dictions francoises contien-
nent en elles plus souvant la vocale E. que nulle autre vocale ne lettre,
comme il est manifeste en escrivant ou en lisant livres en langage francois.


E, Ayant devant luy une aspiration .h. peut estre indice & interjection de Priscian.
Mension
des inter
jections.

quelque affection de nostre volunte. & ce tant en Latin qu’en nostre fran-
cois. Priscian est tesmoing pour le Latin quant il dit a la fin du quinziesme li-
ou il traicte. De Interiectione. Inter has ponunt etiam sonituum illiteratorum
" vre, imitationes, Vt risus. Haha, hehe, & Phi, Hae, & hoe, & hau. Pour exemple
" en francois. Je remets le bon estudient a Maistre Pierre Patelin, & aux autres
bons autheurs en francois.

H.iiij.


Fac-similé BVH


[40v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre F, cy pres designee, faicte de le I. & tiree de le E, est de six corps
de largeur precisement, & veult avoir six centres pour estre bien faicte, les-
quelz j’ay signez en leurs lieux en les faisant a ce requis. J’escrips raisonnable-
ment en ce Livre par plusieurs passages, que toute lettre Attique veult estre plus
large en chef que en pied, mais on me porroit alleguer & dire que le F. le P. le
T. le V. & le ypsilon. sont contre ma raison. a quoy je responds, que j’ay bien
fonde mes dits. considere & entendu que cesdictez lettres F. P. T. V. & Y. ne
sont pas lettres primitives ne d’elles mesmes. mais lettres tirees d’aultreaultres lettres. com Priscian,
Digamma
aeolicum.

me le F. de le E, Le P. du B. le T. de l’aspiration, le V. du lambda lettre Grecque torne
de dessus en soubz & le Y. est tire de le X. comme porrez voir s’il vous plaist vous
y exercer. F. est ditte Digamma aeolicum au Premier livre de Priscian en beau- L, tor-
nee est
ung Gam-
ma.

copcoup de lieux, pource qu’elle a este figuree & faicte de deux Gamma. lettre Gre-
que mis & escript l’un sus l’autre en ceste facon F. Digamma est a dire deux Gam
ma, ou deux fois Gamma. Gamma en Grec est la lettre pour & au lieu de la quel
le Les Latins & nous avons G, mais il ya difference en la figure de l’une lettre
a l’autre. Car le Gamma veult estre faict comme une L, ayant sa patte d’embas Gamma
assis sus
ung au-
tre Gam
ma est
une .F.
Priscian.
Alcman.
Mension
des La-
tins.
F. pour
Consone.

tournee en hault, en ceste facon .Γ. Le G. est tout autrement faict, & pource est
il purement lettre Latine. Donques quant il y a ung Gamma droit assis sus ung
autre Gamma, ce sera nostre lettre F. qui est comme j’ay dit, appellee en Priscian
& autres bons autheurs, Digamma. Davantage, elle est ditte Digamma aeoli-
cum
, pource que les Eoliens qui estoient une des plus nobles nations de Gre-
ce l’avoient en frequent usage, mesmement les Poetes, comme le dit Priscian le
tesmoigne en son dit premier livre quant il allegue le poete Alcman. disant.
Και χειμα πυρτε δαFιον. & quant il allegue l’Epigramme qu’il veit & l’eut en
une table de la seiche vallee pres ConstantinopleConstantinoble, La quelle seiche vallee, il appel- "
le en Grec. Κερολοφον. En l’epitaphe estoit ainsi. ΟρναFον ΔημοFων σαFα "
καFιων.
Je treuve que les Anciens Latins escrivoient souvant F, en lieu de "
le V. estant consone. Comme en disant, Folfo, & Fifo, pour Voluo,& viuo. Com
me on peut voir. En l’ancien Epitaphe trouve a LyonLion, sub vineis.


LE DICT EPITAPHE, COM-
ME ON M’A DICT, EST
TEL QU’IL S’ENSUIT.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLI.

Epita-
phe An-
cien trou
ve a LyonLion.

ALIARTOS .F. GELIDVS OPTVMVS
INSVLANVS QVOI MAXVMA VIRTVS.
HAIC LABOR BACCHICOLAI
QVAE CASTOR APVD ME CYMNERIIS
IN TENEBRIS CONDITA IACENT.
CAECVTIENTEIS OMNEIS
NOSTRATEIS
PRAITEREVNT. AGEDVM SAXA
LABORE FOLFITE HERCVLEO.
COMMVNIS EST MERCVRIVS, ET
DEXTRO HERCVLE IVPPITERIS
SENISSIMI CEREBRVM EFFODIETIS.
NIHIL SACRVM, CVLMOS
EXCVTIETIS
NAVCI FACIENDOS QVOM APYNAE
SINT ET TRICAE. AT AEDEPOL
ΚΟΙΝΑ ΦΙΛΩΝ ΠΑΝΤΑ.
ANNO MILLENO SEPTENO.
NEO MENIIS ROMANIS.


Il ya a ce propos Folfite. quant il dit. Agedum, saxa labore folfite herculeo.
On en peut veoir beaucopbeaucoup d’autres exemples au livre des Epitaphes de l’An-
ciene RomeRomme. Que j’ay veu imprimer au temps que j’estoye en la dicte RomeRomme.


LEs Alemans ont ceste coustume de pronunciation, & non en escripture, de Mension
des Ale-
mans.

" dire, & proferer F, pour V. consone, aumoings quant ilz parlent en Latin.
" S’ilz voloient dire. Ego bibi vinum vetus. Ilz pronunceroient. Eio bibi finum
fetus.
& ceste maniere de pronuncer leur est propre & commune, car les Latins Priscian.
qu’ilz doibvent ensuyvre, ne le pronuncent pas ainsi. Il semble que lesdits Ale-
mans maintienent telle pronunciation, pource que Priscian a laisse par escript
en son premier livre. Habet autem haec F. litera hunc sonum quem nunc habet
V. loco consonantis posita.


"A Bien pronuncer .F. Martianus Capella nous l’enseigne quant il dit Martia-
nus Ca-
pella.
.F. den
" tes labrum inferius deprimentes lingua palatoque dulcescit
F. dit il est doul
cement proferee de la langue touchant contre le palaix, & que les dents depri-
ment utun peu la lefvre de dessus.


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[41v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre G. cy pres designee, & faicte de le O. & de le I, tranconne, est de Maistre
Simon
Hayene-
fve.

neuf corps & demy de largeur. & requiert a sa facon huit tours de Compas,
parquoy y ay signe huit centres es lieux qui leur apartient. Maistre Simon Ha-
yenefve qu’on appelle vulgairement, Maistre Simon du Mans, faict au bas de la
courte jambe du G ung petit demy rond qui luy donne tresbonne grace. Tou-
tesfois je l’ay veu aux Galeries du Pape Jules segond entre le palaix sainct Pier
re & Belvedere, coupe a perpendicule & pource faictez le ainsi qu’il vous plai-
ra. Le dict Maistre Simon est le plus grant & excelent ouvrier en Architecture
antique, que je sache vivant. Il est homme d’esglise & de bonne vie, amyable &
serviable a tous en deseings & pourtraicts au vray antique. lesquelz il faict si
bons que si Vitruve & Leon Battista AlbertiLion Baptiste Albert vivoient ilz luy donneroient la
palme par dessus tous ceulx de decza les monts. G, en Grec est dicte Gam-
ma. mais comme j’ay cy devant dit, celluy Gamma est different en figure, car
il est faict comme si une L. estoit tornee en sorte que ce qui est au bas fust mis au
hault, en ceste facon .Γ. G. & Gamma ont semblable vertus en syllabe, si non Reigle
de ortho-
graphe.

que Gamma estant escript devant ung autre Gamma, ou devant Chi. X. ou devant
Cappa, K. ou devant .ξ. est pronunce par Gni. C’est a dire, pour une .N.
Exemple. αγγελοσ. Angelus, αγηνρα. Ancora. αγχισησ. Anchises. σφιγξ.
Sphinx. Et la raison de ceste pronunciation Greque, est pource que Gni. N. Mension
des An-
ciens La
tins.
Priscian.

ne se treuve point en grec escripte devant. Γ. K. X. ξ. Les Anciens Latins escri-
voient a la facon des Grecs Aggelus & Diphthoggus, en y metant G. pour N.
& pronunceoient Angelus & Diphtongus. maintenant Les Latins & nous
escrivons N. devant G. & disont comme escrivons Angelus & Diphthongus.
Priscian nous est tesmoing de la dicte antique pronunciation, en son premier li "
vre ou il parle & traicte, De literarum commutatione, quant il dit. Et quidam "
tamen vetustissimi authores Romanorum euphomiae causa G. pro N. scribebant " Varro,
V. est pro-
nunce
apres
G. aucu-
nesfois &
aucunes-
fois non.

vt Agchises. Agceps. Aggulus. Aggens. quod ostendit Varro primo de origine "
linguae latinae his verbis. Aggulus. Aggens. Agguilla. Iggerunt.
G, en nostre lan-
gage francois, comme en Latin, veult aucunesfois V. apres luy, aucunesfois non
Anguilla, & Anguille, Imaginari, & imaginer, corriger. Conge, Plonge, abre "
ge, Rogue, Morgue, Rigueur, Langueur, Regard, Guisarmes, Guise, & aultres "
semblables en sont exemple. Je treuve que quant V. est interpose entre G. & Y.
le V. & le Y sont divisez en deux syllabes & quant en lieu de Y. ya ung I. G. V.
& I. ne font que une syllabe. Comme en disant. Monseigneur de GuiseGuyse, vit a sa
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLII.
bonne guise. La pronunciation du G. se dit Martianus Capella, Martia-
nus Ca-
pella.
Mension
des Ale-
mans.
Est spiritus cum
" palato.
Il veult estre pronunce de nostre voix issant par la concavite superieure
" de nostre bouche. Les Alemans le pronuncent devant A, devant O, & devant
V. bien differemment des Italiens & de nous, car ilz le sonnent en I. consone. Com
me s’ilz vouloient dire. Ego gaudeo Gabrielem gobiones Gandaui comparasse.
" Ilz pronunceroient. Eio iaudeo Iabrielem iobiones iandaui comparasse. la quel
" le pronunciation me semble bien estrange pour la grande mutation qui se treuve.
" S’ilz voloient dire. Gaudeamus ommes in Domino. Nodus gordius erat inso
" lubilis. Et Gutturnium est vas guttatim stilans.
Ilz diroient. Iaudeamus. Iordius.
" Iutturnium & Iuttatim,
qui sembleroient vocables hors de vraye latinite. De-
" vant E, & devant I, Ilz le pronuncent bien en disant. Germinauit radix Iesse.
" Gigis anulus erat fatalis.
G. pour.
C. & C.
pour .G.
Mais, comme j’ay dit, devant A, O, & V, Ilz n’y pro-
nuncent pas assez latinement. G, a grande afinite avec C. tellement que bien
souvant il est pronunce la ou le C, est escript. comme nous voyons en ces dictions
Cneus, & Caius. qui sont escriptes par C. & pronuncees par G. D’autres dictions
"ya esquelles le G. est escript & pronunce en lieu du C. comme sont. Quadringen-
"ta, & Quingenta
, pour quadrincenta. & quincenta. L’affinite du G. au C. & du Mension
de Bour-
ges.

C. au G. est ung peu trop observee a Bourges d’ou je suis natif, car il y en a qui Mension
des Pi-
cards.

pronuncent. Ignem, Lignum, & autres semblables dictions, comme si en lieu
"du G, estoit escript ung C. en pronunceant Icnem. & licnum La quelle chose ne
veult ainsi estre pronuncee selon la langue Latine, car les Italiens pronuncent
le G. bien mol quant il est entre I. & N. Les picards au contraire dessusdits Ale-
mans qui pronuncent I. consone pour G. en lieu de le I. consone / pronuncent le.
G. en aucunes dictions. comme en lieu de dire. Ma jambe s’est rompue en no-
stre jardin, & y ay perdu mon chapeau jaulne. Ilz disent. Me gambe s’est / rompue
en noz gardin, & y ay perdu men capiau gaulne.
Ilz en disent beaucopbeaucoup d’autres
que je laisse a escripre pour cause de brevete.


LEs plaisanteurs & jeunes amoureux qui s’esbatent a inventer divises, ou a Mension
des plai-
santeurs.
Mension
des Res-
buz.

les usurper comme s’ilz les avoient inventees, font de ceste lettre G, & d’un
A. une divise resveuse en faisant le A, pluspetit que le G. & le mettant dedans
ledit G. puis disent que c’est a dire. J’ay grant appetit. En la quelle chose ne l’or- G. grant
A. petit.

thographe, ne la pronunciation ne convienent du tout, mais je leur pardonne
en les laissant plaisanter en leurs jeunes amours. Le dit G. grant & le A. petit
veulent estre en la facon qu’il s’ensuyt.


ILz en font beaucopbeaucoup d’autres de di- Divers
Resbuz.

verses lettres comme sont K.V.K.
A. B. & t’en va. L. XX. L. X. NA. L
fut .. L. s’en alla. G. sus L. mon cueur
a.VI. Qu’atendez vous, n’atendez plus
Elle est tornee a tort Ung asne y mord
droit. Pareillement. Paix ung I. vert
selle. qui est faict d’une paix d’un I. vert
& d’une selle. Et mille autres que je leur
laisse.


EN telles sottes choses la bonne Or
thographe & vraye pronunciation
sont perverties bien souvant, & cau-
sent ung abus qui souvant empesche
les bons esperits en deue escripture.


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[42v] LE TIERS LIVRE.


ENtre tous ceulx qui jamais resveirent ou feirent devises de lettres, Celluy
qui premierement feit la sienne d’une .S. fut le plus parfaict en francois, au
moings si l’entendoit bien, & croy que si feroit il, veu qui ne la feit d’une S. Atti-
que, ne Greque, mais d’une lettre francoise, qu’on appelle Lettre de forme en
la quelle le .S. est large, & a bon propos mise en signification de largesse. en la
forme qui s’ensuyt.



LEs Devises qui ne sont faictes par lettres signi Largesse
ficatives, sont faictes d’images qui signifient la
fantasie de son Autheur. & cela est appelle ung Res Notable
en Res-
buz.

buz au quel on a resve, & faict on resver les autres.
Telz Images sont ou hommes, ou femmes, bestes,
oyseaux, poissons & autres choses corporelles & ma
terielles, desquelles choses je voy ung Resbuz de
quatre versets & lignes en francois estre moult bien
invente, car toutes les dictions desdites quatres li-
gnes sont paintes en divers Images, & ya en sub-
stance. Resbuz
Tressingu
lier & bien
faict.

On me tient fol, faisant folle folye.
Ainsi je vis, puis ainsi je folye.
Fol entre folz, coquard entre mains vis,
On me maintient, car follement je vis.


PAreillement le Resbuz des Trois mors, & des Trois vifz, est d’assez bon-
ne invension. J’en treuve est vocables latins qui se font & pronuncent en
Images & vocables francois, comme sont. Habe mortem praeoculis. Et. Non
habebat mortem ante oculos.
Semblablement Cras habebo te. J’en voy ung
en Grec qui est moult bon, & de seulles lettres, mais il s’expose en vulgar Italien,
& ya .M.Φ.Δ.M.Λ. qui est a dire en vulgar Italien. Mi fidelta mi lauda. En fran-
cois le sens y est bon, mais le langage n’accorde pas aux dictes lettres, ny au vul Beaulx
& bons
Resbuz.

gar. car il y a. Ma fidelite me loue. Celluy qui est du Diamant est bon, & celluy ou
ya. J’ay mis mon estat au derriere. n’est pas mauvais, entendu qu’il est paint & faict
d’un Gay, & d’un Mymonet. C’est a dire de Picard en ErancoisFrancois, d’un Singe qui ta
ste de sa main a son derriere. Pareillement celluy ou ya. A BesançonBesanson sept fem-
mes a, est bien ingenyeux que je laisse pour ceste fois a declarer.


J’En porrois beaucop alleguer d’autres, & en faire ung juste livre, mais pour Mension
de Jeu-
nes amou
reux.
Ovide,

ceste fois je passeray oultre & donneray espace aux Plaisans & Jeunes Amou
reux qui s’esbatent voluntiers a telles gentes petites choses. Lesquelles toutes-
fois ne leur viennent en l’esperit sans infusion celeste. De la quelle les Philoso-
phes Anciens ont souvant dispute, & les Poetes chante, entre lesquelz Ovide
au commancement du Sixiesme de ses Fastes a dit pour eulx & pour les Poetes. Escriptu
res fai-
ctes par
Images
furent in-
ventees
par les
Egyptiens

Est Deus in nobis, agitante calescimis illo. "
Impetus hic sacrae semina mentis habet.
"
C’est a dire. Entre nous Poetes & Fantastiques avons inspiration divine en
nous, qui nous esmeut a plaisantes inventions, & les mettre a gracieuse execution.


TElle facon de Resverie, C’est a dire d’escripture faicte par Images, fut pre-
mierement inventee des Egyptiens qui en avoient toutes leurs Cerimonies
escriptes, afin que le vulgaire, & les ignares ne peussent entendre / ne facilement
scavoir leurs secrets & mysteres. Celles escriptures estoient appellees en Grec.
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLIII.
" Hieroglyphica. C’est a dire. Sacra scripta, Sainctes escriptures, que nul ne pou
voit entendre sans estre grant Philosophe, & qui peult cognoistre la raison et
vertus des choses naturelles. Quant ilz vouloient signifier l’An, ilz deseignoient
et faisoient en pourtraict ou painture, ung Dragon se mordant la queue. Pour
signifier Liberalite, ilz faisoient la main dextre ouverte. Et pour Chichete, la
main close. Ilz faisoient mille aultres bonnes choses semblables par Images, que
vous porrez lire & cognoistre au .XXV. Chapistre des lecons antiques de Caelius
Rhodi-
ginus.
Orus
Apollo.
Cae
lius Rhodiginus, & plus a plain en Orus Apollo, qui les a redidees par escript,
en ung volume que porres trouver en Grec, si le y volez, & en latin aussi, & le
quel j’ay translate en Francois, & faict ung present a ung myen seigneur & bon amy.


PUisque je suis descendu en propos de Devises, Resbuz, & escriptures Hie
roglyphiques je veulx icy declarer ma Devise & Marque, pource que je
y voy maintz personnages estre desirans de l’entendre.


PRemierement en icelle y a ung vase antique qui est casse, par le quel passe Mension
de la De-
vise / &
Marque,
du present
Autheur

ung Toret. Ce dit vase & Pot casse, signifie nostre corps, qui est ung pot
de terre. Le Toret signifie Fatum. qui perce & passe foible & fort. Soubz icelluy
Pot casse y a ung Livre clos a trois chaines & Cathenats, qui signifie que apres
que nostre corps est casse par mort, sa vie est close des trois Deesses fatales.
Cestuy livre est si bien clos, qu’il n’y a celluy qui y sceust rien veoir, s’il ne scaict
les segrets des Cathenats, & principallement du Cathenat rond, qui est clos & Moralite
du Pot
casse.

signe a lettres. Aussi apresque le livre de nostre vie est clos, il n’y a plus homme
qui y puisse rien ouvrir, si non celluy qui scaict les segrets. Et celluy est Dieu,
qui seul scaict & cognoist avant & apres nostre mort, qu’il a este, qu’il est, & qu’il
sera de nous. Le feuillage & les fleurs qui sont au dict Pot, signifient les vertus
que nostre corps pouvoit avoir en soy durant sa vie. Les Rayons de Soleil qui
sont au dessus & au pres du Toret / & du Pot, signifient l’inspiration que Dieu
nous donne en nous exerceant a vertus & bonnes operations. Au pres dudict Non plus.
" Pot casse, y a en escript. NON PLVS. qui sont deux dictions monosyllabes /
tant en Francois / qu’en Latin, qui signifient ce que Pittacus disoit jadis en son Pittacus.
" Grec, Μιδεν αγαν. Nihil nimis. Ne disons / ne ne faisons chose sans mesure, ne
sans raison, si non en extreme necessite. Aduersus quam nec Dij quidem pugnant.
" Mais disons & faisons. SIC. VT. VEL. VT. C’est a dire ainsi comme nous deb-
vons, ou au moings mal que pouvons. Si nous voulons bien faire, Dieu nous
" aidera, & pource ay je escript tout au dessus. MENTI BONAE DEVS
" OCCVRRIT.
C’est a dire. Dieu vient au devant de la bonne volunte, & luy
aide.


ALde le Romain, Imprimeur a VeniseVenize, avoit sa marque Hieroglyphique, Alde.
mais il ne l’avoit pas inventee, en tant qu’il l’avoit empruntee de la devise Auguste.
" de Auguste Cesar, la quelle estoit en Grec .Σπευδε βραδεως. qui est a dire en
" Latin. Festina lente. Ou encores en Latin tout en ung mot, Matura. Et en Francois,
Haste toy a ton aise. Icelle Devise estoit painte & deseignee par une ancre
de navyre, & autour d’icelle ung Daulphin. L’ancre signifioit tardivete, & le
Daulphin hastivete. qui estoit a dire, qu’en ses affaires fault estre modere, en sorte Virgile.
qu’on ne soit trop hastif, ne trop long / ou tardif. Virgile nous est segret tesmoing
que le dict Auguste Caesar avoir la dicte ancre & daulphin en sa Devise, quant
pour luy en faire memoire en ses Eneides, il a dict au commancement du Premier
" livre. Maturate fugam, Regique haec dicite vrovestro. Qui en vouldra veoir & lire bien a
a plain, si s’en aille esbatre a veoir le premier Proverbe de la Segonde Chiliade Erasme
de Erasme, il y en trouvera se me semble a suffisance. Ma susdicte Devise / &
Marque, est telle qu’il s’ensuyt.


I.j.
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[43v] LE TIERS LIVRE.


MENTI BONAE
DEVS OCCVRRIT.



SIC, VT. VEL, VT.
NON PLVS.


VEla ma susdeclaree Devise & Marque faicte comme je l’ay
pensee & imaginee, en y speculant sens moral, pour en
donner aucun bon amonestement aux imprimeurs
et libraires de par dezca, a eulx exercer & em
ployer en bonnes inventions, & plaisan
tes executions, pour monstrer que leur
esperit n’aye tousjours este inutile.
mais adonne a faire service
au bien public en y be-
soignant & vivant
honnestement.


Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLIIII.


LA figure cy pres designee & faicte de le I. avec huit centres, est de dix corps
en Quarre. C’est a dire, aussi large que haulte. Les Grammairiens, & mes-
" mement selon Priscian en son Premier livre ou il traicte De literarum potesta-
te
, disent qu’elle n’est pas lettre, mais la note & enseigne pour monstrer quant Priscian.
quelque vocale, ou l’une de ses quatre consones, C. P. R. T. doibt estre pronun-
cee grasse & a plaine voix venant du profond de l’estomac. Iceluy Priscian dit.
" H. autem aspirationis est nota, & nihil aliud habet literae, nisi figuram, & quod
" in vsu scribitur inter alias lrasliteras.
C’est a dire .H. est la note de l’aspiration, & n’a aultre
chose d’eficace de lettre, si non la figure, & aussi que par usage elle est escripte.


H. a si peu de vertus avec les vocales, que si on l’en oste, le sens ne sera point
diminue. mais ouy bien d’avec lessusdictes quatre consones. C. P. R. T.
Exemple des vocales. Erennius. Oratius. Exemple desdictes consones. Cremes
pour Chremes. Et a ceste cause comme dit Priscian au susdict lieu allegue, les Θ. Φ. Χ. Ρ.
Grecs ont faict ces susdictes consones aspirees. Car pour Th. ilz ont faict Θ.
pour Ph. Φ. pour Ch .X. Le Rho n’a point este mue de sa figure, mais il prent sus
luy une demye croix en lettres majuscules, ou ung point corbe en lettre courant
qui denote la dicte aspiration. comme on peult clerement veoir es impressions du Alde.
feu bon imprimeur Alde, que Dieu absoille.


" AVlus Gellius au .III. Chapistre du Segond livre de ses nuyts Attiques dit, Aulus
Gellius.

" que H. a este mise des Anciens & inseree es dictions pour leur bailler ung
" son plus ferme & vigoreux quant il dit .H. litera, siue illam spiritum magis quam
" literam dici oportet, inserebant eam veteres nostri plerisque vocibus verborum fir
" mandis roborandisque, vt sonus earum esset viridior vegetiorque. Atque id videntur
" fecisse studio & exemplo linguae Atticae. Satis notum est Attiquos ιχθυν ηρον.
" Multa itidem alia citra morem gentium Graeciae caeterarum inspirantis primae literae di-
" xisse sic, lachrymas, sic spechulum, sic ahenum, sic vehemens, sic inchoare, sic hellua-
" ri, sic hallucinari, sic honera, sic honustum dixerunt. In his verbis oibusomnibus literae seu
" spusspiritus istius nulla ratio visa est, nisi vt firmitas & vigor vocis quasi quibusdam ner-
" uis additis intenderetur.
C’est a dire. La lrelettre H. ou s’il convient myeulx la dire l’esperit
vocal, estoit souvant inseree des Anciens Latins en beaucopbeaucoup de dictions pour les fir
mer & roborer, afin que leur son fust plus vertueux & vigoureux. Iceulx Anciens le
faisoient a l’imitation des Atheniens, au langage desquelz ιχθυν ηρον. & beaucopbeaucoup de sem
blables dictions estoient aspirees hors la costume des aultres Nations de Grece.
Ainsi furent aspirez Lachrymae, spechulum, ahenum, vehemens, inchoare, hallucinari
honera, & honustus.
En ces vocables susescripts l’aspiration n’a este veue raisonna

I.ij.
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[44v] LE TIERS LIVRE. Notable
Singulier.

ble, si non pour y donner fermete & vigueur, comme si elles estoient enforcyes de nerfz.


LEs Romains ont figure ceste dicte note d’Aspiration totallement a la figu-
re & forme d’une vocale Grecque nommee Ita. H. Les Grecs ont faict de
leur dicte vocale Ita. H. deux notes passives, & comme accents, pour monstrer
quant une Vocale inceptive, & Consone Rho, aussi inceptive & geminee en
composition de Nom, ou de Verbe, doibvent estre aspirees ou non. car en cou
pant justement la dicte vocale Ita, par le mylieu & en deux parties perpendicu
laires, la premiere partie est & sert pour monstrer la Vocale aspiree, ou la dicte ├. ┤ .
Signes
d’aspira-
tion, & de
lettre non
aspiree.

Consone Rho, & l’aultre partie pour la vocale ou Rho. non aspiree. La dicte
vocale Grecque Ita, se divise ainsi, ├.┤ .& ses parties sont escriptes sus lettres
majuscules, comme j’ay dict, sus les vocales inceptives & sus Rho, quant il est
inceptif, & quant il est double en la diction par composition de vocables, ou
aultrement.


LA resemblence de ceste dicte aspiration Latine, & de la vocale Grecque
Ita, a este cause que mille modernes ignorans la langue Grecque ont erre,
et errent tous les jours en l’orthographe, c’est a dire, en la deue escripture de ces
deux souverains & precieux noms. IESVS. & CHRISTVS. Car en les escri-
vant en abrege, ilils escripvent IHESVS, avec une aspiration latine, & ΧΡΣ, avec
ung X. & ung P. Latins. Quant en Grec. ΙΗΣ. veult estre escript par la dicte vo
cale Ita. H. & ΧΡΣ. par Chi. & par Rho. L’erreur leur est venue, comme j’ay dict,
pource que Ita, & Laspiration Latine sont de semblable figure. & que Chi. &
Rho. aussi resemblent quasi a ung X. & a ung P. latins. Parquoy en cest en-
droict cy, je prie tous bons esperits que d’ycy en avant quant ilz vouldront escripre
les tressaincts & glorieux nom & surnom de nrenostre Saulveur, s’ilz le veulent escripre
en Latin, qu’ilz tiennent ceste orthographe. IESVS, CHRISTVS, sans y Entendez
icy bons
et devotz
Crestiens?

mettre ne escripre lettres qui ne y soient deument requises. Et s’ilz le veulent
escripre en abrege, qu’ilz les escripvent plustost en Grec que aultrement, & ce
sera bien faict ainsi, ΙΗΣ, ΧΡΣ. ou il n’y a que lettres Grecques purement y re-
quises. La vocale Grecque Ita. H. quant elle est convertie en Latin, elle se trans-
late en E. long pour quantite de syllabe, comme en ce glorieux nom, ΙΗΣΟΥΣ.
IESVS. & en mille autres semblables. Parquoy donques fault escripre IESVS Iesus,
Christus.

sans aspiration quelquonque, & CHRISTVS, sans X. & sans P. Quant au
Grec du quel est tire le Latin, n’en ya point.


ΙΗΣ ΧΡΣ


SI vous volez veoir plus amplement de l’orthographe de ces deux noms pre
cieux Iesus & Christus, & la vraye substance de tout ce que j’en ay cy escript, Alde
prenes esbat a aller veoir & lire ung petit traicte que Alde a faict & intitule, De
potestate literarum Graecarum
, au Chapitre, Quemadmodum Literae, ac Diph- "
thongi graecae in latinum transferantur.
Vous y porrez contenter vostre bon de "
sir, si vous plaist vous y esbatre.


Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLV.


L’Aspiration Latine est escripte des Alemans simple note de lettre, mais ilz Mension
des Ale-
mans.

la pronuncent double, plusque ne font les Latins / & Italiens, car s’ilz vou
"loient pronuncer en Latin. Heus heri habui herum hospitem. Ilz diroient com
"me s’il y avoit double aspiration, ainsi. Hheus, hheri hhabui hherum hhospitem.
Et m’esbahis qu’ils ne l’escripvent aussi bien qu’ilz font deux VV. des quelz ilz usent
tressouvant es vocables de leur langage maternel. Ilz me font souvenir d’ung ja
dis nomme Arius, qui avoit l’aspiration tant a sa main, & si acostumee, qu’il la
pronunceoit, ou il n’estoit pas a propos. Parquoy le noble Poete CatulleCatule, feit
contre luy cest Epigramme. Catulle
Arius ex
cessif en
l’aspira-
tion
Latine.

" Chommoda dicebat, si quando commoda vellet
" Dicere, & hinsidias Arius insidias.
" Et tamen mirifice sperabat se esse locutum.
" Cum quantum poterat dixerat hinsidias.
" Credo sic mater, si liber auunculus eius
" Sic maternus auus dixerat, at que auia.
" Hoc misso in Syriam / requierant omnibus aures.
" Audibant eadem haec leniter & leuiter,
" Nec sibi post illa metuebant talia verba,
" Cum subito affertur nuncius horribilis.
" Ionios fluctus postquam illuc Arius isset,
" Iam non Ionios esse, sed hionios.

" ICelluy Arius doncques disoit. Chommoda, Hinsidias, & Hionios, par aspi-
ration: & il n’y en fault point. Ainsi font lessusdicts Alemans d’acostumance
qu’ilz ont de parler & pronuncer du fons de leur poulmon & estomac. Les Pi- Mension
des Pi-
cards.

cards, comme j’ay cy dessus dict, la pronuncent moult bien avec le C. & sans
icelluy C. Et je ne cognois Nation en France qui aye la langue plus apte & di Grammai-
riens de
village.
Ah. &
Vah.
Reigle
pour l’A-
spiration

serte a bien pronuncer Grec, Latin, & Francois, que Picards.


ICelle Aspiration est tresmal pronuncee de je ne scay quelz Grammairiens
de village, en ces deux Interjections Ah, & Vah, quant ilz pronuncent Ache,
et Vache, comme si l’aspiration estoit ou debvoit estre terminee en E. la quelle
chose ne veult estre, car elle n’est ne Vocale, ne Consone, ne Mute, ne Liquide,
& par consequense lettre aulcune. Parquoy doncques veult estre pronuncee
sans avoir propre son, mais seullement ensuyvre la vocale avec qui elle est adjou
xtee. Oultre plus Ah, & Vah, ne peuvent ne ne doibvent estre terminees en E.
car se sont Interjections coupees au derriere, entendu que les entieres sont Aha Priscian.
et Vaha. De la quelle chose, comme j’ay cy devant dict,Priscian nous est tes-
" moing quant il dict en son Premier livre, ou il traicte, De accidentibus litterae,
" Quaeritur cur in Vah, & Ah, post vocales ponitur aspiratio? & dicimus quod
" Apocopa facta est extreme vocalis cui praeponebatur aspiratio, nam perfecta
" Aha & Vaha sunt.
PontanoPontan en son Premier livre, De aspiratione. y adjouxte PontanoPontan.
Oha, qui veult aussi laisser son A. final: & demorer Oh. Je dis voluntiers cecy,
pource que je voy plusieurs y errer: & leur erreur est cause de corrumpre la quan-
tite de syllabe, & la majeste de metre Poetic. Comme qui diroit en la premiere Virgile.
Eglogue de Virgile.
" Spem gregis, ache, scilice in nuda connixa reliquit.
Et en la Segonde.
" Ache Corydon Coridon? quae te dementia coepit?
Item en la Sixiesme.
" Ache virgo infelix: quae te dementia coepit?
I.iij.
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[45v] LE TIERS LIVRE.
Ce seroit tout gaste le stile, & quantite metrique du Roy des Poetes Latins, &
pource fault pronuncer Ah, & Vah, quasi en A, vocale venant d’une abundan
te voix yssant du profond de l’estomac.


L’Aspiration, comme j’ay dict, n’est pas lettre, mais neaumoings elle se treu- Virgile.
ve par licence poetique mise pour lettre, & comme Double consone faisant
position & production de la vocale qui la precede. Comme il y a en Virgile au
Premier livre des Eneides.
Posthabita conluisse Samo, hic illius arma. "
Hic currus fuit. "
mo hic
, Spondeus est ung Spondeus
. C’est a dire, ung pied & proportion de metre Poetic,
contenant deux syllabes longues. parquoy .mo. en ce lieu la est long: non seulle
ment de sa nature, mais comme si h. estoit Double consone. & quelle ne se pert
point avec la vocale, comme elle a souvant de costume. Elle se treuve bien com Horace.
me Simple consone en l’Art poetic d’Horace ou il y a.
Cogitat, vt speciosa dehinc miracula promat. "

Dactilus
La syllabe de devant l’aspiration est breve, & tierce syllabe d’ung Dactilus, & le
susdict .de. ne se collide point avec le .I. sequent, & apres la dicte aspiration. Qui
vouldra veoir bien amplemement & treselegamment de la grande vertu de l’a-
spiration tant au commaucementcommancement des dictions, que au mylieu, & que a la fin, PontanoPontan.
PontanoPontan en est tres suffisant Autheur, en Deux beaulx & bons Livres qu’il en a
diligentement faicts & intitulez, De aspiratione. Pour bien faire & designer no- "
stre dicte aspiration, fault que les deux jambes soyent totallement faictes com-
me I. & le traict tendant en travers au dessus de la ligne diametrale, veult estre
gros de l’une des trois pars de la grosseur de ledict I. La quelle chose Fre- Frere Lu
cas Pa-
ciolus.

re Lucas Paciolus n’a faict ny observe es lettres de son Livre intitu-
le, Diuina proportione. comme porront veoir ceulx qui y voul-
"
dront bien prendre garde. Car en le A. en le E. en le F. & en
l’Aspiration, il faict le dict traict traversant trop menu,
et trop bas, veu qui les a faicts dessus & dessoubz
la ligne diametrale de son Quarre.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLVI.


LA lettre I. cy pres designee & faicte de dix haulteurs de sa largeur, conte-
nue entre quatre centres, est de trois corps de largeur en teste, & de quatre
en pied. C’est a dire de trois entiers, comme en la teste, & de deux demys aux deux
costez pour luy bailler patte, siege, & fondement a myeulx soubstenir sa ditte Belle, &
bonne
raison.

teste. Et la raison est prise au naturel du corps humain. qui quant il est sus pieds,
sesdits pieds sont plus epattes, & plus au large que ne contient en espace & lar-
geur sa teste. Ung homme se tient plus ferme ayant ses pieds moyenement au
large, que les ayant joincts l’un contre l’autre. Ainsi donques nostre I, veult estre
plus large en pied qu’en chef.


I. Comme j’ay souvant dit au segond livre, est le Modele, La reigle, & le Guy- Le I. est
le mode-
le de tou-
tes let-
tres.

don de toutes les autres lettres, car a la haulteur & largeur de luy, toutes les
jambes tant droites que brisees de toutes les dites autres lettres, sont mesurees
& proportionees. Les jambes arondyes ensuyvent le O. mais encores celluy
O. garde l’epesseur de le I. en ses deux panses.


" I. Veult estre pronunce, comme dit Martianus Capella, Martia-
nus Ca-
pella.
Mension
des Fla-
mens. Iota.
Spiritu prope den-
tibus pressis.
C’est a dire. D’une alayne & esperit yssant entre les dents ung
peu serrees. Les Flamens en abusent en Latin, quant apres E. vient une autre
" vocale. Car ilz pronuncent le dit E. en E. & Y. Comme en disant. Deyus Deyus
" meyus ad te de luce vigilo
. En Grec, Il est appelle Iota. & n’est jamais autre que
vocale, mais en Latin & en Francois il est aucunesfois Vocale & aucunesfois
Consone. Et quant il est Consone, encores est il aucunesfois Simple consone, &
aux autres fois Double consone. Exemple en Latin. Ibo iussus in maiorum adiu
torium.
Exemple en Francois. Item. Jehan le jeune sera jeudi adjourne. Ce vo-
cable cy Iota, est bien usurpe des Latins, & pour I. Vocale. & pour ung en nom- MartialMartia-
lis
.
Sainct
Mathieu

bre. MartialMartialis a dit a la fin du Segond livre de ses Epigrammes.
" Vnum de titulo demere Iota potes.
" Semblablement Sainct Mathieu a en son cinquiesme Chapitre. Amen quippe
" dico vobis, donec transeat coelum & terra, Iota vnum, aux apex vnus, non prae
teribit a lege, donec omnia fiant.
Ce Iota la se prent & s’entent pour ung I, qui
en nombre est mis par les Latins & Francois pour ung.



I.iiij.
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[46v] LE TIERS LIVRE.


DE le I, toutes les autres lettres, comme j’ay dit, pre-
nent & ont comancemant a estre faictes & escriptes.
C’est ascavoir, ou en estant garde en sa droitte ligne, ou
en estant reflecte & courbe, ou en estant brise. Et luy seul
entre toutes les lettres garde sa droicte ligne perpendi-
culaire, a l’imitation du corps humain, qui luy estant sus
ses pieds tout droit la represente. En luy ouvrant les bras
& jambes peu ou plus monstre la ditte briseure, comme
il peut estre facilement entendu en la sequente figure que
j’ay faicte apres celle que ung myen seigneur & bon amy
Jehan Perreal, autrement dict Jehan de Paris. Varlet Jehan
Perreal,
autrement
dict Jehan
de Paris.

de chambre & excellent Paintre des Roys, Charles hui
tiesme, Loys douziesme, & Francois Premier de ce nom,
m’a comuniquee & baillee moult bien pourtraicte de sa
main.


POurce que a l’ai- I. V. L.
M. C. D.
Q. X.
Lettres
servant a
nombres

de de Dieu je su
is venu a propos de
dire commant nostre
dit I, est souvant mis
en nombre, il me sem-
ble n’estre inutile dire
aussi quelles autres
lreslettres sont prises pour
nombre, tant en La
tin qu’en Francois.


DOnques je dis
qu’il y a huit let
tres qui servent a nom
bre, C’est a scavoir,
Deux vocales. I. &.
V. Deux Semivoca-
les .L. & .M. Trois
Mutes .C. D. & .Q.
Et une double Con-
sone .X. Le I. seul est
mis pour ung. Quant
il est double, Il en
vault deux. Quant il
est triple, Il faict trois.
Et quant il est qua-
druple, Il signifie
quatre. Et notez qu’il
ne se multiplie plus
oultre avec soymes-
mes. Il se multiplie
avec les autres dittes


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLVII.
lettres, & ce seullement jusques a quatre fois.


Le V. est mis pour cinq. pource qu’il est la cinquiesme vocale. S’il y a ung I. apres V.
V. ce sont Six. S’il y en a deux. ce sont Sept. Si trois, ce sont Huit. Et si quatre. ce
sont Neuf. comme on peut veoir aux nombres qui s’ensuyvent .VI. VII. VIII.
VIIII.


LE .X. est mis pour Dix. pource que si nous considerons bien ce que nous en X.
Priscian,
Notable
segret.
C. G. Q.
B. F.
Bruges.
Fruges.
S.

dit Priscian au Chapitre. De acccidentibusaccidentibus literae, & au Livre. De Nume-
ris & ponderibus.
Il est la Dixiesme lettre en l’ordre abecedaire. En prenant C.
G. & Q. pour une lettre, entendu qu’elles se passent l’une en l’autre, Et pareille-
ment B. & F. aussi pour une, pource qu’elles estoient jadis mises en usage l’une
pour l’autre, en disant. Bruges & Fruges. Et oultre plus en ne contant point S.
pour lettre. Car ancienement elle n’estoit escripte ne prise que pour denoter quel
que siflement. Comme aidant Nostre seigneur Je diray cy pres en son renc abe-
cedaire. Quant il ya ung I, devant X, celluy X. est diminue d’ung, & ne signifie
que Neuf. Quant le I. Vient apres X. c’est Unze. & ainsi consequantemant jusques
a quatre I. reiterez apres ledit X. qui font XI. XII. XIII. XIIII. puis pour
Quinze on escript .X. & V. pour Seize, X.V.& I. ainsi des autres nombres en
multipliant & adjouxtant les I. les V. & les X. Jusques a Cinquante, pour lequel L. N.
nombre .L. est mise. & ce a l’imitation des Grecs qui ont Gni, c’est a dire N. ser-
vant au dit nombre de Cinquante .L. & N. se dit Priscian, en son Premier livre, Priscian.
" au Chapitre De accidentibus literae, & en son Livre, De Numeris & Pond.Ponderibus. In-
" uicem sibi cedunt.
Lympha
Nym-
pha.
C’est a dire .L.& N. sont mises & sont prises souvant l’une pour
l’aultre, comme en disant Lympha & Nympha.


C. Vault Cent, pource qu’il est la premiere lettre en ceste diction Latine C. Cen-
tum.


D. vault Cinq cens, pource que entre le D. & le M. en l’ordre abecedaire ya cinq D.
lettres interposees, qui sont E. F. G. I. & L. le K. qui est lettre Greque, & de la Notable
quelle n’avons que faire, Semblablement l’aspiration H. qui n’est pas lettre pro-
prement, mais note de lettre, ne y sont pas contees.


OUltre plus .M. est mise pour Mille, pource que en ceste diction Latine, M. Mille.
Decies
centum.

Probus
Gramma-
ticus.
Priscian.
Galeotus.
Bude.

Mille, elle est escripte la premiere. Au dessoubz du nombre Mille ya deux
fois cinq cens, parquoy donques D. est pris pour Cinq cens, & deux fois cinq cens
se dit en Latin. Decies centum. & en ung mot Mille. Qui vouldra veoir a plain
" de ceste matiere, s’en aille esbatre a lire au livre des Abreviatures antiques que
feit jadis Probus Grammaticus, & en Priscian ou il traicte, comme j’ay dit, De
numeris & pondponderibus
, Pareillement au livre que Galeotus Narniensis a faict & in-
titule. De Homine interiori. Semblablement au commancement du troisiesme
Livre que monseigneur Bude a intitule De Asse & partibus eius, ou il y a. Mille
per .M. scribebant & caetera.



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[47v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre K cy pres designee, & faicte de le I, tant entier que brise, est autant
large que haulte, C’est a dire de dix corps en sus, & dix en traversceant, &
requiert huit tours de Compas, pour le centre desquelz j’ay signe le lieu ou le
pied dudit Compas veult estre assis.


K. Dit Martianus Capella, veult estre pronunce de l’yssue du gouzier Martia-
nus.
Capella.

& du palais sans mouvement de la langue .K. n’est pas lettre Latine,
mais purement Grecque, & pource semble elle estre inutile & supervacue en
la ditte langue Latine, car en lieu d’elle C. & Q. sont en usage. desquelz les Grecs Priscian.
n’ont figure ne deseing. Priscian dit en son premier Livre, ou il traicte. De acci- "
dentibus literae .K. enim & Q quamuis figura & nomine videantur aliquam ha- "
bere differentiam cum C. tamen eandem tam in sono vocum, quam in metro con "
tinent potestatem. Et K. quidem penitus superuacua est.
C’est a dire. K. Voire- "
ment & Q. combien qu’en figure & nom ilz semblent avoir aucune difference
avec le C. toutesfois si ont ilz semblable vertus & puissance au son des voix &
en mettre. Et pource K. est lettre supervacue. K. donques est lettre Greque ap-
pellee en son propre nom Grec Cappa. Καππα.


J’Ay dict & preuve cy devant au Premier livre que les lettres Greques ont cy este
en usage avant que les Latines mais a ce propos je le puis de rechef confer- Karolus.
mer, en tant que K. nous est encores en usage en ce nom cy .Karolus. & en la fi-
gure de la piece d’argent vallant dix deniers tournois que nous appellons aussi
ung Karolus. Si alors que le premier coing & estampe du Karolus fut faict, les
lettres Latines eussent este icy en grant & puissant cours d’usage, on eust escript Ca Notable
singulier
Graecis-
mus.
Magister
Alexan-
der de vil
la Dei.

rolus qui est diction Latine, par ung .C. mais comme j’ay dit selon l’usage des lettres
Grecques qui estoient en cours, on l’escrivit par K. comme le voyons enco-
res en la ditte monoye. Il n’y a pas long temps que la langue Latine a este puri-
fie & seurement usitee par deca. & qu’il soit vray, Je m’en raporte au viellard
Graecisme, au bon magister Alexander de Villa Dei. & mille autres Autheurs
modernes, qui voulant enseigner la langue Latine y estoient bien peut[sic] scavans,
tellement que ceulx qui ont aujourd’huy l’oreille necte, sont tresfasches quant
ilz oyent reciter leurs vers Leoniques, & compositions arides.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLVIII.


LEs Latins ont retenu le K. pour en user en aucunes dictions qu’ilz avoient
comme Greques, comme. Kalendae. Karthago. Katherina. mais a la par-
" fin encores les ont ilz escriptes par C. comme on peult veoir au Livre des Epi-
taphes de l’anciene RomeRomme nagueres imprime en la ditte RomeRomme. K. en grec
pource qu’il est la primiere lettre en ceste diction. κακον. qui est a dire en Latin. Erasme.
Prover-
be grec

Malum. & en Francois, mal. & chose mauvaise. comme tesmoigne Erasme en
sa troisiesme Chiliade, au Chapitre .CCCCCLXXXII. est venu en Prover-
be, en disant. Διπλουυ Καππα. Duplex Kappa. Double K. ou si vous voules
aultrement dire, Double C. signifie deux mauvaises choses extremement contrai-
res a une bonne. comme on porroit Imaginer d’ung aigneau estant par les champs Aultre
Prover-
be grec.
Mension
des Ca-
padociens
des Cre-
tenses &
des Cili-
ciens.
Beatrice.

entre ung Lion & ung Loup. Il ya encores ung aultre Proverbe Grec qui est.
Τρια Καππα Κακιστα. Tria Cappa pessima. Trois K. ou si vous voules autre
" ment dire. Trois C tresmauvais. qui est a dire secrettement que jadis estoient en Gre
ce trois Nations de tresmalicieuse nature, & celles estoient, Les Capadociens
Les Cretenses, & Les Ciliciens qui estoient tous & tousjours cauteleurs & co-
stumiers a toute tromperie. A propos de. Tria Cappa. mis en Proverbe grec,
j’ay veu en RomeRomme ung seigneur & plaisant amoureux, qui, comme ceulx de par
dessa font souvant pour l’amour de leur Dame, portoit en sa Devise, ung B.
ung A. & trois .C. ainsi escripts. B.A.CCC. & par ce entendoit le nom de sa Da-
me par amour qui estoit appellee, Beatrice. Le quel nom est pronunce en vul-
gar Italien, comme si le C estoit aspire & qu’on le deust ainsi escrire .Beatriche.


JE dis cecy en passant, pour monstrer que K. veult estre pronunce sec, & pur.
& le C. ung peu mol, quasi comme s’il estoit aspire.


LEs Grecs n’aspirent jamais leur Cappa. K. mais ilz ont une aultre lettre en Mension
du Cap-
pa, & du
Chi.

lieu, qui porte son aspiration, & est nommee Chi. & vault autant que C. &
H. tellement que s’ilz vouloient escrire. Cha. che. chi. cho. Chu. Ilz escriroient.
χα. χε. χι. χο. & χου. La quelle chose je laisse aux bons esperits a eulx y exercer
& esbatre.


Fac-similé BVH


[48v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre L. cy pres designee, est de dix corps de haulteur, & de sept & de-
my de largeur. pour la perfection de la quelle cinq tours de Compas y sont
requis, & a ceulx faire ay signe cinq croix es lieux qu’il apartient asseoir le pied
dudit Compas.


AUlcuns Anciens comme j’ay dit cy devant ou je parlois de la lettre E. la
faisoient de quatre centres seullement en faisant le bas de sa jambe au de-
dans & sus sa patte en angle equilateral. comme je la vous ay faicte cy pres ou
elle est figuree sans lignes & noire.


L. Comme j’ay cy devant, au Chapitre, de la lettre E, dit & monstre, est tiree Martia-
nus
Capella.

du dit E. en ostant les deux traicts traverceans de dessus .L. dit Martianus "
Capella. lingua palatoque dulcescit. C’est a dire .L. veult estre pronuncee de la lan- "
gue & du palaix, qui est concavite superieure de la bouche, avec ung doulx espe-
rit de voix, en la quelle chose est entendue sa figure, qui est d’une ligne perpen- Priscian.
diculaire faisant a son talon ung angle sus le quel elle est assize. Priscian en son
premier Livre, au Chapistre. De literarum commutatione, dit que Pline estoit
d’opinion que L. contenoit trois sons en pronunciation. Les mots dudit Priscian Pline.
Priscian.
La lettre
L. a trois
sons en
pronun-
ciation.

sont telz qu’il s’ensuyt .L. triplicem, vt Plinio videtur, sonum habet, Exilem, quan- "
do geminatur secundo loco posita, vt. Ille, Metellus. Plenum, quando finit no "
mina vel syllabas, & quando habet ante se in eadem syllaba aliquam consonan- "
tem. vt Sol, sylua, flauus, clarus. Medium autem in alijs. Vt lectus lecta lectum.
"
Cest a dire .L. a trois manieres de sons comme il semble a Pline. Le premier son
est exile & simple en doulceur, & ce est quant elle est double & geminee, comme
en disant. Ille, & Metellus. Le Segond son est dit plain son. & ce quant elle fi-
nist & termine les dictions ou syllabes, & quant elle a devant soy en mesme syl-
labe une Consone comme en disant. Sol, sylua, flauus, clarus. Le troisiesme &
dernier son, est moyen & ce est quant elle se treuve aultrement mise en syllabes Notable
singulier
pour la
pronun-
ciation
des let-
tres.

ou dictions qui n’est dict aux deux premieres manieres de sons. Qui la vouldra
bien pronuncer, Il la doibt proferer comme s’il vouloit dire ceste syllabe cy, EL.
Et a ce propos je veulx bien en cest endroit enseigner la juste & deue pronun-
ciation de toutes les lettres Abecedaires, en la quelle chose je voy mille person-
nes errer, quant ilz disent. A. boy. coy. doy. ou il fault dire A. be. che. de. comme
si leur nom, excepte des Vocales, s’escrivoit en facon de syllabe. La quelle
chose pour le bailler myeulx a entendre & persuader, J’escriray leurs dits noms
Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. XLIX.
et pronunciations par syllabes en la forme qui s’ensuyt. A. be. Che. de. E. ef. ge.
ha. I. Ka. el. em. en. O. pe. quu. er. es. te. ix. ypsilon. ou si vous voules aultrement
dire, dictes y Grec. Et puis la derniere qui est Zita, sera pronuncee esd. L’erreur
de la susdicte sotte pronunciation, est venue de je ne scay quelz maistres d’esco
le tant de Ville que de Village, qui se meslent de vouloir enseigner aultruy, &
eulx mesmes ne le sont comme ilz debvroient estre. C’est une grande honte s’entre
mettre faire une chose sans bon fondement & parfaicte science.


POur monstrer au doyt & a l’oeuil que L. veult estre pronuncee comme ceste De la
deue pro
nunciation
de le L.

syllabe cy el, je dis qu’elle est faicte de le E. & que la pronunciation en parti
cipe entendu qu’elle est tiree dudict E. Laquelle chose ja soit que je l’aye ja mon
stre au Chapitre dudict E. neaumoings si le monstreray je de rechef, afin qu’on
puisse facilement cognoistre mes dits estre vrays. & ce tesmoing la figure cy pres
reiteree, designee, & assize, ou j’ay ung peu separe les deux haults bras & traicts
traverceans dudict E. en laissant la dicte L. entiere & parfaicte.



VEla evidentement commant le L.
est tiree de le E. & qu’elle veult
estre pronuncee, comme j’ay dict, el.
non pas Elle. en quoy mille ignorans
errent tous les jours, & celluy qui in-
venta & feit premierement le Resbuz
qui se dict, Elle est tornee a tort. Le Resbuz.
quel Resbuz se paint & escript d’une
L. a l’envers, & d’ung A, tortu, y abu-
Elle est
tornee a
tort.

sa de la vraye pronunciation: mais il
luy est a pardonner, pour la licence qui
est permise & concedee a telz plaisans
imagineurs & resveurs en Amours.


L. est mal pronuncee en dictions La Mension
des Bour
guynons
et
Fore-
stiens.

tines au pais de BourgogneBourgoigne & de
Forest, quant pour la dicte lettre L. on y pronunce le R. comme j’ay veu & ouy
dire a maints jeunes escoliers desdicts pais quant ilz venoient icy en l’U-
niversite de Paris au College, ou pour lors je regentoye. En lieu de
"dire Mel, Fel, Animal, Aldus, ou Albus, & maintes aultres sem
blables dictions: ilz pronunceoient Mer, Fer, Animar, Ardus,
& Arbus, qui est abuse de la deue & juste pronun
ciation: & qui cause souvant non seullement sens Beau no-
table.

confus, mais sens contraire. Parquoy je prie
les Peres & Regents de y mettre ordre,
et acoustumer leurs enfans & disciples
a bien pronuncer. C’est une des
plusbelles vertus qui soit
requise a ung honneste
homme & bon
Orateur, que
bien pro-
nuncer.


K.j.
Fac-similé BVH

[49v] LE TIERS LIVRE.



J’Ay dict cy devant
au Segond Livre en
plusieurs passages, que Conside-
rez bien
icy ceste
figure.

noz bonnes lreslettres Atti-
ques ont participation
avec les Neuf Muses,
et sept Ars liberaulx.
Je veulx icy monstrer par
figure & deseing d’A-
strologie qui est une des-
dictes sept Ars libe-
raulx, la raison de la pat
te de le L. presente let
tre, & ce a propos qu’elle
est le mylieu & nombryl
des lettres Abecedaires.


LA lettre L. fust ja-
dis faicte & figuree
des bons Anciens en per
spective & consideration
du corps humain & de son umbre au regard de l’aspect du Soleil estant au signe Le Soleil
au signe
de Libra.

de la Balance, qu’on dit, au signe de Libra, au mois de Septembre ung homme nud
estant pieds joincts aux rayz du Soleil quant il est au dict signe de Libra, repre-
sente & faict la figure de la dicte lrelettre L. en menant une ligne oublique du dernier
bout & angle agu de la patte, au premier bout & angle aussi agu de la summite de la
dicte lrelettre L. Pour quoy monstrer a l’oueil, j’en ay faict une figure & deseing come
le voyez cy pres imprime. Et pource que j’ay cy contemple ceste figure doctrinalle &
demonstrative, il me semble estre honneste alleguer icy ung passage plain d’esperit,
que feit jadis le plus plaisant de tous les bons Poetes Anciens nomme Plaute. qui appel Plaute.
Litera
longa.

Filippo
Beroaldo
Phillipes
Beroal
.
Jehan Ba-
ptiste le
piteable.

la ceste dicte lrelettre L. Literam longuam. LreLettre longue, en voulant signifier que ung homme "
ou une femme estant pendu par le col, represente de son corps & de ses pieds le L. com-
me l’exposent tresingenieusement & elegantement Filippo BeroaldoPhilipes Beroal, & Jehan ba-
ptiste le piteable, que jay veuz & ouyz lire publiquement il y a .XX. ans, en Bonoi-
gne la grace, tous Commentateurs sus le dict Plaute. & ce au lieu de la Comedie
intitulee Aulularia, ou la vieille femme nommee Staphyla, dit. Nec quicquam melius "
est mihi, vt opinor, quam ex me vt vnam faciam lramliteram longam, laqueo collum quin obstrin- "
xero.
C’est a dire. Et il n’y a chose qui me soit meilleure, comme je cuyde, si non que je "
face de moy une lettre longue, en me pendant & estranglant d’une corde par le col.
Rhodiginus au .VI. livre de ses lecons antiques au Cha .VIII. est contre l’opinion Rhodi-
ginus.

des dessus alleguez Commentateurs BeroaldoBeroal, & Jehan Baptiste le piteable. & dit que
L. n’est pas lraLitera Longa, mais dit que c’est la lrelettre T. qui doibt estre dicte & entendue en
Plaute, lraLitera longa. ou il me semble estre de petite raison. Celle desdicts Commen "
tateurs me semble meilleure, & je allegueroys les mots dudict Rhodiginus, se n’e-
stoit que je ne y veulx adherer, & que je seroys trop long, & porrois sortir les limites Prover-
be ancien.

de mon propos. Je ne veulx toutesfois blasmer le dit Rhodiginus, ne ne puis, pour
la grande excellence de son scavoir & des Oeuvres qu’il a faicts. S’yl[sic] y a este ebete,
j’en laisse le jugement a plusgrans & plus scavans que je ne suis, & dis pour luy, Quisque
bonus dormitat Homerus.
qui est a dire. Qu’il n’y a si bon qui ne erre aucunesfois, "
aussi bien qu’on dit que Homere erra a d’aucuns passages de ses Oeuvres poetiques. "


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. L.




LA lettre M. cy pres desei
gnee, est faicte de le I. seul
lement. & est de treize corps de
largeur, c’est a dire, trois corps
plus large que haulte. & requiert
a bien estre faicte six tours de
Compas, pour lesquelz faire /
j’ay signe les lieux ou le pied du
dict Compas veult estre assis.




CEste lettre M. est comme Notable
Singulier.

sont aulcuns hommes, qui
sont si gros que leur sainture est
plus longue que la haulteur de
leur corps, & sachez a ce pro-
pos, que toutes noz lettres At
tiques ont este jadis faictes des
Anciens, les unes quarrees,
les autres plus larges que haul-
tes, & les autres plus haultes
que larges. a la secrete signifi-
cation des corps des hommes,
entre lesquelz les plus parfaicts
et beaulx, sont les corps de bon
ne quadrature. La quelle quadra-
ture se peult figurer en angle
equilateral, en ligne perpendi
culaire, ayant tous ses angles
equilateraux, & en ligne tra-
verceante, ayant aussi tous ses
angles equilateraux. De la quelle chose pouvez lire amplement au Premier EnclidesEuclides
livre de Euclides.


" M. dit Martianus Capella, labris imprimitur. C’est a dire, M. doibt estre Martia-
nus Ca-
pella.

pronuncee en sorte que en la prouferant, & que le son d’icelle est en effect,
fault imprimer, c’est a dire, serrer les deux levres l’une avec l’aultre, sans que la
langue soit remuee, ne qu’elle touche aux dents de devant, ne de quelque couste
que ce soit.


LA figure de le M. est toute une tant aux Grecs que aux Latins, & est nom- M.
Hemito-
nium.

Galeotus

mee en Grec, Mi. qui est autant a dire que M. qui veult estre pronuncee d’ung
son imparfaict, & quasi retire au dedans de la bouche, comme en disant, em. a la
raison de quoy aulcuns Anciens jadis la disoient Hemitonium. C’est a dire, lettre a
" demy son. De la quelle chose Galeotus Martius Narniensis est tesmoing en son Priscian.
Segond livre intitule, De hoiehomine interiori. Priscian au lieu ou il traicte De literarum
" commutatione
, dit que M. a trois manieres de sons. Obscur, Apert, & Moyen. Ses M. a trois
sons.

" mots sont telz qu’il s’ensuyt .M. obscurum in extremitate dictionum sonat, vt Templum.
" Apertum in principio, vt Magnus. Mediocre in medijs, vt Vmbra.
M. dit il. en
l’extremite & a la fin des dictions sonne obscurement, comme en ceste diction Tem-
plum.
Elle a son aussi au comancement qui est apert, comme en ceste diction Magnus.
Pareillement elle a son moyen au mylieu, comme en ceste diction Vmbra.

K.ij.
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[50v] LE TIERS LIVRE.


LEs Normans s’abusent en la deue pronunciation de ceste lettre M. quant el- Mension
des Nor-
mans.

le est finalle es dictions Latines, car pour Templum, ilz disent Templun.
en pronunceant N. pour M. & Patren, pour Patrem. qui n’est observe la raison
de Grammaire Latine.


A Ce propos pource que je voy maints parlans, & maints escripvans errer Bon No
table.

en ceste dicte lettre M. C’est a scavoir en mettant bien souvant N. pour M.
et M. pour N. Je veulx icy tresvoluntiers escripre les lettres devant les quelles Priscian.
Pline.

nostre dicte M. se mue & change en N. & ce selon la doctrine du bon autheur
Priscian. incontinent apres le lieu cy dessus allegue, du quel les mots sont telz
qu’il s’ensuyt .M. transit in N. & maxime D. vel T. vel C. vel Q. sequentibus. "
Vt Tam, tandem. Tantum, tantundem. Idem, itenditem. Num, nuncubi. Et, vt "
Plinio placet, Nunquis, nunquam. Anceps, pro amceps.
M. dit il, se passe & se "
mue en N. & mesmemant quant D. ou T. ou C. ou Q. l’ensuyvent, comme en ces
dictions Latines. Tam, tandem. Tantum, tantundem. Idem, identidem. Num,
nuncubi.
Et comme il semble a Pline. Nunquis, nunquam. Anceps, pour amceps.


J’Ay dict cy devant au Chapistre de le I, que M. en nombre Latin signifie Notable
tressingu
lier pour
lettres ser
vans en
Abrevia-
tions.
S. X. &
Z.

Mille, & est vray, mais encores quant elle est seulle escripte avec ung point
la suyvant, elle signifie & vault autant que ceste diction Marcus. Comme A. si
gnifie Aulus .BR. Brutus .C. Caius. & quant il est torne ainsi ɔ. il signifie Caia. "
D. Decius
. & torne ainsi . Decia .FA. Fabius .GN. Gneus .IV. Iunius .K. en "
nostre usage, Carolus. en Latin Calende .L. Lucius .NL. Non liquet .OPT. "
Optimus .P. Publius .Q. Quintus.
& ainsi torne . Quinta .R. Roma. ou Ro- "
manus .RP. Respublica .SEX, Sextus S. Sestertium .VAL. Valerius .X. De- "
cimus
.Y. & Z. n’ont point este usitez en Latin pour telles significations & abre- "
viatures de noms Latins, pource qu’elles sont lettres purement Grecques. Tou "
tesfois .Z. en Chifre, Latin, & Francois, est bien mis pour Deux, & escript aussi. Notable
tressingu
lier & di-
gne de
memoire

Les susdictes Abreviations d’une lettre, de deux, ou de trois, comme j’en ay bail
le exemple, ont este ordonnees par les Grecs & Inventeurs des lettres Attiques
lesquelles pour leur quadrature requierent estre escriptes loing a loing, & en gran
de liberte, en la quelle chose & liberte, ne peult estre comprise gueres grandes sub
stance ne sens de langage escript, si on n’y use d’abreviation.


A L’imitation des Grecs & Latins nous usons aussi d’Abreviatures par seul- Abrevia-
tures Fran
coises par
lreslettres seul-
les.

les lettres en Noms propres, & ce en noz signs manuelz. Comme en vou-
lant signifier Andre, Antoine, Anseaulme, Alexandre, Anne, Agnes, & mil-
le aultres semblables, nous escripvons ung A. Et pareillement en toutes les au
tres lettres, mais noz Surnoms nous les escripvons tout a long & entiers. La
quelle chose les Latins n’ont pas observee en tous les leurs, comme on peult
veoir par les Histoires anciennes des Rommains. Qui aura desir scavoir bien lire Probus
Gramma
ticus.
Notable

en Abreviatures anciennes qu’on peult veoir en Medalles & en Epitaphes: si s’adresse
au petit & bon livre que Probus Grammaticus feit jadis. Il y en ya a suf-
fisance & abundance par l’ordre de toutes les lettres Abecedaires.


JE ne veulx passer oultre sans dire que a bien faire une M. fault premierement
faire ung V. puis les deux jambes selon le nombre des lignes & poincts cy
devant mansionnez.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LI.


LA lettre N. cy pres designee, est ung
corps plus large que haulte. & veult
avoir a sa deue facon cinq tours de Com-
pas, come j’ay signe les lieux ou doibvent
estre les centres pour asseoir le pied du dit
Compas. Aulcuns Anciens luy faisoient le
bas de la Segonde jambe a pointe vive &
ague, mais je l’ay coupe en ensuyvant Bra-
mant qui l’a ainsi faicte aux galerie du Pa-
pe JulesJule, entre le Palaix sainct Pierre de
RomeRomme, & Belvedere.


N. veult estre pronuncee de la langue ve
nant toucher contre les dents de des
sus, & contre la partie du palais prouchai
ne aux dictes dents de dessus. ainsi come l’en-
seigne tressubtilement le bon Autheur
Ancien Martianus Capella, quant il dit.
" N. lingua dentibus appulsa colliditur. C’est Martia-
nus Ca-
pella.

a dire .N. est pronuncee sec & nect de la
langue poucee contre les dents. les quelles
dents sont entendues les superieures.


DE toutes les autres lettres Attiques Notable
singulier.

n’y a que le M. & le N. qui sortent
hors de leur Quarre equilateral. C’est a
dire, qui soient plus larges que haultes. Com-
me j’ay dict, M. est plus large que haulte de
deux corps, & N. d’ung qui sont trois Mension
du nombre
Imper
portants
bon heur

corps pour les deux lreslettres, lequel nombre de
trois, est Imper: compose de Per / & Im-
per, qui sont ung & deux. La quelle cho-
se secretement signifie bon heur, comme j’ay cy dessus dict amplement au Segond
Livre: & pareillement au commancement de ce present Troisiesme / & dernier. Et
ce secret bon heur est icy des Anciens entendu, pour monstrer que c’est grande felicite
aux hommes de pouvoir avoir cognoissance des bonnes lreslettres jusques a plus de la
moitie. J’ay dict que le L. faict le mylieu du nombre des lreslettres: & doncques M. & N. vie
nent apres icelle L. pour secretement offrir signe de bon heur & felicite a ceulx
qui perseverent en la cognoissance des bonnes Lettres & Sciences. En ce qu’el- Sens mo
ral, de le
L. M. N.
et O.
Mension
du Rond
et du
Quarre.

les passent & excedent leur Quarre equilateral, c’est signe d’abundance, qui si-
gnifie que ceulx qui abundent en cognoissance desdictes bonnes lettres, abun
dent en tous biens & excellence de perfection & vertus. La quelle chose les bons
Anciens ont aussi signifie en logeant apres lesdictes M. & N. le O. qui est faict
rond en ung Quarre equilateral, qui monstre la totalle perfection des hommes
bien lettres, entendu que le Rond & le Quarre sont les deux plus parfaictes et
plus capables de toutes les aultres figures designees par Symmetrie & Com-
mensuration, en la quelle Commensuration & deue proportion consiste la for-
me & figure de toutes noz bonnes & divines lettres Attiques.


JE porrois ainsi adapter & moraliser toutes les aultres lettres, mais ce seroit
assez pour faire ung volume plusgros que une Bible, laquelle chose je ne
puis a ceste heure, pour le temps qui requiert que je soye plus bref, & que je pas-
se oultre.
K.iij.


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[51v] LE TIERS LIVRE.




LA lettre O. cy pres deseignee, est aussi large que haulte, & ronde par dehors
uniformement en ung Quarre equilateral. Par dedans, elle est ronde en for
me de fons de cuve, C’est a dire rond ung peu estandu, & faisant deux coustez Mension
du Colli-
see de
RomeRomme.

ung peu longuets. a la quelle forme interieure & exterieure le Collisee de RomeRomme
fut jadis edifie, comme on peult veoir encores aux ruynes qui en restent dedans
la ditte RomeRomme. A faire cesdicts deux ronds, differens, sont requis cinq centres,
que j’ay signes aux lieux ou le pied du Compas veult estre assis. Sa rotondite assize
fus le Quarre, signifie toute perfection, comme j’ay dict nagueres cy devant, a pro
pos de quoy avons en nostre langage Francois, que parler rondement, est a dire / Parler ron
dement.
Mension
des grecs
et Laco-
niens.

et signifie parler perfectement & amplement, en comprenant beaucopbeaucoup de sens en
peu de parolles. La quelle chose est peculiere & commune aux Grecs, & prin-
cipallement en la langue Laconique. desquelz Horace a dict en son Art poetic.
Graijs ingenium, Graijs dedit, ore rotundo, Musa loqui. Et est a dire, que les "
Grecs, de leur nature ont ung moyen music qu’ilz parlent & escripvent ronde-
ment & amplement.


O. dit Martianus Capella, rotundi oris spiritu comparatur. C’est a dire. Le O. " Martia-
nus Ca-
pella.

veult estre pronunce d’ung esperit & son, sortant rondement de la bouche,
comme sa figure & deseing le monstre. O, en langue Latine est aucunesfois bref
en quantite de syllabe, & aucunesfois long, & tout ce en une mesme figure d’e-
scripture. Mais en Grec il y a Omicron, & Omega. C’est a dire. O, breve: & O, "
longum.
O, bref: & O, produyt / en deux faczons d’escripture. Le Omicron est " Notable
singulier.

tout rond par dehors uniformement, & les Latins l’ont usurpe sans corrompre sa
figure. Le Omega en lrelettre majuscule, est rond par dessus, & ouvert par dessoubz.
Du quel la forme & vray deseing n’est gueres bien observee de aulcuns qui escri-
vent & pronuncent ce passage du .XXI. & penultime Chapitre de l’Apocalypse, Mension
de l’Apo
calypse.

ou est dict. Ego sum Alpha & Ω. au quel passage, en lieu de Omega, qui veult "
estre ainsi faict .Ω. escripvent O. tout roudrond, qui est ung Omicron. & le sens veult
que ce soit Omega, qui est la derniere lettre Abecedaire en Grec, car il se y prent Notez
icy, & en
tendez bien

pour acomplicement & fin, en disant. Ego sum Alpha, & Ω. C’est a dire. Je suis, dit "
Dieu, commancement & acomplicement de toutes bonnes choses. Omicron ne si-
gnifie pas acomplicement, parquoy doncques me semble soubz humble correction
qu’il y fault myeulx Ω. qque O. D’aultre part, puisqu’il y a en escript .Alpha. Tout au
long & entierement, je voldrois scavoir s’il ne seroit pas bon escripre et dire
aussi Omega? ainsi. Ego sum Alpha & Omega. Puis que Alpha est escript
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LII.
et pronunce au long, il me semble vray semblable que Omega le doibve Bons, &
devots
esperits,
entendez
bien icy.

estre aussi, ou dire & escrire. Ego sum A. & Ω. afin que A. ne soit emplus escript
ne pronunce au long que Ω. Je ne veulx cy toutesfois corriger la saincte Escrip-
ture, ne ne porrois aussi, mais comme Grammarien, & que ma presente matie-
re est d’enseigner a bien escrire & pronuncer les lettres Abecedaires, J’en dispu-
te pour en avertir ceulx qui prenent plaisir a bien dire, & bien faire, & qui ayment
" la purite de toutes lettres. Au texte de la Bible en Grec .y a. O. Ad-
verbe vo
catif.
Alde,
Mension
de la lan-
gue Fran
coise.
Theocri
tus.
Virgile.
Entendez
Icy de
vots ama
teurs de
bonnes
lettres.
JuvénalIuuenal,
Bude.
Εγω.ειμι.το.α.Και.
" το.ω.
seullement par A. & Ω. simples lettres. O. en Grec, en Latin, & en Fran-
cois est ung Adverbe vocatif. le quel est pronunce des Grecs par Accent circun
flect, & par ung ton non aspire qu’on dit exile & sec, mais en Latin Alde en ses
impressions l’escript en aucuns lieux avec accent agu, En nostre langage Fran-
cois n’avons point d’accent figure en escripture, & ce pour le default que nostre
langue n’est encores mise ne ordonnee a certaines Reigles comme les Hebrai-
que, Greque, & Latine. Je vouldrois qu’elle y fust ainsi que on le porroit bien
faire. Exemple en Grec de Ω. vocatif. Theocritus in Thyrside. Theocrite en sa
premiere Eclogue nommee Thyrsis. Ω^λυκοιΩ^θωες. Et ung peu apres Ω^ Παν
" Παν.
Exemple en Latin. Virgile en sa premiere Eclogue. O´Melibaee Deus no-
bis haec ocia fecit.
En Francois, comme j’ay dit, n’escrivons point l’accent sus le.
O. vocatif. mais le pronunceons bien comme en disant O. pain du Ciel angeli-
que. Tu es nostre salut unique. En ce passage d’accent, nous avons imperfection
a la quelle doibvrions remedier en purifiant & mettant a Reigle & Art certain
nostre langue qui est la plus gracieuse qu’on sache .O. aucunesfois en Latin est si-
gnificatif d’exclamation, & alors est pronunce & escript avec accent grave, &
aucunesfois aussi avec accent agu comme on peut veoir en JuvénalIuuenal quant il dit
" O´fortunatam natam me Consule Romam. Et Bude au premier livre De asse,
" feuillet seisiesme en impression aldine. O`acre iudicium hominum, quibus tamen
" ipsis inter classica recitante is Italos exaudire tantum vacauit.
Exemple quant.
" O. est agu. Bude au susdit Livre. O´tempora.´O mores. O tant en Grec, qu’en
Latin, & en Francois aussi, au moings es Poetes & Orateurs est tousjours uni-
que & seul en quelque signification qu’il aye, mais je le treuve multiplie jusques
au nombre de trois au Segond Chapitre, du Prophete Zacharias, ou il ya. Zacha-
rias Pro-
phete.
Notable
tres sin-
gulier en
la Bible.

" O`O`O`fugite de terra Aquilonis, dicit dominus. Mais encores je treuve que
le texte latin n’accorde pas au texte Grec. car au Latin ya trois O. & au Grec
deux .Ω. La quelle chose je veulx tresvoluntiers cy dire pour en avertir ceulx
qui lisent en la Bible afin qu’ilz preignent garde a la verite de l’un & de l’aultre. Au
texte Grec y a. ω`ω`φευγετε απο τησ βορρα λεγει κυριος. Si je voulois di-
" sputer sus ce passage, Je porrois dire par avanture quelque chose de bon, mais j’en la
irray faire & dire aux Theologiens a qui il apartient accorder La saincte escrip-
ture, & la rendre en son entier. Je, qui en ce livre traicte des lettres, m’en passe
oultre, & viens a ma lettre Abecedaire ensuyvante, qui est P.



K.iiij.

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[52v] LE TIERS LIVRE.




LA lettre P. cy pres faicte & deseignee de le I. & de le O, est de sept corps de P. est tire
du B.

largeur, & tiree du B. en ostant la panse basse d’icelluy B. & coupant le bout
d’embas de la panse d’icelluy .P. a deux corps loing de sa jambe droite, comme
pouvez veoir cy pres en la figure. A bien faire le P. sont requis cinq tours de Com-
pas, pour lesquelz faire j’ay signe les lieux ou le pied dudit Compas veult estre
assis.


P. Est plus hault que large de trois corps entiers, & comme j’ay dit, le bout de
sa panse que j’ay appellee le traict du mylieu veult estre coupe a deux corps Notable
loing de sa jambe. Je dis cecy scientement, pource que je y voy quasi tousjours
errer ceulx qui se meslent d’escrire en lettre Attique. Ilz font la ditte panse adhe
rente par dessoubz comme par dessus, la quelle chose ne se doibt faire.


P. Dit Martianus Capella, labris spiritus erumpit. Le P. est pronunce de la Martia-
nus.
Capella.

voix sortant des lefvres joinctes, la quelle chose peut estre entendue en la
figure dudit P. Celluy P. est si bien tire du B. qu’il y avoit jadis si grande affinite
de l’ung avec l’autre, que bien souvant B, estoit escript & dit pour P. comme on
peut veoir en ces dictions. Τριαμβος. & Triumphus. Βυρρος, & Pyrrhus. Βυξος " Priscian.
& Pyxos. & inde Pixides. De la quelle chose on peut veoir amplement en Pri- "
scian & aultres bons Autheurs Grammairiens, & singulierement en ung gra- Alde,
tieux petit traicte que Alde a faict de la valleur & commutation des lettres Gre
ques avec les Latines.


LEs Latins a l’imitation des Grecs aspirent aucunesfois le P. pour user des
dictions Greques qui s’escripvent avec Phi. Φ. qui vault autant que P. & H Priscian.
& les bien Anciens Latins, comme le tesmoigne Priscian en son premier Li-
vre, au Chapitre. De accidentibus literae, usoient dudit PH. Pour F. avant que
ledit F, fust en usage. mais en fin, es dictions Latines F. fut observee. Les mots
dudit Priscian sont telz qu’il s’ensuyt. F. aeolicum digamma quod apud antiquis- "
simos Latinorum eandem vim quam apud Aeoles habuit, eum autem prope so "
num quam nunc habet F, significabat P. cum aspiratione. Sicut etiam apud ve "
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LIII.
teres Graecos pro Φ, P. & H. Vnde nunc quoque. In graecis nominibus antiquam
scripturam seruamus. pro Φ. P. & H. ponentes. Vt Orpheus, Phaeton. Postea
vero in Latinis placuit verbis pro P. & H. F scribi. Vt Fama, Filius. Facio.
C’est F. digam
ma Aeo-
licum.

a dire. F, lettre inventee des Eoliens, & qui est faicte de deux Gamma. la quelle
F, en l’usage des Anciens Latins avoit telle vertu qu’elle avoit en la langue des
dicts Eoliens, a quasi le mesme son qu’a maintenant le F & signifioit ung P.
avec aspiration. comme semblablement entre les anciens Grecs en lieu de Φ. P.
& H. estoient mis. A la cause de quoy maintenant es dictions grecques gardons
l’antique escripture, en mettant pour Φ. P. & H. comme en disant Orpheus
Phaeton
. Mais puis apres es dictions Latines en lieu de P. & H. F. fut escripte
comme en disant Fama. Filius. Facio. En nostre langage Francois nous n’aspi-
rons point le P. si non es dictions tirees du Grec ou du Latin aussi tire du Grec,
comme en disant Philibert. Philosophe, Philippe, Phantastique & d’autres
xung cent. P. en abreviature Latine, signifie autant que Publius.
Quant il est gemine, Il signifie Petrus Paulus, ou, Pater pa-
triae
, & quant il est trois fois de suytte escript, Il signi-
fie, Primus pater patriae. En Francois il est mis en
abrege seullement pour Noms Pro-
pres, & ce, en seings manuelz de
Scedules, Quitances, &
lettres de Finances
& Practique.


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[53v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre
Q. cy pspres
designee, &
faicte de le.
O. en teste,
& de le I,
couche en
queue est en
sa ditte teste
aussi large
que haulte
& en sa que-
ue est haul-
te de quatre
corps, & lon-
gue de XIII
A faire la di
cte teste, sont
requis cinq
Centres,
& a la que-
ue deux que
j’ay tous si-
gnez es li-
eux ou ilz re
querent estre
faicts.


LA pro- Martia-
nus.
Capella.
Notable
singulier
Q V.
Toutes
les .XX-
IIII. let-
tres Gre-
ques s’e-
scrivent
tousjours
entre deux
lignes
equidistan
tes.
Exemple
en Dialo
gue.

nuncia-
tion de ceste
lettre Q. ve-
ult estre en
frapant de la
langue con-
tre sus, & en
estroicissant
sa bouche,
comme l’en-
seigne Mar-
tianus Capella quant il dict. Q. appulsu palati ore restricto. Q. dit il, est pro- "
nunce de l’atouchement de la langue au palaix, & de la bouche retroicye.


J’Ay dit cy devant au Segond livre que Q. est la seulle lettre entre toutes les
aultres qui sort hors de ligne, & la raison est que jamais n’est escripte en di-
ction avec aultres lettres sans avoir incontinent & joignant apres soy ung .V.
qu’elle va querir & embrasser par dessoubz comme son ordinaire compaignon,
& feal amy. Q. est bien aucunesfois mis en abreviation tout seul avec ung point,
& signifie autant que Quintus. Mais en dictions entierement escriptes. Il veult
tousjours V. pour compaignon. comme en ces dictions. Quis. Quia, Quando.
Quidam, Quanquam
, & ung cent d’antresautres. Semblablement en Francois. Qui
esse.
Qui cest? C’est Quentin. Que veult il? Il quiert la rue de Quiquempoit. A
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LIIII.
quoy faire, Pour y trouver quelcun pour aller jouer aux Quilles.


Q, & C. sont quasi esgaulx en figure & vertus, si non que Q. est tout rond en Priscian.
teste, & le C. est ouvert. Il y a si grande affinite entre eulx se dit Priscian en
son premier livre, que bien souvant en dictions Latines Q. se convertist en C.
" Les mots du dit Priscian sont telz qu’il s’ensuyt. De Q. quoque sufficienter tracta
" tum est, que nisi eandem vim haberet quam C. nunquam in principijs Infinito
" rum, vel Interrogatiuorum quorundam nominum posita per obliquos casus, in
" illam transiret. Vt Quis cuius, cui, Similiter a verbis Q. habentibus in quibus-
" dam Participijs in C. transfertur. Vt Sequor, secutus. Loquor, locutus.
C’est a di Q. en C.
re. Nous avons, dit il, suffisamment traicte de ceste lettre Q. la quelle si elle n’a-
voit semblable vertus que a le C. Jamais ne se convertiroit onou dit C. aux com
mancemans des obliques de aucuns noms Infinitifz, ou Interrogatifz. comme
en disant. Quis. cuius, cui. Semblablement celluy Q. est transmue en C. es Par- QVV.
pour CV
& au con
traire.
Priscian.

ticipes venans des verbes ayant Q. comme en ceulx cy. Loquor, locutus. Se-
quor, secutus.
Les Anciens pour monstrer ceste grande affinite de Q. en C. bien
souvant escrivoient QVV. Pour CV. & au contraire CV. pour QVV. Comme
tesmoigne le dit Priscian au dit lieu allegue, quant il dit.
" QVV. ponebatur. & econtrario. vt Arquus. Coquus, Oquulus, pro Arcus, Co
" cus. & Oculus. Quum pro Cum. Quur, pro Cur.


NOus gardons celle ditte affinite & mutatiozmutation de Q. en C. en nostre langa- Bon no-
table,

ge Francois. en disant Quelque persone, & quelconque persone. Quel
que ung, & quelcung & anciennement Quelquum. Au prim temps chante le
Coquu. & Au prim temps chante le Cocu.


LA lettre Q. a si grande authorite de tirer & avoir apres soy le V. que le ayant
tire, Il luy faict perdre une grande partie de son son. la quelle chose est bien
observee en la pronunciation des Italiens qui apres G. & Q. pronuncent beau-
copcoup myeulx celluy V. que ne font les Francois. excepte ceulx qui ont frequente Mension
des Ita-
liens.

en Italie, & s’efforcent imiter lesdits Italiens.


POur monstrer ce que j’ay dit, que Q. tire & embrasse de sa queue le V. J’en ay
faict cy pres ung deseing au quel on peut veoir que le bout de la ditte que-
ue s’accorde a la pointe du bout d’embas de le V. & monstre secretement l’espace
qui est requise entre une chacune des lettres estans escriptes en quelque Senten
ce, mettre, propos, ou diction. L’espace que verres estre entre la lettre Q. & le.
V. c’est celle qui est communement requise entre les lettres, si non en Impression Belle do-
ctrine.
Notable
singulier,
Laconis-
mus.

Breve
sentence.
Mension
des Laco
niens.
Plutar-
que
Plutar-
che
.
Erasme.
de livres. Toutesfois elle n’est pas tousjours observee. car selon le lieu & l’escriptu-
re qu’on y veult faire aucunesfois celle espace est de la largeur d’ung .I. aucunes-
fois d’ung F. aux autres fois d’ung E. & aux autres fois de plus ou moings selon
que la matiere & le lieu le requerent, & selon que l’escrivain a bonne discretion.
Mais en tout & par tout notez que toute lettre Attique veult estre escripte au
large, & en grande liberte, par quoy la substance qu’on y veult escrire, requert
" estre la plus breve qu’il est possible, Comme celle qu’on dit en Grec. λακωνισμος.
" & en Latin. Breuiloquentia, & en Francois. Breve sentence. En la quelle chose
les Laconiens jadis en Grece avoient tresgrande grace, pource que de leur co-
stume ilz comprenoient grant sens en peu de parolles, comme on peut veoir en
leurs Apophthegmes, cest a dire Dittons sententieux, que PlutarquePlutarche a redigez
par memoire & escript. De ceste Breveloquence Erasme parle en sa .II. Chili-
ade, au Proverbe XMLVIII.


Le deseing de la lettre Q. & de le V. est tel qu’il s’ensuyt.


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[54v] LE TIERS LIVRE.



VEla le deseing des
deux nobles com-
paignons Q. & V. selon
leur espace requise es
syllabes des dictions es-
quelles se treuvent bien
escriptes, ou a bien escri-
re. Et notez encores sus Q. n’est
point
Lettre finalle.

ce passage .Q. n’est ja-
mais lrelettre finalle en syl-
labe ne diction,



OUltre plus, notez Notable.
les centres servans a faire la queue de nostre presente lettre Q. que j’ay si-
gnez de A. & B. Et sachez que le pied du Compas veult estre assis sus A. ou sus
B. qui sont dedans le V. & chascune des deux lettres s’adresse a sa semblable pour
faire le tour du Compas. Les autres centres non signez de lettres, servent a faire
la teste de la lettre Q. & le V. comme porrez veoir par experience & bon exer
cice.


NOtez encores d’abundance que la lettre Q. est lettre Latine faicte de Aultre
notable.

Omicron lettre greque, ou si vous voules dittes qu’elle est faicte
de le O. & ung trait par dessoubz. qui denote que apres la per
fection que a le O. denote en la capacite de sa rotundite, Sens mo
ral.

& le propos de Prosperite que le P. subsequent
a le O. signifie, ceulx qui perseverent es bon-
nes lettres, oultre leur perfection de Scien
ce, font queue a leur scavoir. C’est a
dire. acquerent des biens par
leur vertus. que le V. qui
est la premiere lettre
de ce nom vertu,
nous ensei-
gne &
monstre secretement, comme
peuvent juger ceulx qui en
ont la studieuse / & bon-
ne cognoissance.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LV.




LA lettre R. cy pres deseignee & fai
cte de le I. & de le O. est aussi large
que haulte, & requiert a estre bien fai-
cte sept centres que j’ay signes es lieux
ou le pied du Compas veult estre assis.


" R. Selon que dit Martia-
nus Ca-
pella.
Martianus Capel
" la, In spiritum lingua crispante cor-
raditur.
R, est pronuncee de la langue
faisant strideur & son ronflant aperte-
ment. Quant les chiens se despitent l’ung
contre l’aultre, avant qu’ilz s’entremor-
dent, en renfroignant leur geulle / & re
traignant leurs dents, ilz semblent qu’ilz
pronuncent le R. a la cause de quoy le
Poete Perse, entre les Satyriques & Mor Perse.
R. lettre
Canine.

dans le plus gentil, la dicte estre Li-
tera canina
, Lettre canine, & celle que
les chiens pronuncent, quant il a dict
en sa premiere Satyre.
" Sonat hic de nare canina, Littera.
C’est a dire. La Lettre canine, resone en
cest endroict cy, d’ung coste du nez.
Quant ung homme est en ire, ou rechi-
gne, ou courouce, on dit qu’il est de quelque
deplaisir irrite. C’est a dire, exaspere.
et ce, pource qu’il ne scauroit dire une
doulce parolle, mais toute aspre, gri-
eve, & plaine des lettres faisant strideur
lesquelles lettres sont RR. repetees / & S. pour
R.
QuintilienQuintilian

asprement pronuncees. Et pour eviter ceste rude asperite, les Anciens Latins
escripvoient & pronunceoient bien souvent S. pour R. en telz noms comme Festus. Mension
de Bour-
ges, & de
Paris.
Virgile.

sont Valerius, & Furius, disant, Valesius, & Fusius. Quintilian en est tesmoing
" au Premier livre de ses Institutions d’art d’Oratoire, quant il dit. Sed & quae rectis
" quoque casibus aetate transierunt. Nam vt Valesij & Fusij in Valerios Furiosque vene-
" runt. Ita Arbos, Labos, Vapos, etiam Clamos aetatis fuerunt.
Festus en est aussi
" tesmoing disant ainsi. S. quoque pro R. saepe antiqui posuerunt. vt Maiosibus, Me
" liosibus, Lasibus, Fesijs. pro Maioribus, Melioribus, Laribus, Ferijs.
La quelle
" mode de pronuncer est aujourd’huy en abus tant en Bourges, d’ou je suis natif,
qu’en ceste noble Cite de Paris, quant pour R. bien souvant y est pronunce S. &
" pour S. R. Car en lieu de dire IESVS, MARIA. Ilz pronuncent IERVS MA
" SIA. Et en lieu de dire au commancement du Premier livre de Eneides de Virgile.
" Musa mihi causas memora quo numine laeso, Ilz pronuncent abusivement.
" Mura mihi cauras memosa quo numine laero.
Je ne dis cecy pour les blasmer, car il y en y a qui pronuncent tresbien. mais je le
dis pour en avertir ceulx qui ne prenent garde ne plaisir a bien pronuncer.


JE treuve davantage trois aultres Nations qui pronuncent le R. tresmal.
Les Manseaulx, les Bretons, & les Lorains. Les Manseaulx adjouxtent
S. avec R. car si vouloient dire Pater Noster, ou Tu es Magister noster, Ilz

L.j.
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[55v] LE TIERS LIVRE.
pronunceroient Paters nosters, Tu es magisters nosters. Les Bretons ne pro- Mension
des
Bretons,
& Lorains

nunceutnuncent que une R. ou il en y a deux escriptes. Comme en disant, Homo cu-
rit
. pour Homo currit. Au contraire les Lorains en pronuncent deux / ou il
n’y en a que une. Car s’ilz veulent dire, Saincte Marie. vecy grande mo-
querie, & dure dyablerie, Ilz pronuncent. Saincte Marrie, vecy gran
de mocquerrie, & durre dyablerrie. Ce sont les Lorains contre
lesquelz le Proverbe. Sept cents cinquante & trois de la Se- Erasme.
gonde Chiliade d’Erasme peult estre allegue, ou il ya. Proverbe
Eretriensium Rho. non pas contre les Picards, com
me escript au dict Lieu le dict Erasme, & m’esba-
his comme il se y est abuse, veu qu’il est si sca-
vant, & qu’il n’a entendu que les Picards Notable
singulier.

pronuncent beaucopbeaucoup myeulx le R. que
les Lorains. & aussi qu’il ne cognoist
qu’il n’y a Nation en France qui
pronunce myeulx que lesdictz
Picards. Peult estre qu’il
entent que Picards &
Lorains pource qu’ilz
parlent Francois
sont tous une
Nation.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LVI.






LA lettre S. cy pres deseignee, est
plus haulte que large. Sa largeur
n’est que de six corps moings deux tiers
de corps. Lesquelz deux tiers se lais-
sent l’ung au Premier corps, & l’autre
au Sixiesme. Et ce pour la largeur de
la panse d’embas, car celle d’enhault
n’est que de trois corps & deux demyz,
comme on peult clerement veoir cy
en son dict deseing, ou j’ay signe huit
centres es lieux ou le pied du Compas
veult estre assis a la bien faire. Frere Frere Lu
cas Pa-
ciolus.

Lucas Paciolus la deseigne aultrement
et plus confusement en sa Divine pro-
portion, en y faisant plusieurs Ronds
et Lignes droictes perpendiculaires,
mais je n’y mets tant de peine, car comme
on peult veoir a l’oueil, ma tradi-
tive est plus breve & aisee, & avec ce
plus seure. Je ne le dis pour me ven-
ter, mais la veue en decouvre le faict.
Le S. selon le dict Paciolus, est la plus
difficile a faire de toutes les lettres,
mais en mon Art je la treuve aussi fa
cille que une aultre. Elle veult estre
plus large en bas qu’en hault, par rai
son naturelle, pource quelle est faicte
de rond sus rond, desquelz si lung veult 8. en chi-
fre.

tenir stable & demorer sus lautre, con
vient qu’il soit pluspetit. Et a ceste rai-
sonable cause le nombre .8. en chifre
est escript de deux o o. l’ung sus l’aultre, & celluy qui est dessus, est pluspetit que
celluy qui est dessoubz. D’aultre part, nous voyons que l’Homme naturel se tenant
tout droict sus ses pieds, comprent plus en largeur, & est plus espatte par
les pieds / que par sa teste.


JE fais voluntiers icy ceste demonstration, pource que j’en voy ung millier Notable
singulier.
Martia-
nus Ca-
pella.
Sigma.
Σ.

qui inscientement escripvent la dicte lettre S. plus large par le hault / que
par le bas.


" S. dit Martianus Capella, Sibillum facit dentibus verberatis. C’est a dire. Le S.
est pronuncee en faisant ung sifflement entre les dents serrees. En Grec, elle
" est appellee Σιγμα. & est differente en figure, car les Grecs l’escripvent quasi come Mension
des grecs

une M. couchee, ainsi Σ. & la pronuncent forte & solide, quasi aussi valide que quant
" nous pronunceons deux S.S. Quant ilz disent Μουσα, ilz pronuncent Mussa. Ne ja-
mais ne la font exile ne adoulcye entre deux vocales, comme nous faisons. S’ilz
" voloient dire Musa, ou Philosophia, ilz pronunceroient Mussa, & Philosso-
" phia. Et ainsi par tout ou elle se treuve entre deux Vocales.


"LE S. est dicte desdicts Grecs αρτικον σοιχειον. C’est a dire, Lettre inceptive,
pource qu’elle peult estre mise tant en Grec qu’en Latin devant toutes les Mu-
tes, & devant le M. en syllabe /ou diction d’une syllabe, comme ces dictions cy,
L.ij.
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[56v] LE TIERS LIVRE.
Σβεννυω. Σπαρθη. Σκηπτρον. Στεμμα. Σθενος. Σφινξ. Σχημα. Σμαραγδος. "
Et en Latin. Scutum, Spatium, Stamen, Scribo, Strues, Stlembus, Splen- "
didus.
Elle peult aussi estre adjouxtee en la fin des syllabes & dictions a beau-
copcoup d’aultres lettres, comme en ces dictions Latines. Scrobs, Frons. Hyems, "
Ars, Puls, Strirps, Lans, Theseus.
En nostre langage Francois elle peult estre "
premise, & soubzmise en beaucopbeaucoup de facons a beaucopbeaucoup de diverses lettres, que Mension
de la lan-
gue Fran
coise.
Μοναδι-
κον

je lairay pour ceste fois a dire / pour cause de brevete, & pour y laisser esbatre &
employer quelque noble esperit qui vouldra aider a ordonner & mettre la no-
ble langue Francoise par certaine reigle a deument parler & escripre selon la ver
tus des lettres, syllabes, & dictions parfaictes en la dicte langue Francoise.
Le S. davantage est dicte des Grecs, Μοναδικον. Cest a dire, solitaire, pource
qu’en la division des Semivocales, du nombre desquelles elle est, elle demore
toute seulle en sa vertus. Car toutes les aultres sont divisees en quatre Liqui-
des, qui sont L. M. N. & R. et en deux Semivocales appellees Doubles en leur
vertus, qui sont .X. & .Z. Elle est de telle vertus en pronunciation / & en quanti
te de metre, qu’elle est aucunesfois stable, & aucunesfois elle s’evanoyst & se
pert, tant en elle a peu d’eficace. A la cause de quoy elle est surnommee des Ασημον.
Grecs, Ασημον. C’est a dire. Non noble, & sans efficace. Elle se pert non seulle
ment seulle, mais encores faict evanoyr sa prochaine Vocale, & bien souvant
faict muer la quantite de la Vocale qui la precede, comme on peult clerement
veoir en beaucopbeaucoup de passages es Poetes Latins, d’entre lesquelz j’en allegueray Ennius.
quelques metres du Pere Ancien des Poetes Latins nomme Ennius que Au-
lus Gellius a au .IIII. Cha. du .XII. Livre de ses Nuyts Attiques, quant il dit.
Doctus, fidelis, suauis homo, facundus, suoque "
Contentus, atque beatus, scitus, secunda loquens in "
Tempore commodus, & verborum vir paucorum.
"
Lesquelz metres se mesurent en leur quantite, en sorte que le S. se y pert en
La facon qu’il s’ensuyt.
Doctu’ fi, delis, sauis ho, mofa, cundu’ su, oque "
Conten, t’atque be, atus, scitu’ se,cunda lo,quens in. "


JE dis & allegue ces choses icy afin que s’il avenoit qu’on deust escripre en let Beau no-
table.

tre Attique telz metres ou le S. se doibvroit evanoyr, on les porroit escripre
honnestement & scientement sans y mettre la dicte lettre S. au lieu ou elle se por-
roit perdre, & escripre ung point crochu au dessus du lieu ou elle debvroit estre.
Le quel point crochu estant au dessus des lignes en fin des dictions, signifie
qu’il y a quelque Vocale ou le S. ostez par vertus de la quantite du metre / ou de Priscian.
la Vocale qui s’ensuyt en la sequente syllabe ou diction. Priscian nous est bon
tesmoing au Chapitre, De literarum commutatione, que le S. pert bien souvant sa
vertus quant il dit .S. in metro apud vetustissimos vim suam frequenter amittit. Virgile.
Virgilius in Vndecimo Aeneidos. "
Ponite’ pes sibi quisque, sed haec quam angusta videtis. Idem in Duodecimo. "
Inter se coijsse vir’ & decernere ferro. " Ne.
Ne autem Coniunctione sequente, cum Apostropho penitus tollitur. vt Viden, Satin,
Vin. Pro videsne, satisne, & visne.
Cest a dire .S. en metre des Poetes Anciens
bien souvant pert sa vertus. come en .XI. livre des Eneides de Virgile, ou il ya .Po
nite’ pes sibi quisque sed haec quam angusta videtis.
Et au .XII. livre ensuyvant, ou
il ya .Inter se coijsse vir’ & decernere ferro. Semblablement quant ceste Conjun-
ction Latine, Ne, ensuyt le S. icelle S. est du tout ostee, & y signe on au dessus, Apostro-
phus.

comme j’ay dict, ung point crochu qu’on appelle Apostrophus Comme en disant "
Viden’ Satin’ Vin’ pour & en Lieu de dire, Videsne, Satisne, & Visne.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LVII.


LEs Dames de Paris pour la plusgrande partie observent bien ceste figure Mension
des Da-
mes de
Paris.

poetique, en laissant le S. finalle de beaucopbeaucoup de dictions: quant en lieu de
dire, Nous avons disne en ung Jardin & y avons menge des Prunes blanches
et noires, des Amendes doulces & ameres, des Figues molles, des Pomes, des
Poires, & des Gruselles. Elles disent & pronuncent. Nous avon disne en ung
Jardin: & y avon menge des prune blanche & noire, des amende doulce & amere,
des figue molle, des pome, des poyre, & des gruselle. Ce vice leur seroit ex-
cusable, se n’estoit qu’il vient de femme a homme, & qu’il se y treuve entier abus de
parfaictement pronuncer en parlant.


IL n’est de merveilles que .S. perde aulcunesfois sa vertus, quant davantage Mension
des Boeo
tes.

bien souvant les Boeotes qui sont une nation de Grece, mettent en son lieu
" une aspiration / en disant Muha, pour Musa. Ainsi comme tout au contraire aussi
" elle est souvant trouvee mise pour icelle aspiration, en disant Semis, Sex, Septem
Se, Si, Sal
. qui sont escripts en Grec par Δασεια. C’est a dire, par ung point cro
chu qui signifie la dicte aspiration, & veult estre escripte au dessus des vocales Priscian.
Grecques & de Rho. comme Priscian en est Autheur en son Premier livre ou il
" traicte, De literarum commutatione, quant il dit, Saepe vero pro aspiratione
" S. ponitur in his dictionibus quas a Graecis sumpsimus. vt Semis, Sex, Septem,
" Se, Si, Sal. Nam hemis, hex, hepta, he, hi, hals apud illos aspirationem ha-
" bent in principio. A deo autem cognatio est huius literae, id est S. cum aspiratio
" ne, quod pro ea in quibusdam dictionibus solebant Boeotes idem pro. S. h. scri-
" bere. Muha pro Musa dicentes.

QUi vouldra veoir & scavoir a plain de la diverse nature & vertus de ceste
lettre S. il en porra veoir assez & treselegammant au .IIII. Livre de la Alde.
Grammaire d’Alde, au Troisieme article du Chapistre, De septem
modis communium syllabarum
.


CEste lettre S. comme j’ay nagueres dict, est dicte en Grec Σιγμα, παρα το
σιζειν
. C’est a dire, faire sifflement, & telle strideur que faict ung fer chault
et rouge quant on le trempe en l’eaue. Sigma doncques signifie & denote Silen
ce, a la cause de quoy les Anciens bien souvant l’escripvoient toute seulle au des-
sus de l’huis du lieu au quel on mengeoit & beuvoit acompaigne de ses bons
amys. Pour mettre devant les yeulx que les parolles & propos qu’on tient a ta- Notez
icy la bel
le mode
antique.

ble doibvent estre sobres & gardees en silence. La quelle chose ne peult estre
faicte / s’il y a exces de trop boyre & menger, qui sont choses impertinentes a hon
nestete de table, & a compaignye gracieuse, A propos de quoy Martial en ses
ingenieux Epigrammes a dict. Martial.
" Accedent sine felle ioci, nec mane timenda
" Libertas, & nil quod tacuisse velis.
" De Prasino conuiua meus / Venetoque loquatur,
" Nec faciant quenquam pocula nostra reum.

A Mon bancquet, dit il, seront mots joyeulx sans amertume, en liberte de par
ler comme a jun, avec langage de propos que tu ne vouldrois laisser a bien dire.
Bref que mon amy de table parle d’une chose & d’aultre, en sorte que mon vin
ne luy trouble ses parolles.


SIgma doncques estoit indice & note pour le lieu ou on banquetoit hon-
nestement / sans grande effusion des parolles. & icelluy lieu n’estoit capable
que de sept persones qui est ung nombre de Per & Imper, & a propos du quel Virgile.
" nombre Imper,Virgile a dit au Premier livre de ses Eneides, O ter quaterque btibeati.
L.iij.
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[57v] LE TIERS LIVRE.
pour monstrer qu’en tel nombre de sept pouvoit estre tenu propos & langage Martial.
sans confusion. Le dict Martial a dict.
Septem Sigma capit, sex sumus adde Lupum. "
IL dict en aultre passage, que ce dicte lieu pouvoit aussi estre capable de huit Aule
Gelle.

persones qui n’est encores hors du nombre des neuf Muses, lesquelles Aule
Gelle en l’unziesme Chapitre du .XIII. livre de ses Nuyts Attiques, dit estre le
plusgrant nombre de persones requises a ung convy, quant il tient propos, que Nombre
des perso
nes requi
ses a ung
Convy.

tout honneste convy en nombre de persones doibt comancer aux Trois Gra- Martial.
ces, & finir a Neuf Muses.
Martial de rechef dit du dict Sigma.
Accipe lunata scirpum testudine Sigma, "
Octo capit, veniat quisquis amicus erit

PRens, dit il, le Sigma escript en la voulte corbee, il y peult huit persones,
et pource y vienge quiconque me sera bon amy.
Qui vouldra veoir de cecy a suffisance, il en trouvera au Septiesme livre des Celius
Rhodigi
nus.

lecons Antiques de Celius, au .XVIII. Chapistre, ou il est traicte du dict Si- "
gma, & d’aultres bonnes choses. "


LA lettre S. doncques ancienement estoit tant significative de silence, que
les Poetes Comiques en ont use & faict une syllabe impropre, c’est a dire syl
labe sans vocale, en y adjouxtant ung T. seullement pour imposer silence a Plaute
ST.

quelcun parlant. & l’escripvoient ainsi .ST. Plaute en sa Comedie nommee Tru
culentus
, en l’Acte qui commance. Rus mane me hinc ire iussit Pater, introduyt "
ung personage nomme Strabax, qui dit en soymesmes, Terence.
Hodie efferam ad hanc argentum quam mage amo quam Matrem meam .ST. ec- "
quis? nulla est, ecquis aperit hoc ostium?
Semblablement Terence en a use en sa "
Commedie nommee Phormio, ou il y a. Non is obsecro es, quem te semper di- "
cunt, ST. quid has metuis fores?
"


NOus usons bien aussi de ceste syllabe impropre ST. quant nous voulons ST.
faire taire quelcun / & luy imposer silence, mais aulcuns l’escripvent par
Chut, qui est syllabe parfaicte. C’est a dire syllabe ayant en soy une Vocale.
Nous en porrions user en disant,
Escoutez ST. escoutez, voyez ou vous vous boutes.
Des lieux a en ce monde, ou souvant mal on se fonde.


J’Ay dict cy devant ou je traictois de la lettre G. & des Resbuz que Plaisanteurs Chut.
sont des lreslettres, que celluy qui inventa le Resbuz de le S. large, qu’on dit lettre de Largesse
Silence.

forme, & en feit sa devise pour en signifier secretement & en entendre Largesse,
eut bon esperit a l’invension dudict Resbuz, mais s’il en eust entendu Silence comme
les bons Peres Anciens entendoient, il eust encores myeulx faict. Silence & Lar
gesse sont deux belles vertus: mais Silence a plus d’eficace, comme on peult veoir Aule
Gelle.
Hesiode.

au .XV. Chapistre du Premier livre des Nuyts Attiques de Aule Gelle, ou il
ya en sentence du Poete Hesiode,
Optimus est homini linguae thaesaurus, & ingens "
Gratia, quae parcis mensurat singula verbis.
"
C’est a dire, La langue qui se refraind, & mesure ses parolles, est tresgrant tre-
sor, & souveraine grace.


JE vouldrois a ce propos, que les seigneurs qui prenent plaisir a edifier Palais
et Maisons, & qui ayment Paintures & Devises, feissent escripre, paindre, S. ou ST
graver, ou tailler une .S. ou ST. aux huys de leurs sales & cusynescuisynes, pour se-
cretement & manifestement imposer Silence a ung tas de Caqueteurs faisant
plus de bruyt apres boyre, que ung cent d’estorneaux au temps de VendegesVendenges.
Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. LVIII.
Ce seroit enseignement & occasion a petits & grans d’estre modere en parolles,
& se abstenir de dire chose qui ne fust belle, bonne, honneste, & necessaire.


JE reviens a la doctrine de nostre S. & treuve que les Tholosiens & Gascons Mension
des Tho
losiens. &
Gascons

y comettent abus, a la pronuncer, car ilz y preposent ung E. en sorte que s’ilz
vouloient dire. Schola, ou Scribere, ou semblable diction commanceant par
" S. Ilz diroient, Eschola, & Escribere. qui est un grant vice en la langue Latine,
" Je ne say si ce dict vice leur est venu pource que disons en nostre langage Fran-
cois escripre & escole, & que en aucunes dictions preposons E, devant S. a l’imi
tation des Grecs qui escripvent & pronuncent Epsilon devant Sigma, c’est a
dire, Ε. devant Σ. es Preterits imparfaicts des verbes commanceans par Sigma,
Semblablement des verbes comanceans par Zita, Ξι. & Psi, qui comprenent en
elles la ditte lettre, Σ. en disant. Σπειρω εσπειρον. εσπαρκα. Στρεφω. εστεφονεστρεφον
" εστραφα. Ζαω, εζαον, εζηκα. Ξεω, εξεον, εξεκα. Φαλλω, εφαλλον, εφαλκα
Mension
des Bre-
tons bre-
tonans.

" Les Bretons bretonans la pronuncent fort bien, & comme les Grecs, car entre
deux vocales ilz la proferent solide. & nous comme les Latins la debilitons &
faisons molle aucunement. Si ceulx Bretons vouloient dire Nisi Mu
sa desiderium amiserit.
Ilz pronunceroient le .S. si so-
lide, qu’il sembleroit que pour une, y en
eust deux, en disant Nissi
Mussa dessiderium
amisserit.




L.iiij.

Fac-similé BVH


[58v] LE TIERS LIVRE.




LA lettre T. cy pres designee & faicte de le I, est de dix corps de haulteur, com
me toutes les autres, & de huit & deux demy de largeur en teste, & les po-
intes de ses bras & pied sont arondyes de quatre tours de Compas, pour lesquelz
faire j’ay signe les lieux pour les Centres a y asseoir le pied dudict Compas.


T. Dit Martianus Capella, Martia-
nus Ca-
pella.
appulsu linguae, dentibus impulsis excuditur.
C’est a dire .T. veult estre pronunce en frapant de la langue contre les dents Mension
des Ita-
liens.

serrees, Les Italiens le pronuncent si bien & si resonent, qu’il semble qu’ilz y ad-
jouxtent ung E. quant pour & en lieu de dire. Caput vertigine laborat. Ilz pro- "
nuncent. Capute vertigine laborate. Je l’ay ainsi veu & ouy pronuncer en La Sa-
pience,
en RomeRomme
Ro- "
me
Rom "
me
aux escoles que l’on appelle La Sapience, & en beaucopbeaucoup d’autres nobles lieux
en Italie. Mension
des Lion
nois.
La quelle pronunciation n’est aucunement tenue ne usitee des Lion-
nois qui laissent le dict .T. & ne le pronuncent en facon que ce soit a la fin de la
Tierce persone pluriele des verbes Actifz & Neutres en disant Amauerun, & Mension
des Pi-
cards.

Arauerun. pour Amauerunt & Arauerunt. Pareillement aucuns Picards lais-
sent celluy T. a la fin de aucunes dictions en Francois. comme quant ilz veulent
dire. Comant cela comant? Monsieur c’est une jument. Ilz pronuncent. Coman
chela coman? Monsieur ch’est une jumen.


T. en Grec & en Latin est d’une mesme figure & deseing, & est appellee ou
dit Grec Taf. qui denote qu’il est sans aspiration. Les Latins & nous l’avons
aucunesfois seul & sans aspiration sequente, & aucunesfois luy adjouxtons celle
aspiration, mais les Grecs ont pour le dit T. & H. une seulle lettre qu’ilz appel- Thita,
Teth,
Thau.

lent Θητα. Les Hebreux aussi ont T. exile en une lettre qu’ilz appellent Teth.
& pareillement .T. aspire aussi en une autre lettre qui nonmentnomment Thau.


TAf, c’est a dire ceste lettre T, comme dit Asconius PediamusPedianus, estoit une des Asconius
Pedianus
Mode de
juger an-
cienement
Θ. Τ. Λ.

trois lettres desquelles les Anciens usoient en leurs causes criminelles & ju-
gemens, qui, quant ilz vouloient juger quelcun & le condamner coupable, Ilz
jectoient en ung vaisseau a ce faict expres la lettre .Θ. escripte en ung petit pa-
pier, ou en ung parchemin, ou en autre semblable chose convenante a estre escri-
pte. Quant ilz vouloient absouldre, Ilz jectoient au dit vaisseau la ditte lettre
Taf, aussi escripte. Et quant ilz doubtoient de la cause & matiere pendente, Ilz
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LE TIERS LIVRE. FEUIL.LXX.LIX.
jectoient Lambda qui signifioit qu’ilz n’avoient encores asses bonne cognoissan
ce de la ditte cause. Vous trouveres de ce propos au .LVI. Proverbe de la pre- Erasme.
miere Chiliade. de Erasme, ou est en tiltre .Θ. praefigere.


T. a le C. pour compaignon precedent & adherent tousjours en une mesme TC.CT
syllabe, comme en ces dictions Pectus, Actus, & en mille autres sembla-
bles. a la cause & raison de quoy les Modernes escrivains ensuyvant les Anciens
escrivent encores en lettre courant c, & t, en une lettre qu’on dit Abreviature.
ainsi escripte .ct. & elles deux comme j’ay dit, se assemblent tousjours avec la vo
cale sequente en une mesme syllabe, comme en disant, Pe,ctus. A,ctus. Ne,cto.
" Le,ctus. Pi,ctus
M. avec.
N.
comme il est de le M. devant N, qui veult tousjours estre escri
" te & prouferee avec la ditte N. en une mesme sillabe ou est la vocale qui les suyt
comme en ces dictions. Mne, stheus. A,mnis, O,mnis. Sa,mnis, & autres sem
blables. Je dis cecy notamment pour aucuns qui les separent ignorant l’affinite &
l’aliance perpetuelle qu’elles ont ensemble.


T. Veult aussi estre premis en mesme syllabe devant N. comme on voit en TL.
TN.
TR.

ces dictions. Tle, ptolemusTle, polemus. & Ae,tna. Semblablement devant R. comme
on peut veoir en mille dictions.


JE ne veulx oublier a dire que Bramant nagueres grant maistre Architecte Bramant
du Pape Jules Sixiesme, du quel Bramant j’ay veu la sepulture & Epitaphe
en l’eglise de la Minerve a RomeRomme, a faict le T. aux galeries dudit Pape Jules
qui sont entre l’esglise Sainct Pierre & Belvedere, pour le premier bras coupe a
ligne perpendiculaire, & pour l’autre & dernier bras ung peu en biez & comme
coupe par dessoubz descendant du point d’enhault vers le premier point de sa
patte d’embas que j’ay ensuyvy en mes deseings, ne ignorant que es Arcs trium-
phans de T. a les deux bras coupes a ligne perpendiculaire.


LE dit Bramant estoit le plus excellent Architecte, Louanges
de Bra-
mant.
C’est a dire Maistre Ma-
con, de son temps. Il estoit celluy qui feit le project & modele au susdit Pa-
pe Jules pour faire neuve l’Esglise de Sainct Pierre en RomeRomme, & croy que son
opinion n’a pas este sans cause, qui est pour vouloir ce faire, a donner grace a la
ditte lettre .T. Faictez la ainsi qu’il vous plaira, je vous en laisse vostre bon choix.


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[59v] LE TIERS LIVRE.




LA lettre V. cy pres deseignee & faicte de le I, seullement & aussi large que haul-
te, a en sa facon quatre tours de Compas, pour lesquelz faire j’ay signe les
Centres es lieux ou le pied dudit Compas veult estre assis.


V. Dit Martianus Capella, ore constricto, labrisque prominulis exhibetur. " Martia-
nus
Capella.

C’est a dire. V. veult estre pronunce d’une voix estroicte au commancemant
& bouche serree, puis celle voix veult amplement yssir par les lefvres ung peu
estandues & ouvertes comme sa figure le demonstre. La figure & deseing de ce-
ste lettre cy, V, est totallement semblable a la lettre Grecque nommee Lambda,
qui est a dire L. Grecque, mais il ya difference, car le V. a comme voyez la pointe en
bas, & est ouvert en sus. & Lambda au contraire est en pyramide, c’est a dire epat- Lambda
Priscian.

te dessoubz & agu en sus. V. dit Priscian en son premier livre ou il traicte. De ac- "
cidentibus literae
, est de sa premiere nature & vertus, vocale, mais bien souvant "
est Consone, & ce aucunesfois, Consone simple, pareillement aux autres fois, Con
sone double en estant des Anciens usurpe en la facon qu’estoit. F. F, digam
ma, aeolim-
cum.
digamma aeo- "
licum
. Les mots dudit Priscian sont telz qu’il s’ensuyt. V. Vero consonantis po- "
sita, eandem prorsus in omnibus vim habuit apud Latinos quam apud Aeoles "
digamma F. Vnde a plerisque ei nomen hoc datur quod apud Aeoles habuit " Vau.
Varro,
Didymus
Caesar.

olim F. Digamma, Id est Vau. ab ipsius voce profectum, teste Varrone & Di- "
dymo. quid id ei nomen esse ostendunt. pro quo Caesar. hanc figuram ╛. Scribe- "
re voluit, quod quamuis illi recte visum est, tamen consuetudo antiqua supera- "
uit. A deo autem hoc verum, quod pro Aeolico F. digamma, V. ponitur, quod " ╛.
sicut illi solebant accipere digamma F, modo pro consonante simplici teste Astya-
ges,
Astya- "
ge, qui diuersis hoc ostendit versibus, vt in hoc versu. Ορχομενοσ Fελεη ην ελι- "
κωπιδα
. Sic nos quoque pro consonante plerunque simplici habemus. V. loco. "
F. digamma positum. Vt .At venus haud animo nequaquam exterrita mater. "
Est tamen quando Iidem Aeoles inueniuntur pro duplici quoque consonante di "
gamma posuisse. Vt. Νεστορα δεFου παιδος. Nos quoque videmur hoc sequi "
in praeterito perfecto Tertiae & Quartae coniugationis in quibus I. ante .V. con "
sonantem posita producitur, eademque substracta corripitur. Vt Cupiui cupij. "
Cupiueram, cupieram. Audiui, audij. Audiueram, audieram, Inueniuntur etiam "
pro vocali correcta hoc digamma illi vsi, Vt Alcman. Και χειμα πυρτε δα Fιον. " AcmanAlcman
Est enim dimetrum iambicum, & sic est proferendum F. Vt faciat breuem sylla- "
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LX.
bam. Nostri quoque hoc ipsum fecisse inueniuntur, & pro consonante V. Voca-
"lem brevem accaepisse. Vt oratius Syluae trissyllabum protulit in Epodo hoc Horatius.
" versu. Niuesque deducunt iouem, nunc mare, nunc syluae. Est enim dimetrum iam-
" bicum coniunctum pentimeri haeroicae quod aliter stare non potest, nisi Syluae
" trissyllabum accipiatur.
C’est a dire. Pour vray ceste lettre cy V. estant mise en
lieu d’une Consonne a eu jadis en la langue des Latins en tout & par tout sembla
ble vertus qu’avoit le F. digamma en la langue Eolique. a la cause de quoy cel-
luy V, a este dit de plusieurs & appelle comme le dit F. digamma estoit appelle Vau,
Varro,
Didymus
Caesar.

des Eoliens qui le appellent Vau. selon sa pronunciation, comme l’ont tesmoi-
gne Varro & Didymus qui ont dit que celluy estoit nomme Vau, Pour le quel
Vau, Caesar volut escrire & figurer ceste figure cy ╛. La quelle figure combien
qu’elle luy semblast bonne pour le dit Vau, neaumoings la costume anciene le
surmonta en le figurant & escrivant ainsi .V. Le dit V. a este si au vray mis en
usage pour le F, digamma Eolique. que tout ainsi que les Eoliens mettoient au-
cunesfois le dit F. digamma pour une consone simple ainsi que Astyages la tes- Astya-
ges.

moigne en diverses allegations de metres comme en cestuy cy. Ορχομενοσ Fελεη
" ην ελικωπιδα
. tout ainsi Les Latins ont souvant pour simple consone mis V.
" en lieu de le F, digamma. comme en ce metre cy. At venus haud animo nequa
" quam exterrita mater.
Il se treuve aussi que les Eoliens ont mis leur dict F, di-
gamma pour double consone, comme en cest exemple cy. Νεστορα δεFου παιδος.
" La quelle chose les Latins semblent ensuyvre es Preterits parfaicts des verbes
de la Tierce & de la Quarte Conjugations, esquelz le I, estant mis devant le V.
consone, est produyt en quantite de metre, & quant le dit V. en est substrait cel-
luy I, demore bref, comme en disant. Cupiui, cupij, Cupiueram, cupieram. Audiui,
audij. Audiueram, audieram
Les Eoliens ont aussi usite leur F, digamma Alcman.
laissant la Vocale precedente breve, tesmoing le Poete Grec Alcman. Και
" χειμα πυρτε δαFιον
. Cest exemple en Grec est ung metre iambique qui veult
" estre proufere, en sorte que le F, laisse la Vocale precedente, qui est, Alpha, bre
ve. Les latins ont faict tout semblablement en laissant la Vocale breve devant Horace,
le V. comme Horace, a faict quant il a mis Syluae en trois syllabes. Sy, lu, ae. en
ses Epodes, quant il a dit, Niuesque deducunt Iouem, nunc mare, nunc sy, lu, ae.
" Cest exemple est ung metre iambique de deux mesures, conjoinctes par une Pen-
timemere heroique qui ne peut estre faicte si laditte diction Syluae n’est mise en
trois syllabes.


J’Ay voluntiers allegue Priscian bien au long pour amplement monstrer la
bonne pronunciation, & autre totalle vertus de le V. afin qu’on en puisse user Mension
des Ale-
mans,

comme il apartient, & pour monstrer que les Alemans le pronuncent en conso
ne myeulx que nulle autre Nation que je sache pardessa. qui quant ilz veulent
" dire, Fiuat in aeternum fundens mihi dulce falernum. Semblablement. FiFo, Mension
des Ita-
liens.

pour viuo. Firtus pour virtus. Finum pour vinum, & mille autres semblables.
Les Italiens le pronuncent quasi Vocale expresse apres le G. & apres Q. quant
ilz disent Lingu a, Aqu a, & le divisent quasi de le A, & le sonent quasi en o,
comme seroit Linguo/a. Aquo/a, Nous ne le pronunceons pas comme eulx,
qui nous est ung vice contraire a l’art de Grammaire comme il semble a d’au-
cuns.


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[60v] LE TIERS LIVRE.


LA lettre X. cy pres deseignee & faicte de le I, seullement comprise en Huit
centres & tours de Compas qui sont signez es lieux de leur deseing a ce re-
quis & convenables, est par embas plus large que haulte, car en chef n’est que
de Huit corps & deux demys de largeur. comme clerement on le peut veoir au
dit deseing.


J’Ay dit qu’elle est faicte voirement de le I, & est vray selon ma tradictive, com- Galeotus,
bien que Galeotus Martius Narniensis aye dit qu’elle est faicte d’un C. retor
ne & d’un Sigma grec, & la cause qui la a ce meu a este que X. vault autant en sa X. Vault
C, & S,
ou G. &
S.
Martia-
nus
Capella.

vertus que C, & S. tesmoing l’ancien & bon Autheur nomme Martianus Capel-
la. qui dit .X. quicquid C.& S. formauit exibilat. Cest a dire .X. vault en vertus "
& pronunciation autant que C. & S. Prenez bien garde quant la designe-
rez & l’escrirez, de ne luy faire son ouverture si large en teste qu’en pied, ou de
luy mettre le bas en sus?: comme j’en voy ung millier y errer car se seroit perverty[sic]
la lettre.


OUltre la bonne doctrine du bon Autheur Martianus ja allegue, X, selon
Priscian en son premier livre ou il parle. De accidentibus literae, vault au- " Priscian.
tant que G, & S. quant il dit .X. duplex, modo pro, C. S. modo pro G. S. acci- "
pitur. vt Apex apicis, Grex gregis.
X. dit il, lettre double, c’est a dire vallant deux "
lettres, vault aucunesfois C. & S. & aucunesfois G. & S. comme on voit en la de-
clinaison de ces noms & leurs semblables, Apex apicis & Grex gregis. Au temps "
passe Les Latins avant qu’ilz eussent pris des Grecs la lettre X. La quelle tou-
tesfois est differente en figure, car elle resemble a Chi. & non pas a ξι. Ilz escri- Mension
des An-
ciens La-
tins.

voient pour le dit X. lesdittes lettres .C S. & G S. en ceste facon. Apecs apicis.
Regs regis, Nucs nucis, & Gregs gregis
. comme j’ay veu en RomeRomme en d’au-
cuns Epitaphes Anciens, & peut on encores veoir au Livre des Epitaphes de
l’Anciene RomeRomme nagueres imprime en la dicte RomeRomme ou pour lors j’estois ha
bitant.


QUant ceste monosyllabe preposition, EX. est composee avec dictions com- Ex en com
position.

smanceans par S. le dit S. ne veult point estre escript, ne ne veult estre pro- Priscian.
nunce, pource que trois Consones ne peuvent estre ensemble, comme
en disant, EX & sequor, exequor, Priscian en est tesmoing au sussallegue pre-
mier livre & lieu, quant il dit. Nunquam enim S. nec alia consonans geminari "
potest alia antecedente consonante
. Jamais, dit il, ny S. ny autre Consone ne "
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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXI.
peult estre geminee apres une aultre Consone. Parquoy doncques X. estant Escrivains
entendez
icy.

double Consone ne peult souffrir S. l’ensuyvant. La quelle chose mains escrip-
vains n’observent pas, pour faulte de y prendre bien garde.


JE voy maints hommes, qui errent en la deue pronunciation de le X. quant
" en ces vocables Exaro, Exerceo, EzequorExequor, & en mille aultres escripts par
" ceste Preposition Ex. Ilz disent yeux, en pronunceant yeuxaro, yeuxcerceo,
" yeuxequor, qui est ung grant vice en la langue Latine. S’ilz veulent apren-
dre a bien pronuncer en ensuyvant les reigles des bons Autheurs susnommez,
" ilz doibvent dire comme s’il y avoit escript Ecsaro, Ecserceo, & Ecsequor, & ilz
pronunceront tresbien.


IL ne leur deplaira, & a toutes les aultres Nations, si je dis leurs vicieuses Acueil
de beni-
volence.

pronunciations: mais penseront que ce que j’en fais est pour faire service au
bien public, & pour les avertir de eulx acostumer a bien pronuncer, qui est une
des choses plus honnestes, qu’on peult veoir en tout langage, & en tout hom-
me parlant.


LEs Italiens aussi, soubz correction, me semblent y errer, car ilz Mension
des Ita-
liens.

le pronuncent si exile & mol, qui semble qu’ilz pronuncent
une S. entre deux Vocales, qui n’a si grande vigueur que
a Sigma aussi entre deux Vocales. S’ilz veulent
" dire, Vxor mea sicut vitis abundans, ou
" Exequias patris, exequar, ilz pronuncent
comme s’yl[sic] y avoit en escript.
" Vsor mea, et Esequias
" Patris esequar.


M.j.

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[61v] LE TIERS LIVRE.




LA lettre Ypsilon cy pres deseignee, & faicte de le I, seullement, est en chef Ypsilon.
aussi large que haulte, & en pied de la juste largeur du pied dudict I. Et a
estre bien faicte requiert six tours de Compas, pour lesquelz faire j’ay signe les
centres ou le pied dudict Compas veult estre assis. Ceste lettre cy Y. est dicte Υψιλον.
Martia-
nus Ca-
pella.

en Grec, Υψιλον C’est a dire en latin y. tenue, & en Francois Y. qui doibt estre "
pronunce mol & doulx, & comme dit Martianus Capella, appressis labris spiri- "
tuque precedens
C’est a dire, en precedant & yssant entre les lefvres, avec ung doulx
esperit de son. Elle est lrelettre proprement Grecque, & les Latins l’ont usurpee pour
escripre les dictions Grecques seullement, esquelles elle requiert estre escripte &
pronuncee. Nous l’avons en usage / non seullement pour dictions qu’avons tirees
du Grec, comme sont Ypocrite, Ypocrisye. Physique, Metaphysique, & mille
aultres semblables, mais l’avons en noz dictions Francoises comme en disant,
Enfans sans soucy, En esmoy ne sont jamais. Et pourquoy? Bon temps les mey-
ne, A tout joyeulx soulas. Soucy, Esmoy, Quoy, Meyne, Pourmeyne, & joy- Notez
icy & en-
tendez bien

eulx. Pareillement innumerables aultres semblables dictions Francoises sont
escriptes par Ypsilon, qui nous peult estre ung manifeste argument que les let-
tres Grecques ont eu icy vigueur avant que les Latines. Les Latins, comme
j’ay dict, nont use dudict Ypsilon, ne pareillement du Zeta, ne ne usent enco- Priscian.
res, si non es dictions qu’ilz usurpent des Grecs, Tesmoing Priscian qui dit a
la fin du Chapistre, De literarum commutatione, en son Premier livre. Ypsilon & "
Zeta tantummodo ponuntur in Graecis dictionibus, quamuis in multis veteres haec "
quoque mutasse inueniuntur, & pro Y, V, Pro Z. vero quod pro ss. coniunctis acci- "
pitur, vel pro S. & D posuisse Vt Fuga, Murrha, pro φυγη Μυρρα. Sagunthus "
Massa, pro Ζακονθοσ Μαζα. Odor quoque απο του οζεην. Sethus pro Ζηθος "
dicentes, & Medentius pro Mezentius. Ergo Corylus & Lympha ex ipsa scri- " Y. et Z.
ptura a Graecis sumpta non est dubium, cum per Ypsilon scribantur απο του κορυλου, "
και τησ λυμφης
.
C’est a dire. Ces deux lettres cy. Y, & Z. sont mises tant "
seullement es dictions Grecques, combien qu’elles sont trouvees souvant muees en
aultres lettres, comme en mettant V pour Y. & deux ss. conjoinctes, ou S. & D.
pour Z. comme en ces dictions, Fuga, Murra, pour φυγη & Μυρρα. Sagunthus "
et Massa
, pour Ζακονθοσ & Μαζα. Odor aussi est dit απο του οζεην. Pareille "
ment ilz disoient Sethus, pour ζηθος, & Medentius, pour Mezentius. Doncques "
ces deux dictions Corylus & Lympha selon l’escripture prise des Grecs, sans
doubte veulent estre escriptes par y quant en grec elles sont dictes απο του "
κορυλου, και τησ λυμφης
, ou il y a ung ypsilon. "


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXII.


AU commancemant que les Anciens Latins eurent receu & pris en usage
le dict Ypsilon, les aucuns l’escripvoient, & les aultres non, & ceulx qui ne
le vouloient escripre / mettoient en lieu de luy ung V. vocale, comme en ces di-
ctions Cymex, Cumex. Cypressus, Cupressus. Inclytus, & Inclutus. comme on
peult veoir es Oeuvres du Poete Ancien nomme LucrèceLucretius, du quel nous pren- LucrèceLucretius
drons seullement cest exemple qui est au commancement du Tiers Livre.
" Tu pater es rerum inuentor, tu patria nobis
" Suppeditas praecepta, tuis quae ex INCLVTE chartis
" Floriferis vt apes in saltibus omnia libant.

EN ceste facon beaucopbeaucoup de dictions Latines tirees du Grec ont mue icelluy
" Ypsilon en V. comme on peult cognoistre en ces sequentes dictions Ρωμυ
" λος
, Rhomulus. Πυξος, Buxus. Πορφυρεος, Purpureus. Συς, sus. Μυς,
" Mus. Γονυ, Genu. & en mille aultres semblables, mais pour la plusgrande par-
tie il demore en son entier.


JE ne veulx icy oublier a dire que Ypsilon fut jadis invente du noble Philo Pytha-
goras.
Hercules
en adole-
scence.

sophe natif de l’Isle de Samos nomme Pythagoras, en la quelle lettre il figu
ra l’aage d’Adolescence estant au chemin pour tendre a Volupte / ou a Vertus,
moralisant que Hercules, c’est a dire l’Homme dispose a Vertus, au temps qu’il
estoit en son jeune aage de la dicte adolescence, allant ung jour pensif par les
champs a l’escard / vint a ung grant chemin qui forcheoit & se divisoit en deux
aultres chemins, desquelz l’ung estoit moult large / & l’aultre bien estroit, & au Volupte.
Vertus.

large veit une femme nommee Volupte, qui luy tendoit la main pour le y faire
entrer. Au chemin estroit estoit une Dame nommee Vertus, qui pareillement le
vouloit faire entrer & cheminer en sa voye. De la quelle chose ainsi moralisee, CicéronCicero.
Xeno-
phon.

" CicéronCicero en son Premier Livre des Offices, ou il traicte De Temperantia, nous
en a laisse memoire par escript, quant il a dict en allegant Xenophon & disant
" ainsi. Namque Herculem Prodicus dicit, vt est apud Xenophontem, cum primum
" pubesceret, quod tempus a natura ad deligendum quam quisque viam viuendi sit
" ingressurus, datum est exijsse in solitudinem, atque ibi sedentem diu secum mul-
" tumque dubitasse, cum duas cerneret vias, vnam Voluptatis, alteram Virtutis,
" vtram ingredi melius esset.
Prodicus C’est a dire, l’Ancien Grec nomme Prodicus, comme
il est escript es Oeuvres d’ung autheur aussi Grec, nomme Xenophon, dict
jadis que Hercules en son jeune aage d’Adolescence s’en alla ung jour a l’escard
tout seul par les champs jusques a ce qu’il vint pensant pensif, & du sens passif,
en ung chemin se divisant en deux voyes. L’une de Volupte, & l’aultre de Ver-
tus, & la, doubta long temps en soymesmes / la quelle voye seroit meilleure de
prendre. Les Philosophes & Poetes Anciens, ont avise & conclud qu’il print La voye
de vertus

la voye de Vertus qui estoit la plus estroicte, quant ilz luy ont chante a sa louan-
ge & descript tant de prouesses & difficultes qu’il endura pour surmonter & vain
cre les Monstres qu’il trouva en la dicte voye de Vertus.


A Propos de ceste lettre Pythagorique divisee, comme est dict, en deux Virgile
cy endroit
descript
la lrelettre Py-
tagorique.

voyes, l’Une de Volupte, & l’aultre de Vertus, Le noble Poete Mantuan
nomme Virgile, nous en a faict une belle description & demonstrance, quant
il a dict en ses petits Oeuvres.
" Littera Pytagorae discrimine secta bicorni,
" Humanae vitae speciem praeferre videtur.
M.ij.
Fac-similé BVH

[62v] LE TIERS LIVRE.
Nam via virtutis dextrum petit ardua callem, "
Difficilemque aditum primum spectantibus offert, "
Sed requiem praebet fessis in vertice summo. "
Mollo ostentat iter via lata, sed vltima meta "
Praecipitat captos, voluitque per ardua saxa. "
Quisquis enim duros casus virtutis amore "
Vicerit, ille sibi laudemque decusque parabit, "
At qui desidiam / luxumque sequetur inertem / "
Dum fugit oppositos incauta mente labores, "
Turpis / inopsque simul miserabile transiget aeuum. "

C’Est a dire. La lettre de Pythagoras qui est divisee en deux cornes, nous de
monstre en figure la forme de nostre vie humaine, entendu que la noble
voye de vertus tent au coste dextre, en sorte que au commancement elle est
estroicte & moult difficille, mais en fin, & au dessus, elle se elargist & baille espa
ce en repos. L’aultre voye qui est large, presente ung chemyn bien aise, mais
au bout & en la parfin il y a trebuchemens par diverses pierres cornues, par
gros cailloux, & par aspres roches. Certes quiconques endurera chault & froit,
et semblables choses pour parvenir a vertus, icelluy acquerra toute louange et Jeunes
enfans En
tendez
bien icy.

tout honneur. Mais celluy qui comme ignare suyvra toute oysivete, & toute
bobance, tandis que sans y penser il fuyt endurer travaulz & laborer, il est tout
esbahy qu’il demore infame, pouvre, & meschant, & qu’il a miserablement pas
se & mal employe son temps. Prenez doncques bien garde O vous Jeunes en-
fans en ce lieu cy, & ne laissez au derriere la cognoissance des bonnes lettres qui
sont le vray bouclier pour surmonter adversite & tous vices, & pour parvenir
a la souveraine felicite de ceste vie humaine, qui est parfaicte vertus. La quelle
en fin nous donne le pris d’honneur, la Coronne, & la Palme, en laissant au
derriere les paresseux & vicieux perir meschantement en leur ordure / & vie
abominable.


POur vous bailler myeulx a cognoistre ceste Pytagorique / & di-
vine lettre Ypsilon, je la vous ay figuree encores cy dessoubz
et Imagineres que la jambe droicte & plus large est la voye
de Adolescence, Le bras de la dicte Lettre qui est plus
large, la voye de volupte. & le bras plus estroit /
la voye de vertus / afin qu’en facez ung Fe-
stin pendu en l’estude & contoir de vo-
stre bonne memoire, & vertueu-
se contemplation.


Fac-similé BVH


LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXIII.


COntemplez icy le gracieulx & beau Festin que je vous ay faict, o jeunes & Sens mo
ral de la
lettre Py
thagori-
que.

bons amateurs de Vertus, & y prenez bien garde commant a la pante
de la voye de volupte je ay figure & atache une espee, ung foit,
des verges, ung gibet, & ung feu. pour monstrer qu’en fin de
Volupte dependent & s’ensuyvent tous miserables maulx &
griefz torments. Du coste de la voye de Vertus, je y ay
faict une aultre pante, ou j’ay mis & atache en de-
seing & figure, ung chapeau de Laurier, des Pal
mes, des Sceptres, & une Coronne, pour bail
ler a cognoistre & a entendre, que de
Vertus vient toute gloire pure,
tout pris, tout honneur, & tou-
te royalle domination.


JE vous ay aussi deseigne cy pres ensuyvant, une aultre figure moralisee a
la maniere Antique, vous en ferez vostre proufit ainsi que vouldrez, pre-
nant en gre ma petite diligence a vous faire plaisir & honneste service.


M.iij.
Fac-similé BVH

[63v] LE TIERS LIVRE.


J’En porrois dire beaucopbeaucoup d’aultres belles cho-
ses, mais pour ceste heure je passeray oul-
tre, venant a deseigner & descrire
nostre derniere lettre Abecedai
re & Attique Zeta. Frere Lu
cas Pa-
ciolus
Laquel
le Frere Lucas Paciolus
n’a pas mise en sa Di
vina proportione
,
et la cause pour-
quoy il a omi-
se, je ne le pu
is entendre,
ne ne m’en
soucye.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXIIII.



LA lettre Zeta cy pres deseignee, & faicte de le I, seullement, est en pied aus-
si large que haulte, & en chef de huit & deux demys corps seullement, & n’a
que deux tours de Compas, pour lesquelz faire j’ay signe le lieu du centre pour
asseoir le dit Compas.


" ZEta, comme dit Galeotus. Galeotus Martius en son .II. livre De Homine interiori.
" non est litera, sed duplex sibilus, Id est, duplex SS. & hoc eius figura bis
" intorta indicat.
C’est a dire, Zeta n’est pas lettre, mais est ung siflement double,
qui vault deux .SS. comme sa figure ayant deux tours le demonstre. Zeta voire-
ment n’est pas lettre Latine, mais Greque, Toutesfois les Latins l’ont usurpee com
" me le Ypsilon. pour en escrire les Vocables tirez du Grec & qu’ilz ont pris en leur Priscian.
langue, tesmoing Priscian que j’ay allegue cy devant ou je tractoye du dit Ypsi-
" lon. ou il y a. Ypsilon & Zeta tantummodo ponuntur in Graecis dictionibus. Zeta
est ditte lettre double en sa vertus comme le .X. en la sienne, Car tesmoing
le dit Priscian a la fin de son premier livre, & pareillement ung peu plus avant, Zeta,
pour
deux SS.
& pour.
S. & D.
Priscian.

Il estoit mis des Anciens Latins, pour deux SS. & pour S. & D. quant il dit.
Zeta vero pro SS. coniunctis accipitur, vel pro S. & D. Vt Massa pro Μαζα,
& Medentius pro, Μεζεντιοσ.
Et ung peu au dessus de la fin du dit premier li-
" vre & lieu allegue, Quin etiam S. simplex habet aliquam cum supradictis cogna-
" tionem, vnde saepe pro Zeta eam solemus geminatam ponere. Vt Patrisso, pro
" Πατρωζω. Massa, pro Mαζα.
C’est a dire, Et semblablement S. a quelque affi-
nite & cognation avec les dessus dictes lettres X. & Zeta. parquoy souvant de Martia-
nus
Capella.
Bon no-
table.

nostre coustume geminons la dicte S. pour Zeta comme en ces dictions Patris-
so, pour Πατρωζω, & Massa pour Μαζα. Martianus Capella ne dit point qu’el-
le soit lettre Latine, ne Greque, ne n’enseigne point comme elle doibt estre pro
nuncee, si non qu’il dit seullement que Appius Claudius l’avoit en detestation
pource que quant elle est exprimee en pronunciation, elle resemble aux dents
" d’ung homme mort, qui a de coustume les avoir de travers. Il dit donques. Zeta Appius
Claudius.

" vero iccirco Appius Claudius detestatur, quod dentes mortui dum exprimitur,
" imitatur.
Elle veult estre pronuncee, comme qui vouldroit exprimer S. & D. ou
deux .SS. La quelle chose semble estre bien observee a Bourges au quel lieu, Mension
de Bour-
ges.

quant ilz la veullent pronuncer, Ilz disent Esd, & aprochent fort des Anciens
qui en Lieu de dire Gaza, pronunceoient, & bien souvant escrivoient Gasda.
Celius Rhodiginus au .XVIII. Chapitre du .VII. livre de ses lecons antiques
M.iiij.
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[64v] LE TIERS LIVRE.
escript que Zeta n’est seullement le nom d’une lettre, mais est / & signifie le lieu Celius
Rhodi-
ginus.
Zeta,
Zetetae.

des Juges & maistres de la chambre aux Comptes jadis en Athenes, quant il dit
Sicut Zeta dici valet locus in quo Zetetae obuersantur, erant enim eo nomine "
Athenis Magistratus quidam ad quos referebantur qui Reip. aliquid deberent / "
nec soluerent.
C’est a dire, Ainsi, dit il, que Zeta signifie le lieu au quel les mai- "
stres & juges des deniers publiques estoient jadis en Athenes, devant lesquelz
estoient appellez & contraincts a venir ceulx qui estoient en reste, & ne tenoient
compte entier.


DOnques a ce beau propos je puis dire que les bons Peres Anciens secre- Sens mo
ral.

tement & scientement l’ont logee & constituee la derniere lettre en l’ordre
Abecedaire, pour denoter que ceulx qui ont l’acomplicement & parfaicte co-
gnoissance des bonnes lettres, sont inquisiteurs & souverains juges du revenu Raison
tres nota
ble pour
la confir-
mation de
la Tradi-
tive de ce
present
OuvreOeuvre
de Let-
tres Atti
ques.

& du scavoir des Sept Ars liberaulx, & des Neuf Muses, sans la cognoissance
desquelles homme ne peut estre dit scavant ne parfaict. Et pour monstrer a l’oeuil
& tresevidamment, que cest noble lettre Zeta est si bien proportionee, quel-
le contient en elle tout signe de perfection, Je l’ay deseignee cy pres en sorte que
les dits Sept Ars liberaulx, & les Neuf Muses avec leur ApollonApollo y sont lo-
gez par singuliere proportion & ordonnance, si bien qu’on peut co-
gnoistre manifestement que la mesure que j’ay tenue & baillee pour
faire & deseigner toutes noz precedentes lettres Attiques est
plus raisonable & meilleure, que n’est celle de ceulx qui
les veulent faire, de Sept, ou de Huit, ou de Neuf
corps de haulteur seullement, & non pas de
Dix, comme avez veu & bien entendu
que j’ay faict tout par tout cy
devant. Le dit deseing
est tel qu’il s’ensuyt.


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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXV.

EST SVA CVIQUE SIBI
VIRTVS PVLCHERRIMA
MERCES.



VEla le beau de-
seing de nostre
derniere lettre Zeta
qui demonstre clere-
ment l’accord tant se-
lon l’Arithmetique que
selon la Geometrie
entre les susdites Sept
Ars liberaulx, & les
Neuf Muses avec le-
ur ApollonApollo, desquel-
les toutes j’ay ample-
ment escript cy devant
au Segond livre quant
je parlois du Flageol
de Virgile, & de la
Chaine d’or Homeri
que. Je veulx cy enco
res dire davantage, que
ceste dicte lettre Ze-
ta, est si bien faicte, que
en son gros traict qui
est de bies, & s’estant
en angle oublique, y a
si bonne disposition
en montant du pre-
mier angle d’embas au
dernier d’enhault, qu’il
se y treuve en bonne
perspective racourcye
Neuf Marches d’es-
cheles & degres que Neuf mar
ches.

j’ay signez selon l’ac-
cord des petits Quar-
res & corps contenuz
au grant Quarre au quel
est faicte la dicte lettre. Avysez les bien & prenez garde commant ilz vont di- Sens mo
ral.

minuant de point en point jusques au coulde roigne, qui est au dernier angle
du hault du dict Grant quarre, Ces marches & degres la, nous signifient en Sens
moral, la voye, & l’ascendant a beatitude, que peuvent avoir facilement ceulx
qui ont la cognoissance & perfection des bonnes lettres, Ars, & Sciences. A propos
de quoy j’ay designe au dessus de la lettre ung petit esperit divin estant sus ses
pieds prompt ou a donner la Coronne, le Sceptre, la Palme, ou le Chapeau de lau-
rier, a tous ceulx qui bien & diligentement se everturont a acquerir Science, en
montant de degre en degre jusques a la perfection d’icelle ou gist tout acomplice-
ment d’excellent prix, & glorieux honneur.


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[65v] LE TIERS LIVRE.


JE porrois cy honnestement faire fin a mon Oeuvre mais pource que je voy
maints escripvans en lettre Attique ne y scavoir deument bien faire les points
& distinctions qui y sont necessaires selon le divers sens qui y eschet en escrip-
vant, j’en bailleray ung petit deseing des plus requis, & les descripray brevement
ainsi que les bons Peres Anciens en usoient au temps passe.
LEs points qui sont plus requis entre Lettres Attiques sont le point Trian-
gulaire, Le Crochu, & le Quarre. Le Triangulaire, veult estre deseigne &
faict de deux tours de Compas, & d’une LingneLigne droicte joincte au dessoubz d’i-
ceulx deux tours de Compas. Le point Crochu sera bien faict de deux tours de Com-
pas aussi avec une ligne traverceant en bies quasi par la tierce partie du plus-
grant tour, & adherent au petit tour de Compas. Le point Quarre est justement
faict de quatre tours de Compas equidistamment assis, & en faisant les deux de
dessus ung peu pluspetits que ceulx de dessoubz comme pouvez veoir en la Fi-
gure qui s’ensuyt.


NOtez bien la situation d’ung chacun
point entre les deux extremes lignes
du quarre, car les ungs veulent estre assis plus Notez
icy le
Lieu
pour as-
seoir les
poincts.

hault que les autres. Le point quarre, veult
estre assis precisement sus l’extreme ligne d’en
bas, sus la quelle toutes les lettres Attiques
veulent estre assises pour estre escriptes & pro-
ceder l’une apres l’autre en ligne equilibree.
Le point Crochu veult estre assis une ligne
plus hault que le point Quarre, c’est a dire
sus la deuxiesme ligne en montant. Et Le
point Triangulaire veult estre escript & si-
tue sus la trosiesmetroisiesme ligne, comme il apert cy
joignant au deseing ou ilz sont tous trois bien
faicts.







POurce qu’en lettre Attique on use
souvant d’abreviatures, Je vous ay
cy pres en ceste figure & deseing faict
trois sortes de points seullement pource
qu’ilz sont plus generaulx & plus usitez
que nulz autres points ne distinctions, Et
avant que j’en traicte plus oultre, Je veulx Diffini-
tion du
point.
Constan
tin
Lascaris

dire & diffinir, que c’est que Point en escri-
pture. Je dis ainsi selon Constantin La-
scaris qui a laisse par escript en sa Gram
maire greque. Στιγμη εστι διανοιασ "
τελειασ σεμειον
. Punctum, est sententiae "
perfectae signum.
C’est a dire. Le point
est le signe d’une sentence perfecte. Et
celluy point veult estre quarre De ce

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LE TIERS LIVRE. FEUIL. LXVI.
Point quarre sont faicts les autres points qui sont ditz & appellez Points im- Point
quarre,
Point
crochu.
Point
Triangu
laire.

propres & imparfaicts. & ceulx sont, point Crochu, & point Triangulaire. Sen-
tence imparfaicte, est signee du point Crochu. Sentence pendente, & qui veult
qu’on procede en avant & oultre, est signee du point Triangulaire ayant le der
nier angle d’embas ung peu plus longuet que les deux autres. Je descrips cy &
deseigne ces trois sortes de points seullement, selon la maniere des Anciens, &
selon que a lettre Attique apartient ne ignorant que les Autheurs Grammai-
riens en Langue Latine traictent de plusieurs autres points. entre lesquelz Aulus
Antonius
Orobius
Au-
lus Antonius Orobius en allegue unze sortes differentes, qui sont . Punctum
Suspensiuum / Geminum punctum: Semipunctum, Hypopliroma̦ Comma:
Colon·Periodus. Interrogatiuum? Responsiuum ,[unclear] Admiratiuum! & Paren-
thesis ( )
. C’est a dire Point suspensif, Point Double, Demypoint, Point crochu, Unze
points
differens.

Point incisant, Point respirant, Point concluant, Point interrogant, Point
respondant, Point admiratif, & Point interposant. Lesquelz tous en nombre
de unze militent pour moy secretement & divinement que j’ay a bonne raison
divise mon quarre a faire lettre Attique / en unze points, qui est signe manifeste Belle con-
clusion &
tres nota
ble. Rai-
son.

que je n’y ay erre, mais seurement & studieusement entendu le secret du nom-
bre Per, & Imper. C’est a dire, de unze points comprenans entre eulx equidi-
stamment dix corps y requis selon la divine, & neaumoing quasi par cy devant
incogneue, opinion des bons Anciens. Je puis veritablement dire & conclure,
sans me venter, que j’ay tire ce dit secret ancien de tenebres, & l’ay premier de
tous Autheurs modernes mis en clere veue, & par escript, pour en faire devot
& cordial service au Bien public, au quel me suis tousjours de toute ma petite
puissance dedye, & dedye encores de bon cueur, faisant fin a mon Oeuvre, &
louant nostre seigneur Dieu me y avoir inspire & ayde si bien que je suis parve-
nu a la perfection de la deue Proportion de noz bonnes lettres Attiques, & au
point dicelles.


LA FIN DE CE TROISIESME
ET DERNIER LIVRE.


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[66v] [page blanche]

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FEUIL. LXVII.


DECLARATION DES Lettres Hebraiques.


IL eust peu suffire, O devots amateurs de bonnes Lettres.[unclear] que je vous
eusse escript, & baille par Reigle la deue & vraye Proportion des Let
tres Attiques, & de les vous avoir faictes & deseignees, par Nom-
bre & Mesure de Pointz, de Lignes, & de tours de Compas. Mais
voyant que je vous porroye faire de rechef quelque honneste & humble ser-
vice, j’ay pence qu’il seroit expedient & utile de presentement adjouxter a la fin
de nostre toutal Oeuvre desdictes LresLettres Attiques plusieurs sortes d’aultres bon-
nes & belles Lettres. Je les vous ay faictes seullement sans les deseigner par
nombre de Lignes / ne de Points, comme lessusdictes Attiques, penceant que
s’il vous plaist ensuyvre ma traditive que je vous ay cy devant baillee par escript
bien au long, au moings en y considerant bien la difference qu’il peult estre des
unes envers les aultres, vous les porrez mettre & faire par certaine Reigle / & Belle Com
paraison
& Simili-
tude.

asseuree Mesure. Je vous en baille, disje, Diverses sortes & facons, afin qu’en
puissiez user ou des unes / ou des aultres a vrevotre bon & vertueux plaisir. Au Prim
temps nouveau que les fleurs & violettes sont en leur vigueur & beaulte, je voy
que en ung Jardin les ungz cueillent pour leur plaisir, ou une belle Rose ver-
meille, ou pareillement une blanche, les Aultres cueillent une Gyroflee, ou
ung bel Oueillet, les Aultres des Pencees, ou des Marguerites, & les Aultres
des Encholyes, des Soucyes, ou des Abefoings, & ce, selon que la fleur rend
bon odeur, ou qu’elle a belle couleur au plaisir de ceulx qui la cueillent & ayment
avoir a leur gre. Ainsi porrez vous les ungs honnestement user des LresLettres Hebrai-
ques, ou des Grecques, ou des Latines, qu’on dit vulgairement Romaines, & que
j’ay dict en leur vray nom Attiques, ou aussi porres user des lettres Francoises
" comme il vous plaira. Je scay qu’il est escript en Proverbe Poetique. Velle suum
" cuique est, nec voto viuitur vno.
Chascun a son vouloir, & ne vit on pas en une
seulle volunte. Parquoy doncques en prenant en gre ma petitte diligence, use
rez de celles qui vous plairont le plus, ou voirement de toutes, en penceant
que ce que j’en faiz est pour m’employer a faire quelque bien qui soit Tesmoing
que je n’aye este toute ma vie inutile, & que je serois tresaise que je peusse en
tendre & cognoistre que prendriez plaisir a quelque chose que je peuse avoir
aulcunement faicte. Si je puis cognoistre que je vous aye faict chose agreable,
ce me sera Reveil & Esguillon, avec la bonne aide de nostre seigneur Dieu,
de me evertuer a faire myeulx, si je puis.


Pource que la Saincte Escripture est en Hebreu, en Grec, & en Latin, & La Sain
cte Escri-
pture est
en Trois
langues
Reiglees

que ces trois Langues a cause de la dicte Saincte Escripture, sont appellees
Sainctes, Et aussi que le Tiltre de la Croix de nostre seigneur Jesus, que j’ay
veu en RomeRomme dedans l’esglise de Saincte Croix, est escript en Hebreu, en
Grec, & en Latin, je vous ay cy en suyvant mis lesdictes Trois sortes de Let-
tres. C’est a scavoir. Hebreu, Grec, & Latin les Premieres, & d’icelles Trois, la
Lettre Hebraique au commancement: pource qu’elle est la plus Ancienne se dit
on: & que les Premiers hommes, comme tesmoignent les Historiens l’ont inventee.


Apres icelles Trois, sera la Lettre Francoise / pour le moings en Quatre fa-
cons. C’est a scavoir en Cadeaulx, en Forme, en Bastard, & en Torneure.
Oultre toutes ces diverses sortes & facons / seront les Lettres Chaldaiques,
et consequentement les Arabiques, les Fantastiques, les Imperialles & Bul-
latiques, & finablement les Eutopiques, & Fleuries, avec la maniere de faire
Chifres de lettres Entrelacees, comme porrez clerement veoir cy pres les unes
apres les aultres en leur ordre & situation.

N.j
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[67v] DECLARATION DES Lettres Hebraiques.

Doncques pour venir a noz Premieres Lettres qui sont Hebraiques, il vous Entendez
bien icy.

fault avant toutes choses Noter & Scavoir qu’elles veulent estre leuues[sic] au con
traire des Grecques, des Latines, & des Francoises. Car il les fault lire a Gau
che / & en retrogradant. C’est a dire. Il fault commancer a lire a la fin d’une chas- Beaulx
notables.

cune ligne, & proceder jusques au commancement d’icelle. Il fault cognoistre
et entendre que les Hebreux ont .XXII. Lettres en Prolation, mais en Figu
re ilz en ont .XX.VII. Car il y en a Cinq desdictes .XXVII. qui sont Doublees
Et jacoit qu’elles ayent & gardent ung mesme son en pronunciation, toutesfois
si sont elles figurees en divers Characteres. Par icelles Cincq, le Commance-
ment, le Mylieu, & la Fin des dictions en est diversement escript. En oultre, il Poincts
en He-
breu sont
Vocales.

fault noter que toutes les lettres Hebraiques sont Consones, & pour signifier
noz Cinq Vocales, qui sont A, E, I, O, & V, les Hebreux usent de Douze sor
tes de Poincts, qu’on dict en Latin Apices, siue Puncta. au moyen desquelz &
desdites .XXVII. lettres toute la Langue Hebraique est faicte en son entier. Apices.
Puncta.

Doncques en la dicte langue Hebraique y a Vingt & deux Lettres qui ont leur
Nom & Apellation comme il s’ensuyt.
Aleph, Beth, Gimal, Daleth, He, Vau, Zain, Heth, Teth, Iod, Caph, La-
med, Mem, Nun, Samach, Aain, Pe, Sadic, Coph, Res, Sin, Tau.


Aleph, est le Nom de le A. Beth, du B. Gimal, du G. Daleth, du D. He, de
l’aspiration H. Vau, de le V. Zain, du Zeta. Heth, de Ch. Teth, du T. Iod,
de le I. Caph, du C. Chaph, du Ch. Lamed, de le L. Mem, de le M. inceptive.
et l’aultre Mem, de le M. finalle. Nun, de le N. inceptive. & l’aultre Nun, de le
N. finalle. Samach, de le S. mediane. Aain, de le A. Pe, du P. Phe, du P. & h.
Sadic, de le S. mediane. Sadic, segond aussi de le S. mediane. Coph, du C. Res
de le R. Sin, de le S. aulcunesfois inceptive / & aulcunesfois mediane / & pareil-
lement aulcunesfois finalle: selon qu’elle a sus la premiere ou derniere partie F. Fran-
cisco Xi-
menez de
Cisneros
Fran-
cois Ci-
menez de
Cisneros
,
Cardinal
d’Espag
ne
Espaig
ne
, Arce-
vesque de
ToledeTolete,
et Chan
celier de
Castille.

d’elle Ung des deux Poincts nommez, l’ung Seboleth. & l’aultre Ceboleth. Comme
on peult clerement veoir & Lire au commancement de la Grammaire de
F.Frere Francois Ximenez de Cisneros, Cardinal d’Espaigne, Arcevesque de To-
lede
To-
lete
, & Chancelier de Castille.


De cesdictes .XXVII. lreslettres, comme j’ay desja dict, en ya Cinq qui sont Dou-
bles en Figure, C’est a scavoir. Sadic, Phe, Nun, Mem, & Chaph. & par ainsi
toutes les lettres Hebraiques sont Vingt & sept en Figure diverse. Cesdictes
Cinq lettres Doubles servent pour tousjours estre mises a la fin des dictions,
et les aultres Cinq qui sont semblables en Nom / & differentes en Figure, servent
pour estre mises au Commancement / & au Mylieu des dictions, sans pouvoir
estre mises aulcunement a la fin.


DesDe cesdictes .XXVII. lettres / en ya Quatre qui veulent estre prouferees des Pronun-
ciation
des lreslettres
Hebrai-
ques.
Quatre
lreslettres quasi
semblables
a aultres
Quatre.

Lefvres: & icelles sont Beth, Vau, Mem, & Pe. Il en ya Cinq qui veulent estre
pronuncees des Dents: & icelles sont Zain, Samach, Sadic, Res, & Sin. Il en
ya aultres Cinq qui veulent qu’on les proufere de la Langue: & icelles sont,
Daleth, Teth, Lamed, Nun, & Tau. Oultre en ya Quatre qui veulent estre
pronuncees du Palaix: & icelles sont Gimal, Iod, Caph, & Cof. Il en ya aussi
Quatre aultres qui desirent qu’on les pronunce du Gouzier: & icelles sont
Aleph, He, Heth, & Aain. Notez en oultre que entre lesdictes .XXVII. lettres
en ya Quatre qui sont semblables en Figure a Quatre aultres, & pource deb-
ves bien prendre garde de n’y estre abusez ne deceuz en leur resemblance.


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DECLARATION DES Lettres Hebraiques. FEUIL. LXVIII.

Doncques icelles Quatre sont. Beth, Gimal, Vau, & Mem, qui resemblent
a Caph, a Nun, a Res, & a Samech. Lesquelles jacoit qu’elles sont aulcune-
ment diferentes en Nom & Prolation, si toutesfois ont elles ceste difference entre
elles pour leur dicte figure. Car les Quatre Premieres declinent & tendent
a Quadrangle & Demyquadrangle, & les aultres Quatre declinent a figure Cir
culaire / & Demye circulaire.


Les Noms des Points cy devant mensionnez, qui servent de Vocales, sont Noms des
Points ser
vans pour
Vocales.

telz qu’il s’ensuyt. Pathach, Cames, Hatheph pathach, Cere, Cegol, Seba,
Hatheph segol, Hiric, Holem, Hatheph cames, Surec premier, Surec segond.
Ilz sont Douze en divers Nom / & diverse Figure, mais il y en a Trois qui ser-
vent de le A. & ce sont. Pathach, Cames, & Hatheph pathach. Il y en a Qua
tre qui servent de le E. C’est a scavoir. Cere, Cegol, Seba, & Hatheph segol.
Il y en a ung seul pour le I. & celluy est Hiric. Holem, & Hatheph camez sont
pour O. & les deux Surec pour V. comme porrez veoir en la Figure cy pres en-
suyvant mise apres les .XXVII. lettres.


LEs Hebreux en oultre ont une aultre maniere de Point / qui est dict Dagues.
en son Nom Dagues, lequel est mis au Mylieu & au Ventre de cer-
taines Lettres. Et alors icelles Lettres ayant en elles ce dict Point,
sonnent si fort en pronunciation qu’il semble qu’elles soyent Doubles
ou Geminees. Et quant icelles Lettres sont escriptes sans le dict Point nomme
Dagues, elles sont prouferees doulces & exiles. Il y a tout pareillement ung aul-
tre Point nomme Raphe qui est tout semblable au Point Vocal nomme Pa- Raphe.
thach. & cestuy Raphe est mis sus semblables Lettres / dedans lesquelles Da-
gues peult estre assis. Icelles lettres pour tous deux sont Beth, Gimal, Daleth,
Caph, Pe, & Tau. Il ya en oultre Cinq Lettres qui ne recoivent point en el-
les le dict Point Dagues, & sont celles qui s’ensuyvent. Aleph, He, Heth, Res.
Aain, & Res. Mais toutesfois ceste lettre cy Res, recoit en elle aulcunes-
fois ung Point, & alors sonne plus fort en pronunciation: & icelluy
Point n’est pas nomme Dagues, mais Mapich. comme vous Mapich.
porrez amplement veoir en la Grammaire du susallegue
Chancelier de Castille. Tout pareillement en la Gram Augustin
Justinian

maire de Augustin Justinian Evesque de Nebie,
et tresabundamment en celle que le tresca- Reuclin
vant Reuclin a faicte pour le tressingu-
lier proufit des bons estudiens.


N ij

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[68v]


& ainsi des sequentes Gimal, Beth. Aleph.

           
ה  ד  ג  ב  א 
י  ט  ח  ז  ו 
ם  מ  ל  ך  כ 
פ  ע  ס  ן  נ 
ר  ק  ץ  צ  ף 
ת  ש 

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FEUIL. LXIX.


FIGURES ET NOMS DE POINTS
SERVANS A VOCALES.

                       
ֲ  
Pathach. 

ָ  
Camez. 

ֲ  
Hateph pathach. 

ֵ  
Cere. 

ֶ  
Cegol. 

ְ  
Seba. 

ֱ  
Hateph segol. 

ִ  
Hiric. 

ֹ  
Holem. 

ֳ  
Hateph camez. 

ֻ  
Surec. 

ִֽ  
Surec. 

N. iij.

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[69v] DECLARATION DE LA LETTRE HEBRAIQUE.

Et pource que des susdictes lettres, & des susdicts Points, qui servent de Maniere
de faire
Syllabes
de LresLettres /
& Points

Cinq Vocales, les syllabes sont faictes, vous noterez la maniere de assembler
lesdictes Lettres: & ce sera en mettant exemple en la Lettre Beth, & faisant
discours par tous les Signes & Points servans a Vocales.


Doncques Beth ayant soubz luy le Point nomme Pathach, vault autant
que ceste syllabe cy, Ba. Et aussi quant il a soubz luy Cames, tout pareillement
vault autant que Ba. Quant il a dessoubz luy Hateph pathach, il sonne enco
res Ba. Quant il a Cere soubz luy, il vault autant que Be. Tout ainsi est il de
Cegol, de Seba, & de Hateph segol, estans escripts dessoubz le dict Beth. Icel-
luy Beth ayant soubz luy l’ung d’iceulx / sonne & vault autant que Be. Quant
il a Hiric soubz luy, il vault autant que Bi. Quant il a Holem / ou Hateph Entendez
bien icy.

camez soubz luy, il vault Bo. Et quant il a soubz luy le premier Surec, ou apres
luy le segond Surec, il vault Bu. Ce sera doncques discursivement Ba. Ba. Ba.
Be. Be. Be. Be. Bi. Bo. Bo. Bu. & Bu. Et par ainsi pouvez faire & dire des sus-
dictz Points par toutes les aultres lettres. Si non quant Dagues, Raphe, & Ma
pich, sont en leur lieu assis: comme je vous ay cy devant dict. Des syllabes on
faict les Dictions, & des Dictions l’Oraison, comme porres veoir amplement
aux susdictz bons Autheurs que j’ay alleguez, & en plusieurs aultres.


Notez en oultre que les Hebreux font leurs Nombres en Compte par leurs Lettres
Hebrai-
ques ser-
vent de
Nombres
en compte

Lettres Abecedaires. & ce, aultrement que les Latins & Francois ont coustu-
me de faire. Car iceulx Latins & Francois escripvent & mettent Ung I. pour Ung,
en nombre. Ilz mettent Deux .II. pour Deux. Trois .III. pour Trois. Quatre
IIII. pour Quatre. Et le .V. qui est la Cinquiesme vocale pour Cinq. Mais les-
dicts Hebreux escripvent & mettent Aleph pour Ung en Nombre. Beth pour
Deux. Gimal pour Trois. Daleth pour Quatre. He pour Cinq. Vau pour Six.
Zain pour Sept. Heth pour Huit. Teth pour Neuf. & Ioth pour Dix. Caph
pour Vingt. Lamed pour Trente. Mem pour Quarante. Nun pour Cinquan-
te. Samach pour Soixante. Aain pour Septante. Pe pour Huitante. Sadic
pour Nonante. & Coph pour Cent. Res pour Deux Cens. Sin pour Trois
Cens. & Tau pour Quatre Cens.


Aulcuns escripvent & mettent en Nombre Cinq Cens. Six Cens. Sept Cens.
Huit Cens. & Neuf Cens par les Cinq lreslettres Finalles. C’est a scavoir. Cinq Cens
par Chaph. Six Cens par Mem. Sept Cens par Nun. Huit Cens par Phe. &
Neuf Cens par Sadic. Mais ceste maniere de nombrer par lesdictes Cinq lreslettres
Finalles n’est pas tenue ne observee de tous. Car le Commun usage est de assem-
bler les lettres Abecedaires les unes avec les aultres en ceste facon. Pour Cinq
Cens / ilz mettent Tau, & Cof ensemble. Car Tau vault seul Quatre Cens, &
Cof Cent. Ainsi fault faire des aultres lettres / les adjouxtant les unes aux aul-
tres selon le Nombre qu’il vous plaira faire ou escripre.
Pour Cause de brevete je passe oultre: & viens aux Lettres Grecques. Des-
quelles diray superficiellement, comme j’ay cy devant dict des Hebraiques.


LEs Grecs ne lisent pas a Gauche ne retrogradant comme les Hebreux.
mais a droict en procedant de la partie de la main Gauche / a la main
Droicte. Comme font les Latins / & les Francois. Noms
de lettres
Grecques.

En la langue Grecque ya .XXIIII. Lettres, desquelles les Noms
s’ensuyvent. Alpha. Vita. Gamma. Delta. Epsilon. Zita. Ita. Thita. Iota. Cap-
pa. Lambda. Mi. Gni. Xi. Omicron. Pi. Rho. Sigma. Taf. Ypsilon. Phi. Chi.
Psi. & Omega. Les figures desdictes .XXIIII. lettres sont comme il s’ensuyt en
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DECLARATION DE LA LETTRE GRECQUE. FEUIL. LXX.
Majuscules. Α. Β. Γ. Δ. Ε. Ζ. Η. Θ. Ι. Κ. Λ. Μ. Ν. Ξ. Ο. Π. Ρ. Σ. Τ. Υ. Φ. Χ. Ψ. Ω.
Et en lettres Menues qu’on dict Lettre courant. α. β. γ. δ. ε. ζ. η. θ. ι. κ. λ. μ.
ν. ξ. ο. π. ρ. ς. σ. τ. υ. φ. χ. ψ. ω.
Desquelles la Valleur & Declaration est comme Conferen
ce des let
tres Grec
ques aux
Latines.

il s’ensuyt. Alpha vault autant que ung A. Vita vault ung B. & aulcunesfois
ung V. Consone. Gamma vault ung G. Delta ung D. Epsilon est ung E, qui
Veult estre pronunce doulx. Zita est ung Esd, C’est a dire une telle lettre qui s’en-
suit .Z. Ita vault ung I. long en quantite de syllabe metrique, & souvant est mue
& change de Grec en Latin pour E. long en quantite de syllabe metrique. Thita
vault ung Th. Iota est ung I. tousjours vocale en Grec. En Latin & en Fran-
cois la Lettre I. est aucunesfois Consone. Cappa. Vault ung K. aucunesfois ung
C. & aucunesfois ceste lettre Q. Lambda vault la lettre L. Mi. Vault M. Gni.
vault N. Xi vault la lettre .X. Omicron vault O bref en quantite de syllabe me-
trique. Pi vault ung P. Rho vault R. Sigma vault S. Taf vault T. Ypsilon vault
le I. doulx & mol a pronuncer. Car il veult estre pronunce beaucopbeaucoup plus doulx &
mol que I. Vocale latine. Phi vault Ph. Chi vault Ch. Psi vault Ps. & Omega
vault O long en quantite de syllabe metrique.


Les susdittes XXXIIII. Lettres sont tout Premierement divisees en deux
parties. en Vocales / & en Consones. Les Vocales sont Sept en nombre nom- Vocales
Sept.
Consones
XVII.

mees & escriptes comme il s’ensuit. Alpha. Epsilon. Ita, Iota. Omicron. Ypsilon.
& Omega. Α. Ε. Η. Ι. Ο. Υ. Ω. Les Consones sont en nombre Dix & sept. C’est Vocales.
Η. Ω.
Ε. Ο.

a scavoir. Vita. Gamma. Delta. Zita. Thita. Cappa. Lambda. Mi. Gni. Xi. Pi.
Rho. Sigma. Taf. Phi. Chi. & Psi. Β. Γ. Δ. Ζ. Θ. Κ. Λ. Μ. Ν. Ξ. Π. Ρ. Σ. Τ. Φ. Χ. Ψ. Α. Ι. Υ.
& en lettre Menue & courant. β. γ. δ. ζ. θ. κ. λ. μ. ν. ξ. π. ρ. ς. σ. τ. φ. χ. & ψ.


Des susdittes Sept vocales en ya Deux longues de leur primitive nature
en quantite de syllabe metrique. & celles sont Ita & Omega. Η. Ω. η. ω. Il y en
a Deux Breves. & celles sont Epsilon C’est a dire e / tendre & sec qui n’est point
aspire. & Omicron C’est a dire o bref. Ε. Ο. ε. ο. Il y en a aussi Trois Communes,
qui peuvent aucunesfois estre longues en prolation de syllabe / & aucunesfois
breves. & celles sont. Alpha. Iota. & Ypsilon. Α. Ι. Υ. α. ι. υ. Desquelles Sept Six
Diph-
thongues
Propres.
ΑΙ. αι.
ΑΥ. αυ.
ΟΙ. οι.
ΕΥ. ευ.
Ε Ι. ει.
ΟΥ. Ου.

Quatre,
Diph-
thongues.
impro-
pres.
Αι. ᾳ.
Ηι. ᾳ.

Vocales Six Diphthongues Propres peuvent estre faictes. Car de Alpha & de
Iota est faicte ceste Diphthongue propre ΑΙ. αι. De Alpha & Ypsilon est
faicte aussi ceste DiphtgongueDiphthongue propre. ΑΥ. αυ. De Omicron & Iota est faicte.
ΟΙ. οι. De Epsilon & Ypsilon. ΕΥ. ευ. De Epsilon & Iota. Ε Ι. ει. & de Omicron
& Ypsilon. ΟΥ. Ου. Lesquelles DisphthonguesDiphthongues propres sonnent en pronuncia-
tion. AE. AF. EF. I. & O. Oultre ces dittes Cinq Diphthongues propres en
y a Quatre Impropres. & sont dittes Impropres pour ce qu’elles ne sont pas escri-
ptes chacune a part soy de deux Vocales entieres. mais la derniere Vocale en
icelles est aucunement diminuee de sa figure / ou changee de lieu. Cesdittes Diph-
thongues Impropres sont Quatre en nombre / & sont faictes comme il s’ensuit.


La premiere est faicte de le Alpha entier / & de Iota la moitie pluspetit en
haulteur que le dict Alpha. Et en Lettre courant elle est faicte du dict Alpha
entier & de Iota converty en ung point bien petit, & assis tout au mylieu du des-
soubz du dict Alpha. en ceste facon. Αι. ᾳ. & ceste Diphthongue ainsi faicte
est pronuncee comme. A.


La Segonde Diphthongue Impropre est faicte en lettre majuscule de Ita
& de Iota subsequent la moitie plus petit en haulteur que Ita. En lettre courant
Iota converty en ung petit point est tout droit assis soubz le mylieu du dict Ita.
en ceste facon. Ηι. ᾳ. & ceste Diphthongue ainsi escripte, veult estre pronuncee
comme I. long en quantite de syllabe metrique.


La Tierce Diphthongue Impropre en lettre majuscule est faicte de Ome-
N.iiij.
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[70v] DECLERATIONDECLARATION DE LA LETTRE GRECQUE.
ga & de Iota subsequent la moitie pluspetit que le dict Omega. En lettre cou-
rant le Iota converty en ung petit point veult estre assis droit soubz le mylieu Ωι. ωι.
de le Omega. En la facon qui s’ensuit. Ωι. ωι. & ceste Diphthongue Impropre
veult estre pronuncee comme O long en quantite de syllabe metrique.


La Quatriesme & derniere Diphthongue Impropre en lettre majuscule / Υι. υι.
est faicte de le Ypsilon & de Iota la moitie plus petit que le dict Ypsilon. Mais
en lettre courant le Iota veult adherer a le Ypsilon par derriere, & avoir sa queue
pendant & plus basse que le Ypsilon n’a sa pense d’embas. en ceste facon. Υι. υι
Et ceste Diphthongue Impropre sonne en pronunciation comme. Υ. a moitie
proufere doulx & solide.





Le reste des lettres Grecques, comme est dit cy devant, sont toutes Con- Consones
Semivo-
cales.
Doubles
Liquides
Mutes.

sones & sont en nombre .XVII. Desquelles ya Huit Semivocales. Zita. Xi.
Psi. Lambda. Mi. Gni. Rho. & Sigma. Qui sont ainsi figurees. Ζ. Ξ. Ψ. Λ. Μ. Ν.
Ρ. & Σ.
Desquelles Semivocales. en ya Trois Doubles. Ζ. Ξ. & Ψ. & Quatre Li
quides Λ. Μ. Ν. & Ρ. Les autres Consones qui restent sont Mutes. & icelles sont
Neuf en nombre total. Β. Γ. Δ. Κ. Π. Θ. Φ. & Χ.Β. Γ. Δ. Κ. Π. Τ. Θ. Φ. & Χ. Desquelles en ya Trois non aspi-
rees Κ. Π. & Τ. Trois aspirees. Θ. Φ. & Χ. Et Trois moyennes, C’est a dire, qui
sont a demy non aspirees, & a demy aspirees. Β. Γ. Δ. Desquelles toutes sus- Constan
tin Lasca
ris.
Chry-
soloras.
Vrban.
Theodore GazaTheodo
se Gaze
.

dittes .XXIIII. lettres cy devant declarees & faictes en leur figure, Les Sylla-
bes peuvent estre faictes. & des Syllabee les Dictions, & pareillement
des Dictions l’Oraison. comme pouvez veoir amplement en la
Grammaire de Constantin Lascaris. de Chrysoloras. du
docte & elegant Vrban. de Theodore GazaTheodose Gaze, & de
maints autres nobles & bons Autheurs
tant / Anciens que Modernes.


CY APRES S’ENSUIVENT LES
LETTESLETTRES GRECQUES EN FI-
GURES MAJUSCULES.


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FEUIL. LXXI.


Alpha. Vita. Gamma. & ainsi des sequentes.


Α Β Γ Δ Ε Ζ

Η Θ Ι Κ Λ

Μ Ν Ξ Ο Π

Ρ Σ Τ Υ Φ

Χ Ψ Ω ; ·


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[71v]


DECLARATION DES LETTRES LATINES.


APres les Lettres Grecques viennent les Latines que j’ay cy devant Notez
bien icy
que c’est
Des Let
tres
Latines.

en nostre toutal Oeuvre tousjours dictes & appellees Attiques. & ce /
a bonne raison. Car la plusgrande partie des Lettres qu’on dit vul-
gairement Lettres Romaines sont en valleur & Figure purement
Grecques. comme pouvez veoir & entendre si vous y voulez bien prendre garde:


Les Romains ont pris des Grecqs Le Alpha, le Vita, le Gamma, du quel
ilz ont faict leur Lettre .L. en tournant le summit au bas. Ilz ont pris Epsilon.
Le Zeta. La vocale Longue nommee Ita. & en ont faict leur aspiration. Ilz
ont pris Iota. & Cappa. Ilz ont, disje, pris Lambda, & en tornant le Chef au
pied en ont faict leur Cinquiesme Vocale V. Ilz ont pris Mi, & Gni. Omicron.
& Rho. du quel ilz ont faict leur Lettre P. Ilz ont pris Taf. Ypsilon & Chi. du
quel abusivement ilz onont faict leur Lettre .X. Desquelles Lettres toutes susnommees
les Figures sont comme il s’ensuit. Α. Β. Γ. ainsi retorne. L. Ε. Ζ. Η. Ι. Κ. Λ. ainsi torne
V. Μ. Ν. Ο. Ρ. Τ. Υ. & Χ. qui sont en nombre XVI. Parquoy de Lettres pu-
rement Latines n’y a que .C. D. G. &. La lettre F. encores n’est elle pas Latine, mais Mension
des Let-
tres Fran-
coises.
XXIII.
Lettres
VI. Vo-
cales.
XVII.
Consones
Entendez
bien icy.
Vocales
Preposi-
tives &
Subjun-
ctives.
V. Diph
thongues.
Mension
de la Lan
gue Fran
coise.
VII. Se-
mivoca-
les.
VIII.
Mutes.
IIII. Li-
quides.
II. Dou-
bles.
K. & S.

Eolique / & consecuiutementconsecutivement Grecque. Car les Eoliens qui l’ont inventee sont une
Noble Nation en Grece. Ilz l’ont faicte comme j’ay dit ja par plusieurs fois de
Gamma assis sus ung autre Gamma. La lettre .R. tout pareillement est faicte
de la lettre Grecque nommee Rho, en luy adjouxtant a la panse une jambe a de-
my couchee. Par ainsi pouvons conclure que les Latins n’ont que Cincq Let-
tres propres. C. D. G. Q. & S. Noz lettres Francoises ne sont pas ainsi prises
ne des Grecques ne des Latines mais plustost sont en leur Figure icy Natives
& Domestiques. On porroit toutesfois penser qu’elles ont quelque resemblan-
ce en Figure / aux Hebraiques, pource que pour la plusgrande partie elles accedent
a l’Art & Forme d’icelles, comme porrez veoir cy pres ensuyvant aux Ca-
deaulx de Lettre Francoise, & en la Lettre de Forme. tout pareillement en la
Bastarde & en la Torneure.


Les Latins doncques tant en Lettres empruntees que propres en ont
en total Nombre vingt & trois. A. B. C. D. E. F. G. H. I. K. L. M. N. O. P. Q.
R. S. T. V. X. Y. Z. Lesquelles tout premierement sont divisees des Grammai-
riens en Six Vocales .A.E.I.O.V.Y. & Dix sept Consones. B. C. D. F. G.
H. K. L. M. N. P. Q. R. S. T. X. Z. Les Vocales sont divisees en Deux nom-
bres. En Vocales Prepositives & en Subjunctives. Les Prepositives sont Trois
A. E. O. Les Subjunctives aussi Trois. E. V. I. Le Ypsilon demore sans estre pre
mise ne soubz mise en Diphthongue Latine, Mais en Diphthongue Francoi-
se, elle est bien souvant / & en plusieurs manieres Subjunctive, comme porrez
cognoistre facilement en lisant Livres en Langage Francois.


Les Vocales sont dictes Prepositives & Subjunctives pource qu’elles peu-
vent les aucunes, comme est dict, estre premises & soubz mises aux autres pour
en faire Diphthongues, qui sont en nombre Cincq. AE. OE. AV. EV. EI. pour
la Langue Latine Mais pour la Langue Francoise en ya oultre & avec cesdit-
tes Cincq plus de Sept autres, comme porra veoir celluy qui y avisera bien.


Les .XVII. Consones sont divisees en Sept Semivocales. L. M. N. R. S.
X. Z. & en Huit Mutes. B. C. D. F. G. P. Q. T. Les dittes Semivocales sont di
visees en Quatre Liquides. L. M. N. R. & Deux Lettres Doubles. X. Z. Ces
deux Lettres cy K. & S. selon Alde, & autres bons Autheurs, demorent simples
& pures Consones. Des Lettres on faict les Syllabes, des Syllabes les Dictions
& des Dictions l’Oraison. Faictez en vostre debvoir.


S’ENSUIVENT LES DITTES LETTRES QU’ON
DICT LATINES ET ROMAINES.


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FEUIL. LXXII.


LETTRES LATINES.


A B C D E F

G H I K L M

N O P Q R

S T V X Y

Z . , I H Σ .


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[72v]


DECLARATION DES LETTRES FRANCOISES.


NOus avons en nostre usage commun de France plusieurs manie- Notez
pour
quoy sont
dits Ca-
deaulx.

res & facons de Lettres. Nous avons Cadeaulx qui servent a estre
mis au commancemant des Livres escripts a la main & aux comman-
cemant des Versetz aussi escripts a la main. Iceulx Cadeaulx veul-
lent estre plus haulx que leur Lettre Lineaire qui les suyt / d’un quart de haulteur.
& pource sont ilz dits Cadeaulx quasi comme Quadreaulx, qu’ilz doibvent qua-
drer & accorder d’un quart a leur lettre Lineaire & Textuaire. Les Maistres d’E-
scripture les agencent & enrichicent de fueillages, de visages, d’oyseaulx, & de Sigismun-
de Fante

mille belles choses a leur plaisir pour en faire leurs monstres. Sigismunde Fan-
te noble Ferrarien en son livre intitule. THESAVRO DE SCRIT-
TORI
. Les a faicts de bonne ordonnance / si non qu’ilz sont trop meisgres &
affamez. Je les vous baille cy ensuivant en leur ordinaire ordonnance, & sans
les avoir dechiquetez. Si les voulez enrichir, faictes en a vostre bon plaisir.


TOut pareillement nous avons Lettre de Forme. qui veult estre Cincq Lettre de
Forme.

fois aussi haulte que large en jambe courte, comme en le I. & autres
jambes qui sont faictes du idctdict I. Les Lettres Longues / cmecome sont.
b. d. f. h. k. l. p. q. s. t. x. z. veullent estre sept fois aussi haultes que lar-
ges, La quellleLa quelle chose le susdict Sigismunde Fante n’a pas assez bien observe en
son dict livre. Car il la faicte trop longue & meisgre. Lettre
Bastarde


OUltre la Lettre de Forme nous avons la Lettre Bastarde qui est qua- Lettre
de Tor-
neure.

si de mesme art que la susditte Lettre de Forme si non qu’elle est plus Divers
Noms de
Lettres
d’Impres
sion.
Alde.
Sigismun
de
Fante.
Langage
en vulgar
Italien.
Lettres
persienes
Arabic-
ques.
Aphri-
caines.
Turques
& Tarta
riennes.

meisgre, & qu’elle veult estre faicte quasi comme Lettre Courant. Le
susdict Sigismunde la voulu faire en son dict livre par Quarres & par
Ronds, mais il se y est abuse, en la faisant trop afamee & meisgre, & en fendant
en deux poinctes le Summit des Lettres longues, & la Queue aussi desdittes
Lettres longues.


Nous avons davantage Lettres de Torneure desquelles les Anciens escrip-
voient Epitaphes sus les Tumbes des trespasses. Ilz en escripvoient aussi en vi-
stres, en tapisseries, comme on peut veoir en beaucopbeaucoup de vieulx Monasteres,
mais aujourd’huy les Imprimeurs en font Les Commancemans de leurs Livres
& des Chapistres d’iceulx. En Impression ya maintes diverses manieres de Let
tres. Comme Lettre de Forme, qu’on dict Canon. Lettre Bastarde de la quelle
on a tousjours par cy devant Imprime livres en Francois. Il y a Lettre Ronde.
Lettre Bourgeoise, Lettre de Sommes. Lettre Romaine. Lettre Grecque Let-
tre Hebraique. & Lettre Aldine qui est ditte Aldine pource que Alde le Noble
Imprimeur Romain demourant & imprimant nagueres en Venise a mis en usa-
ge. Elle est gratieuse pource qu’elle est meisgre comme est la lettre Grecque cou
rant / & non Majuscule.


Apres ces Quatre susdittes LresLettres Francoises. C’est a scavoir. Cadeaulx. Forme
BastadeBastarde. & Torneure. Je vous ay faict les Lettres que le susdict Sigismunde dict
qui servent aux Perses. aux Arabes. aux Aphricains, aux Turchs & aux Tarta-
res. Car il dict ainsi soubz celles que j’ay ensuyvies apres luy. Questo Alphabet
to serve a Persi. a Arabi. Aphricani, Turchi & Tartari.
C’est a dire en langage
Francois. Cest Alphabet & A. B. C. sert aux Perses, aux Arabes, aux Aphricains
aux Turcs, & aux Tartares. Icelles lreslettres veullent estre leuues[sic] a gaucgegauche comme les
Hebraicques. & leurs noms sont comme il s’ensuit en commanceant tousjours a la fin d’une
chascune ligne. Aliph. Be. Te. The. Zim. Che. Chi. Dal. Zil. Iz. Xe. Sin. SSin.
Sat. Zat. Ty. Zi. Hain. Gain. Fe. Caph. Eiep. Lam. Mim. Nim. Vau. Eliph.
Lam. Ge. Nulla. Elles sont Trente en nombre, & y en ya qui sont nommees com
me les Hebraiques, toutesfois elles sont differentes en Figure.


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FEUIL. LXXIII.


ORDRE DES LETTRES ADJOUXTEES.


J’Ay aussi ensuyvy ledict Sigismunde Fante es Noms & figures des Lettres
Caldai-
ques.

Lettres Caldaiques qui sont en Nombre Vingt & deux. Et veullent
aussi estre leuues[sic] a Gauche comme lessusdictes Hebraiques, & Ara
biques. Desquelles les Noms sont en la maniere qui s’ensuyt. Aleph, Noms des
LresLettres Cal
daiques.
Moyse.

Beth, Gimel, Daleth, He, Vau, Zain, Heth, Theth, Iod, Caph, Lamed,
Mem, Nun, Samech, Hain, Pe, Zadi, Cof, Ress, Scin, Tau. Le dict Fante
dit que les Hebreux en usoient au temps de Moyse estans aux deserts. Ses propres
mots sont en la forme qui s’ensuyt. Questo soprascritto Alphabeto e Caldeo
el quale usavano li Hebrei nel tempo de Moyse nel deserto.
C’est a dire. Cest
Alphabet est Caldean, du quel usoient les Hebreux au temps de Moyse au desert.


PUis apres les Lettres Caldaiques viennent en leur ordre les Lettres Lettres
Goffes.

Goffes & Lourdes, que Sigismunde Fante appelle Lettres Impe-
rialles & Bullatiques, mais je les appelle Goffes & Lourdes, pour-
ce qu’elles demorerent en RomeRomme du temps que les Goths la subverti
sentrent & misentmirent en cendre / avec toutes bonnes Sciences & Lettres, tellement que ce
n’eussent este les volumes des Digestes / toute la langue Latine fust perie & ani
chilee. Doncques les miserables Romains apres leur destruction en despit des
susdicts Gotz, quant ilz vouloient dire quelque chose estre lourde, ilz l’appel-
loient Gotte: & par succession de temps en corrumpant le vocable Goffe, du
quel vocable Goffe, pour chose lourde & mal seyante ilz usent encores aujourd’huy.


LEttres Phantastiques viennent apres en leur Ordre, lesquelles je vous Lettres
Phanta-
stiques.

ay figurees apres ung Exemple que j’ay aporte de RomeRomme. Je scay bien
qu’il il y en aura des Moucqueurs, mais je les lairray patientement dire
me contentant prendre plaisir faire honneste service a ceulx qui ayment
bonnes choses. S’il ya quelcun qui les blasme. les bons les loueront & estimeront
tant pour l’ancienete d’icelles / que pour ce que je les mets en veu publique.


Les Egyptiens en leurs Cerimonies escripvoient par Images comme l’ancien Au
theur nomme Orus Apollo le descript moult bien au long en Grec. On le treuve Orus
Apollo.

en Latin aussi, & je l’ay translate en Francois / pour en avoir faict ung present a ung
myen bon seigneur & amy. Les dicts Egyptiens, comme j’ay dict escripvoient
par Images: afin que le rude Peuple ne peult entendre leurs Cerimonies / sans avoir
cognoissance de profunde Philosophie. Car leurs escriptures qu’ilz faisoient /
estoient excogitees en la nature des bestes, d’oyseaulx, de poissons, de mouches,
et de mille aultres choses semblables, comme porres veoir facilement & ample-
ment on dict Orus Apollo J’ay veu de ces escriptures la / par Images dedans RomeRomme
en ung Porphire qui est en la grande Place devant le front de nrenostre Dame la ronde,
et en une Esguille & Pyramide qui est pres l’esglise des Cordeliers In ara coeli:
pres le Capitole, & en une aultre Esguille qui est pres la Minerve, pareillement
en une maison qui est pres le Palais du Mont Jordan, ou il ya en painture, com-
me j’en ay aporte le double, une teste de Beuf / ayant pendu aux deux Cornes
deux Houes, puis une Grenoille, & au dessus d’elle ung Oueil, en apres une
Chauferette plaine de feu, ung Visaige d’homme, ung vaisseau vuydant de l’eaue,
des Violettes en ung Pot, ung Oueil sus une sole de Soulier, une Ancre de na-
vire, une Grue tenant une pierre de l’ung de ses pieds, & ung Daulphin sus une
Lampe qui est tenue d’une main. En ceste facon la, comme j’ay dict, les Egyptiens
escripvoient par Images: comme le porres veoir & entendre au susallegue Ancien Aeuum.
Vreus.
Basiliscus
serpens.

" AutherAutheur Orus Apollo, qui dict tout au commancement de son Oeuvre. Aeuum si
" gnificantes, Solem & Lunam describunt, eo quod sint hi Planetae aeui elementa. Aeuum
" aliter scribere volentes, Serpentem pingunt caudam reliquo corpore regentem. eum vocant
" Aegyptij Vreum, id est Basiliscum: quo quidem aureo formato Deos circun- O.j.
Fac-similé BVH

ORDRE DES LETTRES ADJOUXTEES.
dant. Aeuum autem dicunt Aegyptij per hoc aialanimal significari, quem cum sint tria ge-
nera serpentum, caetera quidem moriuntur. Hoc solum est immortale. Hoc & quodlibet
aliud animal solo spuspiritu afflans / absque morsu interimit. Vnde cum vitae & necis potesta
tem habere videatur, propter hoc ipsum Deorum capiti imponunt.
L’exposition en lan Le Aage
gage Francois est come il s’ensuyt. Les Egyptiens voulans signifier le Aage perpe- Nature
tuel, font en Painture ou deseing ung Soleil / & une Lune, pource que ce sont Le ser-
pent
Ba
silisc

deux Planetes qui sont de treslongue duree. Voulant escripre aultrement icelluy Basilisc
immortel

Aage / ilz deseignent ung Serpent ayant sa queue mussee dessoubz son corps. &
celluy Serpent est dict & apelle des dicts Egyptiens Vreus. C’est a dire, Basilisc.
Ilz le font d’or, puis le mettent entour leurs Dieux, & disent que le Aage est signi-
fie par ce dict Serpent / pource que jacoit qu’il y aye trois manieres de Serpens,
si toutesfois cestuy seul est immortel, & est de telle nature / que de son sifflement sans
morsure quelconque / il tue toute aultre beste & chose vivant.

Je reviens doncques a noz Lettres Fantastiques, & dis que a l’imitation &
maniere des escriptures Egyptiennes / elles sont faictes par Sinacles & Images,
mais elles ne sont pas faictes par raison de Philosophie naturelle / comme lesdictes
Egyptiennes. La Premiere est ung A. signifie par ung Compas ouvert. La Se
gonde est ung B. signifie par ung Fusy. La Tierce ung C. signifie par une Anse
Et ainsi consequentement de toutes les aultres. Si vous avez desir d’en veoir a la Poly-
phile.

maniere des Egyptiens / vous en trouverez en Polyphile de belles & bien fai-
ctes en beaucopbeaucoup de bons passages.


NE voulant plaindre mes peines a vous faire gratieux service, je vous
ay aussi en oultre adjouxte les Lettres Utopiques que j’apelle Uto- Lettres
Utopiques.
Morus
l’Anglois
Lettres vo-
luntaires.

piques pource que Morus l’Anglois les a baillees & figurees en son
Livre qu’il a faict & intitule. Insula Vtopia. L’isle Utopique. Ce sont
Lettres que pouvons appeller Lettres voluntaires / & faictes a plaisir: comme
sont celles que les Chyfreux & Dechyfreux font en telle figure & forme qu’ilz
veulent / pour en mander nouvelles qu’on ne puisse entendre sans avoir le A. B. C.
desdictes Lettres voluntaires.


EN faisant fin a nostre total Oeuvre, & louant nostre seigneur Dieu,
pareillement en prenant humble & gratieux conge de vous, je vous
ay mis avec toutes les susdictes diverses sortes de Lettres, des lettres
qui sont Fleuries, c’est a dire environnees de Fleurs & Feuilles Anti-
ques pour en user a faire LreLettre d’or / ou de couleurs en beaulx Livres, tant escripts
a la main / que faicts en Impression.


La maniere de faire Chyfres qu’on a de coustume faire en Bagues d’or, en Maniere
de faire
Chyfres
en Baguez
d’or
et aultrement.

Tapisserie, en Vistres, en Painture, & plusieurs autres manieres / pour en signi
fier les Noms & Surnoms du Seigneur & de la Dame, est qu’il fault prendre les
Premieres Lettres desdicts Noms & Surnoms: & les entrelacer d’une alliance qui
soit bien convenable. Car il ya des Lettres qui accordent myeulx les unes avec
les aultres que d’aulcunes, & quant l’accord se treuve bel & plaisant a l’oueil, sachez
que secretement ces divines Lettres la / denotent quelque infusion de grace convena
ble entre ceulx de qui tel Chyfre est faict. Mais notez que les meilleurs Chyfres
ne veulent estre que de Deux Lettres, ou de Trois, ou de Quatre au plus. S’il y en
a davantage / c’est merveilles s’ilz rencontrent bien. Car trop des Lettres ensemble /
n’ont grace emplus que ung faisseau d’espines, entendu que les unes estans sus les aul-
tres font une confusion qu’on ne scait de tout que c’est. On ne scait si ce sont Let-
tres, ou espines, ou doibsje dire ung Nyd de Pie. Faictez les du moings de lreslettres
que vous porrez: & vous reiglez sus ceulx que je vous ay cy ensuyvant bien faictz.


Fac-similé BVH

FEUIL. LXXIIII.


CADEAULX.




O. ij.

Fac-similé BVH


LETTRE DE FORME.


Fac-similé BVH

FEUIL. LXXV.


LETTRE BASTARDE.

O. iij.

Fac-similé BVH


LETTRES TOURNEURES.





Fac-similé BVH

F. LXXVI.


Lettres Persiennes, Arabiques, Aphricaines, Turques, & Tartariennes.




O.iiij.

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LETTRES CALDAIQUES.

Et ainsi des sequentes. Gimel. Beth. Aleph.






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F. LXXVII.


Lettre Goffe, aultrement dicte Imperialle & Bullatique.



O.v.

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LETTRES FANTASTIQUES.




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F. LXXVIII.


Lettres Utopiques / & Voluntaires.




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LETTRES FLEURIES.




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F. LXXIX.


CHIFRES DE LETTRES ENTRELACEES.




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[79v]


BREVE INSTRUCTION POUR FAIRE CHIFRES.


ON porroit faire Chifres aussi des Lettres Grecques / en les alliant & Diversi-
te de vo-
luntez.

entrelaceant les unes avec les autres. Lettres
sont si No
bles &
Divines
qu’elles
ne veul-
lent estre
mutilees.
Si porroit on bien faire de main-
tes autres diverses sortes de Lettres selon que le plaisir du Seigneur
ou de la Dame, ou de tous deux / le vouldroit choysir. Diverses Per-
sonnes les veulent en diverses facons. J’en voy d’aucuns qui les ordonnent & font
assez bien, & ce sont ceulx, comme j’ay devant dict, qui les font de Deux Let-
tres ou de Trois entieres. J’en voy d’autres qui adjouxtent tant de Lettres les
unes avec les autres, qu’il n’y a pas une desdittes Lettres qui demeure en son en-
tier, & qui pis est, Ilz en font les unes Manques / les autres Mutilees, & les au-
tres la moitie pluspetittes, qui est contre l’art de toute bonne Lettre, Il vous con-
vient Noter que Les Lettres sont si Nobles & Divines qu’elles ne veullent au-
cunement estre contrefaictes, mutilees, ne changees de leur propre Figure. Tresbel-
le & bon-
ne Com-
paraison
Car
comme j’ay dict & tesmoigne tresabundantement en plusieurs Lieux de tout no-
stre Oeuvre & Livre, elles resemblent au corps humain, sus la Proportion du
quel je vous ay deseigne Les Attiques. Qui osteroit le Bras, la Jambe, ou la Te-
ste d’un Homme, Il ne seroit plus Homme, mais resembleroit plustost a une Soche,
ou a ung arbre trunque. Autre
belle &
bonne
Compa-
raison.
Aussi pareillement qui mutile une Lettre de quelque fa-
con qu’elle soit, elle n’est plus Lettre, mais Grimace, ou chose si meschante qu’on
ne luy scauroit bailler assez competent Nom, qui ne vouldroit dire que ce fust
Ung Monstre. D’autre part / mettre & assembler trop de Lettres emsemble, ne
peuvent estre cogneues ne discernees en plus que seroient cogneuz & discernez
Quinze ou Vingt Hommes estans tous les ungz sus les autres en ung tas. Quant
on voit Deux Hommes sus pieds l’un pres de l’autre, ou Trois, ou voyrement
Quatre, on peut bien discerner l’Un de l’autre, Mais encores au nombre de Qua-
tre en ya il quelcun qui ne peut estre bien veu en son entier, pour l’empesche
que celluy qui est devant luy / luy faict. Et pourtant mes bons Seigneurs?, & de-
vots Amateurs de Bonnes Lettres?, quant il vous plaira faire Chiffres en Bagues
d’or / ou autrement? faictez les de Deux, de Trois, ou de Quatre Lettres, sans en
corrumpre / ne diminuer une de sa Figure, & vous ferez tresbien.


Je vous en ay cy devant faict de Dix facons seullement, Les ungz de Deux
Lettres, Les autres de Trois, Les aucuns de Quatre, & les autres de plus, mais
j’ay faict ceulx de plus / non pas pour vous induyre & persuader a debvoir ainsi
tousjours faire, mais pour vous monstrer que la trop grande multitude de Let-
tres les unes sus les autres / se confundent entre elles. & n’ont pas si bonne grace
ensemble que ont. Deux ou Trois, ou Quatre au plus. Je vous en eusse peu fai-
re de Cincq Cens ou Mille diverses belles & bonnes facons, mais s’il vous agree
vous y esbatre en ferez tant / & si peu qu’il vous plaira. Le passetemps est treshon
neste a vous y exercer, pour ceste heure feray fin a Nostre Livre louant Nostre
Seigneur JESUS me y avoir de sa grace aide, & le priant vous donner son
Amour a vostre bon desir.


LA FIN DE L’INSTRUCTION
POUR FAIRE CHIFRES.


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FEUIL. LXXX.


Cy finist ce present Livre, avec l’Addition de Treze diverses facons de Lettres,
Et la maniere de faire Chifres pour Bagues d’or, ou autrement. Qui fut acheve
d’imprimer Le mercredy. xxviij. Jour du Mois d’Apvril. L’an Mil Cincq Cens.
XXIX. Pour Maistre GeoffroyGeofroy Tory de Bourges. Autheur dudict Livre, &
Libraire demorant a Paris, qui le vent sus Petit Pont a l’Enseigne du Pot Cas-
se
. Et pour Giles Gourmont aussi Libraire demorant au dict Paris, qui le vent
pareillement en La Rue Sainct Jaques a l’Enseigne des Trois Coronnes.


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Première publication : 20/07/2010