Comment Grandgousier con-
gneut l’esperitlesperit merveilleux
de Gargantua a l’inven-
tion
linven-
tion
d’undun torchecul.
Chapi. xiij.

E iiij
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[36v]


SUs la fin de la quinte annee Grand
gousier retournant de la defaicte
des Ganarriens visita son filz Gar
gantua. La fut resjouy, comme un tel pe
re povoit estre voyant un sien tel enfant.
Et le baisant & accollant l’interrogeoytlinterrogeoyt
de petitz propos pueriles en diverses sor
tes. Et beut d’autantdautant avecques luy & ses
gouvernantes: esquelles par grand soing
demandoit entre aultres cas, si elles l’ala
voyent tenu blanc & nect? A ce Gargan-
tua feist response, qu’ilquil y avoit donné tel
ordre, qu’enquen tout le pays n’estoitnestoit guarson
plus nect que luy. Comment cela? dist
Grandgousier.


J’ayJay (respondit Gargantua) par lon
gue & curieuse experience inventé un mo
yen de me torcher le cul, le plus seigneu
rial, le plus excellent, le plus expedient
que jamais feut veu. Quel? dict Grand-
gousier. Comme vous le raconteray (dist
Gargantua) presentement. Je me tor-
chay une foys d’undun cachelet de velours
de une damoiselle: & le trouvay bon: car
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Fu.37.
la mollice de sa soye me causoit au fon
dement une volupte bien grande.


Une aultre foys d’undun chapron d’ycel
les
dycel
les
& feut de mesmes.


Une aultre foys d’undun cachecoul, une
aultre foys des aureillettes de satin cra
moysi: mais la dorure d’undun tas de sphe-
res de merde qui y estoient m’escorcherentmescorcherent
tout le derriere, que le feu sainct Antoine
arde le boyau cullier de l’orfebvrelorfebvre qui les
feist: & de la damoiselle, que les portoit.


Ce mal passa me torchant d’undun bon
net de paige bien emplume a la Souice


Puis fiantant derriere un buisson,
trouvay un chat de Mars, d’icelluydicelluy me
torchay, mais ses gryphes me exulce-
rerent tout le perinee.


De ce me gueryz au lendemain me tor
chant des guands de ma mere bien par
fumez de maujoin.


Puis me torchay de Saulge, de Fe-
noil, de Aneth, de Marjolaine, de roses,
de fueilles de Courles, de Choulx, de
Bettes, de Pampre, de Guymaulves, E v
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[37v]
de Verbasce (qui est escarlatte de cul)
de Lactues, & de fueilles de Espinards.
Le tout me feist grand bien a ma jambe
de Mercuriale, de Persiguire, de Or-
ties, de Consolde: mais j’enjen eu la cacque
sangue de Lombard. Dont feu gary me
torchant de ma braguette.


Puis me torchay aux linceux, a la
couverture, aux rideaulx, d’undun coissin,
d’undun tapiz, d’undun verd, d’unedune mappe, d’unedune
serviette, d’undun mouschenez, d’undun peigno-
uoir. En tout je trouvay de plaisir plus
que ne ont les roigneux quand on les
estrille.


Voyre mais (dist Grandgousier) le-
quel torchecul trouvas tu meilleu[sic]? Je y
estois (dist Gargantua) & bien toust en
scaurez le tu autem. Je me torchay de foin
de paille, de bauduffe, de bourre, de lai-
ne, de papier: Mais
Tousjours laisse aux couillons esmorche
Qui son hord cul de papier torche.


Quoy? dist Grandgousier, mon petit
couillon, as tu prins au pot? Veu que tu
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Fu.38.
rimes desja? Ouy dea (respondit Gar-
gantua) mon roy je rime tant & plus: &
en rimant souvent m’enrimemenrime. Escoutez
que dict nostre retraict au[sic] fianteurs,


Chiart
Foirart
Petard
Brenous
Ton lard
Chappart
S’espartSespart
Sus nous.
Hordous
Merdous
Esgous
Le feu de sainct Antoine te ard:
Sy tous
Tes trous
Esclous
Tu ne torche avant ton depart.


En voulez vous dadventaige? Ouy
dea, respondit Grandgousier. Adoncq
dist Gargantua.


Rondeau,


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[38v]


En chiant l’aultrelaultre hyer senty
La guabelle que a mon cul doibs,
L’odeurLodeur feut aultre que cuydois:
J’enJen feuz du tout empuanty.


O si quelcun eust consenty
M’amenerMamener une que attendoys.

En chiant.


Car je luy eusse assimenty
Son trou d’urinedurine, a mon lourdoys,
Ce pendant eust avec ses doigtz
Mon trou de merde guarenty.

En chiant.


Or dictes maintenant que je n’yny scay
rien, Par la mer de je ne les ay faict mie,
Mais les oyant reciter a dame grand
que voyez cy les ay retenu en la gibbe-
siere de ma memoire.


Retournons (dist Grandgousier) a
nostre propos. Quel? (dist Gargantua)
Chier? Non, dist Grandgousier. Mais
torcher le cul. Mais? (dist Gargantua)
voulez vous payer un bussart de vin Bre
ton, si je vous foys quinault en ce pro-
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Fu.39.
pos? Ouy vrayment, dist Grandgousier.


Il n’estnest, dist Gargantua, poinct be-
soing torcher cul, sinon qu’ilquil y ayt ordu-
re. Ordure n’yny peut estre, si on n’ana chié:
chier doncques nous fault davant que
le cul torcher. O (dist Grandgousier)
que tu as bon sens petit guarsonnet.
Ces premiers jours je te feray passer
docteur en gaie science par Dieu, car
tu as de raison plus que d’aagedaage.


Or poursuiz ce propos torcheculatif
je t’enten prie: Et par ma barbe pour un
bussart tu auras soixante pippes, J’en-
tends
Jen-
tends
de ce bon vin Breton, lequel poinct
ne croist en Bretaigne, Mais en ce bon
pays de Verron.


Je me torchay apres (dist Gargan-
tua) d’undun courverchiefcouvrechief, d’undun aureiller, d’udu
gne pantophle, d’ugnedugne gibbessiere, d’undun
panier. Mais o le mal plaisant torche
cul. Puis d’undun chappeau. Et notez que
des chappeaulx les uns sont ras, les
aultres a poil, les aultres veloutez, les
aultres taffetassez, les aultres satinizez
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[39v]
Le meilleur de tous est celluy de poil.
Car il faict tresbonne abstersion de la
matiere fecale.


Puis me torchay d’unedune poulle, d’undun
coq, d’undun poulet, de la peau d’undun veau,
d’undun lievre, d’undun pigeon, d’undun cormora,
d’undun sac d’advocatdadvocat, d’unedune barbute, d’unedune
coyphe, d’undun levureleurre.


Mais concluent je dys & maintiens, qu’ilquil
n’yny a tel torchecul que d’undun oyzon
bien dumeté, pourveu qu’onquon luy tienne la
teste entre les jambes. Et m’enmen croyez sus
mon honneur. Car vous sentez au trou
du cul une volupte mirificque, tant par
la doulceur d’icelluydicelluy dumet, que par la
chaleur temperee de l’oizonloizon, laquelle faci-
lement est communicquee au boyau cu-
lier & aultres intestines, jusques a venir
a la region du cueur & du cerveau. Et ne
pensez que la beatitude des Heroes & se-
midieux qui sont par les champs Elysiens
soit en leur Asphodele ou Ambrosie, ou
Nectar, comme disent ces vieilles ycy. El
le est (scelon mon opinion) en ce qu’ilzquilz se
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Fu.40.
torchent le cul d’undun oyzon. Et telle est l’o
pinion
lo
pinion
de maistre Jehan D’escosseDescosse.

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Première publication : 22/07/2011