Imagination poetique, Lyon, 1552

Bibliothèques Virtuelles Humanistes - Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance, Tours

IMAGINATION
POETIQUEPOETIQVE,
Traduicte en vers François,
des Latins, & Grecz, par
l’auteur mesme
d’iceux.

HORACE EN L’ART.
La Poësie est comme la pincture.







A LYON,
Par Macé Bonhomme.
1552

AVEC PRIVILEGE.

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Première publication : 22/09/2016






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[2]

IL EST COMMANDE’ de la part
de Monseigneur le Lieutenant general, au gouver
nement
gouuer
ment
de Lyonnois, à Macé Bonhomme Im-
primer ce present oeuvreoeuure Intitulé Imagination
Poëtique
, tant en latin, que en Francois, avecauec inhi-
bitions & defenses à tous autres de l’imprimer ou
faire imprimer dedansdedās trois ans, sur peine damende
arbitraire, & de confiscation desdictes impressionsimpressiōs.
Fait à Lyon, le vingtneufviémevingtneufuiéme d’Aoust mil
cinqcens cinquante deux.

JI. Tignac.





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3


AUAV SEIGNEURSEIGNEVR
JEANIEAN ANTOINE
Gros, VALET de chambre du
Roy, TRESORIER
des Fortifications
de LYON.
Barptolemy Aneau Salut.


L’ARBRE transplanté de son
sauvagesauuage, & propre tige naturel,
en unevne ente plus franche, par in-
corporation en icelle, mieux ve-
jetée
ve-
ietée
, & elevéeeleuée en clair espace de
l’air lumineux, provientprouiēt puis apres
de plus beau, & plus gracieux regard. D’advantageaduantage
en porte fruyt plus delicieux, & agreable au goust.


SEMBLABLEMENT unvn ouvrageouurage
(mesmement de litterature) transmis de son propre
auteur, (qui ne seroit encor de grand nom) par pre-
sent, ou dedication, à quelque noble, franc, & ver-
tueux personnage de renom, qui pour sien le dai-
gneroit recevoirreceuoir: adonc’ en est apres luy, de tous
mieux receu, & approuvéapprouué: & le fruyct (si aucun en
y a) mieux recueilly, & meilleur trouvétrouué. Parce que
le personnage de nom, & d’honneur, donne lustre, A ij




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à l’oeuvreoeuure à luy presentée, & de son honneur le hon
nore, en le faisant par l’enterinement de sa Dedi-
cation receuë, elevereleuer en claire lumiere publique
par estre veu de plusieurs, lesquelz autrement ne
le daigneroient regarder, ou moins l’estimeroyentestimeroyēt.
Et neantmoins l’honneur du personnage illustre,
n’en est en rien diminué, ny obscurcy, ains plustost
augmenté, & esclarcy. Car la tresclaire splendeur
d’honneur est en marque Hieroglyphicque desi-
gnée par L’oeil: qui jecteiecte ses rays luysans exterieu-
rementremēt: & puys avecauec les images des choses veuës, rap
porte à soy plus de lumiere qu’il n’en a espanduespādu. Ainsi
le tresclair honneur, par repercussion reverberée se
redouble, retournant avecauec accrois de resplendeur à
celluy duquel il est procedé. QUIQVI EST unevne
des causes par laquelle ji’ay esté induit dedier à
vous (Seigneur Iean Antoine Gros) & vous faire
present, du premier exemplaire de ce petit Poetic
& Moral oeuvreoeuure mien. Que dy jeie mien? non jaia
plus mien, mais bien vostre (s’il vous plaict) &
soubz vostre nom, à tous commun. Sachant que
là ou est logée VERTUVERTV, ne peut faillir de estre
HONNEURHONNEVR. Duquel ji’espere l’oeuvreoeuure estre
anobly, & illustré.


L’AUTREAVTRE cause est, Recognoissance
d’unevne vostre liberalité enversenuers moy, mesmement
faicte sans digne occasion. Pour laquelle mon
esperit ne a peu estre en paix, jusqueiusque avoir trouvétrouué
moyen de la regracier, & recognoistre, en tant que
porte mon prou de devoirdeuoir, rien de pouvoirpouuoir, & peu de




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de savoirsauoir. Affin de n’estre justement blasmé du vi-
ce d’ingratitude, autant à moy que aux Persans de-
testable. Vela la cause de la presentation de ce
livret, laquelle (vous plaire n’avoirauoir en desdain, mais
la prendre en part de bonne affection. Selon vo-

stre acostumée honnesteté. A DIEUDIEV Qui
vous maintienne, & accroisce en prospe-
rité, & honneur, par longues
années. A Lyon ce hui-
ctiesme Septembre.
1552.

A iij





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PREFACE
DE CAUSECAVSE.


J’AYIAY privéepriuée familiarité à
Mace Bon-homme Impri-
meur Lyonnois, par laquel-
le estant unvn jouriour en sa mai-
son, trouvay quelques peti-
tes figures pourtraictes, &
taillées, demandant à quoy elles servoientseruoient:
me respondit, A rien. pour n’avoirauoir point
d’inscriptionsdinscriptions propres à icelles, ou si aucu-
nes en avoitauoit euës, icelles estre perdues pour
luy. Alors jeie estimant que sans cause n’a-
voient
a-
uoient
esté faictes, luy promis que de mue-
tes, & mortes, jeie les rendroie parlantes, &
vives: leur inspirant ame, par viveviue Poësie.
Ce que par moy de bon gré promis: fut par
luy de meilleur gré receu. Parquoy soub-
dain fut l’oeuvreoeuure commencé, poursuyvy, &
finalement achevéacheué, tant en vers Latins & Grecz




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Grecz, que Françoys. Toutesfois à plus
grand travailtrauail, & moindre estimation, que
si ji’eusse faict & divisé les pourtraictz à
mon jugement, & plaisir. Combien que en
le faisant jeie ne me suis point tant soucié,
que pourroit avoirauoir imaginé celluy quicon-
que en feit le deseing imparfaict, & sans pa
rolle: que d’y approprier de mon inventioninuention:
ce que me a semblé le plusconvenableconuenable, & My
thologic à la figure, en partie de moy in-
venté
in-
uenté
: en partie prins es tresbons Auteurs,
Grecz ou Latins. Ce que jeie pensepēnse avoirauoir acom
ply. Et si à aucun desdaigneux semble que
non assez proprement, ou heureusement:
jeie vueil bien qu’il sache: qu’il est plus diffici
le, & fascheux suyvresuyure autruy par chemin
incongneu, & estroict, arrestant ses piedz
sur ses traces: que par libre & franche mar-
che s’ensen eller esbatant à son plaisir, par plain
& large chemin descouvert. Car certes de
toutes les images, Je n’en ay faict pourtrai-
re, ne gravergrauer de ma designature à mon ar-
bitre, & plaisir (ce que me eust esté beau-
coup plus aisé) sinon le Mariage, les Mar-
ques, & Armoiries, & treze autres par cy, A iiij




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par la meslées. affin de acomplir la centei-
ne, avecauec son comble, & advantageaduantage: pour em-
plir les fueilles blanches, Pource que Natu-
re est abhorrente de chose vuyde. Es autres
ji’ay suyvysuyuy ma conjecturecōiecture & divinationdiuinatiō, usantvsant
en cest oeuvre commecōme de la Metheline regle
de plomb. Cestadire appropriantappropriāt non les ima-
ges aux parolles (comme il failloit) mais
les parolles aux figures (commecōme ji’estoie con-
trainct) les plus convenablesconuenables qu’il me a esté
possible. Affin que les images enseveliesenseuelies, &
muetes, jeie ramenasse en lumiere & vie. exer

ceasse mon esprit, satisfisse aux yeux,
& aux espritz des lecteurs. Et fi-
nalement feisse plaisir au Bon
homme, & bon amy.
Vela la cause de
l’oeuvreoeuure.






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IMAG.IMAGINATION POETIQUEPOETIQVE. 9


INVOCATION DUDV SAINCT
ESPRIT.








TOUTTOVT DON parfaict, d’origine premiere
Vient de lassus, du pere de lumiere.
Parquoy tout bon Poëte, en premier lieu
InvocqueInuocque l’ayde, & l’esperit de Dieu.
SEMBLABLEMENT nous commenceanscōmēceās d’escrire
Prions à Dieu que du ciel nous inspire.

A v





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10 IMAGINATION


ARMOIRIE
ET DIVISE DES GROS.








EN CEST ESCUESCV bordé à triple poincte,
De neuf Besans, & l’Aigle au mylieu pincte,
Representé est le Celeste Monde.
LES NEUFNEVF Besans formez en sphere ronderōde.
Sont les neuf Cieux. en nombre, qui est faict
De trois fois trois, sur tous le tresparfaict
Par estre imper, d’impers nombres constant.
L’AIGLE en hault vol tout oyseau surmontantsurmōtāt.
Le Signe estoit des legions Romaynes
Qui toutes gens, & nations humaines
Soubz telle enseigne ont soubmis, & vincu.
PAR LEQUELLEQVEL Aigle, occupantoccupāt tout l’Escu,
De teste, & queuë, & des piedz, & des ailes,
Et du hault vol au large espars, d’icelles, Par




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POETIQUEPOETIQVE. 11
Par tout le champ, & le vuyde estendu:
L’ESPRIT DIVIN Sages ont entendu.
Par le grand monde universelvniuersel diffus.
Par tout vollant, en tout mouvantmouuant infus.
Qui tout en tout est, & en chescun lieu,
Ame du monde universelvniuersel, c’est Dieu.
PARQUOY aussi les Poétes sacrez
En leurs haux sens, & mysteres secretz,
Disent, l’Aigle estre oyseau de JuppiterIuppiter.
L’esprit de Dieu voulans l’interpreter.
Qui le beau filz Ganymedesravitrauit:
C’est l’innocent, qui en Dieu s’esjouit.
ET LES neuf cieux ont finct par les Mu- (ses.
Ou sont de Dieu toutes vertus infuses.
CEST ESCUESCV donc’ soubz figure, & en ombre
De son Blazon. porte le parfaict nombre,
Haulte puissance, en terre plus pouvantpouuant.
Les neuf cieux rondz, & l’Esprit les mouvantmouuant.
ET TOUTTOVT CE a faict le Seigneur de ses mains.
Qui donne tout. & n’a pourtant rien moins.
TELLE ARMOIRIE ont ceux, lesq̄lzlesquelz on nomme
Du brief surnom, du plus riche de Romme.
A l’unvn desquelz ce livreliure est dedié,
Et apres luy aux autres publié.






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12 IMAGINATION


MARQUEMARQVE & DIVISE DE
L’IMPRIMEURIMPRIMEVR
DE TRAVAIL HONNEURHONNEVR.








PERSE vinqueur du dangier perilleux,
Porte le chef Medusemerveilleuxmerueilleux.
Qui transmuoit les regardans en pierre.
Estant armé (pour faire aux monstres guerre)
De la cuyrace à Pallas bien duysant:
Et son escu cristallin treluisant.
Ayant en main le trenchant Bracquemard
Du Dieu Mercure. & son double plumard,
En teste, & piedz, auquel son vol hazarde
A monter hault: & dessoubz soy regarde
Les hommes bas, par merveillemerueille estonnez:




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POETIQUEPOETIQVE. 13
Si fort, qu’en pierre estre semblent tournez.
QUQV’EST cela donc? c’est que quandquād SapienceSapiēce
ProuvéeProuuée à clair par ague eloquence,
A mis à l’air quelque parfaict ouvrage:
L’ors son auteur leveleue en si hault parage:
Que tout humain est ravyrauy à le croire,
Acquise ainsi vient DUDV LABEURLABEVR LA GLOIRE.












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14 IMAGINATION


MARQUEMARQVE ET DIVISE
DE L’AUTEURAVTEVR.
Pardurable, peu durable.








EXTRAICT de gens non gentilz, n’apparens,
Armes jeie n’ay nobles de mes parens.
Mon pere eut nom ANEAUANEAV, ma mere, ROSE.
Du nom des deux ma marque jeie compose.
L’Aneau, Serpent en soy se retordant,
Par cercle rond, queüe en teste mordant:
Et en figure Hieroglyphicque, Note
Qui en Aegypte Aeternité denote.
La Rose aussi, qui flaistrit, & perit:
Des le jouriour mesme auquel elle florit:
Mortalité represente. Et pourtant
Que d’ame, & corps est mon estre constant:
D’unvn corps mortel, & d’unevne ame immortelle:
Armes des noms jeie porte, en marque telle.

Sur





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15 POETIQUEPOETIQVE.


SURSVR LA MAGNIFICQUEMAGNIFICQVE ENTREE
DE MONSEIGNEURMONSEIGNEVR
DE S.SAINT ANDRE,
GOUVERNEURGOVVERNEVR DE LYON.








HANNON premier prudentprudēt Duc de Chartage
Tracta en main doucement sans outrage,
UnVn seul Lyon, la plus fiere des bestes.
Mais combien plus d’honneur est d’advantageaduātage
Au Sieur D’Albon, moderer d’esprit sage
LYON. ayant plusieurs humaines testes?






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16 IMAGINATION


PREFIGURATIONPREFIGVRATION DE L’IMPRIMERIE
LYONNOISE.








CADMUSCADMVS le filz d’Agenor Roy nommé,
D’unvn dard agu, & clair, estoit armé.
Cuyrace ayant d’unevne peau forte, & dure
D’unvn fier Lyon, pour seure couverturecouuerture,
MONSTRANT qu’il fut unvn prince vertueux
En Eloquence, en Armes, & tous deux.
En sens, & dictz, de Sapience, & d’art,
Clair, & agu, & soubdain comme unvn d’ard.
Et en grandz faictz magnanime en courage
Comme unvn Lyon à qui on faict oultrage.
LE premier fut qui des Phoiniciens,
Les inventeursinuenteurs des lettres anciens,
Vint en Europe & les lettres premieres
Y apporta du monde les lumieres.
Ou comprins est le cercle, & chaine ronde
De Sapience, en tant qu’elle est au monde.
Ces lettres seize estoient. tant que de dens
Ont les serpens, animaux tresprudens. Lesquelles




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POETIQUEPOETIQVE. 17
Lesquelles sont assemblées entre elles
S’entrebrisants, fors que les cinq voieles.
Qui sont tousjourstousiours en leur son demourantes
De viveviue voix, & jamaisiamais ne mourantes.
Le Roy Cadmus sema donc celles lettres
Es gros espritz des hommes, tous terrestres,
Tant que de lourdz, si barbares, si vilz,
Il les rendit sages, doux,civilzciuilz.






PARQUOYPARQVOY L’on feinct que Cadmus le vaillantvaillāt
Sema les dens du grand serpent veillant.
Desquelles dens semées, en saillirent
Hommes armez, qui l’un l’autre assaillirent.
Tant qua la fin tous ilz s’entretuarent
Par coupz fourrez: fors cinq qui vifz restarent.
Et de ces cinq fut puys multupliée
La Race, & Gent d’ont Thebes fut peuplée.
A TEL exemple aussi unvn Imprimeur.
Qui est des ars, & des lettres semeur: B




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18 IMAGINATION
Et les espand dens le clos de la ville,
Qui est LYON, nom, & marque civileciuile,
Qui seme aussi des bons livresliures l’usagevsage:
Dond lourd esprit peut bien estre faict sage:
En les lisant, ou en les oyant lire:
Pourroit il pas à bon droict ainsi dire?
JE SEME DENTS DUDV SERPENT VIGILANT
DEDANS LE CLOS D’UNVN LYON EXCELLENT.
Du grand LYON noble citè en France,
Qui en cest art toutes passe à oultrance.












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POETIQUEPOETIQVE. 19

FIGUREFIGVRE DE MARIAGE.








L’HERMAPHRODIT est icy en pincture
A double face, & à double Nature.
L’uneLvne de Masle, & l’autre de Femelle,
En unvn seul corps, ou l’unvn l’autre se mesle.
Puys deux baisers sont baillez, & renduz
Par les deux chefz l’unvn vers l’autre estenduz.
QUIQVI sont plaisirs d’Amour perpetuel
De l’unvn vers l’autre, en effect mutuel.
D’unvn des costez, est des sages quelqu’unvn:
Qui dict, que L’HOMME, ET FEMME NE SONT QUQVUNVN.
D’aultreDaultre costé est un Satyr hydeux
Qui dict, que QUANDQVAND SE BATTENT, ILZ SONT DEUXDEVX. B 2




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20 IMAGINATION
DEMONSTRE est par l’Androgyne corps
Que deux ilz sont en unevne chair concors.
Le fol Satyr en mocquant admonneste
Que batre n’est en mariage honeste.
ET pour monstrer qu’il ne fault que soit las
Ne l’unvn ne l’autre, à mutuel solas:
Pour supporter toute fortune adverseaduerse:
Pource les bras sont mis en croix transversetransuerse.
Au tetin droict la main gauche posée
Baillant l’aneau à partie espousée.
Pareillement soubz le tetin senestre,
Pour le cueur prendre, est mise la main dextre.
L’ANEAUANEAV, de Foy est le signe evidenteuident,
Et le cueur prins seing d’amour, vif ardent.
Affin que l’unvn à l’autre, & tout en soy,
Soit convenantconuenant l’Amour, avecauec la Foy.
En apres est unevne chaine jolieiolie,
Qui teste, & piedz, & bras, & jambesiambes lie.
SIGNIFIANT le lien voluntaire
Du mariage, en accord salutaire.
Laquelle Chaine en aneaux abondante
Est des le chief jusquesiusques aux piedz pendante.
Mais tellement qu’el’s’assemble au mylieu,
En lacz d’Amours, couvrantcouurant le secret lieu.
Qui gardera que de Nature nue
Ne soit le sexe, & la marque cogneuë.
CAR ce beau noeu de Mariage ensemble,
Quand le mary à la femme s’assemble: Les




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POETIQUEPOETIQVE. 21
Les membres lie en chair, & compaignie
En les couvrantcouurant de jeuieu sans villainie.
PUYSPVYS apres est sur l’unevne, & l’autre teste
UnVn jougioug, qu’on met dessus la serveserue beste.
Et par dessus, unevne Balle soufflée,
Mais peu pesant, comme de vent enflée.
SIGNIFIANS estre du Mariage
Doux le serviceseruice, & legiere la charge.
PUYSPVYS est aupres unvn arbre fruyct portant,
Et maint oyseau sur ses rameaux montant.
COMME ColombzColōbz, qui l’unvn à l’autre plaisent:
Tant par amour, que bec à bec se baisent.
Et unevne paire aussi de Tourtourelles.
Qui ont assez de leur pair autour elles.
DE la Palombe y est pincte l’image:
Pour ses petitz despoillant son plumage.
LE Pellican, qui pour les siens se tue:
Et de son sang vie leur restitue.
LA sont aussi Corneilles, qui se suyventsuyuent:
Et qui ensemble en grand concorde viventviuent.
L’arbre fruyctier en fleurs, & fruyctz plaisant,
Mariage est, beaux enfans produysant.
LE Bechement des Colombs, est serviceseruice
De l’unvn vers lautre, avecauec plaisir sans vice,
La tourtourelle, & son Pair content d’elle,
Le signe font de chasteté fidele.
Et pour les siens la Palombe plumée:
Est la pieté de geniture aimée.
Le Pellican est labeur, & l’effort B 3




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22 IMAGINATION
Pour les petitz travaillanttrauaillant jusquiusqu’a mort.
Finallement, les concordes Corneilles
Sont bons accordz des parties pareilles.
HORS le subjectsubiect est unvn beau paysage
L’oing apparent. Et champs de labourage.
La unvn BovierBouier, qui loing estre ressemble
AvecAuec deux boeufz tirans egaux ensemble
En laborant. Signifians quilz sont
Labeur commun: que l’homme, & femme font,
Par cure egalle, & pareille raison.
Pour augmenter le bien de la maison.
AINSI sera figurée l’Image
D’unvn convenableconuenable, & bien faict Mariage,
Que l’on pourra mettre en unvn ciel de lict
Auquel Mary, & Femme hont leur delict.












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POETIQUEPOETIQVE. 23


DIFFERENCE DES RAISONNA-
BLES ESSENCES.








JUPPITERIVPPITER Dieu est, commecōme en son sainct templetēmple,
Droict au mylieu du Monde, ou il contemple.
Autour de luy sont tous les autres Dieux
Superieurs: qui habitent es Cieux.
En grand repos, & en profond’silence.
Le contemplans, par simple intelligence.
Car des haux Dieux est l’appellation
Deduicte en Grec, de Contemplation.
PEUPEV au dessoubz par la voie Lactée,
Monte unevne bande en honneur delectée.
Qui fort s’avanceauance à ce hault domicile:
Pour avoirauoir lieu au celeste concile.
TOUTTOVT au plus bas, sont les Satyrs, & Pans,
A piedz boucquins sur la terre rampans.
Qui leventleuent bien au ciel cornes, & testes:
Mais tousjourstousiours sont en terre, comme bestes.
CESTE est la triple espece de tous ceux
Qui ont raison, Hommes, Heroes, Dieux. B iiij




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24 IMAGINATION
Qui en degre nomper sont dissemblables.
CAR les haulx Dieux sont tousjourstousiours imuables.
Tant le grand Dieu, que ses divinsdiuins espritz
Celestielz, d’amour de luy espris.
En paix eterne, & contemplation.
Sans recevoirreceuoir, ne faire autre action.
PUYSPVYS la vertu plus que laict blanche, & claire
Conduict esp’ritz aimans honneur, & gloire,
Et jusqueiusque au lieu des immortelz les maine,
Deifiant en eux substance humaine.
MAIS ceulx desquelz l’affection s’arreste
Totallement à la chose terrestre:
Et qui l’esprit plus hault que le chef n’ont:
Ilz voyent bient le ciel: mais point n’y vont.












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POETIQUEPOETIQVE. 25


RAISON D’ESPRIT AVEC
TRAVAIL DE CORPS.








POURQUOYPOVRQVOY faict on ChironChirō en pourtraicture
De double forme, & de double Nature?
Homme devantdeuant, & derriere chevalcheual:
Humain en hault: bestial en avalaual.
D’unvn arc bendé tirant unevne sagette
Vers les haulx cieulx, ou sa visée il jecteiecte?
EST CE pourtant que la marque, & la forme
Propre de l’homme, est Raison, & sa norme?
Et de la beste à quatre piedz l’office
Propre, & nayf: C’est labeur, & serviceseruice?
L’IMAGE donc de Chiron faict entendre:
Que qui vouldra à haulte chose tendre:
Visant aut but de celeste maison,
Luy fault avoirauoir LABEURLABEVR AVEC RAISON.






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26 IMAGINATION


NE TE FIDE, NE SERA IN-
GANATO.








QUANDQVAND Brasidas eut le corps traversétrauersé
D’unvn coup de traict, par son escu persé
UnVn Sot quidam luy demanda, Comment
AvoitAuoit este blessé si aisément?
Au coup (dist il) mon bouclier a fait voie,
Qui s’est faulsé: quand en luy me fioye.
CESTE Response, en bon sens, signifie:
Que souventsouuent est traistre, en qui l’on se fie,






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POETIQUEPOETIQVE. 27


CONVERSION DES AMOURSAMOVRS A
L’ESTUDEESTVDE DES LETTRES.








UNVN SATYR jeuneieune, & paillard, poursuyvoitpoursuyuoit
La belle Nymphe ou s’amour mis avoitauoit.
Elle fuyoit: & luy la poursuyvantpoursuyuant
Sans viser ou: se fourra si avantauant
Pour chevauchercheuaucher en lieu mol sans houseaux:
Qu’en unvn maresc entra plein de roseaux.
Et la ayant mainte larme espandue
Et maint souspir pour la Nymphe perdue,
Là souspirant pour sa tresbien aimée,
Qu’il pensoit estre au maresc abysmée,
Il s’apperceut que des cannes yssoit
Par ses souspirs, unvn son qui gemissoit
Tresdoucement. Parquoy au tresord lieu
Et à l’amour il dist unvn grand Adieu.
JeIe dy l’amour de la Nymphe palustre,
Que deschassa autre amour plus illustre
De Musicalle harmonie inventéeinuentée.




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28 IMAGINATION
Parmy l’aronde aux souspirs esventéeesuentée.
D’ond en croissant de ton, en ton bien justeiuste,
De sept tuyaux composa unevne fluste.
LA NYMPHE al’ors dens les roseaulx cachée
Voyant que plus n’estoit de luy cerchée
Courut les champs comme vache farousche
Qui a este picquée de la mousche.
CESTE figure est la conversionconuersion
De fol amour, à meillieure action.
C,estasavoirestasauoir quand de l’amour de Dames.
L’homme se tourne aux livresliures, & calames,
LA FLUSTEFLVSTE faicte à sept diversdiuers tuyaux:
Est bon accord des sept Ars Liberaux.
ET LE Satyr est unvn adolescent,
SuyvantSuyuant l’amour, vertus à dos laissant.
L’ARONDE creuse, & qui ploye à tout vent
Est la putain: qui à chescun se vend:
Et qui son coprs[sic] inconstant abandonne
A qui en veult, moyennant qu’on luy donne.
Et qui se cache, & faict la reserrée:
Quand elle sent estre bien desirée.
Mais quand el’voit que d’elle on ne tient comptecōpte:
L’ors elle fuyt, court, va, descent, & monte,
LeveLeue sa queüe & faict telle orde mine:
Que vache ayant au cul mousche bovinebouine.
CAR Quand la vache au Tor ne faict arrest:
Le Tor aussi s’en va en la forest.
Et quand l’amie à l’amant ne faict part:
L’amant aussi de l’amie depart.






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29 POETIQUEPOETIQVE.

ELOQUENCEELOQVENCE SUYTSVYT SAPIENCE.








POURQUOYPOVRQVOY Pallas est elle es tours haultaines
Sur le Donion de sa cité d’Athenes?
POURQUOYPOVRQVOY vientviēt l’à le bienbiē parlantparlā Mercure:
Qui faict sans clef des portes ouvertureouuerture
Es grandz Palaix de MinerveMinerue la vierge,
Par la vertu de sa magicque verge?
En se faisant faire facile entrée,
La ou il veult aller à voie oultrée?
POURQUOYPOVRQVOY se siet unevne fille à la porte,
Qui luy defend l’entrée: & soubdain morte
Transie elle est en statue de pierre,
De couleur palle, & de plombine terre?
EST CE pourtant que vraye est la sentence
Du bon Socras, par laquelle s’entend cé
Que tousjourstousiours est, es villes de renom
Moyen d’apprendre, & es villages, non?
EST CE pourtant que la ou est Sapience
La vole aussi la douceur d’Eloquence?




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8030 IMAGINATION
Qui la porte oeuvreoeuure, & qui entrée donne
Vers sapience, à la Nature bonne.
Laquelle aux lieux de hault nom arrivantarriuant
Sobdain luy vient triste envieenuie au devantdeuant
Pour l’empescher: mais tant est esbahie
De l’Eloquence entre tous bien ouye:
Qu’elle demeure en ectase estonnée
Muëte, ainsi comme en pierre tournée.












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POETIQUEPOETIQVE. 31


LE CONTINUERCONTINVER PARFAICT
L’OEUVREOEVVRE.








QUESTQVEST IL plus dur que roche bise, ou pierre?
Qu’est il plus mol que l’eau coullant sur terre?
Et toutesfois par gouttes d’eau versées,
Les roches sont, & les pierres persées.
Et tout ainsi que goutte d’eau menue
Perse unvn gros Roch, par estre continue:
SEMBLABLEMENT unvn labeur assidu,
Faict, & parfaict, tout, & le residu.






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32 IMAGINATION


LA MORT DUDV DOMMAGEABLE
EST A TOUSTOVS AGREABLE.








LE PORC est beste à nul bien faire née.
Gastant les biens de l’espoir de l’année.
Quand il est vif: il nuict, & desconfit.
Quand il est mort, il duict, & faict profict.
Mais le malfaict la beste restitue.
Car quand au mois de DecembreDecēbre on le tue:
Et qu’il vomit l’ame, & le sang ensemble.
Le voisinage à sa mort tout s’assemble.
Hommes, Enfans, Femmes, en unvn monceau,
S’esjouyssansesiouyssans de la mort du porceau.
D’ond on luy faict de paille un feu de joyeioye.
Puys on le part: & de l’ame on envoyeenuoye
A ses voisins, pour estraines, & dons,
Comme Bodins, Andoilles, & JambonsIambons.
La Vescie est pour la part des enfans:
Qui l’ont gaignée, au cul du porc soufflans.
Le demouraut est salé, pour viande
Plus en mainage utilevtile, que friande. Ainsi




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POETIQUEPOETIQVE. 33
AINSI faict on quandquād meurt unvn de Porceaux
De l’Epicure, avalleuraualleur de morseaux
Qui faict son Dieu de son ventre: & auquel
L’ame est au corps, ne servantseruant que de sel.
Lequel vivantviuant, pour avoirauoir boyaux saoulz:
A renversérenuersé tout ce dessus dessoubz.
On s’esjoytesioyt alors: on se recrée.
Et n’est celluy, à qui la mort n’agrée
De celluy là, duquel la cure seulle,
Estoit saouler, & son ventre, & sa gueulle.
Car repeuz sont plusieurs gens non ingratz
Du bien, dequoy unvn seul estoit trop gras.
Et par la mort duquel plusieurs ont vie.
Car il commence à l’heure qu’il deviedeuie
De proficter: estant de bien mutile
Quand vif estoit. Quand il est mort utilevtile.

C










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34 IMAGINATION


L’HOMME TIENT DE L’HOMME LA
MATIERE CORPORELLE: & LA
FORME RATIONALE
DE DIEUDIEV.








DIEUDIEV, qui est Dieu d’Amour, qui tout attraict
Frappe les cueurs humains d’unvn mesme traict.
En assemblant dhomme, & femme les corps
En unevne chair, par nuptiaux accordz.
Puys les Enfans produictz de telle couble
Baille à nourrir à Chiron homme double.
Qui partie a dessus rationale:
Et au dessoubz a partie animale.
Car les enfans naiscent semblablement
De l’amoureux & poignant couplément
Des corps humains. auxq̄lzauxquelz Dieu (commecōme on croit)
Vie, & raison, en corps, & ame accroist.






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POETIQUEPOETIQVE. 35

AUXAVX RICHES, TOUTTOVT TEMPS EST BON.








UNVN HOMME Riche est assis au mylieu
D’unvn beau Palaix, & magnificque lieu.
Au tour de luy se tiennent de bien pres
Quatre eschansons, à le servirseruir tous prestz.
L’unvn du Prim-temps luy presente les fleurs.
Et le second tous fruyctz d’Esté bien meurs,
Dans unvn cornet d’abondance luy donne.
Le tiers le sert des raisins meurs d’Automne.
Finallement le quart, pour le hyvershyuers
Porte fourrure, & vestementz d’iversiuers.
UNVN MENDIANT qui povrespoures robe porte
Est demandant unevne aulmosne à la porte.
SIGNE evidenteuident qu’aux riches en repos,
Toutes saisons viennent bien à propos.
Mais au contraire aux povrespoures malcontens,
Et malheureux, tout deffault en tout temps.

C ij





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36 IMAGINATION


LA NATURENATVRE DES HOMMES
EST ETERNELLE.








QUATREQVATRE saisons l’an tournant faict leverleuer
Prim-Temps, Esté, Autonne, & puys l’HyverHyuer.
QUATREQVATRE Eages sont aussi d’humaine vie.
(Si elle n’est avantauant le temps ravierauie)
Jolie Enfance, & puys verde JeunesseIeunesse,
Meure eage d’homme, en fin froide. Viellesse.
POURPOVR demonstrer en resolution
Que le Retour, & revolutionreuolution
De ceste vie, à l’autre pardurable:
Au cours du Monde eternel, est semblable.
Duquel comme est la revoltereuolte immortelle:
Ainsi croyons nostre nature telle.






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POETIQUEPOETIQVE. 37


TOUCHERTOVCHER FEMME EST
MAUVAISMAVVAIS.








AUAV TEMPS d’HyverHyuer, sur la morte saison,
UnVn bon Rustic mena en sa maison
UnVn souvagesouuage homme, unvn Satyr, demourant
Dedans les bois: presquè de froid mourant.
Venu qu’il fut au domestique lieu
Pour le Satyr chauffer, il feit beau feu.
Et pour manger, mit cuire des chastaignes.
MAIS le Satyr nourry sur les montaignes,
Qui n’avoit veu jamaisiamais feu allumé:
Le trouvatrouua beau: & digne d’estre aimé.
Bien avoitauoit veu, & senty le Soleil
Luysant, & chaut: le feu voioit pareil.
D’oud il pensoit en sa cornue teste,
(Comme il estoit à demy homme, & beste)
Que le Soleil fust du Ciel descendu
En la maison, par le Fourneau fendu.
Parquoy s’en vint vers la flamme addresser. C iij




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38 IMAGINATION
Et la voulut baiser, & embracer.
Mais le Rustic le retint de ce pas.
En luy disant. Boucquin, n’y touche pas.
Car si garder d’y toucher ne te veux:
Tu brusleras ta barbe, & tes cheveuxcheueux.
Ce que tu vois à loil beau, & luysant:
Sache qu’il est à le toucher cuysant.
Le veoir bien plaict: le toucher brusle, & ard.
N’y touche donc’. sois content du regard.
CEST APOLOGUEAPOLOGVE enhorte adolescens
(Qui sont encor demy-hommes en sens)
De n’atoucher Veneriennes flammes:
Et n’approcher de trop pres folles femmes.
CAR la beauté en doux vis feminin,
(Dessoubz lequel souventsouuent gist le venin)
Comme est plaisant la veoir, sans approcher:
Autant est il nuysant de l’attoucher.












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POETIQUEPOETIQVE. 39


ELOQUENTEELOQVENTE
VIELLESSE.








LE CYGNE blancblāc chantechāte plus doux, & mieux
D’autant que plus il est en ses joursiours vieux.
Et est oyseau paré de blanc plumage,
Auquel (ainsi que monstre cest image.)
Furent jadisiadis les hommes transmuez.
CAR les gens vieux de chaleur denuez
Ont les poilz blancz, de froid eage les signes.
En innocence, & doux parler, blancz Cygnes.
DOUXDOVX est vin meur. & par comparaison:
D’unvn meur vieillard, est douce l’oraison,
Et d’autant plus est douce, que plus sage.
CAR (ce que dict Homere en unvn passage)
COMME LE chantchāt du mourantmourāt Cygne est doux.
Ainsi estoit le parler, entre tous,
Du vieil Nestor. De la bouche duquel
Couloit la voix, plus douce que le miel.

C iiij





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40 IMAGINATION


LA PEINE SUYCTSVYCT LE
MALFAICTEURMALFAICTEVR.








L’ESP’RIT coulpable en soy, de son offense,
L’esp’rit qui prend de soy mesme vengence,
Vit en despit de soy: malgré sa vie,
Vif à regret quand n’a de vivreviure envieenuie.
Et quand il veult mourir: il se remord.
Sentant en soy les playes de sa mort.
Point toutesfois il ne meurt. mais endure,
Et porte en soy sa Roë, & sa Torture.
L’ors quand bourreau de soy mesme il se sent:
Bien il voudroit hors de soy estre absent.
Mais en soy est. EN TELLE passion
Se fuyt, & suyt: comme en Roë Ixion.






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POETIQUEPOETIQVE. 41


EMULATIONEMVLATION POURPOVR
PRENDRE.








SI QUELQU’UNQVELQVVN veult corrompre par benin
Approchement, le sexe femenin:
Des meurs de femme, & des habitz s’habille.
Comme unevne femme ineptement babille.
Et delaissant la gravitégrauité d’unvn homme:
Prenne mollesse, & mignardise, Comme
Si femme il fust sans barbe coimpt, & miste.
En se fardant (s’il a visage triste)
Se colorant de cerusse, & de pourpre.
Brief, à tout geste effeminé soit propre.
AINSI orné vers sa desirée aille.
Et doux devisdeuis de parolles luy baille,
Entremeslant petite mignardise
Qui peu à peu le feu d’amour attise.
Puys les baisers adjoigneadioigne bouche à bouche.
Finalement les membres nuz attouche.
Le demourant luy don’ra doux coulant C v




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42 IMAGINATION
Force sans force, & refus bien voulant.
AINSI jadisiadis JupiterIupiter, (qui visé
AvoitAuoit la Nymphe en l’lhabit deguisé,
Et au maintien de Diane, & en l’eage:)
De Caliston ravit le pucellage.
SOUBZSOVBZ tel habit dissimulé, POMPEE
Femme à Cesar Dictateur, fut trompée:
Par unvn Rommain nommé Claude le Bel.
Repudiée apres, sans nul rappel.












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43 POETIQUEPOETIQVE.


ABETISSEMENT D’ENFANS, par
TYRANNIE DES MAGISTERS.








VOYEZ icy celle Dame superbe
En longue Robe, en mine, geste, & verbe.
Qui par orgueil trop fier, & inhumain
Bat sans mercy sa serveserue avecauec la main.
Laquelle povrepoure à ses piedz prosternée,
Par estre ainsi batue, & mastinée:
Prend unvn desdain fort despiteux: & pource
Se mue en beste, & devientdeuient sauvagesauuage Ourse.
Qui par avantauant estoit de liberalle
Forme de corps, & face virginalle.
EN CEST image est pincte la manie
Des Magisters, & fiere tyrannie,
Qui les enfans de libere Nature
SauvageSauuage rend, par coups, & par bature.
Et les Esp’ritz, qui estoient liberaux:
Prosterne en craincte, & les mue en ruraux.






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44 IMAGINATION


FONTAINE DE SALMACIS, PAIL-
LARDISE EFFEMINANTE.








AUAV LIEULIEV profond d’unevne combe encombreuse,
Est unevne fosse obscure, & tenebreuse.
Et au mylieu unevne fontaine estrange:
Mais l’imonneuse, & de bourbeuse fange
Son eau troublée. En laquelle fontaine
Quiconque vient, pour sa chaleur soubdaine
Y refroidir: & qui à corps suant
Se vient baigner en ce maresc puant:
Celle fontaine a Nature tant malle:
Que quiconque est là entré homme masle:
Effeminé en sort, & demy-homme,
De doubteux sexe, Androgyne on le nomme.
CESTE Fontaine ont les Poëtes fincte
De Salmacis, Nymphe lascivelasciue, & cointe.
Ou fut faict Homme & Femme Hermaphrodit.
Tant sa Nature, & chaleur refroidit. Mais




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POETIQUEPOETIQVE. 45
MAIS pour le vray, ceste Fontaine infame,
Est le commentanon, de pute femme.
Ou de venus ardente la chaleur
On refroidit, bien souventsouuent à mal’-heur.
Car qui se plonge en ce borbier batu:
De l’homme masle il pert ferme vertu.
Et sa chaleur naturelle sestaingt.
Car paillardise humide tant l’attaingt
Qu’elle le rend mol, & flac: ainsi comme
Effeminé, sans force, & demy-homme












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46 IMAGINATION


DIVORCE DE MARIAGE, PAR DISCON
VENANCE DES PARTIES.








DOND vient cela, que forte Artillerie
En gros tonnerre, & grand petillerie
SouventSouuent se rompt: & se brise total
UnVn si gros corps, & de si dur metal?
EST ce pourtant que les contraires choses,
Ne peuventpeuuent estre ensemble à force closes?
Quand la chaleur debat à la froidure.
Et la mollesse, à la qualité dure,
La secheresse, à moicte relanteur.
Legiereté, à gravegraue pesanteur.
Car comme chault-humide soit le Soulphre
Le froid, & sec Salpetre point ne souffre.
Dur, & poisant est le metal de fonte.
Mol, & legier est feu, qui tousjourstousiours monte.
Ces qualitez contraires (ce vray semble)
Ne peuventpeuuent donc longuement estre ensemble: Que




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POETIQUEPOETIQVE. 47
Que tout soubdain ne partent de leur lieu
Par violence, avecauec grand bruyt, & feu.
AINSI en prend d’unevne jeuneieune fillette
Humide en suc, en chault sang vermeillette,
Legiere en feu de Venus, prest à prendre,
En blanche chair, & delicate, tendre.
Quand mariée elle est, tout en despit
De ses amours, à unvn vieil decrepit:
Sans suc tout sec, sans chaleur refroidy,
D’eage pesant, d’os dur, de nerfz roidy.
O qu’il est bien malaisé que tous d’eux
Soyent longuement assemblez: et que d’eux
Ne soit en fin rompu le mariage,
L’unvn enflambé du feu de malle rage,
L’autre du feu de luxure bruslant.
AvecAuec grand bruyt du peuple mal-parlant.












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48 IMAGINATION

JUPITERIVPITER EQUITABLE.








AVECAUEC JunonIunon, JupiterIupiter debatoit
Lequel des Dieux, l’homme, ou la femme estoit.
Au charnel acte agir plus delecté:
Et qui avoitauoit plus grande volupté.
JugeIuge eleu fut de ce joyeuxioyeux proces
Tiresias le sage: qui pour ses
Mutations d’homme en femme en savoitsauoit.
Et essayé les deux Venusavoitauoit.
Lequel jugeaiugea, qu’en l’acte du desir,
La femme y a plus que l’homme plaisir.
Ainsi donna pour JupiterIupiter sentence,
Parquoy JunoIuno trop cruelle en vengence,
Le feit aveugleaueugle en luy crevantcreuant les yeux.
Mais JupiterIupiter tres justeiuste sur tous Dieux.
Pour de ses yeulx la recompense avoirauoir
Luy octroya les cas futurs scavoirscauoir.
EN CESTE fable, ou l’aveugleaueugle devinedeuine,
Est l’equité de JusticeIustice divinediuine. Qui




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POETIQUEPOETIQVE. 49
Qui le default, de ce qu’au corps perit:
Bien recompense en graces d’esperit.
CAR il advientaduient bient souventsouuent: que plusieurs
Destituez des sens exterieurs,
Ont la vertu de l’esp’rit plus ague.
Parquoy, NATURENATVRE INIQUEINIQVE NULNVL NARGUENARGVE.

D










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50 IMAGINATION


FAICTZ DES JEUNESIEVNES,
CONSEIL DES VIEULXVIEVLX.








O BIEN heureux Prince ou Roy couronné
Lequel se voit de force environnéenuironné
De jeunesieunes gens, & du conseil des vieux.
Mais au contraire. O le Roy malheureux!
A qui myeux plaict, de qui mieux est aimée
De jeunesieunes gens unevne oultrageuse armée,
Et qui les vieux, sages, de bonne foy,
Et leur conseil, deboute d’avecauec soy.
EXEMPLE en est Roboam. qui se vit
Presque privé du regne de DavidDauid
Son pere grand, de dix lignes descreu:
Pour le conseil des jeunesieunes avoirauoir creu.
LE SAGE PRINCE avoirauoir donque s’efforce
Conseil des vieux, & des jeunesieunes la force.






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POETIQUEPOETIQVE. 51

LE FLATEURFLATEVR.


QUANDQVAND l’Oyseleur veult prendre l’oyselet:
Bien doucemeut sonne son flajolletflaiollet:
MAIS le Flateur, qui les hommes deçoit:
Chante plus doux, que flajoletflaiolet qui soit.
AINSI Mercure Ambassadeur des Dieux
Feit endormir Argus, & ses cent yeulx.
Au son tant doux de sa fluste, ou l’oyant.
CAR HOMME n’est tanttāt sage, ou clair-voyant:
Qui ne puisse estre à la fin endormy,
Par le flateur: qui se monstre estre amy.

D ij





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IMAGINATION 52


PERIL EN TERRE, PERIL EN MER. ou
NULNVL LIEULIEV ASSEURASSEVR DES MAUVAISMAVVAIS.








UNVN ESCUMEURESCVMEVR de mer, unvn grand Pirate
Se faict porter dedans unevne Fergate
A deux ch’evauxch’euaux marins, nageans sur l’onde.
Desquelz chevauxcheuaux, n’est pire beste au monde.
CE GRAND Brigand à son trident grandgrād erre
Faict aborder ses monstres vers la terre.
Prendre pour proye unevne vierge voulant.
Qui en fuyant devientdeuient oyseau volant.
Car des haulx Cieux, la Déesse MinerveMinerue
(Qui bons espritz eleveeleue, & les conserveconserue)
Celle Pucelle en grand pitié regarde.
Et du dangier instant la sauvesauue, & garde,
Pour seur refuge, ailes luy faisant naistre.
LevéeLeuée en l’air pour plus en terre n’estre. Las




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POETIQUEPOETIQVE. 53
LAS QUQV EST CECY? Oultrage & violence
Des gens mauvaismauuais, par terre, & mer se lance,
Les Innocens (comme à Dis Proserpine)
Abandonnez sont à proye, & rapine,
Et asseuré salut n’est en nul lieu.
Sinon que la Sapience de Dieu
Nous mue en mieux: & hors mondains perilz
Face voller noz vierges esperitz.

D 3










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54 IMAGINATION


SOUVERAINESOVVERAINE VERTUVERTV EFFACE
LA FAULSEFAVLSE APPARENCE
DE VERTUVERTV.








EN LA CITE SYENE Aethiopicque,
Qui assise est soubz le Cancre Tropicque,
Quand le Soleil est sur le plus hault poinct
Du plus grand jouriour, qui en l’Esté soit point:
Ombres ne sont jusquiusqu’à l’heure de Nonne.
Car sa clarté tout le corps environneenuironne.
Et l’apparence ombrageuse des choses,
Qui sembloyentsembloyēt estre en la substance encloses,
EvanoüitEuanoüit: & appert plus rien n’estre,
Par la clarté qui la faict rien cognoistre.
Semblablement, Quand aucun homme illustre,
De Sapience, & vertus ayant lustre,
Vient resplendir en tresclaire action,
Au plus hault poinct de sa perfection: Ceux




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POETIQUEPOETIQVE. 55
Ceux qui sembloient quelq̄quelque chose estre: hayssent
Si grand’lumiere, & l’ors evanouissenteuanouissent.
Et tout soubdain sont neant devenuzdeuenuz:
Ceux qui devantdeuant estoient aucuns tenuz.
Luy est Soleil: les autres sont comme ombre:
Il sert de tout, & les aultres de nombre.

D iiij










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56 IMAGINATION

VERTUVERTV REVEILLE ENVIE.








OR DEVINEZ de quel sens l’Idée est cè
En ce pourtraict: ou Pallas la Déesse
AvecAuec sa picque en vertu esbranlée,
OuvreOuure la porte à l’EnvieEnuie esveillée?
EST CE pourtant que Sapience, en vie
D’homme qui soit: n’est jamaisiamais sens envieenuie?
Car la vertu aux malins picque porte.
Et à l’EnvieEnuie Honneur ouvreouure la porte.






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POETIQUEPOETIQVE. 57

LES SOPHISTES.








VOIS TUTV lecteur? Quand icy tu advisesaduises
Bestes plusieurs, & de diversesdiuerses guises,
Telle que l’unevne, à l’autre ne resemble.
Cryantz, hurlantz. & debatantz ensemble:
Et sans raison. Ruants, hurtants, mordents,
De piedz, de grifz, de cornes, & de dens.
Premierement, unvn Elephant qui gronde.
(Qui est la plus grande best du monde)
Contre unvn dragon, Serpentin veneneux,
De sa nature a l Elephant haineux.
Semblablement, unvn grand, & sot Chameau.
Et unvn Leopard à maculeuse peau.
UnVn fier ChevalCheual retif, & indomptable,
Et un Toreau de cornes redoubtable.
Et mesmement le BoucCervierBoucCeruier cornu:
Et la Chimere animal incogneu
Aux naturelz, triforme, & merveilleuxmerueilleux.
La teste ayant d’unvn Lyon orgueilleux, D v




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58 IMAGINATION
Ventre de Bouc en luxure puant:
Queüe d’Aspic de son venin tuant.
VOYANT cela, pense que tu assistes
A unvn troupeau de barbares Sophistes,
Grandz animaux, & les plus vicieux
Et bestiaux, qui soyent dessoubz les Cieux.
Pense d’y veoir aussi leurs factions,
Leurs sotz arguz, & leurs complexions.
Les veoir baverbauer de choses qui ne sont.
En la Nature, ou bien qui rien ne font
A l’entretien de la vie commune.
Comme du vol des asnes sur la Lune.
D’unvn BoucCervierBoucCeruier, d’unevne faulse Chimere
Ou d’unvn Sortés, ou fable de commere.
Et toutesfois tressavanstressauans se reputent:
Quand fort cryans de telz fatras disputent
A haulte teste, & souventsouuent jusqueiusque aux poinctz
De s’entrebatre à crins, & piedz, & poingz.






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POETIQUEPOETIQVE. 59

DE MAISTRE, SERVITEURSERVITEVR.








ACTEON fut en Cerf cornu changé,
Et par ses chiens piece à piece mangé.
O MALHEUREUXMALHEVREVX le Seigneur, lequel paist
Gourmans, Flateurs, & avecauec eux se plaist.
Luy mesme estant la proië, & venaison
Mise devantdeuant les chiens de sa maison.
Auxquelz flateurs, le sien, & sa personne
A devorerdeuorer, & mocquer abbandonne,
Et à la fin, de Seigneur, devientdeuient Serf.
Corps nu d’esp’rit, & cornu comme unvn Cerf.






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60 IMAGINATION


RIEN NE FAULTFAVLT SANS BON CON-
SEIL ENTREPRENDRE.








DELIBERANT Cadmus, à places fortes
Edifier Thebes, ville à sept portes:
AvantAuant que rien de l’ouvrageouurage entreprendre:
Du Dieu Phebus l’oracle volut prendre.
Lequel ouy, unevne vache il suyvitsuyuit:
Que comme guide aller devantdeuant soy vit.
CAR DIEUDIEV estant l’auteur, tout ce faisant,
Et la Nature à cela conduysant:
La vache fut guyde, & monstre notoire,
De champ fertile, & de bon territoire.
A CEST exemple ainsi, quand adviendraaduiendra
Que quelque ouvrageouurage entreprendre on vouldra
Qui soit durable, & bon, & de hault heur
Dieu à cela soit le premier auteur.
Et puys apres la Nature libere
Soit conduisant à ce qu’on delibere.
Qui est (selon la Stoique senctence)
Du tresgrand Dieu l’Eterne providenceprouidence.






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POETIQUEPOETIQVE. 61


DE CRAINCTE DEVOTION, ou
VEXATION DONNE EN-
TENDEMENT.








LEs grandes eaux par le deluge estantz
Par tout le monde, ainsi que grandz estangz:
Dessus unvn mont y a deux personnages,
SauvezSauuez des eaux, par navirenauire, ou par nages,
Qui les grandz Dieux devantdeuant unvn autel prient.
Et en tremblant, Misericorde crient.
CELA signe est que de Dieu se souviennentsouuiennent
Hommes mortelz, quandquād les maux leur adviennentaduiennēt
Et quand presens ilz voyent les perilz:
Lors ne sachans comment eschapper. Ilz
Sont fort devotzdeuotz: comme si seulle craincte
AvoitAuoit à Dieu cognoistre faict contraincte.






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62 IMAGINATION

PAIX ARMEE.








QUEQVE SIGNIFIE UNEVNE Amazone armée
Soubz lazuré manteau de Paix armée?
Qui tient en main unevne espée couvertecouuerte
D’unvn OlivierOliuier à fruict, & fueille verte?
Duquel au lieu d’huyle doux, & tranquille
Le sang bouillant goute à goute destille,
LA PAIX du mondemōde en telle sorte est pincte
Qui guerre faict, soubz unevne trevetreue fincte.






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POETIQUEPOETIQVE. 63

LES DEUXDEVX BASTONS DE GUERREGVERRE.








OUOV de la force, ou de fraude regne art,
Du Lyon l’unevne, & l’autre est du Regnard.
Pour l’ennemy rendre en guerre abbatu.
Mais que chault il si c’est vice, ou vertu?
NE soient donc’plus es signes militaires,
Aigles, Loups, Ours, Minotors solitaires,
Mais es Guydons, Enseignes, Estandars,
Soient fors Lyons, & cauteleux Regnars.






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64 IMAGINATION

AMOURAMOVR NE S’ACCORDE AVEC
PRUDENCEPRVDENCE.








L’ARCHIER Phebus ayant occis Python,
S’alloit mocquant de l’Archier Cupidon.
Et en vantant ses flesches, desprisoit
Les traictz, desquelz le foible enfant usoitvsoit.
L’ors Cupidon irrité de l’injureiniure:
A se venger contre Appollonconjureconiure.
Bande son arc: unvn traict au cueur luy tire
A poincte d’or. qui d’amour faict martyre.
Puys au rebours, tire unevne lourde flesche
De plomb ferrée, à Daphné belle, & fresche.
De qui la playe engendre tout soubdain,
Non pas amour mais hayne avecauec desdain.




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POETIQUEPOETIQVE. 65






Il l’aime donc’, & d’amour la poursuyt.
Elle l’hayt, & par hayne le fuyt.
Et en fuyant, est en L’aurier muée
D’esprit de vie, & vigueur denuée.
Ainsi Phoebus aima sans estre aimé
Attainct du traict, que tant avoitauoit blasmé.
Ainsi l’enfant son reproche vengea:
Quand à deux coupz, haine en amour changeachāgea.
EST CE le sort des sages, & savanssauans,
D’honneste amour les jeunesieunes poursuyvanspoursuyuans,
Qu’ilz soyent hays? & que jeunesseieunesse sotte
Fuye Prudence: & d’avecauec elle s’oste?
Plustost voulant tronc sans sens devenirdeuenir:
Qu’aux gens savanssauans se conjoindreconioindre, & unirvnir.
Car ceux qui ont de savoirsauoir le thresor
Ont l’esperit agu, clair comme l’or.
Mais ignorans, jeunesieunes d’eage, & de sens,
Ont lourdz esp’ritz de plomb, & mal decens.

E





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66 IMAGINATION


LA FONTAINE DUDV MIROIR
PERILLEUXPERILLEVX.
AMOURDAMOVR DE SOY MESME.








NARCIS ayant sa beauté veuë en l’eau:
Fut amoureux de soy, tant se vit beau.
Et desprisant tous autres, nul n’ayma
Fors que soy mesme, & en soy s’enflamma.
D’ond peu à peu languissant, destre ainsi
Sans jouyssanceiouyssance aimant: devintdeuint transi.
Tant qu’en perdant sentiment par stupeur:
Fondit du tout: & fut changé en fleur.
O JEUNESIEVNES gens, de la vous retirez.
Et en telle eau jamaisiamais ne vous mirez.
CELLE Fontaine est L’AMOURAMOVR DE SOY MESME.
Ou qui se mire: autre que soy il n’ayme.
De soy pourtant cognoissance n’ayant.
Tant qu’a la fin en devientdeuient au neant.






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POETIQUEPOETIQVE. 67


SANS JUSTICEIVSTICE EST
CONFUSIONCONFVSION.








SI LE HAULTHAVLT CIEL en terre devalloitdeualloit:
Et si la Terre à la mer se mesloit:
Et le Soleil aux infernaux manoirs:
Et la clarté aux Barathres tous noirs:
Et si tous les Principes Elemens
Se combatoyent en diversdiuers meslemens
Le froit au chauld, le sec avecauec l’humide:
Si au Chaos, (lequel descript OvideOuide)
Le Monde estoit confus, & retourné,
Comme il estoit: avantauant qu’il fust orné.
Quand incogneu estoit le Grand Seigneur
Le justeiuste Roy, du Monde GouverneurGouuerneur.
Quelle seroit si grand divisiondiuision?
TELLE du Monde est la confusion,
Et le grand trouble, au temps que sans Police,
De nul cogneuë est la Royne JusticeIustice.

E ij





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68 IMAGINATION


L’ORIGINE, ET TERMINA-
TION HUMAINEHVMAINE.








COMME unvn Rameau fueillu provientprouiēt du cueur
Du tige ferme, ou il prend sa vigueur:
Puys peu à peu ses branches espandant
Vers le hault Ciel, Comme ses bras tendant.
Ses beaux fruyctz monstre: & s’eleveeleue en espace
Vuyde de l’air: tant que son tronc surpasse.
AINSI la femme estant comme partie
Du terrestre Homme, & de son corps sortie,
De beaux enfans met en avantauant le fruyct.
MonstrantMonstrāt qu’elle a plus que son tronctrōc produict,
Duquel la vie elle prend toutesfois.
Car il soustient d’elle, & des siens le faix.
OR tous les deux, sans nulles controversescontrouerses,
Sont composez de parties diversesdiuerses.
Et leur essence est d’esp’rit, & de corps
ConjoinctzConioinctz en unvn par merveilleuxmerueilleux accordz. L’Esp’rit




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POETIQUEPOETIQVE. 69
L’Esp’rit montant tient la vigueur du feu,
Et le Ciel est son original lieu.
LE CORPS de terre est formé, & en signe.
TousjoursTousiours il prend vers terre sa racine:
L’ESP’RIT au Ciel fait leverleuer mains, & faces
Quoy que le corps à soy tenir le face.

E iij










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70 IMAGINATION

LA NUYCTNVYCT PORTE CONSEIL.








NE SEROIT pas tenu fol, qui les yeux
Se creveroitcreueroit: pour veoir plus clair, & mieux
Et toutesfois cela feit Democrit.
Que tressage homme Hippocras a escript.
Aupres de luy, l’unvn des sages celebres,
La chouete est, clair-voyant en tenebres.
SIGNIFIANT que pour unvn appareil
D’affaires grandz, LA NUYCTNVYCT PORTE CONSEIL.






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POETIQUEPOETIQVE. 71

LES MESDISANS APRES LA MORT.








VOVLTOURSVOVLTOVRS suyvanssuyuās chairs mortes, & puantespuātes
Corbeaux crians, & Pies caquetantes,
Suyvent le train des armées rompues,
Cerchans pour past, charoignes corrompues.
Picquans du bec les hommes jadisiadis forts
Et vertueux, mais toutesfois jaia mors
Auxquelz vivansviuans ilz neussent osé nuyre:
Et en premier, ce que plus voient luyre.
(Qui sont les yeux) à les crevercreuer ilz taschent.
Et tant du bec picquent: qu’ilz les arrachent.
TELZ noirs oyseaux, de malheureux destins,
Les ennemys denotent clandestins.
Qui à la mort des gens vertueux bayent:
Affin que d’eux jaia defunctz la robe ayent.
Et ceux lesquelz craignoient en leur vivantviuant:
Apres la mort ilz les vont poursuyvantpoursuyuant, E iiij




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72 IMAGINATION
Par motz picquans de blasme, & calomnie,
De mesdisance, injureiniure, & villainie.
Et avantauant tout, leurs parolles premieres
Ostent d’honneur (s’ilz peuventpeuuent) les lumieres.












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POETIQUEPOETIQVE. 73

NUYSIBLENVYSIBLE COPULATIONCOPVLATION.








L’HIERRE rampant embrace en telle sorte:
Qu’il faict mourir l’arbre grand qui le porte.
AINSI l’Amie affectée, & plus belle
Que l’hierre blanc: cil qui se joinctioinct à elle,
Par paillardise occit, en l’embraceant.
Les biens, la vie, & le sang luy succeant.

E v





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74 IMAGINATION

ART NE CHANGE NATURENATVRE.








TOY, Qui esprit indocile pretendz
A enseigner: tu pers ta peine, & temps.
Ne plus ne moins qu’a picquer en campaigne
L’Asne tardif, pour unvn Genet d’Espaigne.
Lequel combien qu’il ayt les quatre piedz
Comme unvn chevalcheual, fors, non estorpiez,
Et semble bien qu’il se pourroit braverbrauer
A grandz gallopz, & sa teste leverleuer.
Mais toutesfois si picquer on le cuyde
A l’esperon, ou tourner à la bride:
Ce meschant Asne alors baisse la teste:
Couche l’oreille, & rue: & fait la beste.
LAISSE donc’là ce tant lourd animal.
Car à jamaisiamais d’Asne lourd, bon chevalcheual
On ne fera: qui que soit qui sus monte.
SCIENCE, ou Art Nature ne surmonte.
AINSI jamaisiamais Esprit lourd, & servilseruil
Ne deviendradeuiendra liberal, & civilciuil.






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POETIQUEPOETIQVE. 75


DE TRESGRAND TRESPEUTRESPEV, ou
DE GRANDE CHOSE PEUPEV
DE RESTE.








RELIQUERELIQVE du Temple, & lieu
Ou fut l’image de Dieu.
RUYNERVYNE de la maison
La ou habita Raison
AvecAuec d’autres bien cinq sens.
En petit lieu tant de gens?
Et ore image cruelle,
Chef esventéesuenté, sans cervelleceruelle.






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76 IMAGINATION


IL FAULTFAVLT SUYVRESVYVRE NATURENATVRE COMME
TRESBONNE GUYDEGVYDE.








LES MONTS pierreux, pour leur grandgrād pesanteur,
Sëent en terre: & jamaisiamais leur hauteur
Terre ne perd. par Nature faisant
TousjoursTousiours en bas resider le pesant.
Et toutesfois on dict que les Geants
Monts dessus monts par grand force erigeans
TrouverentTrouuerent voie à escheller les Cieux.
Pour deschasser de leur regne les Dieux.
Qui estonnez de ces Geans enormes,
Prindrent la fuycte en variables formes.
QUELLEQVELLE autre chose à entendreentēdre nous baille,
Contre les Dieux des Geans la bataille?
Sinon que Dieu nyer, le disant n’estre.
Lequel Nature en ses faictz, faict cognoistre. Et




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POETIQUEPOETIQVE. 77
Et s’obstiner contre l’esp’rit puissant.
Qui telz malins fuyant, & delaissant
En leur cuyder, plein d’obstination:
Leur faict diversediuerse imagination.
IL FAULTFAVLT tousjourstousiours (quelque chose qu’onō cuyde)
SuyvreSuyure Nature, ainsi que bonne guyde.
Car de vouloir contredire à Nature:
(Comme de Marc Tulle dict l’escripture)
C’est batailler, en mode des Geans,
Contre les Dieux, par fouldre se vengeans.












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78 IMAGINATION

GROSSE IGNORANCE.








ON LIT qu’il sut, & qu’il est des Geans
Soubz corps humain, piedz serpentins ayans:
Qui sans pitié les plus foibles offensent:
Et rien plus hault que leur teste ne pensent.
Desprisent Dieu: ou disent qu’il n’est point.
Et seullement tant que la chair les poingt:
Et que les sens exterieurs les meuventmeuuent:
Ce qui est pres, & present: bon ilz treuventtreuuent.
Au demorant: du futur ne leur chault.
Rampent par terre: & ne tendent plus hault.
INVENTE ont Poëtes en leur oeuvresoeuures,
Ces Monstres telz, avecauec piedz de coleuvrescoleuures.
Signifians soubz telle forme, ceux
Qui de pretendre en hault sont paresseux.
Desquelz tousjourstousiours l’oblique affection
Se traine en terre, & en infection.






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POETIQUEPOETIQVE 79

LA FEMME OMBRE DE L’HOMME.








AUAV CLAIR Soleil noire Ombre le corps suyt
Quand il la fuyct. Quand il fuyt elle suyct.
TELLE nature, es amoreuses flammes
Ont ces tant vains simulachres des femmes.
Car leurs amans fuyent: qui les poursuyventpoursuyuent.
Et ceulx lesquelz les fuyent: elles suyventsuyuent.
Car bien souventsouuent, en evidenceeuidence claire,
L’homme faict l’unvn, elle faict le contraire,
Lhomme ne veult: & l’ors elle demande.
Et contraire est à cela qu’il commande.






AINSI Daphné Fuit Phebus la fuyvantfuyuant*.




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80 IMAGINATION






AINSI Echo suyct Narcis la fuyant.
PARQUOYPARQVOY l’on dict, & à bon droict on nommenōme
La femme ainsi estre L’OMBRE DE L’HOMME.












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POETIQUEPOETIQVE. 81


PLUSPLVS LE FOL EN HAULTHAVLT ESTAT
MONTE:
TANT PLUSPLVS MANIFESTE SA
HONTE.








LE SINGE assis en geste, & contenance,
D’homme rassis a forme, en convenanceconuenance.
Mais plus s’eleveeleue, & se montre en appert:
Plus Singe il est: & plus le cul luy pert.
TELZ sont les gensgēs brutaux, d’hommehōme masq̄zmasquez,
Plus es honneurshōneurs sont haux, plus sont mocquez.
CAR l’homme sot, montant ou il ne doibt:
Plus hault est mis: & plus beste on le veoit.

F










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82 IMAGINATION

BATAILLE DES GALZ, OUOV COQZ.








LES COQZ crestez jamaisiamais guerre ne font
A ceux lesquelz de leur genre ne sont.
Comme jamaisiamais aux Aigles hault volantes,
Ny aux Voultours à gryphes violentes.
Pour proye avoirauoir, ou pour de leur espece
L’honneur defendre, & garder la noblesse,
Mais bien entre eux font terrible bataille:
Gal, contre Gal, qui aura la poulaille.
Comme ilz sont chaux: & comme glorieux.
Pour avoirauoir pris d’estre victorieux.
Contre leur genre ilz sont acoup hardiz:
Contre l’estrange ilz sont acovardizacouardiz.
O QUEQVE le Peuple ayant le nom de GAL,
Fust a L’oyseau par le seul nom egal.






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POETIQUEPOETIQVE. 83


DOMESTIQUEDOMESTIQVE NOURRITURENOVRRITVRE
DOMMAGEABLE.








D’UNVN Arbre grand la ramée, & la branche
Dommage faict a l’arbriscel yssant
De son estoc: & de Nature franche
Oste le fruyct croistre ne le laissant.
SEMBLABLEMENT maint jeuneieune Adolescent,
Pour estre trop soubz l’ombre de son pere:
Croistre ne peut à Fortune prospere.
Qui autrepart pourroit faire bon fruyct.
Ainsi advientaduient aultrement qu’on n’espere:
TRONC SON REJECTREIECT, PERE SON FILZ DESTRUYCTDESTRVYCT.

F ij





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84 IMAGINATION


DE PERE ET MERE VILLAINS,
ENFANS GENTILZ.








CE BEL Enfant est beau, bien façonné,
Et bien entier. Toutesfois il est né
De Pere, & Mere à demy-corps Brutaux.
SIGNIFIANT que d’Idiotz rustaux,
Naiscent souventsouuent nobles, & beaux enfans
De bon esp’rit, gentilz, & triumphans.






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POETIQUEPOETIQVE. 85

CONTR’AMOURCONTR’AMOVR.








O QUQV’A bon droict, pour memoire eternelle,
La porte fut nommée Criminelle!
Qui crime tel souffrit dens soy passer:
Que quand ServieSeruie alloit, pour embracer.
Le paternel meurtrier Tarquin le Prisque:
Dessus unvn char montée, cointe, & frisque,
Feit les chevauxcheuaux marcher, par vitupere,
Sur le corps mort du Roy Tulle son pere.
OR donc’ à mort son pere elle hayssoit?
Non faisoit pas, mais Tarquin cherissoit.
L’unvn des amours naturel, sans pytié:
Et l’autre estoit de paillarde amytié.
Amour au pere avoitauoit, mais froid, & peu.
Amour à Prisqueavoitauoit, ardent en feu.
DONC commecōme deux grandz Amours la menas- (sent,
Et d’unvn costé, & d’autre l’enclinassent: F iij




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86 IMAGINATION
Elle ayma mieux (comme le faict tesmoigne)
Le corps tout vif, que la morte charoigne.
Se souvenantsouuenant l’unvn estre son amy:
Mais oblyant, comme en songe endormy,
Que l’autre avoitauoit son pere, & Roy esté.
PARQUOYPARQVOY vincu fut l’Amour de Pieté
Par autre Amour de Luxure, & charnel.
L’amour d’amy, passant le paternel.
A QUELQVEL AMOURAMOVR! de l’estrangier cercher,
Et le cerchant, le corps mort surmarcher
D’unvn Pere, & Roy? avoirauoir bien tel courage?
CE N’EST Amour: mais furieuse rage.












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POETIQUEPOETIQVE. 87


LES TROYS CAS DESTOURNANSDESTOVRNANS
BON JUGEMENTIVGEMENT.








GRANDE Richesse, Ignorance des choses,
JeunesseIeunesse folle aussi: à veuës closes
Des sens deceuz, aveuglentaueuglent les esp’ritz
Tant que l’honneur honneste est en despris:
Vertu aussi. Mais belle Volupté
Seulle est, qui plaict au fol sens delecté.
TESMOIN l’Arrest que Paris profera.
Quand à JunonIunon, & Pallas prefera
Dame Venus. Comme estant filz de Roy,
Rustic, & JeuneIeune. Ayant les trois en soy.

F iiij





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88 IMAGINATION


NOBLESSE DES BASTARDZ
DEMENTIE.








UNVN Bastardeau à sa mere enquestoit,
Filz de quel Pere engendré il estoit?
La mere en soy se sachant adultere,
Luy dit ainsi: Le Soleil est ton pere.
(Le luy monstrant) Et vray luy dist sans rire:
Tel que peut bien toute adultere dire.
CAR LE Soleil, & l’hommehōme, engendrentengēdrēt l’hommehōme.
AINSI Bastardz, point bastardz on ne nommenōme.
Mais on les dict filz de Seigneurs treshaux
Et de clair sang, quoy qu’ilz soient de maraux.
Donc’soubz tel nom villainie amortie
Anobliz sont de Noblesse mentie.






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POETIQUEPOETIQVE. 89


CHARITE EMPESCHANT
VENGEANCE.








LE FIN veneur qui les faons emporte
De fiere Tigre, eschappe en telle sorte.
Quand el’le suyct viste comme sagette:
UnVn des Faons, pour l’amuser, il jecteiecte.
Elle le prend, l’emporte, & puys retourne
Comme unvn traict d’arc: & gueres ne sejourneseiourne.
Il jecteiecte l’autre: elle en faict puys autant,
Dens la forest au giste le portant.
Luy tousjourstousiours va: Et ainsi il l’arreste
Tant qu’en sa nef il emporte la reste
MEDEE ainsi son pere Oëtes fuyant.
Et son amy le Grec Jason suyvant,
De telle ruse enversenuers son pere usavsa,
Qui la suyvoitsuyuoit: & ainsi l’amusa.
Son frere Absyrt par quartiers despeça.
Par les chemins ses membres dispersa. F v




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90 IMAGINATION
A celle fin qu’elle fille mauvaisemauuaise,
Se peut sauversauuer, & fuyr plus à l’ayse.
Ce temps pendant que le bon Pere affix
Recueilleroit les membres de son filz.
OR DevinezDeuinez que denote la fable?
C’EST que Pieté, & Amour ineffable,
Ne seuffre point: mais retarde, & empesche
Punir celluy, ou celle là qui peche.












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POETIQUEPOETIQVE 91

REDARGUTIONREDARGVTION FAISANT TAIRE.








QUANDQVAND en tenant controverscontrouers parlement
UnVn grand parleur se couppe: tellement
Que sa raison à soy mesme ambigue
Se contrarie: & son dict redargue.
Son adversaireaduersaire adoncques le surprent
Dessus ce poinct: & jusqueiusque au but le rend
De non parler, mis au bout de son rolle.
En luy faisant perdre sens, & parolle.
N’EST CE pas bien par sa propre fallence
Changer unvn homme en Pierre de Silence?
DONC sans avoirauoir langue desmesurée:
SOIT VERITE CONSTANTE & ASSEUREEASSEVREE.






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92 IMAGINATION

ASSEURANCE.








LE BON Pasteur dort en repos bien seur.
Sans avoirauoir paour du grand Loup ravisseurrauisseur:
Quand à l’entour des moutons, qui sont siens:
Il sent veiller ses bien fideles chiens.
AUSSIAVSSI unvn Prince en grande paix repose,
Et toute cure hors de soy il depose:
Quand GouverneursGouuerneurs sur ses subjectzsubiectz a mis
A luy feaux, & à son peuple amys.






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POETIQUEPOETIQVE. 93

PUISSANCEPVISSANCE DES PRINCES.








O QUEQVE semblable, & de pres approchante
Est aux grandz Dieux, & leur gloire puissante,
La MajestéMaiesté des mondains Roys, & Princes,
En leurs Pays, Royaumes, & ProvincesProuinces!
Es mains desquelz, par povoirpouoir absolut,
Des hommes gist la mort, ou le salut.
Car à unvn mot, ou unvn signe qu’ilz mandent:
Incontinent est faict ce qu’ilz commandent.
VOYEZ icy unvn Roy, mortel, humain,
Portant coronne en teste, & sceptre en main,
En throne assis, & devantdeuant luy ses gens
D’armes garniz, tous prestz, & diligens
Luy obeyr. DevantDeuant sa majestémaiesté
UnVn autre homme est prisonnier presenté,
En grande paour la sentence attendant
De vie ou mort: du Prince dependant,




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94 IMAGINATION
Qui comme unvn Dieu le sauvesauue, ou le consomme.
O combien vault unvn homme à unvn autre homme.
O verité du proverbeprouerbe, en ce lieu,
Ou il est dict que l’homme à l’homme est Dieu.












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POETIQUEPOETIQVE. 95

LES LOUPSLOVPS GAROUXGAROVX.








GENS inhumains, Satallites iniques,
ServansSeruans aux faictz des vouloirs tyranniques,
Entretenans l’excessiveexcessiue despense
D’unvn violent Seigneur: qui rien ne pense
Fors seullement qu’a ses subjectzsubiectz manger,
Et jusqueiusque aux os leur substance ronger.
En sa maison bruslante de l’arsure
De Gourmandise, AvariceAuarice, & Luxure.
Faux serviteursseruiteurs, qui soubz nom de serviceseruice
Pour eux nourrir, & du Seigneur le vice,
TrouventTrouuent tousjourstousiours quelque moyen urgentvrgent,
(Soit force, ou Droict,) de luy fournir argent.
Par Fraude, Dol, Extorse, Pillerie,
Par Force aussi, Rapine, & Vollerie.
Non plus ayans des hommes le corps cher:
Que de brebis prestes à escorcher.
N’EST pas servyseruy tel seigneur par des Loups?
Sont ilz pas Loups pires que Loups Garoux?
O verité du proverbeprouerbe: en beaucoup
De faictz, disant que l’hommehōme à l’homme est Loup.






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96 IMAGINATION

AUTREMENTAVTREMENT.








MAIS Qui croiroit que l humaine Nature
Se peust muer en autre creature?
Et qui croiroit telz cas estre advenuzaduenuz:
Quhommes soubdain fussent Loups devenuzdeuenuz:
CEUXCEVX LA desquelz les maisons sont bruslées
Les biens perduz, les substances vollées,
Pour leur delict, par le Fisc devorantdeuorant.
Tant que du tout n’ont rien de demourant:
Sont ilz pas bien en Loups famis changez,
De cruaulté, & de faim enragez?
(Qui pert le sien (dict on) il pert le sens.
Car fugitifz, & pour leur honte absens,
Contrainctz ilz sont par grand necessité
De vivreviure au bois, bien loing de la cité.
Volleurs, Brigandz devenuzdeuenuz: qui par champs,
Comme brebis, meurtrissent les marchans.
Amis de nul, & de tous ennemys.
Ainsi L’HOMME EST A L’HOMME LOUPLOVP FAMIS.






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POETIQUEPOETIQVE. 97

IMPOTENTE VENGENCE DE FEMME.








SOY mesme aux dens la Tigre d’hyrcanie
Se mange, & mord, par rage, & felonnie.
Toutes les fois qu’en autre chaire crue, elle
Ne peut saouler sa Nature cruelle.
Tant fiere, & tant d’impatiente rage
Est celle beste en furieux courage?
AINSI Medée & Progne, enragée
De jalousieialousie, & pour estre vengées,
Cueur de tuer leurs propres enfans eurent
Quand se venger des peres point ne peurent.
MEDEE occit ses deux filz sans respit
DevantDeuant les yeux du pere, par despit.
Progné tua, feit cuyre, & puis manger:
L’enfant au pere, affin de se venger.
O CRUELCRVEL sexe, à vengence impotent:
Autant qu’il est de vengence appetent.
O CRUAUTECRVAVTE de femmes, escharnie
Plus que ne sont les Tigres d’Hyrcanie.

G





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98 IMAGINATION


VENGENCE DE CRUAUTECRVAVTE, PAR
LES SUCCESSEURSSVCCESSEVRS.








HOMMES cruelz à sang humain espandre,
On a cogneu souventsouuent telle fin prendre:
D’estre mangez par les poux. De cela
Exemples sont Herodes, & Scylla,
Que mangez ont les poux, & vers minans
Par tous conduictz de leurs corps verminans.
POURPOVR demonstrerdemōstrer que ceulx qui ont leurs cueurs
Saoulé du sang, & mort d’hommes plusieurs:
Ayent leurs cueurs mangez, rongez, pourriz
Par ceux qui sont du sang, nez, & nourriz.






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POETIQUEPOETIQVE. 99

GRAND, ET VAIN LABEURLABEVR.








LE JEUIEV de paulme entre tous aultres jeuxieux,
Le corps exerce, & l’esprit, & les yeux.
Car en jouantiouant: le corps prent action.
Et l’esperit diversediuerse affection.
A unvn beau coup de joieioie l’on tressault.
Puys par courroux on jureiure, quand on fault.
On plaingt, on rit, la craincte, & l’esperance
Tiennent suspens le JoueurIoueur en balance.
Qui va, & vient: faict virades, & tours,
Passe, & repasse, & faict mouvemensmouuemens lourdz.
Et brief il prend grande sueur, & peine
A unvn Esteuf chose petite, & vaine.
Pour, à la fin de s’estre tant lassé:
N’avoirauoir rien faict, sinon le temps passé.
Monstrant exemple: Estre Follie, ou rage
FAIRE LABEURLABEVR, D’OND IL NE RESTE OUVRAGEOVVRAGE.
AINSI aucuns font contre la sentence
De Ciceron, au tracté de Prudence.
En employant en choses inutiles
Tresgrandz labeurs, & oeuvresoeuures difficiles.

G ij





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100 IMAGINATION

AMBITION DESTRUYSANTEDESTRVYSANTE.








SEMELE obtint du grand Dieu JupiterIupiter,
Qu’il s’en viendroit avecauec elle habiter:
En tel estat, & en majestémaiesté telle,
Qu’avecauec JunonIunon sa compaigne immortelle.
Tel il y vint. Mais foible humanité
Porter ne peut si grand divinitédiuinité.
Le corps mortel, les tumultes de fouldre
Ne peut souffrir: mais fut reduict en pouldre.
Ainsi perit la povrepoure ambitieuse,
(Par son souhaict) plus que malicieuse.
CESTE figure admoneste en substance:
Qu’il fault fuyr des plus gros l’accointance.
Lesquelz en fin ceux destruysent à fond:
Qui pairs à eux, & compaignons se font.
Garde toy donc de faire tes consors
De ceux qui sont plus que toy, grandz, & fors.
Et si tu veulx à aucun te conjoindreconioindre:
Soit ton pareil: que tu ne puisses craindre.






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POETIQUEPOETIQVE. 101

SUSPICIONSVSPICION NE SOIT EN
MARIAGE.








GRANDE Beauté que l’amour tant appete,
Rendit Procris belle Dame, suspecte
D’estre adultere à Cephal son mary
Estant jalouxialoux, d’ond depuys fut marry.
CEPHAL aussi pour appeller souventsouuent
Le doux souspir de l’Aure, c’est le vent,
Suspicion il donna à sa femme
D’estre avec l’Aure un adultere infame.
Luy donc, par dons, de sa femme esprouvaesprouua
La chasteté, & tant feit, qu’il trouvatrouua
Que chasteté par presens est à vendre.
Et en cerchant ce que trouvétrouué surprendre
Il n’eust volu: sa femme ainsi perdit.
Qui fugitivefugitiue es grandz bois se rendit.
Ou espiant son mary à la chasse
Pres d’unvn buysson, couchée en terre basse
Occise fut du dard infortuné
Qu’a luy avoitauoit elle mesme donné. G iij




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102 IMAGINATION
Car luy pensant, par le bruyt du Ramage,
Que d’elle, fust quelque beste sauvagesauuage:
JectaIecta le dard: qu’elle en son corps receut.
Ainsi tous deux JalousieIalousie deceut.
Et telle fin malheureuse eut en eux
L’amour loyal, mais suspicionneux.
SOIT donc pour loy de Mariage estable,
De l’Empereur CAESAR, ce dict notable.
UNVN MARIAGE heureux, en bonne estime
Doibt estre exempt, non seullement de crime:
Mais bien aussi de la suspicion
De crime exempt, sans nulle fiction.












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POETIQUEPOETIQVE. 103


IL FAULTFAVLT CEDER A LA
MULTITUDEMVLTITVDE.








QUIQVI est celluy, tant soit vaillant, & fort:
Qui resister puisse, contre l’effort
De plusieurs gens armez, luy desarmé?
Se voyant donc par plusieurs enfermé:
Voyant sa force, & ses armes perdues
Se rend captif, aux fers les mains tendues.
Et lors dechet de la subjectionsubiection
D’unvn homme libre, en malediction
D’homme demy, de chef diminué:
De liberté par force denué.
De Faire ainsi, n’est il pas bien meilleur:
Que mieux aimer mourir à grand douleur?
AINSI LE Sage aux folz leur dict concede
Quand il est seul: & d’eux le nombre excede.

G iiij





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104 IMAGINATION


LABEURLABEVR DE LA VIE INTER-
MINABLE.








LES ANCIENS Poëtes fabuleux
On feint Sisyph, homme trescauteleux,
Estre damnè, es bas Enfers soubz terre,
A tel tourment, De Roller unevne pierre
Au faist d’unvn Roc. Qui posée n’est pas:
Qu’incontinent elle retombe à bas.
Puys est contrainct de rechief la roller:
Pour puys la veoir de rechief devallerdeualler.
Ainsi sans cesse allant, & revenantreuenant,
Est sans repos celle pierre tournant.
CELUYCELVY Sisyph, est tout homme mortel.
Et la pierre, est Labeur perpetuel.
Dur, à durer jusquiusqu’à mort ordonné.
CAR travaillertrauailler est l’homme condamné
Es lieux profondz, C’est en terre: Car entre
Tout l’universvniuers, qu’est plus bas que le centre?
Et est contrainct, de prendre joursiours, & nuyctz Contin




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POETIQUEPOETIQVE. 105
Continuelz labeurs, & durs ennuyz.
Puys quand le soir à sa peine journalleiournalle
Il pense avoirauoir mis unevne fin finalle:
Au l’endemain vient à recommencer
NouvelNouuel labeur, & travailtrauail sans cesser.

DG v










Fac-similé BVH

106 IMAGINATION

DEMOURERDEMOVRER CHEZ SOY.








UNVN JOURIOUR voulut liberal JupiterIupiter
Tous animaux au festin inviterinuiter:
Ilz vindrent tous. Sur la fin du repas
Vint la Tortue, avecauec son petit pas.
D’ond JupiterIupiter courroucé, en mesme heure
La blasma fort de sa longue demeure,
Enquise puys du sejourseiour la raison:
TRESBONNE AMIE, ET SEURESEVRE EST LA MAISON.
ET BON CHEZ SOY SE TENIR (Respondit)
Depuys ce jouriour, JupiterIupiter feit edict:
Que la Tortue à pas tardif iroit
Froide, & sans sang, sa maison porteroit
AvecqueAuecque soy. CESTE fable admonneste
Que profictable est autant, comme honneste:
En pas tardif les bancquetz frequenter.
C’est à savoirsauoir, peu souventsouuent les hanter,
Et moins les faire. Et qu’il n’est rien plus doux
Que sa maison, & son Chez soy à tous. Car




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POETIQUEPOETIQVE. 107
Car rien n’est plus malheureux aux mortelz:
Qu’estre vagantz par estranges hostelz.
LA MAISON donc en Bourg, Ville, ou Cité,
Est leur refuge en toute adversitéaduersité.












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108 IMAGINATION


LE BON PRINCE VEILLANT
A JUSTICEIVSTICE.








OSIRIS ROY d’Egypte, Prince justeiuste,
Portoit unvn oeil dessus unvn sceptre Auguste.
LE SCEPTRE, il est de JusticeIustice la marque,
Que porte en main tout Roy PrincePrīce, ou monarq̄monarque.
ET L’OEIL ouvertouuert, en leur Philosophie
L’ES’PRIT voyant, & veillant signifie.
DONNANTexemple aux Roys, & Potestatz:
Que le devoirdeuoir faisans de leurs estatz,
Par clair esprit, veillant à la notice
Du droict egal, distribuent JusticeIustice,






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POETIQUEPOETIQVE. 109


MIEUXMIEVX VAULTVAVLT ESTRE ENVIE
QUEQVE POVRE.








SI L’ON ne peut par maniere oportune
Obtenir gloire, ou prospere Fortune,
Durant le cours de la presente vie:
Sans jappementiappement, & morsure d’EnvieEnuie:
Il vault trop mieux encourir le dangier
De faulse EnvieEnuie, & la faire enrager:
Que de tomber au goulphe devorantdeuorant
De povretépoureté, tousjourstousiours triste & mourant.
PARQUOYPARQVOY Homere entendant bien cela,
A feinct en mer estre unvn monstre Scylla,
Vierge dessus: mais par dessoubz, ayant
Testes de Chiens. Lesquelz en abayant,
Feirent aux nefz d’UlyssesVlysses grand tourmente.
Tant qu’au profond de la mer vehemente,
UneVne navirenauire en leur gueulle attirerent.
Et Nautonniers mal’heureux deschirerent
Ces chiens marins. Ce que fut toutesfois




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110 IMAGINATION
UnVn moindre mal: que tous à unevne fois
Estre engloutiz au Goulphe tournoyant
De la Charybde obscure, & tout noyant.
Comme Circé la fille du Soleil
A ULYSSESVLYSSES ainsi donna conseil.
O ULYSSESVLYSSES (dist elle) amy trescher,
Garde toy bien de Charybde approcher
Par les destroictz. Car de telle infortune
Te delivrerdeliurer ne pourroit pas Neptune.
Plustost au Roc de Scylla ta nef vire.
Qui attraira (sans mentir) ta navirenauire:
Et de tes gens aucuns devoreradeuorera.
Encore assez il t’en demourera.
Car mieux il vault perdre six, pour la disme:
Que perillez estre tous en Abysme.
SCYLLAjapantiapant comme en rage ravierauie
De Chiens marins: c’est detestable EnvieEnuie.
Mais la Charybde abysmant en profond:
Est PovretéPoureté, qui destruict jusquiusqu’à sond.
POURCEPOVRCE Qui veult la Charybdeevitereuiter:
Des chiens Scylla fault les aboys porter.
EnvieEnuie abaye: & PovretéPoureté devoredeuore.
De ces deux maux ely le moindre encore.
CAR qui sage est: certes il ayme mieux
Estre EnviéEnuié: que PovrePoure, & malheureux.






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POETIQUEPOETIQVE. 111


LES DIVINES PAROLLES NE SE
CONTRARIENT.






EPIGRAMME DE PULEXPVLEX POETE.
ANTIQUEANTIQVE.
L’HERMAPHRODIT parle.


MA MERE estant de moy encore enceincte,
Demande feit en devotiondeuotion saincte
A trois des Dieux, quel fruyct elle feroit?
Phoebus luy dist, qu’enfant masle il seroit
Mars, au rebours, que fille estoit à naistre.
Et puys JunonIunon ne l’unvn ne l’autre n’estre
Ce que gisoit au ventre: respondit.
Quand jeie fu né, j’estoie Hermaphrodit.
PUYSPVYS derechief se volut enquerir,
De quelle mort jeie devoiedeuoie mourir?
JunonIunon respond, que jeie serois tué.
Mars que pendu. Apollon que noyé.
Vray d’unvn chescun le dict fut, à la preuvepreuue.




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112 IMAGINATION
UNVN ARBRE estoit, qui ombrageoit unvn fleuve
Dessus je monte: & mon espée ceincte
Se deguayna. JeIe tombay sur la poincte
Tout au traverstrauers de mon corps embroché,
Pendant d’unvn pié a la branche accroché.
La teste en bas plongée en la RiviereRiuiere.
AINSI MOURUMOVRV par estrange maniere,
MASLE, FEMELLE, & ce que NEUTRENEVTRE SEMBLE.
Tué, pendu, & Noyé tout ensemble.












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POETIQUEPOETIQVE. 113


L’ESP’RIT QUIQVI NE SE SENT COULPA-
BLE
COVLPA-
BLE
, NE PEUTPEVT CRAINDRE.








LIEULIEV solitaire, & Tenebres, & Nuyctz,
Hydeuses paours, crainctes, souciz, ennuyz,
Par songes creux d’espoventables sommes,
Troublent les sens des Maniacques hommes.
Tant qu’il leur semble advisaduis, par nuyct obscure
Veoir des esp’ritz de terrible figure.
Ce que se faict d’imagination
Melancolique, & forte impression.
AINSI MARC BRUTBRVT disoit unvn Diable noir
Estre venu de nuyct, en son manoir.
Et avoirauoir veu unvn malin esperit
La nuyct devant le jouriour, auquel perit.
Qui rien n’estoit: sinon vain pensement
Forgé par luy en son entendement.
LE CROYONS NOUSNOVS? Ou si ceux là qui craignentcraignēt
Et qui ont paour diversdiuers songes se faignent? H




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114 IMAGINATION
DevantDeuant les yeulx desquelz, par griefz remors,
Mort apparoist: ou l’Image des mors.
AINSI Marc Brut de son lict se levantleuant:
L’Image ayant de sa mort au devantdeuant:
Cuydant fuyr tenebres, & la nuict:
En nuyct eterne, & tenebres il fuyt.
Et se jectaiecta sur l’espée mortelle.
Mourant de paour de mourir de mort telle.
Que povoitpouoit il de l’ennemy vinqueur
Pis que le glaiveglaiue attendre à la rigueur?
MAISson esp’rit coulpable se sentant:
Et de Caesar le sang se presentant,
Feirent de sa main vengente esvertueresuertuer
Encontre luy: & soy mesme tuer.
MAIS au contraire, unvn bon hommehōme innocent,
Qui de malfaict coulpable ne se sent:
Vit asseuré: & ne craint point les Diables
Ne les espritz. Mais croit que ce sont Fables.












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POETIQUEPOETIQVE. 115

CURIOSITECVRIOSITE DE FEMMES.








TROYS Vierges Soeurs regarderent la chose:
Que par vergoigne avoitauoit Pallas enclose.
Leur commandant le vaisceau clos garder.
Leur defendant de dedans regarder.
QUQV’EST IL Ren plus curieux que la Femme?
Qu’est il Rien moins secret en cas infame?

H ij





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116 IMAGINATION

FUTILITEFVTILITE, PAILLARDISE, ET
AVARICE DES PUTAINSPVTAINS.








DE DANAUSDANAVS les Filles, (qui cinquante
En nombre estoientestoiēt) par hayne à mort picquantepicquāte
Tous leurs mariz tuarent unevne nuyct.
Comme ilz prenoient avecauec elles deduyt.
D’ond elles sont es enfers condamnées
A telz tourmens, & peines ordonnées:
Que fleuvesfleuues soient par elles espuysez,
Dens des vaisceaux fenduz, & pertuisez.
Lesquelz jamaisiamais remplir est impossible.
Car l’eau en coule, ainsi comme d’unvn crible.
AINSI la Pute est unvn persé vaisceau,
Fendu, rompu, & mal tenant son eau
Qui par tout coule: & qui rien seur ne garde.
Soit que l’esp’rit, ou le corps on regarde.
Quant à l’esp’rit: nul secret ne retient.
Et quant au corps de Venus ne s’abstient.
Oultre cela son trou qui tousjourstousiours bailhe, Son




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POETIQUEPOETIQVE. 117
Son avariceauarice escriant tousjours. Baille.
Comme vaisceaux insatiables sont,
Que l’on ne peut remplir, n’y trouvertrouuer fond.
FEMME Paillarde, & qu’on ne peut saouler:
Par espuyser tousjourstousiours, & puys couler:
(Comme la fable en ceste image enseigne.)
Son homme tue, & jusquiusqu’à mort le saigne.
TousjoursTousiours espuyse: & ne semplit pourtant.
Elle est vaisceau, & le vaisceau portant.
Vaisceau qui a bouche tout espandant:
Rien de secret, rien chaste ne gardant,
TousjoursTousiours puysant sans avoirauoir fuffisance.
POURTANTPOVRTANT icy est l’image en substance
De putaniere AvariceAuarice, & Luxure,
Insatiable, & de Bouche mal seure.

H iij










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118 IMAGINATION

L’AME VIT OUOV ELLE AIME.








DEMOPHOON ayant par ses finesses
JaIa mis au vent & voiles, & promesses:
Phyllis l’aimant estoit dessus la riveriue,
SuyvantSuyuant la nef à veüe demy viveviue.
Tendant les bras, avecauec oeil larmoyant,
La ou estoit son esp’rit jaia fuyant.
CAR son esp’rit, & son ame animoit
Non plus en elle: ains au corps qu’elle aimoit.
Et tout ainsi que le corps suyct la vie:
La vie aussi avoit l’ame suyviesuyuie.
MERVEILLE n’est doncquesdōcques, si celle Dame
Mourut d’amour: Car CORPS NE VIT SANS AME.






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POETIQUEPOETIQVE. 119

CURIOSITECVRIOSITE EST A FUYRFVYR.








LAISSE de Dieu les occultes secretz.
Et d’enquerir des haulx cieux les degrez
Ne vueilles point haulte science avoirauoir
Plus que ne doibt homme mortel savoirsauoir.
CAR PROMETEUSPROMETHEVS t’advertitaduertit de ce cas.
Qui est lié dessus le montCaucas.
Pour le hault Ciel avoirauoir voulut cercher:
Et feu celeste en ferule cacher.
A qui le cueur ronge unevne Aigle affamée:
TousjoursTousiours la playe apres le coup fermée.
Tant que la chair, qui se reforme entiere:
Donne aux tourmens suffisante matiere.
CAR PROMETHEE en Grec, c’est ProvidenceProvidēce.
Rongeant le cueur par sens d’oultrecuydance.
Et l’Aigle en Grec, a le nom, & figure
De ce que plus mange le cueur: c’est Cure.

H iiij





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120 IMAGINATION

PERVERTIZ JUGEMENSIVGEMENS.








SOUBZSOVBZ TIMOL JugeIuge, unvn debat fut prins, entre
PAN le Pasteur, & PHEBUSPHEBVS le bon chantre:
Lequel diroit meilleur chants, & plus beaux:
Phebus au Luc, & Pan aux Chalemeaux.
Chascun des deux sonna son instrument.
Phebus bien doux, & Pan bien haultement.
Le Roy MIDAS estant à l’audience:
En JugeIuge fol donna brievebrieue sentence.
Et prefera la Musete hault quinant
De Pan, au Luc de Phebus doux sonnant.
POURPOVR tel arrest, Phebus si luy feist naistre
Oreilles d’Asne: affin de le cognoistre.
Oreilles d’Asne, & dignes de la teste,
Qui jugementiugement avoitauoit donné si beste.
AINSI, Aucuns sont tant Asnes, tanttāt lourdz,
De JugementIugement tourné tant à rebours:
Que plus leur plaict la crierie vaine:
Que de prudente Eloquence la vene. Et




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POETIQUEPOETIQVE. 121
Et la mensonge, ou fabulosité,
Plus que ne faict la simple verité.
OR pleust à Dieu que tous Asnes masquez
D’oreilles d’Asne ainsi fussent marquez!
Affin que par telz signes survenuzsuruenuz,
Fussent de tous telz sotz Midas cogneuz.
Lesquelz à droict, proprement, sans scrupules
On peut nommer les renversezrenuersez Apules.
Car par dehors figure d’hommes ont:
Mais par dedans Asnes & bestes sont.

H v










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122 IMAGINATION

ADULTEREADVLTERE.








PAR Rage ardent de luxure eschaufée,
Tant fort aima la Royne Pasiphée
UnVn beau Toreau: que pour contre Nature
Se joindreioindre à luy, par l’art, & la facture
De l’ouvrierouurier ingenieux Daidal,
Enclorre feit son corps, pis que brutal
Au ventre creux d’unevne vache de bois.
Faicte au nayf, fors que sans vie, & voix.
Et par dehors, couvertecouuerte de la peau
D’unevne autre vache aimée du Toreau.
Auquel Toreau, pour son corps assembler:
Ne desdaigna vouloir vache sembler.
Oy, mais (dira quelqu’unvn) c’est unevne fable.
UneVne fable est. mais toutesfois croyable.
CAR CE TOREAUTOREAV estoit unvn Secretaire
Du Roy Minos, de la Royne Adultere.
Qu’elle receut, le cerchant pour delict, Non




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POETIQUEPOETIQVE. 123
Non du Toreau estrangier, mais du lict.
CAR Quelle forme est il, ne quelle guise,
En quoy la femme aimant ne se deguise,
Pour acomplir sa luxure maligne?
EXEMPLE en est la Dame Messaline.
Qui pour saouler sa luxure impudicque,
Se desguisoit en Lyce la publicque.
Et se tenoit en putain atournée,
En plain bourdeau à tous abandonnée.
Ainsi estoit Princesse & Emperiere:
Et quant & quant paillarde bordeliere.












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124 IMAGINATION

ETERNITE D’UNVN SEULSEVL DIEUDIEV.








ON dict ainsi qu’en la terre Arabicque,
Le seul Phenix, de tous oyseaulx uniquevnique,
Vit de mille ans unvn siecle innumerable.
De soy naissant, & de soy reparable.
Qui meurt naissant: & qui naist en mourant.
Car quand de sang n’a plus de demourant:
L’ors il se brusle aux Rayons du Soleil:
Et de son feu revientreuient à soy pareil.
LE CROYONS NOUSNOVS? ou si tenons menteurs
De Naturelle Histoire les Auteurs?
Qui tant ont prins de licences legieres
En descrivantdescriuant les choses estrangieres?
Nous le croyons: & ne disons que non.
CAR (pour le vray) soub l’histoire, & le nom
De cest Oyseau singulier du levantleuant:
Est entendu Dieu seul tousjours vivantviuant.
Dieu seul, de soy prenant commencement.
Et resolu en soy incessamment.
Qui est sans fin en essence premiere.
ToujoursTouiours naissant du feu de sa lumiere.






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POETIQUEPOETIQVE. 125

UNVN POURPOVR PLUSIEURSPLVSIEVRS.








UNVN CHEF pour tous, son corps offrir voulut.
Et gist en unvn de plusieurs le salut.
Bien le monstra l’unvn des freres Horaces
Qui seul defeit trois freres Curiaces.
Ses freres mors voyant, s’esvertuaesuertua
Tant que luy seul, les trois Gemeaux tua.
Duquel aussi la victoire, & l’honneur,
Pour tout le peuple hazardé à bon-heur:
Assubjectit les Albans, aux Romains.
Puys sa Soeur propre il tua de ses mains.
Pource que trop regrettoit son amy
Qui mort estoit, du pays ennemy.
MONSTRANT combiencōbien d’Amour est different.
De son Pays, & son propre Parent.






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126 IMAGINATION

CONTENTION DES ESTUDESESTVDES.








DEVXDEVX beaux Enfans, en pur corps, & tous nuz,
Cueillir le fruict des Palmes sont venuz.
Desquelz l’unvn monte: & aux branches se leveleue.
L’autre est à bas: à qui de monter grevegreue.
Celluy qui gist au pié: par desespoir
De parvenirparuenir dessus l’arbre povoirpouoir:
Ayde à celluy qui monte: en l’elevanteleuant
Dessus son corps, de marchepié servantseruant.
Mais celluy là qui sur l’arbre gravitgrauit:
Fruyctz savoureuzsauoureuz de la Palme il ravitrauit.
Non pour luy seul: mais aucuns en espand.
Et son second en faict participant.
CESTE Palme est des lettres la victoire.
Et de Doctrine excellente, la gloire,
Fruyct de l’estude, ou les enfans pretendent,
Qui sont bien nez: & de bon sang descendent.
Desquelz les unsvns vincuz, à leurs vinqueurs
VontVōt soubzmettantsoubzmettāt & leurs corps, & leurs cueurs. Auxquelz




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POETIQUEPOETIQVE. 127
Auxquelz aussi font part de l’abondance
Des fruictz cueilliz de L’arbre de Prudence.
En les aydant de conseil necessaire:
QuandQuād pour leurs corps, ou biens en ont affaire.
Car tous Enfans qui aux estudes vont:
Profit egal es lettres pas ne font
Ne tous à fruyct viennent en eage meure.
Mais la plus part. Par le chemin demeure.
Toutesfois ceux qui se parforceront
D’y parvenirparuenir plus haux en fin seront.
Que ceux, lesquelz n’ayans si bons espritz
S’arresteront es choses de bas pris.












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128 IMAGINATION

LA REPUBLICQUEREPVBLICQVE.








VOYEZ icy par merveilleusesmerueilleuses fins
Ces Nautonniers transmuez en Daulphins
En unevne nef prinse, & enveloppéeenueloppée
De l’hyerre, & vigne à l’entour attrappée.
Laquelle iceux voyans estre en hazard
De periller: la gouvernentgouuernent par art.
En l’advanceantaduanceant à force de ramer:
Puys tout soubdain se gectent en la mer.
Et à la fin tous Daulphins ilz deviennentdeuiennent.
Qui la navirenauire en tourmente previennentpreuiennent.
En pouppe assis est un Dieu coronné
D’unvn chapellet de pampes bien orné.
Qui en poissons faict muer ces humains.
Et l’unvn d’iceux l’adore à joinctesioinctes mains.
Sur le Tilhac, & au long des rivagesriuages Fuyantes




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POETIQUEPOETIQVE. 129
Fuyantes vont noires bestes sauvagessauuages.
MORALLEMENT ceste Image on applicq̄applicque
A figurer la bonne Republicque,
SouventSouuent en grandz affaires attachée:
D’ond ne peut estre aisement depeschée.
PREMIEREMENT l’Eglise prie Dieu
Hault resident en son celeste lieu.
Puys les Seigneurs par police civileciuile,
Sont gouvernansgouuernans tout le corps de la ville.
Lesquelz convientconuient aux hommes estre amys
Comme Daulphins, Poissons ou Dieu a mis
Amour de l’homme: & tant le Peuple aimer:
Que les Daulphins aiment hommes en mer.
C’est à savoirsauoir que le Magistrat aime
Son peuple, autant que sa lignée mesme.
Et ne doubter quelque fois se plonger.
Corps, Vie, & Biens, en eminent danger,
Pour delivrerdeliurer, par telle fortitude,
Sa Republicque hors de la ServitudeSeruitude.
Car pour l’amour des hommes se ruer
A fond: c’est bien en Daulphin se muer.
Le Peuple apres chascun en sont estat
Fait son labeur: ce que le Potestat
A ordonné: met en oeuvresoeuures, & faictz.
Et ayde donne à conduire, le faix.
Et les mauvaismauuais inhumains sont punis:
Ou dechassez de la ville, & banniz.
QUANDQVAND doncdōc de Sainctz, & vrais Adorateurs
Du treshault Dieu, & d’Administrateurs I




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130 IMAGINATION
Qui aimeront les hommes citoiens
Marchans loyaux, travaillanstrauaillans Plebeiens,
Sera la ville, ou Cité bien garnie:
L’ors s’en ira cruelle Tyrannie.












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POETIQUEPOETIQVE. 131


NEZ SOMMES NOUSNOVS: ET NON
POURPOVR NOUSNOVS.








LE possesseur d’unvn champchāp: & d’unvn jardiniardin le Sire
Emporte dens unvn plat, & le miel, & la cire
Des Rusches, & paniers. Et ce privépriué robeur
RavitRauit en peu de temps le fruyct, d’unvn grand labeur.
Le miel est faict pour l’homme, & la cire odorante
Pour rendre à Dieu honneur, en clarté adorante.
Mais l’homme tout ravitrauit des Rusches, & corbeilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
NON pour soy, mais pour tous: & pour son Sei-
gneur mesme

Le PovrePoure L’aboureur les champs laboure, & seme.
Maissonne les Fromens, & mange Orges & Seigles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles. I ij Non




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132 IMAGINATION
Non pour soy, mais pour tous, mesmementmesmemēt pour son maistre
Le JardinierIardinier, bons fruictz sur les arbres faict croistre.
D’ont ne luy reste rien, que les branches, & fueilles.
Ainsi vous, non pour vous faictes le miel AveillesAueilles
Non pour soy, mais pour tous, le gentil Pastoureau
Paist Brebis, & Mouton, ChievreChieure, Vache, ou Toreau
D’ond il n’a que le laict des Vaches, des öeїlles[sic]
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour soy, mais pour Roy, le souldard faict effroy.
Et s’il meurt c’est pour soy: s’il vinct c’est pour le Roy.
Et n’en peut rien monstrer, que cicatrices vieilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour soy, mais pour tous l’AdvocatAduocat a la voix
Et a estudié Ordonnances & Loix.
Non pour soy, mais pour toy: qui vers luy te conseilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour eux, mais pour ceux, qui se sentent malades.
Ordonnent Medecins des Recipez bien fades.
Eux ilz ne prennent rien, que jusius de vigne, ou treilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour eux, mais pour tous: les Poëtes font vers.
Composans & chantans des arguments divers.
Desquelz n’ont autre fruyct, que le vent aux oreilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour eux, mais pour tous, les gens savanssavās escriventescrivēt.
Tant pour ceux qui viendrontviendrōt: que les presens, quiviventviuent.
Et n’ont que le travailtrauail d’escrire grandz merveillesmerueilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Non pour luy, mais pour tous ceux qui en ont mestier,
TravailleTrauaille l’Artisan, chescun en son mestier, Et




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POETIQUEPOETIQVE. 133
Et non que pour servirseruir autruy festes, & veilles.
Ainsi vous, non pour vous, faictes le miel AveillesAueilles.
Somme le fruyct ne vient, la grace, ne l’honneur
Moins qu’à ceux qui en ont pris la peine, & labeur.
Mais de faire plaisir à l’homme, tant l’homme aime:
Qu’en ce monde mortel nul ne vit pour soy mesme.

I iij










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134 IMAGINATION

DESPENSE, ET GAIN.








LE LIEVRE est beste ayant double Nature
Multiplier aimant sa geniture.
En mesme temps porte, allaicte, & conçoit,
Met sur le faix: & le masle reçoit.
Ne souffrant point son ventre sans semence.
Qu’en le vuydant, l’emplir ne recommence.
EXEMPLE à tous, que qui veult bien despendredespēdre:
Il doibt aussi à bien gaigner entendre.
Tant que jamaisiamais ne s’espuise la source.
Mais qu’en vuydant il emplisse la bourse.
Et que tousjourstousiours en pourvoyantpouruoyant, pourpense
Par plus grand guain recouvrerrecouurer la despense.






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POETIQUEPOETIQVE. 135

JEUNESSEIEVNESSE PERDUEPERDVE.








LE Saulx perdant semence, & fruyct es eaux,
Qui est nourry entre ployans roseaux:
EST UNVN Enfant, que nourrit le fol Pere,
En affluence, & richesse prospere.
A celle fin qu’en mignardises folles
Coule son temps, & en delices molles.
Entre Flateurs, qui luy semblent souventsouuent
Bien estre amys. mais tournans à tout vent.
AINSI en fleur de l’eage, qui commence,
Ayant perdu la fleur, & la semence,
Par se baigner es biens, qui l’ont destruict,
Et refroidy: JamaisIamais ne faict bon fruyct.

I iiij





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136 IMAGINATION

DEFLORATION.








COMME Venus cueilloit la blanche Rose,
Qui au buysson espineux estoit close:
Sa tendre chair fut d’unevne espine attaincte.
D’on sang saillit: & la Rose en fut taincte.
Qui par avantauant blanche, en sa couleur propre,
Du sang Venus print la rougeur de Pourpre.
SEMBLABLEMENT, QuandQuād en la fleur de l’eage
Venus ravitrauit la fleur du pucellage:
En unvn pur corps, par virginité blanc:
Playe se faict: & en degoute sang.
D’ond le Bouton jusquiusqu’à l’ors gardé net,
Clos, vierge, & blanc, dedans son jardinetiardinet:
Rouge devientdeuient: & descouvredescouure sa fueille,
Taincte en coleur de la chair qui la cueille.
AINSI Rosiers sont vermeilz devenuzdeuenuz:
(Qui blancz estoient) par le sang de Venus.






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POETIQUEPOETIQVE. 137


DANSE MAL SEANTE
A L’HOMME.








LE MENESTRIER unevne Gaillarde sonne
En unvn Palaix, ou est mainte personne.
Riant, voyant au mylieu de la Sale
UnVn Singe laid, qui au son danse, & balle.
Estant vestu, & orné, ainsi comme
UnVn hommehōme vray. tanttāt qu’il semble estre unvn hommehōme.
Et tant se plaict en dansant, & ballant:
Qu’il pense bien estre homme, ou mieux valantvalāt.
Mais totesfois n’est que Singe appellé.
Qui tous fait rire, avecauec son cul pelé.
CESTE Image est d’unvn Danseur, fredonneurfredōneur,
Mal convenantconuenant à tout homme d’honneur.
Qui piedz, & cul branle au son d’unevne corde,
Ou d’unvn tuyau. & ses marches recorde
Faire venir aut poinct de la cadence.
Contre faisant ses pas selon la danse.
Car le marcher de la Danse, est unvn pas
Que mouvementmouuement Naturel n’apprent pas. I v




Fac-similé BVH

138 IMAGINATION
D’ond ce pendant qu’il prend peine inutile,
Affin de plaire à quelque folle fille:
Aux assistans il donne bien à rire,
Et à mocquer: plus qu’on ne sauroit dire.
Et tellement, que s’il venoit unvn sage,
Qui n’eust onc veu de danse, & Bal l’usagevsage:
En le voyant ainsi troter menu:
Il penseroit: qu’il fust fol devenudeuenu.












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POETIQUEPOETIQVE. 139


GOURMANDISEGOVRMANDISE, OUOV EMPOISON-
NEMENT.








COMME unvn Poisson, quand à l’haim il s’amord
CouvertCouuert d’apast: il avalleaualle sa mort.
Ainsi la Gueulle aux morseaux adonnée
Mort tropt hastivehastiue à plusieurs a donnée.
ET Comme aussi on veoit le Poisson traire
De sa propre eau, en Terre à luy contraire:
Par le Pescheur, qui le tire par force
D’apast mortel, caché dessoubz l’amorse:
AINSI Plusieurs fins volleurs d’heritages,
De Testamens Captateurs, & partages:
SouventesfoisSouuentesfois, soubz serviceseruice benin
Baillent morseaulx abrevezabreuez de venin.
Et L’air spirant la vie, en terre ilz tirent:
Ceulx la, desquelz les biens puys ilz retirent.






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140 IMAGINATION


ADMIRATION PAR L’EXCELLENCE
DES LETTRES, ET DES ARMES.








PALLAS Déesse ayant la praesidence
Dessus les faictz d’Armes, & de prudence
En son escu crystallin, (d’ond elle usevse)
Porte le chef serpentin de Meduse.
Et convertitconuertit en pierre, par tel monstre
Tous regardans: auxquelz elle le monstre.
OR A SAVOIR, en ceste pourtraicture,
De la Déesse, & en telle armature
Quel sens y a, & quelle intelligence?
DEUXDEVX choses sont sur toutes d’excellence
C’est à scavoirscauoir les LETRES, & LES ARMES,
Par qui d’honneur sont acquises les palmes.
Et dessus tout: Par les faictz de ces deux
Doctes Escriptz, & fors Gestes des Preux,
Les hommes sont tellement estonnez:
Qu’on les diroit estre en pierre tournez.






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POETIQUEPOETIQVE. 141


QUIQVI NE SE COGNOIST: EST
BESTE NON HOMME.








CE MOT du Ciel descendu, Deificque,
COGNOY Toy mesme, est aut templetēple Delphicq̄Delphicque.
Auquel, ainsi que du Ciel il procede:
Du Dieu Phebus tout autre Oracle excede.
CAR Qu’est il dict en parolle, ou sentence
A plus briefz motz: & plus grande substance?
RETOURNERETOVRNE donc (O Fille Sunamite,)
Et te cognoy, & en toy te limite.
Sans te cognoistre, en beste tu vivrasviuras:
Et le tropeau comme vache suyvrassuyuras.






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142 IMAGINATION


LES VIEUXVIEVX SOIENT SUPPORTEZSVPPORTEZ
PAR LES JEUNESIEVNES.








LE BON chevalcheual, qui a passé les picques,
Qui a vincu les Tournois Olympicques.
Quand il est vieil, & foible devenudeuenu:
Ce non-obstant il est entretenu
Par son Seigneur, qui pour passe serviceseruice
Luy faict de vie, & sejourseiour benefice.
Tant qu’il repose apres ses longz travauxtrauaux:
Porté en char par les jeunesieunes chevaulxcheuaulx.
Lequel honneur, digne de tel chevalcheual,
Feit Alexandre à son bon Bucephal.
DE combien plus Raison justeiuste admonneste,
Que bonsbōs vieillardz (qui ont leur eage honeste
Menée à fin, & mains labeurs portez)
Soient en repos des jeunesieunes confortez.






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POETIQUEPOETIQVE. 143


VICES SURVENANSSVRVENANS CHASSANT
LES VERTUSVERTVS NAYVES.








EN NOZ Espritz, Vertus blanches, & nues,
Sont de Celeste origine venues.
Mais puys apres, qu’and de la terre sortent,
Vices couverscouuers, & noirs, qui armes portent:
L’ors les vertus s’en revolentreuolent au lieu
D’ond elles sont descendues, c’est Dieu.
Car unvn contraire, à son contraire nuict.
L’unvn chassant l’autre, ainsi que jour la nuict.
CELA se faict qu’and Rage d’AvariceAuarice,
(Qui de tous maux est racine, & nourrice)
Faict que sans plus L’homme en terre regarde.
Et d’elevereleuer sa teste au Ciel le garde.






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144 IMAGINATION

L’AVARICIEUXAVARICIEVX EST POVRE.








TANTAL damné est en chatre infernelle,
A endurer faim, et soif eternelle.
Plongé en l’eau jusqueiusque à la prime levreleure,
Dextreme soif a continue fievrefieure,
Mais quand le chef enclin pour boire il baisse:
Le’au se defond: & puyser ne se laisse.
IL est aussi grande faim endurant.
Et sur son nez pend le fruyct odorant.
Qui par l’odeur l’aguise en appetit.
Mais quand il cuyde en prendre unvn bien petit:
L’Arbre se haulce: & ses branches retire.
Ainsi Tantal se tourmente en martyre.
Et malheureux, entre deux mis en vain,
Des eaux, & fruictz, meurt de soif, & de faim. Ce compte




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POETIQUEPOETIQVE. 145
CE COMPTE icy de Tantal malheureux,
Est faict de toy (Homme AvaricieuxAuaricieux)
Soubz nom changé. Qui entre tes richesses
As faim, & soif, & ne t’en fais largesses.
Et si ne sais quel usagevsage a l’argent.
Mais en grandz biens vis povrepoure, & indigent.

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146 IMAGINATION

SUYCTESVYCTE D’AMOURAMOVR.








EN BEAUBEAV regard, en face de lyesse,
Sur cest autel est Venus la Déesse.
AvecAuec son filz Cupidon, l’Enfant beau.
Portant son Arc, ses Traictz, & son flambeau.
A ses piedz sont deux colombz, non volans,
Mais bec à bec s’entrebaiser voulans.
Et derriere elle, est unvn gemissant Cygne.
Qui de sa mort prochaine faict le signe.
DE LUXURELVXVRE est ceste Image evidenteeuidente.
Qui brusle au feu d’affection ardente.
Et poingt le cueur.Puys du corps approchant,
Cerche à baiser, main, & bouche touchant.
Et quand en jeuieu les baisers sont venuz:
Apres se faict l’office de Venus.
Puys en dernier s’ensuyct unvn repentir
En gemissant, par Mort plus pres sentir. Images




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POETIQUEPOETIQVE. 147
IMAGES Donc sur ces autelz sacrez,
Monstrent d’Amours les mysteres secretz.
L’affection, Poincture, & Accointance.
Baiser, Toucher, le Faict, la Repentance.

K ij










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841148 IMAGINATION


VENGENCE DE TYRANNIE AFFECTEE,
ou
DIEUDIEV RESISTE AUXAVX ORGUEILLEVXORGVEILLEVX.








VOYEZ icy SALMON Roy orgueilleux,
Tué par fouldre, à unvn coup merveilleuxmerueilleux.
Digne de telle amende comparer:
Pour s’estre à Dieu volu equiparer!
O l’arrogant! Qui sur unvn pont de cuyvrecuyure,
AvecAuec chevauxcheuaux bruyans, pensoit ensuyvreensuyure
De JupiterIupiter la fouldre inimitable.
Donc’ quand mourant, la fouldre veritable
(Que contrefaire avoitauoit volu) sentit:
Ces motz il dist, ou tard se repentit.
GARDEZ vous bienbiē (ô vous HommesHōmes mortelz)
Cuyder sembler: & vous estimer telz,
Que le grand Dieu JupiterIupiter, en tonnant:
Et grandes paours à voz subjectzsubiectz donnant.
GARDEZ vous bien suyvresuyure des plus puissans
Les faictz doubtez, & les dictz menassans.
CAR JugementIugement de Dieu, l’homme mene à ce:
Qu’il souffre en soy ce qu’à autruy menace.






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POETIQUEPOETIQVE. 149


RETOURRETOVR DE BESTISE, A RAISON, ou
RECOGNOISSANCE DE SOY.

L’HOMME,Comme il fut constitué en honneur:
il ne l’entendit pas: & fut comparé aux Bestes.








NATURENATVRE Humaine en honneur establie,
Et dessus tous animaux anoblie,
Ne recogneut son bien, ne l’entendit.
Mais vers la terre encline se rendit.
D’ond elle fut à unvn Boeuf comparée.
Mais puys apres qu’elle se fut mirée
En sa fontaine: elle vit, & cogneut
Son chef cornu: & grand honte elle en eut.
D’ond plus en terre abaisser luy grevagreua.
Et se dressant la face au ciel levaleua.
Ou elle vit: & cogneut en lumiere
Dieu, & Raison. L’ors sa forme premiere
De Dieu l’Image à elle fut rendue.
Par Bestiale ignorance perdue.

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150 IMAGINATION

SOCIETE, ou COMPAIGNIE.








UNVN JOURIOVR certain, des Ruysseaux cinq ou six
S’estoient trouveztrouuez, soubz unvn roc hault assis.
Qui tous estoient deliberez d’aller
Au pays bas: & en mer devallerdeualler.
Le conseil prins: fut dict que bon leur semble:
D’aller en mer accompaignez ensemble.
Pour visiter Ocean leur grand Pere
En belle bande allans vers son repaire.
Pour estantz joinctzioinctz, avoirauoir plus de valeur.
Et n’estre point tariz par la chaleur.
Ainsi meslans en unvn Canal leurs eaux
UnVn FleuveFleuue grand feirent tous ces Ruysseaux.
Qui navigablenauigable estoit: & qui suffire
PovoitPouoit assez à porter la NavireNauire.
Mais unvn tout seul les autres desdaigna.
Tant qu’avecauec eux point ne s’accompaigna.
Ains resta seul en son Lac demourant A chef




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POETIQUEPOETIQVE. 151
A chef enclin sur ses genoux plourant:
D’ond ne voulant ses membres oultre estendreestēdre:
Il ne peut pas à l’Ocean descendre.
Et qui plus est de larmes tant saillit
De ses deux yeulx: que son humeur faillit.
Et demoura en sable, tout à sec.
Luy, & sa source, & sa Fontaine avecauec.
CEST EXEMPLE est pour les petitz marchansmarchās.
Qui vont par mer les richesses cerchans:
Que refuser ne doibventdoibuent compaignie:
Pour bourse avoirauoir plus pleine, & mieux garnie.
Et ne vouloir de nul se soucier.
Mais voluntiers d’autres s’associer.
Pour n’estre mis si tost à Banque-Route.
Ainsi exercer commerce en sorte toute.
Car quand chescun par soy peut peu, ou rien:
Plusieurs ensemble accompaignez font bien.

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152 IMAGINATION


SOUVERAINESOVVERAINE IMPIETE.
SANS DIEUDIEV, SANS PERE.








EN CEST Image, est unvn sage Astrologue
Et unvn Enfant Bastard, qui l’interrogue
A savoirsauoir mon, de quel Pere il est filz?
Et l’Astrologue en hault les yeux affix
(En luy monstrant d’unevne part le Soleil:
Et d’autrepart en terre unvn homme vieil:
Celluy (dict il) de ton ame est Auteur,
Et cestuy cy de ton corps geniteur.
L’ors le Bastard respond, par grand courroux
RIEN n’est A NOUSNOVS, ce qui est dessus nous.
Et ay (desdain: Je Beau JeuneIeune, & Gaillard,)
Estre engendré d’unvn si meschant vieillard.
O IMPIETÉ! ô indigne de naistre,
Qui ne veult Dieu, ne son Pere cognoistre.






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POETIQUEPOETIQVE. 153


SANS CERES & BACCHUSBACCHVS VENUSVENVS
EST FROIDE.








SURSVR cest autel est Venus bien posée
Entre aultres deux, ainsi qu’unevne espousée,
AvecAuec Amour elle estant au mylieu.
D’unvn des costez est Bacchus, des vins Dieu.
D’autre Ceres, la Déesse des bledz.
Et sont ces quatre en unvn temple assemblez.
Bacchus ses mains, son chef de raisins orne.
Et Ceres tient d’Amalthée la corne.
Qui de tous bien affluente est tenue.
SIGNE que là Venus est bien venue:
Ou vin y a: & vivreviure en abondance
Pource qu’apres la Panse vient la Danse.
Et que le ventre escume en Paillardise,
A l’ors qu’il boult de vin & friandise.
Car sans manger & boire, l’amour fasche.
Sans pain, & vin: Venus est froide & lasche.

k v





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154 IMAGINATION


LA VIE DE L’HOMME SURSVR TERRE
(COMME DIT JOBIOB) C’EST
UNEVNE GUERREGVERRE.








DEUXDEVX CHEVALIERS armez courent la lancelāce
En unvn plain champ pour preuvepreuue de vaillance.
DevantDeuant la face, & MajestéMaiesté du Roy.
Et du combat est escripte la Loy
Sur unvn Perron, par semblable teneur.
GLOIRE au vinqueur: au vincu deshonneur.
Le Roy qui a le combat proposé:
Les veoit, & jugeiuge, en son hault lieu posé.
OR ENTENDEZ que cela signifie.
GUERREGVERRE (dict JobIob) est ceste humaine vie.
Dieu est le Roy de lassus regardant.
Peine au vincu, Pris au vinqueur gardant.
De ce combat, la Loy escripte, est mise
En l’EvangileEuangile, & Tables de Moyse.
Et le plain champ, est ce Mondain pourpris
Ou courent tous: MAIS UNVN SEULSEVL A LE PRIS.






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POETIQUEPOETIQVE. 155


DE CHARLES D’AUSTRICHEAVSTRICHE
EMPEREVR V.








CHARLES caesar Empereur Roy d’Hespaigne
A Seigneurie à JupiterIupiter compaigne.
Tant que tous deux semblent, par bon advisaduis
Ensemble avoirauoir tout le Monde divisdiuis.
JupiterIupiter est regnant au ciel Empyre.
Charles Caesar de terre tient l’Empire.
L’unvn faict de Dieux, l’autre d’hommeshōmes la guerre.
L’unvn tient le Ciel: & l’autre tient la Terre.
MerveilleMerueille n’est s’il a gloire evidenteeuidente:
Car Mars le fort: & Pallas la prudente,
Donnent support, & ayde à telles mains.
Pour maintenir l’Empire des Rommains.
Bien peu dehors force d’armes est bonne:
Si par dedans le bon conseil n’ordonne.
Charles le Quint magnanime, & prudent
En tous les deux est tout autre excedent.
Affin que soit soubstenu, par ces ars
De Sapience, & Force, des Caesars.




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156 IMAGINATION
L’honneur, L’empire, es terres subsolaires:
Comme sur deux Colomnes Herculanes.
Et n’est encor’ la fin. Car soubz conduycte
De la vertu Fortune prendra fuycte.
Et poursuyvrapoursuyura PLUSPLVS OULTREOVLTRE sa quarriere.
S’il n’est contrainct retourner plus arriere
Par le croissant qui croist, tant QUEQVE DUDV MONDE.
IL AYT EMPLY OUOV DUDV TOUTTOVT LA SPHAIRE RONDE.












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POETIQUEPOETIQVE. 157


ACCESSOIRE D’aucunes choses
memorables. AdvenuesAduenues à Lyon.


L’adventureaduenture ruineuse de la maison du Pucellet à Lyon,
trebuschée sur trois JeunesIeunes gentilz hommes. Monsieur
de Cercy, Corberon, & de Senecey. & plusieur
autres JeansIeans logez.


MAL TOUSJOURSTOVSIOVRS PREST.
AINIGME.


Dedans le corps d’unvn Lyon merveilleuxmerueilleux
Trois Adonis (unvn pourceau perilleux)
Tua sans dent, & sans les avoirauoir mords
Qui enterrez furent plustost que morts.


SURSVR LE MESME CAS. TRANSLATION
DE VERS LATINS.


UneVne nuict, en unvn lict couchez ensemble estoientestoiēt
Trois jeunesieunes gentilzgētilz hommeshōmes de noblesse premiere
Les deux, qui dormiroit au milieux, debatoient.
Sur unvn livreliure le tiers veilloit avecauec lumiere
Bruyct se faict, la maison tombetōbe en rude maniere
Et mesme sort, nuict, mort ces trois hommes
encombre.

Mil cinq censcēs quarantequarāte ans tourné avoitauoit en nombrenōbre
Le tempstēps, quand à Lyon telle ruine advintaduint.
Leurs noms furent Cercy, Corberon, Senecey.
CommeCōme unvn mesme malheur, mesme tumbeautūbeau convitcōuit
S’ilz ont mesme maison an ciel? de ce ne sçay.

Ainsi soit.






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158 IMAGINATION


HISTOIRE DE MERVEILLEUSEMERVEILLEVSE
adventureaduenture AvenueAuenue à Lyon le troisiesme
jouriour de FebvrierFeburier. 1552.


L’an mil cinq cens Cinquante deux en nombre
Dedans unvn puy, soubz la terrienne ombre
UnVn puysaillier de soixante ans, bonhomme
De son estat, (Francois Peloux se nomme)
En ses vieux joursiours pour deux fois estre né
Est de sa mere au ventre retourné,
Ou avantauant mort tout vif s’est enterré
Sa fosse ha faicte, & soy dedans serré
Ou par sept joursiours, & par sept nuictz demourant
Sans past: n’ha point esté de faim mourant.
Mais ha vescu autant que nous lisons
De Daniel en la fosse aux Lyons.
Sa vie hayant d’unevne eau entretenue
Qui retournoit d ond elle estoit venue.
Car par defaut d avoirauoir autre liqueur
De son urine il confortoit son cueur.
Puis sain & sauf, est sorty de ce lieu.
S’estant voué au grand sainct, qui est Dieu,
Qui la gardé soubz terre de mourir,
Et qui l ha peu sans viande nourrir:
Monstrant qu’il peut de rien vivifierviuifier
Ceux qui en luy se saventsauent bien fier.
Ce cas advintaduint à ce povre chrestian
Dedans Lyon, au mont sainct Sebastian E i




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POETIQUEPOETIQVE. 159
En la maison de Loys D’heirieux,
Qui par espoir fidele & curieux
De faire au vif enterré allegence
Feit vuyder terre à grande diligence,
Tant que sept joursiours & sept nuictz puys apres
Fut trouvétrouué vif de mort plus loing que pres
Sain & joyeuxioyeux, habile, & prest à boire.
De son salut rendant à Dieu la gloire.
Sur ce requis comme il estoit venu
De cest enfer, ou tout est retenu.
Pource (dist il) Car tant que jeie la fus
Rien ne me vit manger Ascalaphus.
Au mesme temps & au mesme logis
Ou demouroit le dessus dict Loys
Nasquit en vie une monstreuse beste
Ayant huict piedz, deux corps, & unevne teste
D’ond l’unvn des corps estoit masle en Nature
Et l’autre estoit femelle creature.
Qui s’embrassant en unvn chef s’assembloyent,
Tant que baiser par amour se sembloyent,
Et tout cela praesagit, & recorde
Garde de vie abundance, & concorde.
Ainsi croit on que tel cas signifie.
Tout signe est bon à qui en Dieu se fie.
Cil qui ha veu les faictz le personnage
En ha escript ces vers pour tesmoinage.


B.Barthélemy ANEAUANEAV.






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IMPRIME
PAR MACE BONHOMME
A LYON.

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Centre d'Études Supérieures de la Renaissance
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Première publication : 22/09/2016